BAILLIAGE DE MANTES CAHIER DES POUVOIRS ET INSTRUCTIONS DU DÉPUTÉ DE L’ORDRE DU CLERGÉ DES BAILLIAGES DE MANTES ET MEULAN, Remis à M. le curé de F lins, élu député aux prochains Etats généraux , par l'ordre du clergé des bailliages de Mantes et Meulan, le 23 mars 1789 (t). Pénétrés de reconnaissance pour les sentiments paternels dont le Roi nous a donné des témoignages si touchants dans le préambule du règlement fait pour l’exécution des lettres de convocation des Etats généraux, nous n’avons pas cru pouvoir y répondre d’une manière plus conforme à ses intentions, qu’en lui ouvrant nos cœurs sur tous les objets qui intéressent le bien de l’Etat, l’avantage de ses sujets et sa félicité personnelle. C’est pourquoi nous allons déposer aux pieds de son trône nos actions de grâce et nos très-respectueuses remontrances. Nous déclarons, avant tout, que le gouverfie-| ment monarchique étant la constitution inébran-! labié de la nation, la plus propre à sa tranquillité ; intérieure et à sa sûreté au dehors, la plus convenable à l’étendue de ses provinces, la plus conforme au caractère de ses peuples, qui, dans tous les temps, se sont distingués par leur amour et leur attachement pour leur souverain, le clergé des bailliages de Mantes et Meulan ne pourra jamais se prêter à rien de ce qui pourrait tendre à altérer la forme de ce gouvernement. Il y est attaché par les devoirs les plus sacrés de l’obéissance, par les liens d’une inviolable fidélité, par l’amour et le respect pour ses maîtres, et par le bonheur de leur être soumis. Après cette déclaration qui est comme notre profession de foi sur l’essence de la constitution française, nous allons parcourir les différents objets qui feront la matière des délibérations des Etats généraux : 1° La religion, ses ministres, et les biens ecclésiastiques ; 2° La constitution de l’Etat, qui comprendra les Etats généraux et les impôts; 3° L’administration, qui comprendra l’admînis-ration de l’Etat et l’administration de la justice; 4° Les abus à réformer ; 5° Les demandes particulières et locales. RELIGION. 1° Conserver dans son intégrité le précieux dépôt de la religion, qui est spécialement confié aux ministres de l’Eglise, et rejeter tout ce qui pourrait y donner atteinte, ainsi qu’à la solennité et à la décence du culte public, qui doit être exclusi-j veinent réservé, dans toute l’étendue du royaume, ! à Ja religion catholique, apostolique et romaine. ! 2° Supplier le Roi très-humblement d’accorder 1 (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé do la Bibliothèque du Sénat. à l’Eglise de France la tenue des conciles provinciaux, à l’effet de rétablir et entretenir, dans toute sa vigueur, la discipline ecclésiastique ; de manière que la convocation desdits conciles puisse se faire sans longs délais, et selon les besoins de chaque province, et que dans les conciles l’ordre des curés y soit représenté en nombre suffisant, ainsi que les ordres religieux ; comme aussi dans les assemblées générales et particulières du clergé, si elles continuaient à avoir lieu.» 3° Supplier pareillement Sa Majesté de maintenir l’exécution de toutes les lois et ordonnances reçues dans le royaume, et qui forment le droit public , ecclésiastique et canonique, et que les rois, ses augustes prédécesseurs, ont marqués du sceau de leur autorité. 4° Le clergé, pénétré d’une douleur profonde à la vue du dépérissement de la religion et des mœurs dans tout le royaume, adresse à Sa Majesté les plus humbles et les plus vives représentations sur la cause funeste et trop connue de ce renversement déplorable de tous les principes, qui provient évidemment de la multitude scandaleuse des ouvrages où règne l’esprit de libertinage, d’incrédulité et d’indépendance, où l’on attaque avec une égale audace la foi, la pudeur, la raison, le trône et l’autel : livres impies et corrupteurs, répandus de toutes parts, avec la profusion et la licence la plus révoltante, auxquels on ne peut opposer trop promptement les digues les plus fortes. 5° Demander une loi qui, en renouvelant les anciennes, proscrive d’une manière efficace cette foule d’écrits qui se répandent de tous côtés contre la religion, en sorte que son exécution ne se borne pas à une simple formalité judiciaire, mais qu’il soit fait une information sérieuse et suivie contre les auteurs, imprimeurs et colporteurs, et qu’il soit prononcé contre eux une peine plutôt infamante qu’afflictive , dans la proportion du délit. 6* Que cette loi s’étende à tous les écrits licencieux et obscènes qui corrompent les mœurs de la jeunesse, qui souvent entretiennent la corruption, et en infectent l’âge le plus avancé. 7° Que la même loi proscrive ces peintures, ces gravures lascives qui corrompent le cœur par les yeux. 8° Il serait à souhaiter qu'il fût établi, surtout dans la capitale, un comité ecclésiastique (par exemple, la faculté de théologie), chargé de veiller à l’exécution de ces lois, et autorisé à dénoncer légalement ces sortes d’ouvrages au ministère public, après les avoir examinés, en avoir analysé les erreurs et les avoir combattus par une réfutation sommaire ; que, sur cette dénonciation, le ministère public lût tenu d’en faire son rapport au tribunal qui en doit connaître. 9° Une des causes de l’affaiblissement de la religion et des mœurs est la violation des lois divines et humaines qui prescrivent la sanctification des dimanches et des fêtes. Les marchés, foires et autres assemblées, pendant ces saints [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Mantes.] gfjQ jours, éloignent les fidèles de leurs paroisses, en sorte que, dans les campagnes surtout, où réside la plus grande et la moins instruite portion de la nation, les églises sont désertes, et que, dans ces jours destinés à l’instruction, le zèle des pasteurs se trouve presque sans exercice. 10° Supplier le Roi de renouveler toutes les lois qui ordonnent la sanctification des fêtes et dimanches, par la suppression des marchés, foires et autres assemblées dans ces saints jours ; d’ordonner que tout ouvrage manuel et lucratif, que tout charroi particulier, soit dans le même lieu, soit de paroisse à paroisse circonvoisine, excepté le cas dfune véritable nécessité, seront rigoureusement proscrits ; qu'une nécessité réelle ët pressante sera le seul motif de la permission qui sera accordée, par écrit, par le magistrat de police, et que, dans le cas d’infraction de la loi, la sentence qui interviendra sera publiée à haute voix dans le lieu où le délit aura été commis. 11° D’ordonner encore que les cabarets seront fermés pendant tout le temps que durera l’office divin, et qu’aucun cabaretier ne pourra recevoir personne chez lui, pour y boire, après le soleil couché. 12° Que la même loi s’étendra sur les maisons consacrées aux jeux publics, parce qu’elles occasionnent les mêmes désordres. 13° Les maux dont nous sommes les témoins, et qui menacent encore les générations futures, nous portent à demander avec instance, pour la conservation de la religion et des mœurs, à Sa Majesté, de prendre des mesures efficaces pour rendre à l’éducation publique l’état et l’utilité dont elle est déchue. Plusieurs des principaux établissements n’existent plus; ces sources les plus précieuses se sont presque taries de nos jours, et on y a substitué, dans la plupart des villes où elles procuraient tant d’avantages, que des institutions obscures et privées, faibles, éphémères et souvent suspectes. 14° Le Roi sera donc très-humblement supplié de vouloir bien ordonner qu’il sera établi, dans le chef-lieu de chaque bailliage principal, un collège où l’on enseignera les humanités ; pour la dotation duquel seront réunis des bénéfices simples, qui se trouveront dans le ressort, ou seront employés d’autres moyens arrêtés par les Etats généraux. 15° Dans les mêmes vues de répandre la lumière de tous côtés, et d’avancer les progrès de la religion et des mœurs, il sera pourvu à ce qu’il v ait, dans chaque paroisse de cent feux, un maître et une maîtresse d’école, sous l’inspection du curé, destinés à montrer à lire aux enfants de l’un et de l’autre sexe, qui seront toujours séparés les uns des autres, aies instruire des éléments de la religion, et à veiller soigneusement sur leur conduite. 16° Le maître d’école sera toujours le clerc du curé, et ne pourra être installé dans cette place que de son aveu, ainsi que la maîtresse d’école ; ou même que de son choix, lorsque personne ne pourra exciper d’un titre qui lui donne le droit de nommer à ces places. 17° Les honoraires de ces places, lorsqu’il n’y aura point de fondations, seront pris sur les biens des bénéfices simples réunis aux collèges, ou sur tous les autres fonds indiqués par les Etats généraux. 18° Il serait à souhaiter qu’on pût établir, dans chaque paroisse, un bureau de charité qui serait administré par le curé et un certain nombre d’habitants choisis par la paroisse, et que les fonds destinés û cet établissement utile fussent pris sur les revenus des bénéfices simples supprimés, et que les mêmes fonds pussent servir aux honoraires d’un chirurgien dans chaque arrondissement, pour traiter gratuitement les pauvres de la campagne, et d’une sage-femme qui aurait fait son cours d’accouchement. 19° Le clergé sollicite de la bonté et de la piété du Roi, une protection particulière pour les ordres religieux de l’un et de l’autre sexe qui subsistent dans le royaume, sous les heureux auspices de sa faveur et de son autorité. Il espère voir fleurir et se vivifier de plus en plus ces saints instituts utiles à la religion, au bien de l’Etat, aux familles indigentes et à la subsistance surtout des pauvres de la campagne. MINISTRES DE LA RELIGION ET BIENS ECCLÉSIASTIQUES. 1° Le premier abus contre lequel réclament la religion et la raison, c’est cette multiplicité de bénéfices considérables rassemblés sur la tête d’un petit nombre d’ecclésiastiques, dont l’inutilité est peut-être le moindre défaut, abus criant, puisqu’il est une injustice envers tant de ministres utiles qui portent le poids de la chaleur et du jour, sans avoir môme l’espérance de partager les biens qui, dans la vérité cependant, doivent être regardés comme le patrimoine de tous ceux qui exercent les fonctions du saint ministère. 2° Le Roi sera donc très-humblement supplié de refuser sa nomination à un bénéfice à toute personne ecclésiastique qui en sera pourvu d’un autre, à moins qu’il n’en fasse préalablement la démission, sous peine d’être exposé au dévolu, pour cause d’incompatibilité. 3° Sa Majesté sera suppliée d’imposer la même obligation à tous les amateurs ecclésiastiques ou laïques de son royaume. 4° Gomme les bénéfices à charge d’âmes imposent des obligations personnelles et continuelles, Sa Majesté sera suppliée d’ordonner, sous peine d’une privation de fruits proportionnelle au temps de l’absence, à tous archevêques, évêques, curés et autres bénéficiers semblables, de résider dans le lieu.de leur bénéfice, sans pouvoir s’absenter un temps considérable, et sans avoir justifié des raisons qui pourraient autoriser leur absence. 5° Etant dans l’ordre que les évêques visitent chaque année leurs diocèses, ou au moins une partie considérable, pour y porter l’exemple de leurs vertus, y rétablir la paix, et s’instruire de la conduite de ceux qu’ils doivent regarder comme leurs coopérateurs, le Roi sera supplié de réduire tous les archevêchés et évêchés à quatre cents paroisses, et d’en établir de nouveaux dans les lieux où le démembrement de deux ou trois autres présentera la facilité d’en former un. 6° En protégeant les religieux rentés, on doit prendre les moyens de les rendre plus utiles aux lettres, aux sciences et à l’éducation publique. G’est pourquoi le Roi sera supplié d’ordonner que, dans les communautés régulières, il sera établi des collèges en pensionnats, pour instruire la jeunesse. Les membres de ces maisons qui annonceront des talents pour les lettres, et surtout pour les sciences ecclésiastiques, seront excités à s’y livrer, dans la vue de se rendre utiles à l’Eglise et à l’Etat. 7° Dans les maisons dont les revenus excèdent de beaucoup les besoins des membres qui les composent, on pourrait y établir un certain nombre de lits pour les indigents de la campagne qui seraient attaqués de maladies dangereuses, et qui ($4 (fttit* («n. ITM. efthkrs.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliag* d. Mantw.J trouveraient dans la charité de ces solitaires des remèdes à leurs maux et les secours consolants de la religion. 88 Gomme la charité publique envers les religieux mendiants se refroidit de jour en jour, et que ce refroidissement les expose ou à des refus humiliants, ou à recevoir des aumônes assaisonnées de paroles plus humiliantes encore, et que d’ailleurs leur nombre diminue beaucoup, il sera demandé qu’on les fasse refluer dans quelques-unes de leurs maisons, et qu’on vende les terrains qu'ils abandonneront, pour leur en constituer des rentes et les exempter d’une mendicité qui entraîne après elle des inconvénients et quelquefois des scandales. 9* Mais attendu que cette dispersion des religieux mendiants enlèvera aux paroisses une multitude de prêtres auxiliaires qui remplaçaient les cureSj ou qui les aidaient dans leurs fonctions, le Roi sera supplié d’ordonner que, dans les lieux ou il n’y aura point de religieux mendiants, les religieux rentés seront strictement obligés de choisir parmi eux un certain nombre de religieux prêtres, pour aider les curés infirmes, malades, ou pour les représenter, lorsqu’ils seront néces-saiiement forces de s’absenter, et que les services qu’ils leur rendront seront purement gratuits. 10° Les Etats généraux seront priés de prendre en considération la réclamation des religieux ou chanoines réguliers supprimés, et qüi vivent dans le monde, par laquelle ils demandent un état civil, sans cependant que cette nouvelle existence puisse avoir aucun effet rétroactif. CURÉS ET VICAIRES. ; 1° Toutes les voix s’élèvent depuis longtemps contre la modicité du revenu des curés à portion congrue, et même de plusieurs curés dont les honoraires ne consistent que dans une modique distraction de la dîme qui leur est accordée à litre de gros. Ces hommes, consacrés à tout ce que le ministère a de plus pénible, sont encore réduits à une subsistance précaire, et joignent à ce malheur celui de ne pouvoir venir au secours des indigents qui réclament leur charité dans leurs fréquents besoins. 2° Il est donc nécessaire que le Roi, sur les humbles supplications des Etats généraux, fixe d’une manière invariable le sort de cette portion la plus utile du clergé de France, dans laquelle doivent être compris les desservants des annexes, qui ont les mêmes devoirs à remplir et les mêmes charges à supporter. 3° Sa Majesté sera donc suppliée d’ordonner que le revenu des curés produira, depuis 1,500 livres jusqu’à 2,400 livres, soit dans les villes, soit dans les campagnes, en mettant une proportion entre le revenu et les charges, et surtout la multitude des pauvres. 4° Que toute paroisse ayant plus de cent feux sera autorisée à demander un vicaire. 5° Que la portion congrue des vicaires montera à 750 livres. 6° il serait à souhaiter que les dîmes retournassent à leur première destination, et qu’établies dans leur origine pour la subsistance des curés et de leurs coopérateurs, elles fussent encore appliquées au môme usage ; mais comme on ne peut pas espérer qu’un changement aussi considérable puisse s’opérer tout à coup, le Roi au moins sera supplié d’ordonner la suppression de tous les bénéfices simples non consistoriaux, et que leur revenu soit employé à augmenter jus-I qu’à la somme de 1,500 livres les honoraires, tant j des curés à portion Congrue que des curés qui ne perçoivent qu’un gros, ou même de ceux à qui la totalité des dîmes ne produirait pas cette somme. 7° Que les mêmes fonds soient employés à fournir la portion congrue des vicaires. 8° 11 serait' encore à souhaiter qu’on pût, dans la suite, augmenter graduellement cette portion des curés et des vicaires, afin de leur fournir les moyens, non-seulement de subvenir aux besoins des pauvres, mais encore de renoncer à tout casuel pour l’administration des sacrements et autres fonctions ecclésiastiques. 9® Le Roi sera encore supplié d’ordonner que le revenu assigné aux curés, soit à portion congrue, soit de simple gros , soit à tous autres curés qui ne posséderont pas les dîmes de leurs paroisses, ainsi qu’à leurs vicaires, ne pourra être considéré que comme représentatif du même revenu en nature, et que, dans tous les temps, il sera calculé sur le prix commun du blé, à l’époque de l’année où ce revenu aura été fixé. 10° Sa Majesté sera suppliée de réserver dans les bénéfices simples à sa collation un quart ou un tiers de revenu d’iceux, qui sera destiné à faire des pensions de retraite aux anciens curés et autres ecclésiastiques qui auront blanchi dans le ministère, et dont les infirmités solliciteront des ressources pour achever leur carrière dans un repos qu’ils auront mérité par leurs travaux. 11° Que la même réserve s’étende jusqu’aux bénéfices simples à nomination soit ecclésiastique, soit laïque. 12° Que sur ces fonds il soit encore prélevé les sommes nécessaires pour la reconstruction et la réparation des églises. 13° Que dans le cas où ces arrangements ne pourraient s’exécuter dans la circonstance actuelle, Sa Majesté serait suppliée d’ordonner que les curés à portion congrue ne payeront aucun impôt; que ceux dont le revenu ne passera pas 1,200 livres ne seront assujettis qu’à une modique rétribution, et que les novales qui ont été ôtées aux curés par les édits de 1768 et 1786 leur seront restituées pour l’avenir, ainsi qu’aux curés à portion congrue, sans qu’on puisse les obliger à payer la rétribution d’un vicaire, dans le cas où la population de leurs paroisses semblerait en exiger un. 14° Nous aurions mis fin ici à nos très-respectueuses représentations sur ce qui concerne la religion et ses ministres, mais nous savons que, dans ces circonstances, des écrivains exaltés ont parcouru les extrêmes, et qu’il s’en est trouvé ui ont disputé au clergé le droit d’assister aux tais généraux comme ordre distiuct de l’ordre de la noblesse et de celui du tiers-état. Nous devons donc à notre député une instruction, dans le cas où cette prétention serait élevée dans l’auguste assemblée des Etats généraux. On a assuré qu’un des moyens de conciliation qu’on a présenté, pour faire adopter ce système sans fondement, était de demander que le clergé du premier ordre fût réuni à la noblesse, et celui du second ordre au tiers-état. Nous ch argeons notre député aux Etats généraux de s’opposer de tout son pouvoir à cette injuste prétention, et de s’unir avec tous les représentants du clergé de France, pour soutenir qu’il y a dans ; le clergé une hiérarchie, un ordre de membres, \ ui descend depuis fe souverain pontife jusqu’au ernier clerc, et qui remonte depuis celui-ci jusqu’au souverain pontife, chef visible de l’Eglise, et vicaire de Jésus-Christ qui en est le chef inVi- (États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[Bailliage de Mantes.] 655 sible ; qu’ainsi le clergé est un seul corps, un corps unique divisé en plusieurs membres, que cetle unité est essentiellement indivisible ; que le premier ordre du clergé partage avec le second les mêmes prérogatives ; qu’on ne peut pas assigner de temps, dans les fastes de la monarchie, où le clergé n’ait eu la prééminence sur tous les autres corps ; que ces droits anciens ont été reconnus et renouvelés par Louis XIV, dans l’édit d’avril 1695, article 45, par lequel il déclare « qu’il veut que les archevêques et évêques, et « autres ecclésiastiques , soient honorés comme le « premier des ordres du royaume, et qu’ils soient « maintenus dans les droits, honneurs, rangs, « séances, présidences et avantages dont ils ont « joui ou dû jouir jusqu’à présent » ; que le Roi heureusement régnant a confirmé cette prérogative, dans le règlement annexé aux lettres de convocation des Etats généraux, article 39, par lequel il ordonne que le clergé aura la droite sur la noblesse dans l’assemblée générale; enfin, que ces prérogatives sont fondées sur le caractère auguste dont ils sont revêtus, et sur les fonctions saintes qu’ils exercent. C’est pourquoi il ne négligera rien pour que le corps du clergé soit maintenu et conservé dans toutes ses prérogatives honorifiques, et notamment dans celle d’être le premier ordre de l’Etat. Il demandera avec la plus vive instance l’exécution de l’article 45 de l’édit de 1695. 11 représentera qu'il est de l’intérêt du Roi que les curés et tous ceux qui partagent leurs fonctions, et qui sont la plus nombreuse et la plus utile portion !du clergé, jouissent de toute la considération des peuples ; que cette ligne de démarcation entre le clergé du premier ordre et celui du second, en avilissant à leurs yeux leurs pasteurs, diminuerait et anéantirait bientôt ce respect que les inférieurs ont, comme par instinct, pour ceux qui leur sont présentés comme ayant une supériorité d’état, et comme étant revêtus de privilèges distinctifs. BÉNÉFICES. 1° Les saints canons, d’accord avec la raison, iveulent que les places ecclésiastiques soient données aux plus dignes et à ceux qui doivent être le plus utiles à l’Eglise et à la religion. Si ce principe était la règle de conduite de tous les collateurs, il renverserait toutes les brigues de l’ambition et de l’avidité, et l’Eglise n’aurait pas à gémir tous les jours sur tant de ministres qui font sa douleur et qui la déshonorent par leurs scandales. La probité du Roi, la pureté de ses mœurs, son amour commun pour le bien de l’Eglise, nous sont un sûr garant du désir qu’il a de ne laisser tomber ses grâces que sur ceux qui en sont dignes. 2° Pour remplir le but que Sa Majesté se propose, elle sera suppliée d’ordonner qu’il sera formé un conseil composé d’un certain nombre d’ecclésiastiques, choisis dans le premier et second ordre, chargés de prendre et recueillir des informations sur les vie et mœurs, sur la capacité et sur les talents respectivement nécessaires pour chaque place de chacun des ecclésiastiques destinés à recevoir des marques de bonté de Sa Majesté, et de lui indiquer ceux qui, selon l’esprit des canons, méritent la préférence. 3° Dans ce cas, la confiance du Roi serait la seule récompense de ceux qui composeraient cette espèce de conseil de conscience, et pendant tout te temps qu’ils seraient chargés de cette administration, ils ne pourraient aspirer à aucun bénéfice ou aucune grâce de la part de Sa Majesté. 4* Gomme les récompenses supposent toujours un mérite, Sa Majesté est suppliée d’ordontiel* qu’il ne sera point accordé de pension ou bénéfice au-dessus de 309 livres, depuis l’âge de douze ans jusqu’à dix-huit, et de 600 livres depuis dix-huit jusqu’au temps où l’on entrera dans les ordres sacrés. 5° Sa Majesté sera suppliée de considérer que les talents nécessaires aux grandes places ne se donnent pas avec elles ; qu’il est indispensable de s’ètre exercé et d’avoir fait une espèce de noviciat dans les places inférieures ; qu’il serait par conséquent digne de sa sagesse de n’élever à l’épiscopat que des personnes qui auraient exercé, avec édification, les fonctions du saint ministère, soit en qualité de curés, soit en qualité ue vicaires, soit par toutes autres fonctions ecclésiastiques, qui seraient un témoignage de leur zèle, de leur capacité. 6° Il est encore de la justice du Roi de déclarer que la noblesse ne sera point destinée exclusivement aux grandes places de l’Eglise ; que la vertu, le mérite et les talents seront un titre de recommandation auprès de Sa Majesté, quelle que soit la naissance de celui qui les possédera, et que sa bienfaisance et ses bontés reposeront, sans distinction, sur tous ceux qui en seront dignes. 7° Les motifs qui ont donné naissance aux économats étaient si visiblement utiles à l’Eglise et à la religion, que les docteurs les plus sévères en ont approuvé l’irrégularité apparente. L’emploi des deniers provenant des bénéfices, mis en réserve, était destiné à rétablir leS bâtiments qui dépendaient des bénéfices, et dont les titulaires étaient morts insolvables; à soutenir des communautés pauvres et à faire des pensions aux nouveaux convertis. Le Roi sera donc supplié de vouloir bien rappeler cet établissement à sa première destination, et d’ordonner le retranchement des abus qui peuvent régner dans son administration. 8° On doit regarder aussi comme biens appartenant à l’Eglise et à l’Etat, les fonds destinés au soulagement des pauvres, et les maisons qui servent d’asile à l’indigence et à la maladie. C’est pourquoi, pour la conservation des fonds consacrés à ces pieux usages, il sera ordonné que tous les établissements de charité, connus sous le nom d’hôpitaux, Hôtels-Dieu, bouillons des pauvres, bureaux de miséricorde, ou sous toute autre dénomination, seront soumis, lorsqu’ils auront des fonds assurés, à une administration composée des magistrats, des curés, avec plusieurs notables habitants, et que tout privilège, usage ou possesion, à cet égard, seront déclarés abusifs et supprimés. CONSTITUTION DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Demander: 1° Que préliminairement à toutes autres discussions, de quelque nature qu’elles soient, il soit fixé et déterminé quels sont les droits de la nation représentée dans les Etats généraux ; la décision de cette question devant nécessairement influer sur toutes les opérations dont doit s’occuper cette assemblée. 2° Qu’il soit décidé que tout impôt, pour être légal, doit être consenti par la nation représentée dans les Etats généraux, et approuvé par le Roi. 3U Qu’avant toute délibération sur les impôts, le Roi soit supplié de mettre sous les yeux des Etats généraux un état détaillé de la recette et de la dépense par départements, comme le seul 656 [États gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] moyen de pouvoir établir une juste proportion entre la contribution et les véritables besoins, et de vérifier sans erreur la dette de l’Etat; que cette dette sera consolidée dans son état actuel ; qu’il sera pourvu à un fonds de remboursements graduels des capitaux, ainsi qu’au payement des assignations à époques. 4° Que préalablement encore à toute discussion sur les impôts, tous les objets de législation et et tous les articles de la constitution nationale seront délibérés, résolus, présentés au Roi, et répondus par Sa Majesté. 5° Qu’on recueille les suffrages par ordre et non par tête ; cependant, dans les circonstances, notre député sera libre de prendre le parti qui lui paraîtra le plus avantageux. 6° Qu’il soit cependant arrêté que les objets de discussion ne seront définitivement décidés que lorsqu’ils auront été soumis jusqu’à trois fois à une nouvelle délibération dans des intervalles convenus. 7° Que les Etats généraux prennent en considération la forme à observer dans la suite, pour leur conformation, en conservant toujours une juste proportion entre le nombre des députés et la population, soit dans les villes, soit clans les campagnes. 8° Que l’époque périodique de la tenue des Etats généraux soit fixée à trois ans pour la première tenue, et à cinq ans dans la suite, sans que, sous aucun prétexte, on puisse la différer au delà de ce terme. 9° Que néanmoins Sa Majesté puisse les assembler extraordinairement, dans le cas de guerre ou d’autres besoins pressants qui demanderaient des secours extraordinaires. 10° Que, dans l’intervalle des assemblées des Etats généraux, il soit établi dans les différentes provinces des bureaux, dont les fonctions se borneront à préparer les matériaux nécessaires à éclaircir les matières qui n’auront pu être réglées dans la dernière assemblée, et à recueillir les plaintes et les preuves de la violation des lois arrêtées par les Etats généraux. 11° Que, pour assurer l’exécution des lois proposées et arrêtées par les Etats généraux, simplifier l’administration dans les pays d’élection et y établir un régime économique, il y sera établi des Etats provinciaux, dont l’organisation sera assimilée à celle des Etats du Dauphiné : sauf à en établir plusieurs dans chaque province ou généralité, suivant son étendue ; lesquels seront chargés de la répartition des impôts qui auront été arrêtés. Lesdits Etats seront tenus de s’assembler tous les deux ou trois ans au plus tard, et la moitié des députés sera changée absolument à l’époque de leur assemblée. Parmi ces députés, il sera toujours admis deux des corps réguliers qui seront choisis par leurs provinces respectives. 12° Que dans le cas où des raisons de bien public ne permettraient pas de former, dans cette circonstance, ces sortes d’établissements, il fût pourvu à la consolidation des assemblées provinciales, en leur donnant néanmoins la forme la plus propre à remplir le but qu’on s’est proposé en les établissant. 13° Qn’il soit arrêté préliminairement dans les Etats généraux, que toute propriété sera inviolable ; que nul ne pourra en être privé, même à raison de travaux publics, sans recevoir une juste indemnité. 14° Que les Etats généraux ne se séparent pas sans avoir rédigé et signé le résultat de leurs délibérations sur tous les points qui auront été arrêtés. Ce résultat sera rendu public par la voie de l’impression et déposé d’une manière légale dans tous les greffes des cours souveraines, des justices subalternes et dans les archives de toutes les municipalités. IMPÔTS. 1° Le clergé des bailliages de Nantes et Meu-lan consent à supporter proportionnellement à ses biens et facultés, et concurremment avec les deux autres ordres, les contributions et impôts, de quelque nature qu’ils soient, renonçant, a cet égard, à tous privilèges et prérogatives. 2° Il demande que la durée des impôts ne soit jamais indéfinie, et qu’elle soit toujours à temps. 3° Que cette durée ne puisse s’étendre au delà du temps intermédiaire entre l’assemblée qui les aura consentis et l’assemblée suivante, sauf à celle-ci à voter un prolongation, si elle le juge nécessaire. 4° En se soumettant à porter, proportionnellement à ses facultés, sa portion dans la contribution générale, il désire que la répartition en soit confiée au clergé de France, qui la distribuera par diocèse. 5° Que chaque diocèse ait une chambre syndicale, comme par le passé, mais qui soit composée de telle sorte que le nombre des curés y soit au moins égal à celui des autres membres qui la formeront, et que la nomination de ces derniers se fasse ou par conférences, ou par doyennés. 6° Que les réclamations que pourraient faire les bénéficiers soient portées à cette chambre, de la décision de laquelle, cependant, il pourra être appelé à une cour souveraine, soit par appel simple, soit par appel comme d’abus. 7° Qu’il soit arrêté qu’un quart des membres qui composeront cette chambre sortira d’exercice tous les ans et sera remplacé par un pareil nombre. 8° Qu’il soit arrêté aussi que copie certifiée du montant del’impositition générale sur le clergé, de l’imposition particulière du diocèse et du rôle qui contiendra la répartition pour l’année sera déposée dans chacune des villes du diocèse, pour y avoir recours en cas de besoin. 9° Que les receveurs préposés à la perception des impositions ecclésiastiques soient choisis par le clergé du diocèse, pour ladite perception être faite à moindres frais possibles. 10° Que ces receveurs versent directement le montant des impositions au trésor royal. 11° Que, par conséquent, la charge de receveur général du clergé soit supprimée, comme absolument inutile. 12° Demande que la nation représentée dans les Etals généraux donne sa sanction aux dettes contractées par le clergé uniquement pour venir au secours de l’Etat; qu’elle se charge des engagements qu’elle a contractés, de sorte que, dans aucun temps et sous quelque prétexte. que ce soit, il ne puisse être ni poursuivi ni recherché, pour cause des emprunts que le gouvernement a faits sous son nom. 13° Demande que le règlement qui oblige les collecteurs à faire la perception de tous les impôts ait une exécution durable, et que tous les receveurs des deniers du Roi, intermédiaires jusqu’à présent entre les collecteurs des paroisses et le garde du trésor royal, soient supprimés, comme extrêmement onéreux à la nation qui est chargée de leurs honoraires, gratifications et taxations. 14° Que dans le cas où il paraîtrait nécessaire (Etats gén. Cahiers. 1789.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES (Bailliage de Mantes.] Agi d’avoir dans chaque élection un receveur particulier, il soit fait un choix dans chaque arrondissement d’une personne qui, au moyen d’une caution solvable, soit chargée de la recette de toutes les sommes perçues par les collecteurs, à laquelle serait attribué un honoraire honnête; lequel receveur serait néanmoins soumis à l’inspection et à la vérification de la part des municipalités. 15° Quant à l’impôt représentatif des corvées, demande qu’il soit employé à la confection des chemins de chaque province, où il aura été levé, sans qu’on puisse intervertir cette destination ni en confondre les deniers avec ceux d’une autre province ; encore moins avec ceux d’un autre département. 16° Que les sommes provenant de l’impôt pour les corvées ne soient employées que pour la réparation ou la réfaction des grandes routes et des chemins de communication, sans qu’il soit permis aux seigneurs, sous prétexte du bien public, d’en faire faire pour leur utilité particulière. 17° Que lorsque la confection des routes nouvelles, ou une nouvelle direction des anciennes, occasionnera la perte d’une portion de terre ou d’une maison, elles seront remboursées aux propriétaires à leur juste valeur avant qu’on puisse y faire passer le chemin qui aura été projeté. 18° Demande que les impôts portent sur toutes les possessions foncières, de quelque nature qu’elles soient; que les châteaux, parcs et généralement tous les enclos appartenant aux seigneurs et autres propriétaires, y soient compris. 19° Gomme il ne serait pas juste que les capitalistes, qui possèdent une partie du numéraire du royaume, et dont la fortune est enfermée dans un portefeuille, fussent exempts de la contribution commune , il sera avisé par les Etats généraux aux moyens de leur faire partager, avec la nation, les impôts auxquels ils se sont soustraits jusqu’à présent. 20° Le sel étant une denrée de première nécessité, il paraîtrait de l’intérêt de la plus urgente et de la plus nombreuse portion de la nation que la valeur en fût fixée à un prix beaucoup au-dessous du prix actuel; c’est pourquoi les Etats généraux aviseront aux moyens de réduire le prix du sel à 6 sous la livre, dans les pays de gabelle, en supposant qu’il ne soit pas possible de le confondre avec tous les objets qui entrent dans le cours du commerce. 21° Les droits d’aides sont un desimpôts les plus onéreux; l’exercice en est tyrannique; il soumet tous les citoyens à une inquisition d’autant plus révoltante, que ces lois fiscales sont en très-grande partie un mystère réservé aux percepteurs, et que le peuple se trouve souvent en contravention sans le savoir; c’est pourquoi le Roi sera très-humblement et très-instamment supplié de vouloir bien supprimer entièrement les droits d’aides, et de les convertir en un impôt sur les vignes et jamais sur le vin. 22° Que l’impôt du contrôle des actes est encore un de ceux qui pèsent souvent avec le plus d’injustice sur toute la nation. La jurisprudence de cette partie de l’administration est aussi mobile -que la volonté des administrateurs; elle est fondée, en très-grande partie, sur des arrêts du conseil qu’ils demandent et qu’ils obtiennent sans peine, et dans l’incertitude des droits, les contrôleurs les portent toujours au plus haut, sauf la restitution. Ceux qui ignorent l’injustice de la perception ne la demandent pas, et ceux qui la connaissent sont obligés de multiplier les lre Série, T. III. démarches pour l’obtenir. Le Roi sera donc très-humblement supplié de vouloir bien donner une loi qui fixe invariablement, par un tarif détaillé, les droits de contrôle qui seront dus pour chaque acte en particulier, sans qu’il soit permis aux administrateurs, ni d’interpréter cette loi, ni de lui donner aucun extension, sous peine d’être poursuivis comme concussionnaires. Cette loi sera enregistrée et publiée dans chaque juridiction, et une copie certifiée, déposée dans les archives de chaque municipalité. 23° On doit encore mettre au nombre des impôts les droits de péage, qui gênent le commerce, qui sont dispendieux pour ceux qui passent fréquemment d’un lieu à un autre, et qui souvent ont été accordés à des particuliers pour des ouvrages pour lesquels ils gagent 40 p. 0/0. C’est pourquoi les Etats généraux sont priés de présenter au Roi les vœux de tous les citoyens contre ces droits, souvent injustes, et d’en ordonner la suppression. ADMINISTRATION DE L’ÉTAT. 1° Après que Sa Majesté aura bien voulu faire connaître aux représentants de la nation la véritable situation de ses finances, l’état fidèle de la dette publique et du déficit actuel, les Etats généraux s’occuperont des mesures pour sanctionner la dette publique, combler le déficit et rétablir l’équilibre entre la recette et la dépense, par tous les moyens que pourra fournir un bon système d’administration dans les finances, de perception des impôts, d'économie dans les dépenses, d’une parfaite exactitude dans la comptabilité et d’un ordre stable dans toutes les parties de l’administration, sans lequel tout le zele et tous les efforts de la nation seraient vains et inutiles. 2° Pour parvenir à cette heureuse restauration, il serait convenable que les Etats généraux, sous le bon plaisir du Roi, fixassent la dépense des maisons de Sa Majesté, de la reine et des princes, de manière cependant que cette détermination de dépense ne pût nuire ni à la grandeur du Roi ni à la splendeur de son trône. 3° Qu’ils fixassent de même la dépense de chaque département, en y retranchant cependant celles qui, après un mûr examen, auraient été reconnues inutiles et ruineuses, comme celles qu’entraînent, par exemple, dans les bureaux des ministres, cette multitude de commis subalternes, dont les appointements, trop considérables, n’ont aucune proportion avec leur travail. 4° Qu’ils établissent un systèoïe de finance qui puisse simplifier celui qui a été suivi jusqu’à présent, qu’ils supprimassent toutes ces places, créées sous différentes dénominations, ou au moins qu’elles fussent restreintes au nombre rigoureusement nécessaire, n’étant pas dans l’ordre de distribuer à vingt individus le travail qui peut être fait par un seul. 5° Le Roi, revêtu éminemment de la puissance exécutive, et ne pouvant remplir seul et par lui-même cette auguste fonction, est forcé d’appeler à sou conseil des ministres, entre lesquels il partage son autorité et qui peuvent en abuser ; les Etats généraux sont donc priés d’arrêter, sous le bon plaisir du Roi, que tous les ministres, et généralement tous ceux qui auront été chargés en chef, ou autrement, d’une partie d’administration quelconque, seront responsables à la nation de leur conduite et poursuivis par-devant les tribunaux désignés par les Etats généraux, pour cause de prévarication dans la partie de l’administration qui leur aura été confiée, n’étant pas dans 42 658 [État* gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.) l’ordre que l’impunité et souvent des honneurs et des bienfaits soient la récompense de l’inconduite et de l’incapacité. 6° Il serait encore à souhaiter que le Roi voulût bien accueillir avec sa bonté ordinaire la supplication que lui feraient les États généraux do donner entrée dans ses conseils à un nombre de personnes éclairées et d’une probité reconnue, que Sa Majesté leur permettrait de lui présenter. Administration de La Justice. 1° Il sera fait à Sa Majesté de très-humble Supplications de maintenir les différents tribunaux ecclésiastiques et civils datis lè jibre cours et exercice de leurs pouvoirs et juridictions, trop souvent interrompus par des commissions, évocations ou attributions particulières., . k 2° Sâ Majesté sera encore suppliée de voüloir bien ordonner la continuation et perfection d’ün travail déjà commencé par ses ordres, concernant la réformation du code civil et criminel, dont le but doit être de simplifier la procédure, de régler la taxé des dépens, diminuer les épices et autres frais, et porter enfin la lumière dans ce labyrinthe Obscur où s’égarent, tous les jours, tant de malheureux plaideurs, victimes dë la rapacité des ministres inférieurs de la justice. Quant à la réforme dU Code Criminel, le vœu du clergé serait : l6 que toute question fût abolie, excepté pour le' crime de lêse-majesté au premier chef ; 2° qüe l’instruction de là procédure criminelle Se fit publiquement, interrogatoires, dépositions des témoins, récolement et confrontation; 3° qu’ott accordât Un conseil à tout prévenu de crime ; 4tt qü’OU établît une proportion entré lé délit et la peine ; 5° qüe la loi ne prononçât pas indifféremment la peine de mort Contre des crimes qui ont entre eux une énorme différence ; 6° que la peine de mort ne fût prononcée qüe contre les grands crimes, tels que ceux dë lêse-majesté divine et humaine et les assassinats ; 7° que les supplices atroces fussent abolis; 8° qu’aucun tribunal, excepté une coür souveraine, ne pût juger ies procès criminels en dernier ressort; 9° que tout arrêt qui prononcerait peine de mort n’eût son exécution qu’aprôs trente jours au plus, selon la distance des lieux, et que, pendant tout ce temps, on laissât ignorer au Criminel le supplice auquel il â ê té � condamné; 10* que des ecclésiastiques zélés visitassent les prisons plusieurs fois dans l’année; ll° enfin, qu’on accordât la communion aux condamnés à mort, lorsqu’ils demanderaient cette grâce. 3° il sera représenté aux Etats généraux assemblés qu’il serait três-àvàütageüx poür la nation que le ressort des parlements fût renfermé dans des bornés plus étroites, que par là ils rendraient plus promptement la justice. 4° Que, pour faciliter l’exécution de ce projet, les présidiaux pourraient être autorisés à juger en dernier ressort iusqu’à la concurrence de la somme de 10 à 12,000 livres. 5° Il serait à souhaiter que lès juges, tant supérieurs qu’inférieurs, fussent responsables de leurs jugements, lorsque, par l’ignorance des lois qu’ils doivent connaître, ou par corruption, ils auraient rendu des jugements injustes, et que, dans ces circonstances , ils fussent condamnés à des indemnités envers les parties, proportionnées aux torts qu’elles auront éprouvés, et même déclarés incapables d’exercer dans la suite aucune charge de judicature. 6° Cette responsabilité doit s’étendre à tous les officiers subalternes, qui seront condamnés aux mêmes peines,, dans le cas où ils seraient convaincus d’aVoir, par des procédures insidieuses, prolongé la durée des procès, ou d’avoir augmenté les frais par des écritures inutiles. 7 Rour obvier à tous ces inconvénients, les Etats généraux seront priés d’aviser aux moyens de supprimer la vénalité des charges de judicature, de procurer la justice gratuite, d’éteindre successivement tous les offices inutiles et surabondants dans l’administration de la justice. 8° Il serait donc encore avantageux de demander là suppression des justices seigneuriales : la parce que plusieurs degrés de jurictioü mülti-pliept les frais ; 2° parcèqüe les baillis* ne tenant audience qüe rarement, à. Causes de letir éloignement du lieu où ils doivent rendre la justice, prolongent nécessairement les procès ; 3° parce qüè, pârmi ces juges, oü ne trouve pas toujours les lumières ët les talents qui devraient présider à ces honorables fonctions. 9° il serait â souhaiter, poür le bonheur des Campagnes, qü'il fût établi, dans chaque paroisse, une espèce de tribunal* sous lë nom de chambré d'arbitrage, composée au syndic, de six habitants et du cure qui présiderait: qü’avant dë faire aucune demande juridique et de donner assignation, les parties fussent tenues de se présenter à cette chambré, d’ÿ expliquer elles-mêmes, ou par d’autres, mais sans le ministère d’un procureur, l’objet de leur discussion, lés raisons sur lesquelles elles fondent leur demande ou leur refus, et d’attendre la sentence arbitrale qui serait prononcée dans lë délai seulement nécessaire pour prendre des éclaircissements, lorsqu’ils seront indispensables. Si les parties étaient de deux paroisses, l’âvis serait suspendu jüsqu’à ce que les membres des deux chambres, OU le plus grand nombre d’iceùX, eussent pü conférer ensemble sur l’objet dé la contestation ; ét alors la sentence arbitrale serait commune. Les parties ne pourraient commencer aucune procédure sans un certificat de la chambre d’arbitrage, qui attesterait qü’ëlles s’y sont présentées, et qui renfermerait la sentence arbitrale. Quë de procès seraient étouffés dès leur naissance, si OU Choisissait ainsi des jugés de paix! Abus. 1° Sa Majesté sera suppliée de vouloir bien, dans sa sagesse, remédie!*, pendant la tenue des Etats généraux, et sur leurs respectueuses représentations, aux abus suivants’: 2° G’ést un abus à supprimer que ces privilèges exclusifs qui gênent le commerce, contrarient l’ordre et la liberté publique, et par conséquent sont onéreux à l’état. 3° C’est un abus que ces accaparements qui se font, Ou par des compagnies ou par des particuliers. Ce serait plus qu’un abus, ce serait un crime digne de la plus sévère punition, si, dans ces temps malheureux où le prix des grains est excessif, ces accaparements portaient sur ces objets de première nécessité. 4° C’est un abus que tous cés privilèges, acquis souvent à un prix modique, qui déchargent les uns en augmentant le fardeau des autres. 5° C’est un abus que ces loteries qui exaltent les imaginations par l’espérance, qui servent d’aliment à l’avidité, ruinent des familles, et exposent les enfants et les domestiques à voler leurs parents ou leurs maîtres , pour satisfaire une passion qui n’a qu’un objet fantastique. 6° C’est une surprise faite à la religion du Roi que ces lettres de cachet ou ces lettres closes [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes ] Aga données arbitrairement par ses ministres, et qui enlèvent à l’homme laDius précieuse dé ses propriétés, sa liberté. Lés Etats généraux supplieront Sa Majesté de vouloir bien lès abroger, ou aü moins de n’en accorder aucune qüi rie soit signée de sa main, et après qu’elle aüra été jugée nécessaire par un conseil de six personnes d’une probité reconnue, dont Sa Majesté aura fait choix. 7° C’est encore Une surprise faite à là religion du Roi que ces pensions, souvent excessives, souvent multipliées sur ürie même lêtë, accordées Ear la protection, à l’importunité et à l’intrigué. es Etats gëriéraüx supplieront Sa Majesté dé leur faire représenter l’état des pensions, le nom des personnes a qui elles ont été accordées, afin qu’ifs puissent lui faire de très-humbles représentations sur celles qui seraient sans motifs ou excessives comme aussi de faire publier tous les six mois, par la voie de l’impression, l’état des pensions que Sa Majesté aura accordée� dans cet intervalle. Les .Etats généraux supplieront encore Sa Ma-t'esté de se ressouvenir, dans sa bonté, de tant de traves militaires qui ont vieilli dans ses armées, de tant de magistrats qui se sont épuisés danë les fonctions de la magistrature, de tant d’hommes dans tous les états qui ont bien mérité dë la patrie, et qui, réduits à une pénible indigence, parce que .leurs vertus ne leur ont pas permis dë solliciter des faVeurs qui ne s’accordent qu’à l’intrigue, ont besoin �es secours de Sa Majesté pour achever ieur carrière en paix. 8° C’est un abus ignoré du Roi que cette extension donnée aux capitaineries qui, en priVânt les seigneurs du dtoit de chassé dans les liëüx où Sa Majesté n’est jamais venue et rie viendra jamais chasser, ne présente qu’un moyen de donner, dans les bailliages de Mantes etMeulan* à des étrangers, le patrimoine des légitimes propriétaires. 9° C’est un abus, et plus qu’un abus, car c’est une injustice évidente que cette quantité de gibier qui dévore les campagnes, qui ruine les cultivateurs, qui éveille l’audace des bracoriniers et qui conduit dans les prisons, et souvent aux galères, ces hommes, coupables à la vérité, mais qui auraient été des citoyens paisibles, si l’abondance excessive du gibier ne les eût pas invités à violer la loi. C’est pourquoi les Etats généraux supplieront le Roi, s’il ne pouvait encore sé rendre à ta réclamation générale de la suppression du droit de chasse, de donner une loi simple, claire, d’une exécution facile et efficace, qui mette tous les cultivateurs à l’abri de l'inconcevable vexation qu’ils ont éprouvée jusqu’à présent, et qui leur assure une indemnité proportionnelle au tort qu’ils au* ront souffert. 40° C’est un abus que cette foule trop nombreuse de gardes-chasses répandus dans toutes les campagnes, et qui croient, parce qu’ils sont armés, pouvoir traiter avec hauteur, et souvent avec dureté, ses honnête? et paisibles habitants. Il serait à souhaiter que leur nombre fût réduit, et ne s’accrût pas arbitrairement selon la volonté des seigneurs. 11° C’est un abus que la foi accordée à leurs procès-verbaux. L’erreur, la malice, la vengeance, peuvent souvent les égarer. Il serait avantageux pour tous tes citoyens qu’il fût fait Un règlement ui ordonnerait que les procès-verbaux des gares-chasses n’auraient foi en justice qu’autant qu’ils seraient appuyés du témoignage d’un second témoin. 12° C’est un abus que les maîtrises des eaux et forêts se donnent le droit d’exiger tantôt 30, tantôt 36, tantôt 40 Sëus, et même davantage, pour la permission donnée à un particulier, d’abattre lin athée qui souvent n’â pas cette valeur. Les Etats gëtiêratix Seront priés de prendre en consi-dêratibü, pouf les intérêts dii Roi, à cause de ses forêts, ët poUf l’avàntâge dë la nation, l’adrüî-nistratiori arbitraire de cette juridiction. 136 C’est utië surprise faite à la religion du Roi, que le règlement qui exclut le tiers-état de tous les grades militaires. Ce règlement avilit, dégrade et pourrait décourager à jamais cette partie la plus uombréùse de la nation, dans le Sein de laquelle on a trouVé des hommes qui, par leurs vertus, leurs connaissances et leurs talents militaires, ont été les soutiens de la patrie et la gloire de la nation française. Le Roi Sera doue três-h amplement supplié d’annoncer que le tiers-état jouira du droit naturel qu’il à de parvenir, par Ses talents et ses vertus, à tous lps grades militaires, et qu’il n’ÿ aura pas, selon l’expression de bonté de Messieurs dé Pordré de la noblesse, de barrières entre lés hommes et lès placés. , 146 C’est üü abus qüë ces survivances qui éternisent les places dans certaines familles, en les rendant héréditaires. C’est récompenser un mérite qui n’existeya peüt-être jamais; c’est priveÿ des hommes qui ont bien mérité de la patrie* d’une récompense qui leur est due. 15° Nous souhaiterions que la suppression ch la milice fit disparaître un abus qui se renouvelé tous les ans, et que là rigueur des prdonriàüceé ne peut empêcher, les bourses qui se font avant h tirage, et qui sont une seconde taille pour ieè paroisses. 16° C’est un abus que ces lettres de répit et de surséance qui enlèvent aü créancier le droit dë réclamer sa propriété, et qui donnent au débiteur le temps et la facilité de faire disparaître les objets qui étaient le gage d’une juste crëaüce. Le Roi sera donc supplié de refuser indistinctement à toute personne, de quelque état et condition qu’elle soit, ces sortes de lettres, et de laisser aux tribunaux à prorioncer une surséance, dans le cas seulement où le délai de payement sera avantageux au débiteur, saris faire courir de risques au créancier. 1 7° C’est un abus, que le silence du ministère public dans ces faillites frauduleuses qui mettent ie créancier à la merci du débiteur. C’est autoriser un vol public ; c’est ménager, à des hommes consommés dans l’art perfide d’augmenter leur fortune par la ruine de leurs Concitoyens, une impunité d’autant plus révoltante, que la bonne foi trahie est encore obligée d’y donner les mains, dans l’espérance de recueillir quelques débris qui leur échapperaient sans cette condescendance. Le Roi sera donc supplié de consentir une loi qui enjoigne au ministère public de requérir qu’il soit informé contre tout banqueroutier frauduleux, et que son procès lui sera fait et parfait, suivant la rigueur des ordonnances. Ce serait une justice de faire supprimer Je privi • lége de. ces lieux qui servent d’asile à la mau-yaise foi, et d’autoriser tout créancier à pouvoir faire exécuter le décret de prise de corps qu’il aurait obtenu contée son débiteur, condamné comme banqueroutier frauduleux, dans quelque endroit qu’il se fut réfugié, même dans sa propre maison. 18° L’humanité révoltée doit dénoncer à la nation, représentée dans les Etats généraux, un abus qui déchire toutes les âmes sensibles; cet abus, c’est le droit atroce que s’est doflné l'homme d’a- 660 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.) cheter son semblable, de le priver de sa liberté, de le soumettre à un travail dur et continuel, et de le rendre jusqu’à sa mort la victime de ses caprices et de ses cruautés. Le Roi sera donc supplié de vouloir bien encourager la respectable Société des amis des Noirs, et l’autoriser à chercher et à proposer au gouvernement les moyens les plus propres à abolir l’infâme commerce de la traite des nègres. DEMANDES PARTICULIÈRES ET LOCALES. Si nous pouvions espérer que les Etats généraux pussent s’occuper des intérêts particuliers de chaque bailliage, nous ajouterions les demandes suivantes : 1° Des secours pour les réparations urgentes de l’église collégiale de Mantes, monument superbe de la piété de la mère et de la femme de saint Louis, et dont la chute pourrait être désastreuse pour un grand nombre de citoyens. 2° Quoique nous ayons déjà parlé des abus qui se passent dans la juridiction des eaux et forêts, nous chargeons notre député de dénoncer ceux qui se commettent particulièrement dans la maîtrise de Saint-Germain en Laye, dont les officiers subalternes rançonnent les habitants de la campagne, en exigeant d’eux qu’ils prennent des permissions pour abattre toute espèce d’arbres�ême les taillis, et qui font payer ces permissions arbitrairement, parce qu’elles leur tiennent lieu de gages, que cette maîtrise ne leur donne pas. La suppression de cette juridiction serait avantageuse et les juges royaux pourraient la remplacer. 3° Les bailliages de Mantes et Meulan réclament encore contre un abus qui leur est particulier : c’est le droit de déport que les évêques, particulièrement en Normandie, s’attribuent dans leurs diocèses. Ce droit est contraire à la propriété des curés, puisqu’il les prive pendant une année, d’un bien qui leur appartient ; mais il est encore bien plus contraire aux droits des paroissiens; ils se trouvent livrés à un étranger qui est venu marchander le droit de vivre à leurs dépens, et pour lequel les mœurs et la religion sont des objets à peu près indifférents. Il est affligeant pour l’Eglise de voir, dans ces circonstances, le revenu temporel adjugé à l’enchère, et le ministère spirituel au rabais; 4° Les religieuses Annonciades de Meulan supplient le Roi : 1° de vouloir bien leur accorder une indemnité proportionnée à la perte qu’elles ont faite de la moitié de leur dotation, par la réduction à moitié des rentes sur les revenus de Sa Majesté ; 2° de vouloir bien ordonner que les deux années qui leur sont dues des arrérages du reste de leur dotation leur soit payées, leur subsistance y étant rigoureusement attachée. 5° Le Roi sera encore supplié de vouloir bien prendre en considération les entraves mises depuis trois ans à la liberté que doivent avoir les ecclésiastiques, de disposer de leurs biens, en les assujettissant, par l’arrêt de son conseil du 5 septembre 1785, à ne pouvoir passer les premiers baux de constructions ou reconstructions qu’à l’enchère, et en présence du subdélégué de l’intendant. Cette formalité, sollicitée par les administrateurs des domaines, prive les ecclésiastiques du droit de faire le choix de ceux auxquels ils ont intérêt de confier les bâtiments qui leur appartiennent, les soumet à une dépense inutile et les expose à payer des droits proportionnels aux prix d’une adjudication qui peut être forcée dans ces circonstances, et qui souffrira un rabais au premier bail qui sera passé dans la suite. Tels sont les vœux que forme le clergé des bailliages de Mantes et Meulan ; il les réunit aux vœux patriotiques de l’ordre de la noblesse et de l’ordre du tiers-état, ou plutôt à ceux de tous les Français. Sa confiance dans les lumières de la nation représentée dans les Etats généraux ; l’espérance que l’on n’entendra, dans cette auguste assemblée, que la voix du patriotisme, et surtout la connaissance qu’il a des sentiments paternels du Roi pour ses fidèles sujets, tout lui annonce cette heureuse harmonie qui doit réunir les esprits et les cœurs, et qui opérera cette régénération si désirée, qui rendra à la religion sa splendeur; à l’Etat, sa constitution; aux citoyens, l’affermissement de leurs droits et de leurs propriétés; et qui procurera au monarque, ou plutôt au père qui nous gouverne, cette gloire solide et immortelle qui est le prix de la bienfaisance et des vertus. Ledit cahier renferme les instructions que nous avons eu l’intention de donner à notre député. Nous allons les résumer et les réduire à quelques points principaux, dont nous le chargeons de solliciter l’admission : 1° Nous lui recommandons de ne point s’éloigner de nos principes sur la nature et l’essence de la monarchie française, et les prérogatives qui appartiennent au monarque chargé des rênes de l’Etat. 2° Nous lui recommandons de s’opposer, avec le zèle dont doit être animé tout ministre de l’Evangile, à tout système qui pourrait contrarier les principes de la religion catholique, apostolique et romaine, la sainteté de son culte, les prérogatives essentielles de ses ministres; en un mot, tout ce qui pourrait tendre à affaiblir l’autorité dont Jésus-Christ a revêtu son Eglise, et le respect qui lui est dû. 3° Nous lui recommandons expressément de s’unir à tous les représentants de la nation, pour demander au Roi, avec les instances les plus vives et les plus respectueuses, de vouloir bien, avant toute délibération sur les impôts, accorder une loi irrévocable qui ordonne : 1° que les Etats généraux seront toujours assemblés dans la suite à une époque fixe; 2° que nulle loi portant création d’impôts ne pourra être portée que dans les-dits Etats ; que lès impôts ne seront accordés au plus que jusqu’aux Etats généraux suivants, et que, si lesdits Etats n’étaient pas convoqués à l’époque arrêtée, lesdits impôts ne pourront être ni continués ni perçus ; 4° que les ministres rendront compte aux Etats généraux de toutes les sommes dont ils auront fait et ordonné l’emploi. Cette dernière loi est d’autant plus nécessaire, que sans elle tous les efforts de la nation pour la restauration de l’Etat ne laisseraient, pour l’avenir, que la funeste perspective des mêmes malheurs que la bonté du Roi a intention de faire disparaître, et la ruine inévitable du royaume, qu’un administration sage et économique doit élever au-dessus des différentes puissances répandues dans l’Europe entière. 4° Enfin, nous chargeons notre député de faire sur tous ces objets, que nous regardons comme les plus essentiels, et sur tous les autres de même importance qui pourraient être proposés dans l’assemblée des Etats généraux, les remontrances les plus fortes, les plus énergiques ; nous le conjurons, au nom de la nation entière, qui réclame son inébranlable fermeté, de ne point se décourager à la vue des obstacles qu’on pourrait lui opposer ; mais de faire, dans cette précieuse cir- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Mantes.] 661 constance, tout ce qu’on doit attendre d’un zélé citoyen et d’un bon Français. Dans cette confiance, par ces présentes nous lui donnons tous pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun des sujets de Sa Majesté, promettant d’agréer tout ce qu’il aura consenti et arrêté avec les autres représentants de la nation dans les Etats généraux. Hua, doyen, président. Radix. Harasse. Hua. Chopier. Le Marie. Maheu, secrétaire. Obry, de Caix, de la Vigne, tous secrétaires. CAHIER DE L’ORDRE de LA NOBLESSE DES BAILLIAGES DE MANTES ET DE MEULAN, Remis à M. le marquis de Gayon , élu député par l'ordre de la noblesse , le 23 mars 1789 (1). Nous commençons par déclarer que nous désirons la conservation du gouvernement monarchique sagement tempéré par les lois. C’est le gouvernement que nos pères nous ont transmis, et sa durée non interrompue depuis tant de siècles, suffirait ponr garantir sa perpétuité. C’est aussi le gouvernement qui convient le mieux à un grand Etat. Il convient surtout à la France, dont la situation physique et le caractère moral semblent s’en être fait un besoin. Enfin, nous ne pouvons que nous glorifier et nous réjouir des grandes espérances que le monarque vient de faire renaître; et si nous étions encore à ces temps où la nation élisait et proclamait ses rois, le libre suffrage devrait, sans doute, se réunir sur celui que la gloire de ses ancêtres, la droiture de ses intentions, et sa généreuse facilité à permettre tout ce qui tend au bien public, nous font chérir et respecter aujourd’hui sur le trône. Après cette profession de nos sentiments, nous allons présenter les idées que les droits d’homme et de citoyen dictent impérieusement dans toute espèce de constitution, et qui, dans cette époque de restauration universelle, se concilient sans effort avec la monarchie. L’ordre de la noblesse ne s’est occupé d’aucune discussion sans avoir fait le sacrifice entier de ses privilèges pécuniaires, et sans avoir été lui-même aunoncer solennellement à l’assemblée du tiers-état de ces bailliages, son aveu formel que l’impôt doit être également supporté par tous les citoyens. Nous avons cru que, pour être dignes de soutenir la cause de la France, notre première pensée devait être un retour sur nous-mêmes , et un hommage à la justice. Tous les objets relatifs aux Etats généraux (qui doivent se tenir à Versailles, le 27 avril 1789) se divisent en deux parties : 1° L’assemblée; 2° Les affaires communes. de l’assemblée. Art, 1er. Quoique la députation actuelle ne soit pas dans les principes constitutionnels d’une bonne représentation, cependant, attendu que les besoins de la nation ne souffrent aucun retard, (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. nous autorisons notre député, et, autant qu’il est en nous, les députés de tous les ordres de ces bailliages, à se porter dans l'assemblée des Etats comme les légitimes représentants de la nation française, à agir, en cette qualité, comme revêtus de toute i’autorité, et de tous les pouvoirs qu’une nation a le droit naturel et imprescriptible de conférer à ses représentants, et dont a droit de jouir toute assemblée nationale, légitimement et régulièrement convoquée. Art. 2. En conséquence, nous autorisons notre député à prendre, sur la forme de délibérer dans les Etats prochains, toutes les résolutions qu’il jugera utiles au bien général, et, en particulier, à voter sur la question de la délibération par ordre ou par tête, sous quelque forme que cette question soit soumise à la décision des Etats. L’ordre de la noblesse prescrit à son député de présenter son vœu d’opiner par ordre, lorsqu’on élèvera la question de savoir si l’on doit opiner par ordre ou par tête. Cependant, dans les circonstances particulières , le député sera libre de prendre le parti qui paraîtra le plus avantageux. Art. 3. Nous ne doutons pas que les députés ne fassent tous les règlements nécessaires pour l’ordre, la police, la liberté et l’indépendance de leur assemblée. Art. 4. Nous prescrivons à notre député de demander qu’aucune délibération ne soit censée arrêtée qu’à la pluralité des deux tiers des voix dans la même séance, ou après une simple pluralité dans trois séances successives. Art. 5. Nous déclarons que nous limitons la durée des présents pouvoirs à une année seulement, à dater du jour de l’ouverture des Etats généraux prochains ; nous réservant, si rassemblée des Etats n’est pas terminée, le droit que nous aurions défaire une nouvelle élection, et de donner de nouveaux pouvoirs. Art. 6. Nous prescrivons à notre député de ne consentir à aucune dissolution ni même à aucune suspension des Etats généraux qui n’aurait pas été arrêtée par une délibération libre et indépendante; en conséquence, et pour prévenir cette dissolution ou suspension, il déclarera dans les premières séances que tous les impôts établis jusqu’à présent l’avaient été d’une manière réputée légale, mais au fond directement contraire à la loi fondamentale de l’Etat, et au principe universellement reconnu sur la sanction de l’impôt, qui n’appartient qu’à la nation. Il déclarerait ensuite si, en cédant à la force, il était contraint de se retirer, que tout tribunal sera tenu, à peine d’en être responsable à la nation, de poursuivre comme concussionnaire quiconque viendrait à répartir, asseoir ou lever aucune taxe non consentie ou prorogée par les Etats généraux. AFFAIRES COMMUNES. CHAPITRE PREMIER. —-La déclaration des droits . Art. 1er. Nous prescrivons à notre député de demander qu’après les règlements nécessaires pour l’ordre intérieur et extérieur de l’assemblée, il soit procédé immédiatement à la formation d’une déclaration des droits, c’est-à-dire d’un acte par lequel les représentants de la nation énonceront en son nom les droits qui appartiennent à tous les hommes en leur qualité d’êtres sensibles, raisonnables et capables d’idées morales ; droits qui sont antérieurs à toute institution sociale : et nous déclarons en même temps