�84 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Haute-).] CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de la haute Marche (1). EXTRAIT DE REGISTRES DU GREFFE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE LA HAUTE MARCHE L’an 1789, le 23e jour du mois de mars, en vertu des lettres du Roi, portant convocation des Etats généraux du royaume en la ville de Versailles le 27 avril prochain, est comparu par-devant nous, haut et puissant seigneur Alexandre-Philippe-François Merigot, chevalier, seigneur marquis de Sainte-Feyre, grand bailli d’épée, sénéchal de la province de la haute Marche, l’ordre de la noblesse de ladite province, lequel a élu pour comparaître et assister en ladite assemblée des Etats généraux, M. le marquis de Biencour et M. le marquis de Saint-Mexant, auxquels dits élus l’ordre de la noblesse donne les instructions et pouvoirs qui suivent : Elle enjoint expressément à ses députés de ne concourir à aucune délibération relative à l’impôt, avant que les Etats généraux aient statué sur les articles ci-après : 1. L’existence et la permanence des Etats généraux seront confirmées loi fondamentale de l’Etat, et leur retour périodique fixé à deux ans, s’il n’en est autrement décidé par la pluralité aux Etats généraux. 2. Aucune loi ne pourra être promulguée par l’autorité royale, sans le consentement des Etats généraux. 3. Aucun emprunt, impôt ou subsides, sous quelque dénomination que ce soit, ne pourra être établi et perçu, s’il n’a été consenti par les Etats généraux. Les principes ci-dessus étant solidement fixés, comme préalablement nécessaires et rigoureusement exigés, l’assemblée donne pouvoir à ses députés de proposer, aviser, remontrer et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat et en général tout ce qui sera arrêté dans l’assemblée de la nation. Parmi les sujets de délibération qui seront discutés aux Etats généraux, l’assemblée recommande à ses représentants d’employer tous les efforts de leur zèle pour maintenir l’ancienne constitution et déterminer la délibération par ordre; désirant néanmoins contribuer de tout son pouvoir à l’union des trois ordres, si nécessaire au bien de l’Etat, elle autorise ses délégués à adopter la forme de délibération qui conviendra à l’assemblée générale. Les députés demanderont que les ministres soient tenus de rendre compte aux Etats généraux de l’emploi des sommes qui leur auront été confiées, et qu’ils soient responsables de tout acte d’autorité contraire à la loi. Ils demanderont aussi que les dépenses de chaque département soient invariablement fixées. Ils s’occuperont des moyens d’assurer la liberté politique qui produit la sûreté personnelle, et la liberté civile qui rend les propriétés inviolables, sans oublier la liberté légitime de la presse. Ils demanderont expressément que les capitalistes et rentiers de l’Etat contribuent dans une proportion exacte aux charges publiques, et que les propriétés foncières accablées d’impôts ne leur (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, soient plus immolées, pour soutenir un crédit qui exige encore des impôts. Ils feront statuer que l’assiette, la répartition et la perception des subsides seront confiées aux Etats établis ou à ceux à établir dans chaque province. Ils solliciteront la réforme de tous les abus qui se sont introduits dans l’administration de Injustice; et ils ajouteront à cette demande celle de la suppression d’une multitude de droits onéreux, plus oppresseurs encore par la manière dont les agents du fisc les perçoivent, et notamment la suppression des aides, gabelles et traites foraines. L’assemblée recommande expressément à ses députés d’insister sur la conservation de ses privilèges, avec soumission de les remplacer par un subside pécuniaire employé au soulagement du tiers-état et réparti en proportion des facultés de chaque contribuable par des commissaires pris dans l’ordre de la noblesse. Ce vœu unanime de l'assemblée a surtout pour objet de soulager le gentilhomme pauvre, si dénué de secours et si intéressant pour l’Etat. La suppression des privilèges pèserait uniquement sur lui. L’homme riche afferme ses terres. Au sein des villes où son opulence le fixe, il lui importe peu que ses prés-clôtures soient ou ne soient pas imposés. 2 ou 300 livres de moins n’influent pas sur son existence. Mais le gentilhomme qu’un revenu médiocre fixe à la campagne, a besoin de cette ressource ; son privilège "est une partie de sa fortune. Si on l’en prive, c’est le plus injuste des impôts. Nul pour pour le riche, il serait uniquement supporté par1 la noblesse indigente, qui perdrait encore la seule distinction qui fait connaître son état. Les députés solliciteront l’établissement d’Etats provinciaux communs entre la haute et la basse Marche, le franc-alleu et le Gombraille. Cette. demande sera fondée : 1° sur l’ancienne exis-; tence des Etats de la province ; 2° sur la sur-! charge extraordinaire d’impôts qu’a fait suppor-; ter à la haute Marche sa réunion à la généralité du Bourbonnais et Nivernais ; la preuve de icette surcharge est consignée dans les bureaux du contrôle général. Ils ajouteront à ce motif de séparation, l’inconvénient qui résulte de la différence du régime et surtout du sol de la Marche, l’un des plus stériles du royaume et qui ne peut supporter de comparaison avec celui du Bourbonnais et du Nivernais. D’après cet exposé, les députés demanderont qu’il soit fait une répartition qui rétablisse l’équilibre entre ces provinces. Ils présenteront aussi le vœu de la province pour que les biens des différentes maisons religieuses supprimées dans son étendue et dont la destination n’est pas irrévocablement prononcée, soient employés en hôpitaux, hospices ou collèges. Cette demande est d’autant mieux fondée, qu’il n’y existe aucun établissement public de ce genre. L’assemblée, connaissant les sentiments d’honneur, le patriotisme, la sagesse et les lumières de ses représentants, regarde comme superflu de leur rappeler l’importance des fonctions dont ils sont chargés ; elle s’en rapporte à leur zèle ; et our leur prouver sa confiance, elle les autorise e nouveau, suivant leur honneur et conscience, à délibérer, arrêter et statuer tout ce qu’ils jugeront nécessaire au bien de l’Etat, à celui de cette province et à se conformer pour tous les objets ci-dessus énoncés à ce qui sera convenu par la nation assemblée. (États gén. 4Ï89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén. de la Haute-).] 685 Lesquels instructions et pouvoirs ont été lus, approuvés et arrêtés en l’assemblée de l’ordre de la noblesse par-devant nous, sénéchal, susdit en la ville de Guéret, siège de la sénéchaussée de la province de la haute Marche, afin d’être présentés à l’assemblée générale des Etats du royaume indiquée par Sa Majesté, par MM. les , députés ci-dessus dénommés, auxquels l’ordre Vde la noblesse de ladite sénéchaussée donne pouvoir et puissance de faire suivant qu'il a été arrêté dans ledit ordre, en témoin de quoi les-dits instructions et pouvoirs ont été signés des membres du dit ordre qui ont comparu et du secrétaire, et seront délivrés à MM. les députés par expéditions. Fait à Guéret lesdits jour et an que dessus. Signé marquis de Sainte-Feyre, sénéchal, grand bailli d’épée de la haute Marche ; de Mal-leret, marquis de Saint-Mexant ; Laborey de Bor-pêche, de Saint-Maur, le marquis de la Celle, le comte d’Arfeuille, le marquis de Brade, le comte de Saint Jullien, le comte de Courthille, de Mes-mond, Gouturière-Fournones, Tournyol du Râteau, M. le comte de La Rochebriant, le comte de La Sagne-Saint-Georges, de Seiglière de Breuil, le marquis de La Roche-Aymon, le marquis de Sa-razin , le marquis de�Biencourt , le comte de Montbas, le comte de La Celle, de La Celle, vicomte de Ghâteauclos; Yildon de Ribagnat, le chevalier Esmoingt, Durieux, Baret de Beauvais, Doiron de Chéri gniat, de Courthille fils, Baret des Cheises, le marquis de Brachet, Ribière de Naillat, Batheon de Vertrieux, le chevalier de la Pivardière, le comte d’Autier, le chevalier de Courthille, de Besse de la Ghassagne, Daniel de Montfayon, d’Argiès vicomte de Bernage, le chevalier de Mon-tagnac, de Seiglière de Rocry, comte de Clavière, Le Large de Lourdoueix, le marquis de la Marche le chevalier de La Pivardière , Du Breuil de Sourvolles, de Coudert de la Vaublanche, Tournyol de Peyrat, Rollin de la Ribière, Tournyol du Râteau, Rollin de Courtallier, le chevalier de Château-Bodeau , Ajasson de Grandsagne , de Maulmont, baron de Chalard, et Le Moyne, secrétaire de l’assemblée de la noblesse. Expédié comme ayant été déposé au greffe de la sénéchaussée. Signé Rocque , greffier en chef de la sénéchaussée de Guéret. CAHIER Des doléances du tiers-état de la sénéchaussée de Guéret en la haute Marche (1). Le tiers-état de cette province, pénétré d’amour et de respect pour le meilleur des rois, portera aux pieds du trône la ferme résolution de demeurer toujours uni au vœu général de la nation assemblée. Une surface hérissée de montagnes, un sol aride dont le produit est absorbé par les impôts, sembleraient lui refuser les moyens de concourir au.- bien public ; son zèle y suppléera. Il trouverait le sujet de ses doléances dans ses besoins particuliers. Mais convaincu que l’union des Français va ouvrir les sources de la félicité publique, fonder la prospérité de l’Etat et assurer sa constitution, il ne se permettra que des réflexions relatives à l’intérêt général. Art. 1er. Les députés de la province donneront leurs premiers soins à demander qu’on règle la (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. forme des Etats généraux, que leur constitution soit déterminée et leur retour périodique irrévocablement fixé. Ils demanderont que les suffrages soient comptés par tête, en se prêtant aux circonstances où l’intérêt général exigerait que chaque ordre opinât séparément. Ils auront l’attention, dans les assemblées générales et particulières, de conserver au tiers-état le caractère d’homme libre. Après s’être occupés de la liberté individuelle ui est le premier des biens, ils solliciteront celle e la presse. Ils demanderont que les ministres soient déclarés comptables envers la nation ; rien n’est lus capable de lui inspirer de la confiance et 'assurer son bonheur. Art. 2. Les députés solliciteront les Etats assemblés de réunir et simplifier l’impôt , c’est le moyen d’en alléger le poids ; de n’en accorder aucun, qu’après l’établissement fixe de la constitution nationale. De répartir sur les trois ordres toutes charges et contributions pécuniaires, sans distinction ni privilège, en prenant les précautions nécessaires pour queles capitalistes supportent dans une juste proportion la charge publique, afin que le fardeau ne pèse point entièrement sur le cultivateur et le propriétaire de fonds. D’aliéner le domaine de la couronne et d’attribuer aux engagistes une propriété incommutable, moyennant finance. De mettre dans le commerce les fonds des ordres religieux supprimés, pour en employer le produit à la liquidation de la dette publique, après qu’elle aura été vérifiée par les Etats. D’y appliquer le droit d’annate, qui diminue journellement le numéraire sans aucun retour. De faire verser au trésor royal le tiers du revenu des abbayes et prieurés à la nomination du Roi qui excèdent 3,000 livres, en cas de vacance seulement. Art. 3. Les députés demanderont la suppression des gabelles, des aides et des traites intérieures. C’est le vœu général de la nation, sauf à remplacer, si les circonstances l’exigent, le produit de ces établissements par tels moyens que les Etats généraux arbitreront. . La suppression des tribunaux d’exception qui sont inutiles et à charge au public, en attribuant les fonctions de leurs offices aux juges ordinaires, à la charge du remboursement des finances ainsi que les Etats généraux l’aviseront. L’extinction de la vénalité des offices municipaux, pour procurer aux communautés l’avantage de se régir, en faisant choix de leurs officiers. Art. 4. Les députés supplieront Sa Majesté d’aviser avec les Etats généraux aux moyens de et moins distribution de la justice plus prompte rendre la dispendieuse. D’arrêter le cours des exactions des traitants; l’arbitraire quiils ont introduit dans la perception des droits de contrôle exige un nouveau tarif. 1 De substituer parles mêmes motifs un droit de lods à celui de franc-fief, qui ne sera perçu qu’en cas de mutation par vente au denier douze du prix. | De n’établir dans aucun cas de commissions extraordinaires ; de ne plus accorder de committi - mus ni de lettres de cession. De proroger le délai de deux mois préfixé, par l’édit des hypothèques, à un an, et de porter à six ans la durée des oppositions,