404 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 46 Les représentans du peuple délégués dans les départemens des Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine et [à l’armée des] Côtes-de-Brest écrivent que le drapeau envoyé à cette armée y a redoublé l’énergie. Us rendent compte de l’état de l’armée et de celui du pays; plus de sang, plus de pillage, plus d’échafaud permanent, disent-ils, et le commerce reprendra son activité, les arts leur lustre, les citoyens leurs vertus et leurs moeurs. Insertion au bulletin en entier (72). [Les représentants du peuple délégués dans les départements des Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, et armée des Côtes-de-Brest, à la Convention nationale, de Rennes, le 13 vendémiaire an III] (73) Citoyen président, Si toutes les armées de la République ont également bien mérité de la patrie, le drapeau tricolor que la Convention nationale vient d’affecter à l’armée des Côtes-de-Brest sera le témoin de nouveaux triomphes sans doute : ainsi l’étendard de la victoire devient le monument de la reconnoissance nationale, et les guerriers blessés choisis pour offrir ce gage, les modèles vivants du courage et de la vertu ; eh ! tel a été l’effet de ce présent national qu’en recevant ce drapeau, l’armée tout entière a senti doubler son énergie. Et nous aussi, se sont écriés à l’envie les soutiens de la liberté, nous dirons bientôt avec nos frères d’armes, nous avons purgé le territoire de la République; et si tous les crimes ensemble sont les troupes auxiliaires de l’Angleterre, si des correspondances criminelles ont scu organiser l’assassinat dans ces malheureuses contrées, notre courage déjouera leurs sinistres projets ; nos bayonnettes, au pas de charge, poursuivront, détruiront jusqu’au dernier de ces hommes-tigres ; mais, réservant nos vertus militaires, notre subordination, notre respect pour les propriétés, notre humanité pour combattre nos frères égarés, notre plus beau triomphe, après les avoir vaincus, sera encore de les presser contre nos coeurs. Tels étaient leurs voeux, leurs serments, lorsque les cris de Vive la Convention! vive la République une indivisible et impérissable! agitèrent le drapeau tricolor ; il se déploie, et cette adresse sublime : La Patrie reconnaissante, fixe tous les yeux ; des larmes expansives, un silence expressif firent passer dans toutes les âmes le feu sacré de la liberté; les bras s’ouvrirent, les coeurs se serrèrent, et les citoyens et les volontaires confondus dans leurs embrassements, (72) P.-V., XLVII, 38. (73) C 321, pl. 1338, p. 16. Moniteur, XXII, 180-181; Bull., 17 vend. ; Ann. Patr., n” 646; Ann. R. F., n' 17; C. Eg., n”781; Débats, n° 747, 278-280; F. de la Républ., n° 18; J. Fr., n° 743; J. Mont., n° 162; J. Perlet, n” 745; M. U., XLIV, 267, 278-279; Rép., n” 18. offrirent à la République le spectacle imposant de tout un peuple qui veut la liberté. Témoin de cette scène majestueuse, j’ai cru devoir en offrir la foible esquisse à la Convention nationale, et l’assurer que la persuasion peut beaucoup encore, peut tout, dans ces départements, où les habitants des campagnes, sortis de leur stupeur, se réveilleront bientôt pour la liberté. Plus de sang, plus de pillage, plus d’échafaud d’une permanence arbitraire; et les intrigants et les ftipons crieront, qu’on ne les entendra pas ; ils calomnieront, on n’y croira plus ; le commerce reprendra son activité, les arts leur lustre, les citoyens leurs vertus et leurs moeurs. Nos collègues Bollet et Ruelle vous diront qu’à Nantes, à Caen, à Rennes, les patriotes opprimés respirent enfin, que le gouvernement révolutionnaire y reprend sa véritable énergie, et que, malgré l’aristocratie et le modérantisme, les citoyens naguère terrifiés se prononcent avec courage. Armé de vos décrets consolateurs, j’irai dans tous les districts, dans tous les cantons, réchauffer le courage des républicains, et ranger sous les drapeaux de la liberté les habitants fanatisés de ces malheureuses contrées. Déjà nombre de citoyens, enhardis par votre sistème régénérateur, se prononcent ou abjurent leur erreur; et c’est sur leur dénonciation que j’ai découvert la retraite d’un grand nombre de chefs de brigands, de nobles aristocrates, de prêtres réfractaires : à l’instant même on m’annonce la découverte de quatre de ces scélérats, provoquant le meurtre, le viol, le pillage, au nom d’un Dieu de paix, et sous peu leur numéraire, montant pour aujourd’hui à plus de 8 000 L, leurs assignats, leurs croix d’argent et autres effets trouvés, iront grossir le trésor national, au nom de la justice et de la raison. Ce n’est pas sans fondement que les intrigans et les fripons crient au modérantisme et à la contre-révolution; elle est faite pour eux : leur règne de sang est passé, et les vertus et la probité mises à l’ordre du jour leur ôtent à jamais l’espoir d’élever une nouvelle idole à leur ambition meurtrière. J’instruis les comités de Salut public et de Sûreté générale de détails importans qui exigent encore le secret. Je suis aux ordres de la Convention, à la vie et à la mort. Salut et fraternité. Signé Boursault. [. Procès-verbal de la fête solennelle qui a été célébrée à Rennes, le 1er décadi du mois vendémiaire, Van 3e de la République une et indivisible, en présence du représentant du peuple envoyé près l’armée des Côtes-de-Brest, des autorités constituées, civiles et militaires, des républicains composant la garnison de la place, et officiers de l’état-major général, à l’occasion de la réception du drapeau que la reconnaissance nationale a déféré à cette armée par le décret de la Convention nationale du 26 fructidor dernier ] (74) (74) C 321, pl. 1338, p. 17; Moniteur, XXII, 181; Bull., 17 vend.; Débats, n“ 747, 280-281; M. U., XLIV, 279-280. SÉANCE DU 17 VENDÉMIAIRE AN III (8 OCTOBRE 1794) - N08 47-48 405 Les troupes composant la garnison et la garde nationale de Rennes, accompagnées de toutes les autorités constituées, civiles et militaires, et rassemblées sur la place de l’Egalité, la force armée s’est formée en bataillon quaré, et les administrations, dans le centre ont occupé leur poste autour de l’arbre de la liberté. Il fut formé un détachement de grenadiers des différens bataillons, lequel se transporta au quartier général, où le drapeau était déposé. Bientôt après les sons d’une musique guerrière annoncèrent l’arrivée de ce gage sacré de la reconnaissance nationale, qui était porté par les deux braves invalides choisis par la Convention pour le remettre à l’armée. Le représentant du peuple et les républicains composant l’état-major général ouvraient la marche de ce cortège militaire. Arrivé sur le front des bataillons rassemblés, la vue d’un don si cher, défilant au bruit des instruments et des cris d’allégresse devant les rangs, produisit dans tous les coeurs une douce émotion, naturelle à la sensibilité des défenseurs de la liberté. Le plus profond silence succéda à ce beau mouvement. Alors le représentant du peuple Boursault consacra la réception de ce gage honorable, offert à la valeur et aux vertus républicaines de l’armée, par un discours plein de sagesse et d’énergie, qui pénétra toutes les âmes ; la troupe ensuite se retira dans ses quartiers respectifs, aux cris mille fois répétés de vive la Convention! Mais cette auguste cérémonie, préparée par la reconnaissance et devenue le prix du courage et des vertus du soldat-citoyen, ne pouvait manquer de recevoir la sanction de ses frères, du citoyen-soldat ; pères, mères, enfants et vieillards : tous s’étaient portés en foule au temple de la Raison, où l’allégresse commune des habitants de Rennes s’exprima vivement, tant par des hymnes patriotiques que par des discours propres à raffermir le règne de la liberté et de l’égafité, des bonnes moeurs et de la vertu. Fait au quartier général, à Rennes, le jour de cette fête militaire, 10e jour du mois vendémiaire, l’an 3e de la République une et indivisible. Le général de brigade, chef de Vétat-major général, Parein. La Convention nationale décrète l’insertion de cette lettre et du procès-verbal au bulletin. 47 Sur la proposition d’un membre, la Convention nationale décrète qu’il sera distribué cinq autres exemplaires du rapport fait précédemment par Grégoire sur la conservation des arts et métiers (75). (75) P.V., XLVII, 38. C 321, pl. 1332, p. 23, minute de la main de Barailon, rapporteur. Ann. R. F., n° 17 ; Ann. Patr., n° 646; C. Eg., n” 781. La Convention nationale décrète que le rapport fait par Grégoire sur les récompenses à accorder aux savans, gens de lettres et artistes sera imprimé et distribué à ses membres au nombre de six exemplaires (76). 48 La société populaire et régénérée de la commune de Caen [Calvados] se plaint des calomnies qu’on répand sur les citoyens : elle déclare qu’elle ne reconnoîtra pour chef de l’Etat que la représentation nationale, et pour souverain que le peuple ; que toute autorité rivale sera regardée comme usurpatrice; elle envoie le procès-verbal de sa séance du 5 vendémaire. Mention honorable, insertion au bulletin (77). [La société populaire républicaine et régénérée de la commune de Caen à la Convention nationale, du 6 vendémiaire an HT] (78) Liberté Egalité Mort aux traitres et aux tyrans Représentans du Peuple, Encore des calomnies contre nous! Quand donc les enfans du crime seront-ils satisfaits? Ils voudraient faire planer sur nos têtes l’ombre de Robespierre, mais c’est en vain : la terreur s’enfuit devant la justice et la probité. Cessez donc, scélérats, puisque vos crimes déchirent jusqu’aux voiles de la nuit, et que chaque citoyen lit sur vos fronts, vos forfaits et votre infamie. Représentans du Peuple, sur toute la surface de la République, les méchants s’agitent. Semblables à des vipères qui lèvent leurs têtes du milieu de la fange qui les couvre, ils vomissent leur poison, ils veulent s’élancer sur les vrais républicains, arrêtez-les... Ils voudraient dévorer la patrie. Qu’ils rentrent dans le néant, leur existence accuse la nature et la justice. Vous êtes nos législateurs, nous ne reconnaissons que vous pour chefs de l’Etat, que la représentation nationale, pour point de rali-ment, comme nous ne reconnaissons que le peuple pour souverain. Nous vous réitérons donc le serment que nous avions prêté tant de fois, entendez-le : nous jurons de nous serrer toujours, autour de la Convention. Nous regarderons comme ennemys du peuple, tout homme qui voudrait élever auprès d’elle une autorité rivalle, insolente et usurpatrice. Nous vous envoyons le procès-verbal de notre séance du cinq (76) C 321, pl. 1332, p. 24. Débats, n 747, 277. (77) P.V., XLVII, 38. Bull., 18 vend.; Bull., 24 vend. (suppl.); Gazette Fr., n“ 1011; J. Perlet, n" 745. (78) C 322, pl. 1352, p. 26.