(U [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mars 1790.] l’idée de la caisse d’amortissement ; il vous présentera ensuite un projet de décret sur la forme de cette caisse. M. Anson. Un des premiers points à décider par l'Assemblée nationale, c’est la question de savoir si l’on continuera d’accepter en dons patriotiques les offres que font plusieurs communes du montant des impositions réparties sur les ci-de • vant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. M. Camus. Je vois un véritable inconvénient à proposer et à discuter la motion du préopinant ; j’ajoute que le système apparent du comité des finances est de s’en rapporter en tout aux idées du ministre ou de ses premiers commis, sans laisser soupçonner la moindre initiative de la part de ses membres; j’insiste pour qu’on ne rende pas illusoire le décret qui assure aux anciens contribuables une part de réduction d’impôts par suite de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. M. Lelea de La Ville-aux-Bois. J’insiste également pour que les contribuables quelconques profitent de la décharge qui pourra résulter de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789 et qu’à cet effet cette imposition soit répartie en masse sur chaque province. M. Gouttes rappelle qu’il a fait, il y a plusieurs semaines, une motion à peu près semblable à celle de M. Anson, et qu’il a demandé que tous les contribuables soient imposés en proportion des revenus de chaque particulier. M. Ic Président pose les questions. Le décret suivant est ensuite rendu: « L’Assemblée nationale a décrété qu’elle continuera d’accepter les offres que les communes voudront faire en dons patriotiques de la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789 » Diverses motions sont faites sur l’affectation à donner aux fonds de la caisse des dons patriotiques. M. Anson. Il serait à propos de distinguer, dans les fonds de la caisse patriotique, ceux qui sont disponibles en ce moment, de ceux qui ne le seront que par la suite. On pourra employer les premiers à payer les petites rentes sur l’Hôtel de Ville, ou à alléger les besoins momentanés du Trésor public. Le ministre vous a dit avec raison que le mois où nous nous trouvons est le plus embarrassant de l’année. 11 serait possible de consacrer à une caisse pour les amortissements les fonds qui seront disponibles par la suite. M. de Cazalès appuie la première partie de cette opinion. M. le marquis d’Estourmel. C’est une idée très juste et très utile que de payer les rentes au-dessous de 50 livres; elles sont, pour la plupart, possédées par d’anciens domestiques qui habitent les provinces. M. le marquis de Foucault. Je demande l’ajournement, afin de ne verser notre petit trésor national dans l’immense Trésor public qu’à i’épo-gue où on connaîtra à fond l’état de nos finances. M. de Cazalès. Pour assurer aux indigents le service que nous voulons leur offrir, il est à propos de ne payer que les propriétaires des rentes au-dessous de 50 livres, dont la capitation sera inférieure à la somme de 6 livres. Plusieurs projets de rédaction sont présentés. M. le comte de Croix. 11 faudrait d’abord connaître àquelles sommes montent les rentes dont vous désirez faciliter le paiement, afin de savoir si les fonds qui sont à votre disposition peuvent suffire à cette opération. M. Alexandre de liameth propose de consulter le ministre des finances sur l’emploi de ces fonds. Cette proposition est rejetée. M. Camus. Il est à propos de décréter simplement l’intention où vous êtes d’appliquer les fonds de la caisse patriotique au paiement des arrérages de rentes au-dessous de 50 livres possédées par des personnes qui paient moins de 6 livres de capitation, et d’ordonner queles trésoriers se concerteront avec les syndics des payeurs de rentes , quanta la manière défaire les versements et d’exécuter les paiements, pour vous rendre compte incessamment des notions qu’ils auront acquises. Cette proposition est décrétée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que les fonds disponibles étant actuellement dans la caisse patriotique et qui y seront portés à l’avenir, seront employés à payer les rentes de 50 livres et au dessous, perpétuelles ou viagères, qui sont dues à des personnes qui ne paient que 6 livres de capitation ou au dessous. « Et, pour effectuer cet emploi, l’Assemblée nationale ordonne que, dans la huitaine, les trésoriers des dons patriotiques appelleront les syndics des payeurs des rentes de l’Hôtel de Ville de Paris, qu’ils se concerteront avec eux pour la forme, la mesure et la comptabilité du versement des fonds entre leurs mains, et qu’ils rapporteront un projet de décret sur la forme, la mesure et la comptabilité dudit versement. » M. Rabaud de Saint-Etienne demande la parole au sujet du mémoire du premier ministre des finances et de l'adresse de la commune de Paris. Il prononce le discours suivant (1) : Messieurs, j’ai demandé la parole pour vous présenter quelques réflexions sur des objets souverainement importants qui, hier, furent offerts à votre attention, et pour yous soumettre une motion relative aux finances. Le moment devait arriver, et il est venu, où la réforme, dont la nation vous avait imposé le devoir, devait soulever contre vous tous ceux qui vivaient des abus que vous avez supprimés. Ce péril est sans doute le plus grand de tous ; mais, pour vous, Messieurs, qu’est-ce qu’un périt de plus? Dix mois d’exercice vous ont familiarisés a vec les dangers; et, appelés et destinés, ce semble, à rendre la liberté à un grand peuple, vous avez appris par votre expérience que le courage s’alimente d’obstacles, s’accroît par les difficultés, et que, si vous n’aviez point couru de dangers, la cause du peuple n’aurait point eu la victoire. Occupés jour et nuit d’une multitude de tra-(i) Le discours de M. Rabaud de Saint-Étienne est incomplet au Moniteur . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mars 1790.] [Assemblée nationale.] vaux dont le public ne voit que la plus petite artie, vous apprenez cependant quel grand nom-re de moyens on emploie pour faire perdre le fruit de ces travaux à la nation qui doit en jouir. On chercheà tromper le peuplejenlui faisant regretter le régime passé, comme si le peuple, longtemps opprimé de ce régime, indigné du joug sous lequel il gémissait, ne vous avait pas chargés de l’en délivrer. On veut lui faire regretter le temps des volontés et des impôts arbitraires, comme si l’on pouvait croire qu’il en eût perdu le souvenir, et que le droit de décréter ses lois et ses impôts fût un présent dont il ne connaît pas le prix. On cherche à égarer les provinces et la capitale, à les diviser, à former entre elles des germes de jalousie et de discorde. Dans les provinces, on espère qu’en faisant naître en chaque lieu des troubles particuliers, il en naîtra un mouvement général, et que l’ordre que vous avez décrété ne pourra pas s’établir. On répand que vous avez outrepassé vos pouvoirs, comme si l’on pouvait espérer que la nation, mécontente de ses représentants, trouvera que vous avez trop fait pour elle, et qu’elle ne méritait ni tant de courage, ni tant de soins. On essaye de lui suggérer qu’elle doit se presser de nommer d’autres députés, et vous remplacer incessamment par une autre législature, sans doute afin d’abandonner les peuples au tumulte de l’anarchie; la liberté naissante, aux efforts multipliés de ses enuemis ; les finances, la liquidation de la dette et la vérification des dons abusifs, à l’obscurité de nouvelles recherches, et de suspendre ainsi les destinées de la France entre ce qui est fait et ce qui reste à faire. On affecte de répandre que vous aimez l’auto-rité, que vous, voulez prolonger votre pouvoir, que ces milliers d’adfesses d’adhésion sont votre propre ouvrage, et (sarisjs’embarrasser des contradictions) que les provinces vous haïssent, et que les provinces vous enivrent de leurs éloges : que vous marchez trop vite, et que vous marchez trop lentement; que vous avez trop fait, et que vous n'avez rien fait. On dit à l’habitant des campagnes, qu’il paiera plus d’impôts que par le passé, tandis que ni la somme, ni le mode de l’impôt ne sont déterminés; tandis que votre comité des finances, qui a toujours travaillé avec le ministre vertueux en qui la nation a placé sa confiance, vous a annoncé un projet d’économie de cent dix-neuf millions, et que vous en avez déjà décrété soixante; tandis que, par la simplicité de la perception et de l’imposition, les administrations de départements ne peuvent manquer de produire de grandes économies qui tourneront au profit du peuple; tandis que l’imposition des ci-devant privilégiés se porte déjà, en quelques lieux, à près de la moitié de la somme totale des impositions; tandis que vos célèbres opérations, vos opérations dont la mémoire, quoi qu’on en dise, se conservera à jamais chez les habitants des campagnes, ont principalement été faites pour eux. On prend, pour répandre ces calomnies, le moment où les départements et les districts vont se former, époque importante, il est vrai, garant infaillible de la liberté des peuples. En un mot, Messieurs, détruire votre ouvrage, voilà leur but; vous calomnier, voilà leurs moyens. Tel est l’objet de ces brochures, combinées de manière à ce que chaque jour en voie éclore une nouvelle; productions éphémères, couvertes, il est vrai, de votre mépris, et qui, colportées dans 1™ Série, T. XII. 65 votre Assemblée même, sont un hommage à la liberté que vous avez établie; enfants ingrats de captifs, qui, délivrés de leurs fers, se tournent contre leurs libérateurs 1 Que vous dirai-je de plus, Messieurs ? On calomnie le peuple, pour reprendre les moyens de l’opprimer. On calomnie l’Assemblée nationale, afin de lui ôter, si on le pouvait, la confiance des peuples. On calomnie les citoyens armés, afin d’ébranler le boulevard de la liberté publique. On calomnie jusqu’à la noble loyauté du monarque, sa franchise reconnue, son amour pour son peuple et pour la paix, et le vœu public qu’il a manifesté de concourir avec vous à former la constitution qu’il a adoptée. Il est nécessaire, Messieurs, de vous présenter ces observations. Vos travaux continuels ne vous ont peut-être pas permis d’y donner toute l’attention* qu’elles méritent. Et c’est ici surtout que vous reconnaîtrez qu’elles tiennent de près à la matière des finances dont vous allez vous occuper. On vous a exposé la rareté du numéraire. La commune de Paris vous a invités à porter votre attention sur cet objet, et les alarmes qu’on affecte de répandre doivent intéresser votre sollicitude. C’était ici un moyen en réserve pour décréditer l’Assemblée nationale, et opérer ce qu’ils appellent une contre-révolution. Il leur a paru que l’alarme était facile à donner à un peuple nombreux, et entassé dans une enceinte bornée. On a donc publié depuis quelque temps, on a écrit dans les provinces, que la banqueroute était inévitable; la banqueroute, mot odieux que vous avez proscrit par vos décrets, comme vous en épargnerez la calamité à la France par votre courage; la banqueroute, mot infâme, que nul citoyen ne prononce qu’avec horreur, et qui ne peut être répandu avec une détestable affectation que par les ennemis du roi, de la nation et de l’humanité, par ceux qui voudraient voir périr la France, et la réduire à un tas de ruines. J’ai hésité quelque temps, Messieurs, à vous dénoncer ces horreurs du haut de cette tribune; mais il faut que l’on sache partout que les pères de la patrie veillent pour elle; il faut que ses ennemis soient troublés par votre vigilance, comme ils l’ont été si longtemps par votre courage; il faut que tous les citoyens, que vous, Messieurs, soyez prêts à repousser cette dernière attaque que l’on réservait à la Constitution. Et que veulent-ils dire? Que sont ces bruits qu’ils répandent? Quelle est donc cette coupable joie qui rit tout haut de la calamité qu’elle s’imagine follement avoir préparée? Vaines terreurs, qu’ils espèrent de réaliser à force de les répandre. La banqueroute, Messieurs, est impossible; impossible, je le répète, si l’Assemblée nationale continue encore quelques mois ses travaux : elle est inévitable si l’Assemblée se sépare; et, dans ce peu de paroles, je vous donne tout à penser, à vous et aux Français. La banqueroute est impossible, parce que la France est fort au-dessus de ses dettes, parce qu’elle payait sa dette annuelle sous un régime de despotisme, et qu’elle pourra bien mieux la payer sous le règne de la liberté. La banqueroute est impossible, parce que cet empire a de prodigieuses ressources, un numéraire enfoui, mais qui rentrera dans la circulation, quand vous serez parvenus à dissiper la terreur panique ; parce que vous avez un immense revenu foncier, plusieurs fois autant de revenu industriel, les impositions des ci-devant privilégiés, et de- 6ft [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mars 1790.] vaut vous l’avenir, les siècles, la liberté, l’agriculture soulagée, l’industrie délivrée de ses chaînes, et tout ce que promet une bonne constitution. La banqueroute est impossible, parce que vous n’êtes pas obligés de payer le capital de votre dette, parce qu’une bonne partie de capital s’éteint insensiblement, parce que vous ne devez en capital, que six ou sept années de vos revenus ordinaires. Quoi donc! un Etat voisin, dont le capital de la dette surpasse la valeur entière du royaume, si ce royaume était en vente! Quoi ! ce pays est sans alarmes! Que dis-je, Messieurs, il fleurit, il prospère par dessus tous les autres peuples; et nous, parce que nous devons deux cent quarante millions annuels; parce que nous devons six ou sept années de nos revenus; parce qu’une terreur panique fait resserrer un instant le numéraire; parce que, dans la capitale, l’équilibre n’existe pas actuellement entre les espèces et le papier, nous désespérerons de la patrie, et nous croirons que l’Etat est perdu ! Nous avilirons la France à ce point, de penser qu’elle doit périr, parce que l’or et l’argent dont elle abonde se trouvent instantanément resserrés ! La banqueroute est impossible, Messieurs, parce que les Français ne doivent, ni ne peuvent périr; parce que la banqueroute ne peut servir qu'un petit nombre d’âmes atroces qui s’apprêtent à se réjouir sur un tas de ruines; parce qu’elle serait funeste au roi, à l’Etat, au capitaliste, au rentier, à tous les créanciers, à la capitale, aux provinces, et même à l’égoïste, ou avare ou timide, qui entasse et resserre son or. Elle est impossible, parce qu’au moment de périr, s’il fallait périr, vous verriez la foule de bons citoyens dont cette ville abonde, accumuler les offres et les sacrifices, et courir à l’autel de la patrie, pour faire, en un moment de courage, tout ce qui peut s’opérer aujourd'hui par une prudence continuée. Vous avez vu les sacrifices qu’ils savent faire. Doutez-vous qu’ils ne s’empressent à concourir, par leur générosité, à imiter les exemples que leuiv ont déjà donnés deux districts, à suivre les leçons que leur dicte le sage patriotisme de la commune ? Enfin, Messieurs, je le dis, parce que j’en suis profondément convaincu : la banqueroute est impossible, parce que vous êtes ici, et que, pour la faire, il n’existe qu’un seul moyen, c’est de vous séparer. Les impôts, dit-on, ne se perçoivent pas! Ils se perçoivent dans la plus grande partie du royaume : j’en atteste devant vous, Messieurs, votre propre correspondance. Quelques impôts indirects ne se perçoivent plusl Gela est vrai; mais on vous offre, on vous offrira, on vous trouvera des remplacements ; vous les établirez, et le peuple les adoptera avec plaisir, et le peuple les paiera. Peuple infortuné! Bon peuple qui savez aimer, servir obscurément et sans affectation votre patrie et votre roi, quel est donc votre sort ? On vous opprime quand vous courbez la tête ; on vous calomnie, quand vous osez la relever! N’y a-t-il donc aucun mal, me dira-t-on, et nos frayeurs sont-elles chimériques ? Il y en a un, Messieurs; il est grand, il est pressant, il est du moment, et vous devez y remédier. Ce mal, c’est la rareté des espèces. La cause en est facile à indiquer : c’est qu’il y a trop de papier dans la circulation. Puisque vous savez la cause du mal, vous y trouverez le remède. Je prends donc la liberté de vous inviter à prendre très incessamment en considération le mémoire du premier ministre des finances, ce mémoire que vous attendiez depuis quinze jours, et l’adresse de la commune de Paris. Vous chercherez à remettre l’équilibre entre les espèces et le papier, en donnant pour ce moment quelque prépondérance aux espèces, et un appât de confiance, qui les détermine à rentrer dans la circulation. Mille travaux vous pressent, à la vérité, et les peuples en attendent le fruit avec la plus grande impatience. Mais ce mal du moment est plus pressant encore; vous ne quitterez un instant l’objet de vos soins infatigables que pour y revenir plus libres, plus satisfaits; et, dégagés de la sollicitude qui vous oppresse, vous achèverez la constitution avec d’autant plus de courage, que les consolations que vous en recevrez rajeuniront votre vigueur. Les Français vous seconderont par leur patience; les ennemis du bien public verront qu’ils se sont déçus en comptant trop légèrement sur la prétendue légèreté de la nation française ; ce peuple généreux de la capitale, ces braves compagnons de vos travaux continueront de les seconder; ils verront qu’en vous aidant et vous conservant, ils se conservent eux-mêmes. Le roi, le peuple, tous les bons citoyens, les créanciers de l’Etat, la capitale et les provinces, tous auront une cause commune : le salut de la patrie et l’achèvement de la constitution. Avec ce noble et généreux concert, je le répète, Messieurs, la banqueroute est impossible, et la France ne peut périr. Je conclus en vous proposant de décréter que le jour qui a été perdu, la semaine dernière, pour la discussion des finances, lui soit rendu cette semaine-ci ; Qu’en conséquence, l’Assemblée s’occupera� des-finances, jeudi, vendredi et samedi prochain ; Que le comité des financer soit tenu de rendre compte, jeudi prochain, de son avis, sur le mémoire remis hier par Le premier ministre des finances, et sur l’adresse présentée par la commune de Paris. (Une très grande partie de l’Assemblée applaudit à ce discours, et en demande l’impression et l'envoi dans les provinces.) M. de Cazalès. S’il était nécessaire de me justifier contre les allégations au moins incertaines qui ont été faites par le préopinant contre l’intention que je puis avoir eu dans la demande du renouvellement de l’Assemblée, je dirais qu’on a interverti mes phrases ; qu’on en a altéré le sens, et que j’ai demandé non la dissolution, mais le renouvellement de l’Assemblée. Je persiste à croire que c’est le seul moyen qu’on puisse employer avec confiance pour le salut public : je persiste à croire qu’il est impossible d’établir dans cette Assemblée une concorde franche et loyale. Je demande si l’on ne voit pas la résistance bruyante de la minorité faire dépasser à la majorité les mesures de sagesse qu’elle semble s’être prescrites? je demande si l’on n’a pas entendu applaudir une adresse perfide et travestir en esprit de parti des motions d’intérêt commun? je demande si des représentants des trois classes, n’ayant qu’une seule et même mission, confondant tous les intérêts dans l’intérêt commun, ne sont pas plus propres à opérer le bien public ? Mes intentions ne peuvent être calomniées, et je conjure chaque membre de descendre dans sa conscience pour me juger. Il résulte du long mémoire du ministre, que les besoins de 1790 sont considérables, et les ressources difficiles et incertaines. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 179Ô.J Je ne connais qu’un moyen i l’Asâeûiblée doit s’armer de courage; elle doit écarter toute dissimulation ; on ne guérit pas les maux qu’on se dissimule. Il faut presser le comité des finances* dont l’incertitude continuelle vous inquiète et vous arrête. Je conclus à ce que l'Assemblée prenne la détermination ferme de s’occuper des finances, et décrète qu’elle donnera quatre jours par semaine à ce travail, et que d’abord, après la délibération sur les colonies, elle mettra à la discussion le mémoire du ministre. M« le comte de Croix. Il n’existe pas de différence d’intention et de principe, mais d’opinion : cette différence n’est point dangereuse, puisque c’est d’elle seule que peut naître la vérité. J’en trouve une preuve incontestable dans la sagesse de vos décrets. M. Alexandre de Laméth, Je suis très persuadé que les finances sont dans un état tel qu’il faut s’en occuper sans retard. Si c’en était le moment, je dirais que ce n’est point le discrédit, mais la coalition secrète des ennemis de l’Etat, qui fait cacher le numéraire. (M. de Cazalès in - terrompt l’opinant .) Ge que j’ai dit est facile à prouver par un simple raisonnement s la Révolution porte sur ceux qui se sont enrichis par les abus; ils possèdent le numéraire; ils Péri fouissent, dans l’espoir de faire croûler la constitution; mais ils n’y réussiront pas..... Gomment croire à la banqueroute, quand les gages que nous ail ons donner à la nation s’élèvent aux capitaux de la dette ? S’il était un moyen de l’occasionner, ce serait d’empêcher la perception des impôts. Pour percevoir les impôts avec sûreté, il faut rétablir l’ordre ; pour rétablir l’ordre, il faut achever la constitution. Vous avez encore à organiser l’armée, le pouvoir judiciaire, etc. Serait-il prudent de donner quatre jours aux finances? Je demande que rien ne soit changé dans l’ordre du travail que la constitution ne soit finie ou très avancée. S’il faut donner un jour de plus aux finances, que ce soit le dimanche; s’il ne reste pas encore assez de temps à la constitution, travaillons jour et nuit, si notre force physique peut y suffire. Je demande positivement qu’on délibère sur la motion de M, Rabaud de Saint-Etienne. M, Rabaad de Saint-Etienne. 11 est devenu indispensable que j’ajoute un mot. Je n’ai rien dit ici qu’on puisse me reprocher ; j’ai parlé de nos craintes, de nos maux, de nos espérances, de nos devoirs; j’ai parlé des brochures que vous voyez, que vous lisez, que vous méprisez: je n’ai eu personne en vue ; c’est le bien publie qui m’occupe, L’Assemblée ordonne l’impression et l’envoi dans les provinces du discours de M. Rabaud de Saint-Etienne, Elle fend ensuite le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’elle s’occupera constamment de la discussion des finances durant trois jours de la semaine, savoir : les vendredi, samedi et dimanche; décrète aussi qne le comité des finances donnera son avis vendredi prochain snr le mémoire remis hier par le premier ministre des finances, et sur l’adresse présentée par la commune de Paris. » M. le Président lève ensuite la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQÜIOÜ. Séance du lundi 8 mars 1790 (1). M. Gaultier de Itiauzal, l’un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Le procès-verbal est adopté. M. Bouche représente que le décret dü 7 janvier dernier, qui autorise lés nouvelles municipalités à faire prêter serment par les gardes nationales, à la nation, à la loi et au roi, n’â point été erivdÿé à Ces municipalités; il dit qu’il Serait à propos de vérifier si ce décret a été sanctionné ou non, L’Assemblée décidé que l’archiviste sera chargé d’aller vérifier le fait. M. liaborde de Méréville demande que conformément au vœu exprimé dans la note qui termine le discours de M. Necker, lé président de l’Assemblée écrive aux administrateurs de la caisse d’escompte. M. Necker observait, dans cette note, que la caisse d’escompte voulait fournir, en rescriptions payables au mois d’avril , les sommes qu’elle doit compter en mars. Get arrangement nuirait au service de ce mois, et le ministre désire que, par Uü décret, les administrateurs soient empêchés de payer en effets à des échéances postérieures au mois de marg. M. de La-borde demande ensuite l’impression de l’état des créances exigibles au Trésor royal sür plusieurs particuliers, et de celui des dépenses qui ont été communiquées aux commissaires nommés il y a quelques mois potir i’examen de divers plans'de finance. Ce3 propositions sont accueillies par l’Assemblée, qui décrété : « L’Assemblée décrète que le président est chargé d’écrire aux administrateurs de la caisse d’escompte, pour les engager à ne pas donner au Trésor public, pour le reste de son engagement de 80 raillions, des effets payables au delà du mois de mars : « 2° Que l’état des créances snr divers particuliers, existant au Trésor royal, soit imprimé ; « 3° Que l’état des dépenses extraordinaires dé cette année soit imprimé. » M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret relatif à la suppréssion des droits féodaux. M. Merlin, rapporteur. Dans une de vos précédentes séances, vous avez commencé la discussion du titre 3 relatif aux droits seigneuriaux rachetables et vous avez adopté l’article l*r. Voici ies termeg de l’article 2. Et sont réputés tels : 1° Tontes les redevances seigneuriales annuelles en argent, grains, volailles, denrées ou fruits de la ferre, servies sous la dénomination de cens, surceûs, rentes féodales, seigneuriales OU emphytéotiques, cham part, tasque, ferrage, agrié, soété, corvées réelles, ou sous toute autre dénomination quelconque, qui ne se paient et ne sont (1) Cette Séance est incomplète an Moniteur.