[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1789.] 261 Art. 13. Le pouvoir militaire n’est créé, n’existe, et ne doit agir que dans l’ordre des relations politiques extérieures. Ainsi, le soldat ne doit jamais être employé contre le citoyen. H ne peut être commandé que contre l’ennemi extérieur. Art. 14. Tout citoyen est également soumis à la loi, et nul n’est obligé d’obéir à une autre autorité que celle de la loi. Art. 15. La loi n’a pour objet que l’intérêt commun; elle ne peut donc accorder aucun privilège à qui que ce soit; et s’il s’est établi des privilèges, ils doivent être abolis à l’instant, quelle qu’en soit l'origine. Art. 16. Si les hommes ne sont pas égaux en moyens , c’est adiré en richesses, en esprit, en force, etc., il ne suit pas qu’ils ne soient pas tous égaux en d?-oits. Devant la loi, tout homme en vaut un autre; elle les protège tous sans distinction. Art. 17. Nul homme n’est plus libre qu’un autre. Nul n’a plus de droit à sa propriété, qu’un autre n’en peut avoir à la sienne. Tous doivent jouir de la même garantie et de la même sécurité. Art. 18. Puisque la loi oblige également les citoyens, elle doit punir également les coupables. Art. 19. Tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi, doit obéir à l'instant, il se rend coupable par la résistance. Art. 20. Nul ne doit être appelé en justice, saisi et emprisonné, que dans les cas prévus, et dans les formes déterminées par la loi. Art. 21. Tout ordre arbitraire ou illégal est nul. Celui ou ceux qui l’ont demandé, celui ou ceux qui l’ont signé sont coupables. Ceux qui le portent, qui l’exécutent ou le font exécuter, sont coupables. Tous doivent être punis. Art. 22. Les citoyens contre qui de pareils ordres ont été surpris, ont le droit de repousser la violence parla violence. Art. 23. Tout citoyen a droit à la justice la plus prompte, tant pour sa personne que pour sa chose. Art. 24. Tout citoyen a droit aux avantages communs qui peuvent naître de l’état de société. Art. 25. Tout citoyen qui est dans l’impuissance de pourvoir à ses besoins, a droit aux secours de ses concitoyens. Art. 26. La loi ne peut être que l’expression de la volonté générale. Chez un grand peuple, elle doit être l’ouvrage d’un corps de représentants choisis pour un tempscourt, médiatement ou immédiatement par tous les citoyens qui ont à la chose publique intérêt avec capacité. Ces deux qualités ont besoin d’être positivement et clairement déterminées par la constitution. Art. 27. Nul ne doit payer de contribution que celle qui a été librement votée par les représentants de la nation, Art. 28. Tous les pouvoirs publics viennent du peuple, et n’ont pour objet que l’intérêt du peuple. Art. 29. La constitution des pouvoirs publics doit être telle, que toujours actifs, toujours propres à remplir leur destination, ils ne puissent jamais s’en écarter au détriment de l’intérêt social. Art. 30. Une fonction publique ne peut jamais devenir la propriété de celui qui l’exerce; son exercice n’est pas un droit, mais un devoir. Art. 31. Les officiers publics, dans tous les genres de pouvoir, sont responsables de leurs ré-varications et de leur conduite. Le Roi seul doit être excepté de cette loi. Sa personne est toujours sacrée et inviolable. Art. 32. Un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa constitution. U est même bon de déterminer des époques fixes, où cette révision aura lieu, quelle qu’en soit la nécessité. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE DUC DE LIANCOURT. Séance du jeudi 23 juillet 1789 au matin (1). La séance estouverte par la lecture d’une adresse des communes de Bordeaux, accompagnée de 5,000 signatures et d’une adhésion de 90 électeurs de la même ville. On lit diverses autres adresses des citoyens de Riom, de Sancoins en Nivernais, de la commune du Havre, et des citoyens négociants des diverses provinces du royaume, assemblés en foire à Beaucaire. Toutes ces adresses expriment des sentiments de respect, de confiance envers l’Assemblée nationale, et annoncent les résolutions et les dispositions les plus patriotiques. La noblesse du Maine et celle delà municipalité de Dombes ont envoyé à leurs députés les pouvoirs les plus illimités. M. le Président fait lecture de plusieurs lettres qu’il a reçues de diverses villes qui demandent des secours pour dissiper des troupes de brigands qui, sous prétexte de la disetle des grains, infestent le pays et causent des soulèvements. 11 donne communication de la réponse qu’il fait à ces différentes demandes, en anonçant que le Roi a donné des ordres et pris des mesures pour assurer à ces villes la tranquillité publique. M. le Président fait lecture d’un avis qui lui a été envoyé par le ministre, et qui lui annonce que des grains venus de Barbarie par les soins de M. Necker, pour l’approvisionnement de Paris, sont arrivés jusqu’à Montlhéry, toujours escortés par des troupes; il demande qu’attendu que les troupes ont été retirées depuis Montlhéry jusqu’à Paris, ou prenne des moyens pour faire arriver ces grains de ce poste jusqu’à Paris, en les faisant escorter par des milices nationales. M. le président ajoute qu’il a fait passer cet avis du ministre à M. le marquis de Lafayette. On a annoncé et introduit une députation de la ville de Chartres. M. Parent, portant la parole, a dit: Nosseigneurs, la nation française, attentive à toutes les opérations et aux démarches que vous dicte votre sagesse éclairée, n’a pas besoin de vous engager à continuer les pénibles travaux qu’exige le but qui vous a rassemblés. Elle sait avec quelle confiance elle peut s’en rapporter à votre activité vigilante et à votre dévouement patriotique; elle sait que la révolution heureuse qui se prépare ne sera due qu’à votre zèle et à votre fermeté: (1) Celte séance est i icomp'él© au Moniteur. 262 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 juillet 1789.] aussi, en s’applaudissant du choix qu’elle a fait, ne doit-elle que des remerciments à ses illustres et courageux représentants. La ville de Chartres nous a chargés de cette honorable commission. Organes de la sensibilité de nos concitoyens de tous les ordres, permettez-nous, Nosseigneurs, de déposer à vos pieds le tribut de reconnaissance qui vous est si légitimement dû par tous les bons Français. Permettez-nous de joindre les élans de nos cœurs à ceux des habitants de cette ville, qui peuvent, à tous les moments, vous donner des marques non équivoques de la joie qu’ils ressentent de voir le meilleur et le plus chéri des Rois, réuni avec les représentants de la nation qui l’adore. Permettez-nous enfin de donner une adhésion pleine et entière aux arrêtés fermes et courageux qui opèrent le salut de la patrie, et jettent les fondements de la liberté future. Après nous être félicités avec vous de l'heureux présage que nous offre l’acte de bienfaisance et de justice que vient de faire notre monarque sensible , en rappelant auprès de sa personne sacrée les vertueux ministres, dont les lumières et les conseils ne peuvent que lui être très-utiles pour travailler conjointement avec vous, Nosseigneurs, au grand œuvre que votre ardeur infatigable se propose de perfectionner ; nous partirons pénétrés de la plus respectueuse admiration; nous ferons passer aisément dans les cœurs de nos concitoyens, les sentiments que votre présence nous a inspirés; bientôt nous aurons la douce satisfaction de les voir partager avec nous les flatteuses espérances que notre séjour ici nous a fait concevoir, et joindre les vœux les plus sincères à ceux que nous formons pour le bonheur et la conservation de tous les membres qui composent cette auguste Assemblée. Est entrée ensuite une députation de la ville de Saumur , qui a dit; Nosseigneurs, la ville de Saumur assemblée à la nouvelle qui s’est répandue dans le royaume, du calme rendu à la capitale par les soins de l’auguste Assemblée nationale, et la démarche attendrissante du meilleur des Rois, n’a retenti que de cris d’allégresse, de reconnaissance et d’ivresse, auxquels se sont mêlées l’acclamation et l’expression les plus vives et les plus énergiques d’une foule d’habitants du pays saumurois, qui y sont accourus. Une première délibération a manifeslé le 16 de ce mois, à Nosseigneurs, ces sentiments de vénération et de confiance dont les citoyens sont pénétrés; les derniers bienfaits que la nation en reçoit, redoublent en eux le désir d’en faire éclater leur transport; et comme l’hommage du cœur est le seul tribut digne de la vertu et du patriotisme, la ville de Saumur, organe du pays saumurois, vous offre le sien, Nosseigneurs, par ses députés, avec sa respectueuse et véritable adhésion à vos arrêtés. Lecture est faite d’un arrêté de la ville de Saumur. M. le Président répond à ces deux députations en ces termes : Vous êtes instruits , Messieurs , des sentiments paternels avec lesquels le Roi a cédé au vœu de l’Assemblée nationale; vous ne. pouvez douter du zèle des représentants de la nation ; ils ont droit d’exiger que les provinces aient une entière confiauee dans l’heureux accord qui règne entre le Roi et l’Assemblée nationale, et que le plus grand calme en soit la preuve: c’est le vœu de tous les bons citoyens. M. de Paule Lefèvre d’Orinesson, premier président du parlement, de Raris, ayant demandé d’être admis, est entré. Il a dit qu’il était chargé de présenter à l’Assemblée nationale l’hommage du respect et de la reconnaissance de sa compagnie, et de déposer sur le bureau l’arrêté de la Cour du 20 de ce mois. Lecture est faite de cet arrêté, qui est ainsi conçu : Du 20 juillet 1789. — « La Cour, toutes les Chambres assemblées, vivement touchée des témoignages d’amour et de bonté que le Roi est venu donner à sa bonne ville de Paris et à tous ses fidèles sujets ; « Considérant combien les derniers actes de zèle et de patriotisme de l’Assemblée nationale ont concouru au succès des déterminations paternelles du monarque pour le rétablissement du calme dans la capitale: « A arrêté que M. le premier président se retirera à l’instant par devers ledit seigneur Roi, à l’effet de lui exprimer la vive reconnaissance de la Cour; et qu’il se retirera par devers l’Assemblée nationale, et lui exprimera le respect dont la Gour est pénétrée pour les représentants de la nation, dont les travaux éclairés vont assurer à jamais le bonheur de la nation. » M. le Président répond : Monsieur, l’Assemblée nationale voit avec plaisir la justice et le respect que le parlement de Paris rend à ses décrets. Le chef de I illustre compagnie qui la première a eu le bonheur et le courage de prononcer hautement le vœu de la convocation des Etats généraux, doit jouir d’une douce satisfaction, en étant introduit dans cette auguste Assemblée. Une des plus essentielles occupations des représentants de la nation sera de faire rendre aux lois le respect auquel est intéressé le bien général et particulier, et ils acquerront par ce succès un titre de plus à la reconnaissance de tous les citoyens honnêtes et vertueux, et particulièrement a celle des tribunaux. La réunion sincère de tous les ordres, l’hommage fait à la chose publique par chacun de nous, des usages jusqu’ici respectés, des opinions anciennes, des prétentions privées, les utiles démarches qui en ont été le résultat, ne doivent laisser aux bous citoyens aucun doute du zèle pur et infatigable avec lequel l’Assemblée nationale est dévouée sans réserve au grand œuvre de l’heureuse régénération de l’Empire, avec lequel elle s’occupe du bonheur de la nation la plus généreuse et du Roi le plus digne de son amour. L’Assemblée nationale y voit encore l’heureux présage que, dans cette grande circonstance, aucune classe de citoyens ne laissera, par des considérations particulières, étouffer en elle le sentiment pur et généreux du patriotisme. M. de H’icolaï, premier président de la Chambre des comptes étant entré, a dit: Admis à l’honneur de paraître devant les augustes représentants de la nation, je me trouve heureux, Messieurs, d’avoir à vous offrir l’hommage des sentiments qui animeut la Chambre des comptes, et dont elle m’avait chargé d’être l’interprète auprès du trône. Rendez le calme à nos Listes foyers; vous