|27 novembre 1790. 95 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale. J tutionnelle qui abroge et proscrit à jamais tous les I vœux solennels. Telle est la marche qae vous avez suivie dans cette session. Il ne m’ajipartbmt pas de juger maintenant des motifs de M. de Mirabeau ; mais j’ose lui demander confidemment, si si je les ai bien devinés ? Ést-ce encore une autre préparation législative pour vous conduire à la proscription de la religion catholique dans ce royaume, est-ce (meure le même artifice que l’on a voulu employer dans cette partie du rapport, où, après vous avoir proposé de suspendre, c’est-à-dire de défendre les ordinalions, on s’est permis de flétrir, du ton le plus auguste, tout le corps épisconal ? Quels que soient vos principes religieux, Messieurs, le Corps législatif doit sentir la nécessité d’environner les premiers pasteurs de la considération publique. Législateurs d’un jour, législateurs de quelques journaux serviles, vous regardez comme de bons Français tous ceux que la Révolution a enrichis, tandis que vous dénoncez comme de mauvais patriotes tous les citoyens qu’elle a ruinés ? Vous aurez beau m’interrompre, en répondant par des murmures à mes raisons, comme si mes raisons étaient des injures. Eh ! que craignez-vous, pour vous abaisser aux menaces ! Le règne de la justice n’est pas encore arrivé; mais le moment de la vérité est venu, et vous allez l’entendre. Nous dirons donc, lorsque vous vîntes inviter le clergé, au nom d’un Dieu de paix, à prendre place dans cette Assemblée parmi les représentants delà nation, il ne devait pas s’attendre à s’y voir livré, du haut de cette tribune, au mépris et à la rage des peuples. Nous dirons qu’il y a autant de lâcheté que d’injustice à attaquer des hommes qui ne peuvent opposer aux outrages que la patience, et a la fureur que la résignation. Nous dirons à nos détracteurs que, si le tombeau, dans lequel ils croient nous avoir ensevelis, ne leur paraît pas encore assez profond, pour leur répondre de notre anéantissement, ce seront leurs injures, ce seront leurs persécutions qui nous en ferons sortir avec gloire, pour reconquérir l’estime et l’intérêt de la nation, et que la pitié publique nous vengera bientôt du mal que nous a fait l’envie. Vous demandez qu’on me rappelle à l’ordre? Eh ! à quel ordre me rappellerez vous ? Je rie m’écarte ni de la question, ni de la justice, ni de la décence, ni de la vérité. Les orateurs qui m’ont précédé dans cette tribune n’ont pas été rappelés à l’ordre, quand ils ont insulté sans pudeur et sans ménagement nos supérieurs dans la hiérarchie; je ne dois donc pas être appelé à l’ordre quand je viens décerner au corps épiscopal une juste et solennelle réparation. Tous les vertueux ecclésiastiques du royaume s’empresseront de ratifier cet hommage public de respect, d’attache-illent et de confiance, que nous devons à nos évêques. Nous avons vécu sous leur gouvernement paternel, que l’on ose vous dénoncer comme un gouvernement despotique; et nous vous déclarons que nous avons toujours chéri leur autorité douce et bienfaisante, qu’il est bien plus facile de calomnier que d’imiter. Nous désavouons hautement les éloges insultants que l’on a prodigués au second ordre du clergé, en déprimant le premier. Le piège est trop grossier pour nous tromper. Nous ne nous séparerons jamais de nos chefs et de nos guides. Nous nous ferons gloire de partager tous leurs malheurs; et on ne parviendra plus à nous diviser par des manœuvres, dont une expérience trop récente nous a révélé tous les dangers. Nous souhaitons, Messieurs, que vos prétendus décrets régénérateurs de l’église de France, ne fassent pas déchoir vos pasteurs de la gloire qui leur appartient, depuis trois siècles, d’être par leur science et leur régularité le premier clergé de l’univers. L’Europe et la postérité confirmeront ce témoignage incontesta-b'e, que je leur rends en votre présence. Que dis-je? Leur conduite, dans ce moment de crise et de terreur, va vous apprendre à les connaître. L’intérêt n’a pu les émouvoir : mais la foi est en péril; l’honneur parle : il suffît, tout danger personnel dis parait. Vous verrez, par l’exécution même du fatal décret que vous êtes prêts à prononcer, si vous ne devez pas regarder comme des ennemis de la patrie, les fanatiques persécuteurs qui oppriment et tourmentent, sans intérêt, de faibles pasteurs accoutumés à prier pour ceux qui les insultent et dont la patience a dû vous apprendre, dans la séance d’hier au soir, ce qu’ils savent souffrir et endurer en silence quand ils défendent les intérêts de la religion. Nous imiierons avec enthousiasme le bel exemple de fermeté sacerdotale que vient de donner, à toute la France, le brave et bon clergé de Qjimper. La religion a dû infiniment gagner à tous ces débats, qui ont achevé d’en démontrer, politiquement, la nécessité. Qu’on ose donc nous vexer, en nous demandant des serments contraires à nos principes! Nous retrouverons cette énergie de courage qui ne compte plus pour rien le sacrifice de la fortune et de la vie, quand il faut s’/mmoler au devoir. Prenez-v garde, Messieurs, il est dangereux de faire des martyrs. Il est dangereux de pousser à bout des hommes qui sont disposés à rendre à César ce qui apnartient à César mais qui veulent aussi rendre à Dieu ce qu’ils doivent à Dieu; et qui, en préférant la mort au parjure, vous prouveront, par l’effusion de leur sang, que s’ils n’ont pas été assez heureux pour se concilier votre bienveillance, ils savent, du moins, mériter et forcer votre estime ! Je conclus donc à l’ajournement de la motion qui vous a été adressée au nom de quatre de vos comités, jusqu’à ce que le roi ait reçu et nous ait fait transmettre officiellement la réponse du souverain pontife : seul juge compétent que nous puissions reconnaître, en matière de discipline ecclésiastique, spécialement lorsqu’il s’agit d’ériger ou de supprimer des sièges épiscopaux dans l’église de France, sans l’intervention d’un concile national. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 27 NOVEMBRE 1790. Opinion de M. Canins sur l'exécution des lois concernant la constitution du clergé , prononcée à la séance du soir. (Nota. Nous avons inséré plus haut la version mouvementée du Moniteur, mais nous avons pensé, néanmoins, qu’il y avait lieu dé reproduire ici, in extenso le discours de M. Camus, ainsi que l’adhésion donnée par plusieurs curés et prêtres députés, aux principes qu’il contient.) L'amour de la religion, un attachement sans partage à la foi de mes pères ; i’amour de la patrie, une appréhension vive qu’on n’égare mes con- (Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790. 96 citoyens par de vaines terreurs sur le danger que la religion catholique courrait quant à l’intégrité ou à la pureté do ses dogmes, m’ont fait deimuMer la parole dans la séance du samedi 27 novembre. Les mêmes motifs me mettent aujourd’hui la plume à la main : la forme de la discussion qui s’était établie, ne m’a permis que de faire apercevoir le principe : l’Assemblée l’a saisi : je crois utile de le développer, pour mettre tous mes compatriotes à portée d’en sentir la vérité et les conséquences. Je n’ai pu pré enter alots qu’une seule réflexion sur l’écrit intitulé : Exposition des principes sur la constitution du clergé par les évêques députés à l’Assemblée nationale : j’en aurais un grand nombre à faire ; mais il est essentiel d’en publier quelques-unes qui mettent tout le monde en état déjuger cet écrit et de l’apprécier. Les objets dont il s’agit, dans les deux séances du 26 et du 27 novembre, ont éié d’abord, le récit d’un grand nombre de faits qui prouvent, de la part de beaucoup d’ecclésiastiques, soit le refus d’exécuier les décrets prononcés par l’Assemblée nationale et acceptés par le roi, sur la constitution civile du clergé, soit une désobéissance formelle à ces décrets. A la suite de ce récit venait la proposition des moyens propres à assurer à l’avenir l’exécution des mêmes décrets: l’Assemblée avait à juger si les moyens qu’on lui présentait étaient ou n’étaient pas les plus propres pour arriver à l’exécution des décrets. Mais bientôt la discussion s’est engagée sur un autre sujet : et, comme s’il n’eût pas encore existé une loi du royaume, une loi solennelle qui fixât la constitution et l’état du clergé en France, on est revenu à la question déjà traitée et jugée, du pouvoir de l’Assemblée nationale pour statuer sur ces matières. Quelques ecclésiastiques, qui ont parlé dans l’une (t l’autre séance, ont soutenu, en suivant les errements de Y Exposition des principes , qui venait d’être publiée depuis peu de jours, que l’Assemblée nationale ri’avait pas eu le pouvoir de faire une nouvelle distribution des évêchés et des métropoles en France, de diminuer leur nombre, de changer leur siège, de statuer, ainsi qu’elle l’a fait, sur les élections des évêques et des curés, sur la liberté donnée à ceux-ci de choisir leurs vicaires, etc. Ces mêmes ecclésiastiques ont reproché à l’Assemblée de jeter le trouble entre le sacerdoce et l’Empire, d’inquiéter les consciences, en se refusant à un parti qu’ils lui proposaient, parti facile et du succès duquel ils se rendaient en quelque sorte garants : c’était d’attendre une décision du pape qui devait être prochaine, et qui autoriserait les évêques à se conformer aux décrets de l’Assemblée nationale. Un pareil système ne pouvait pas demeurer sans réponse. 11 a fallu le combattre ; revenir, par conséquent, aux principes qui ôtaient la base des décrets déjà prononcés par l’Assemblée; et en répondant aux ecclésiastiques qui répétaient dans la tribune les raisonnements contenus dans l’exposition des principes, examiner cette exposition. Ainsi l’attention de l’Assemblée nationale a été fixée sur trois points : 1° l’autorité de la nation que l’Assemblée représente, pour porter les lois qui existent aujourd’hui sur la constitution du clergé ; 2° la question de savoir si Fondevr.it attendre ou non, pour exécuter ces lois, une décision du pape ; 3° l’exactitude ou l’inexactitude des principes établis par les évêques dans leur exposition du 30 octobre dernier. C’est sur ces trois objets que je m’expliquerai successivement : 1. — Lanation assemblée par ses représentants établit, sur la base inaltérable des droits de l'homme, la Constitution française. Elle distribue les pouvoirs nécessaires au maintien de l’ordre; elle examine toutes les parties dont la réunion concourt au bonheur des peuples ; l’état de la religion, de son culte, de ses ministres ne devait pas échapper à ses regards; il les a fixés. Dans le régime que la nation a aboli, la distinction des trois ordres avait fait des pasteurs des âmes et des ministres du culte, une classe elevée au-dessus des deux autres, plus puissante encore par ses richesses que par l’influence des fonctions augustes dont elle était chargée. L’institution primitive du divin fondateur de la religion avait été altérée. Depuis que de grands seigneurs avaient pris les places d’humbles ministres, depuis que les ministres, chefs de l’Eglise, avaient eu l’ambition de gouverner le royaume, lous les devoirs avaient été confondus. L’état de la religion annonçait paitout les suites funestes des abus résultant d’un désordre déjà prolongé depuis plusieurs siècles. L’Assemblée de la nalion, se trouvantaumoment de délibérer sur la religion, avait incontestablement le droit de déclarer quelle serait la religion qu’elle maintiendrait. Elle aurait fait un uialheu-teux et condamnable abus de son pouvoir, si elle avait préféré toute autre religion à la vraie religion, à la religion catholique, Aussi l’Assemblée n’a-t-elle pas même cru devoir mettre cet objet en délibération. Elle n’a délibéré que pour décréter qu’il y aurait des évêques dans les departements, des curés dans les paroisses; que le cuite, conforme a la religion catholique, serait une des dépenses de l’Etat ; que ce culte serait même le seul à la charge de l’Etat. Un assentiment général lui a paru, quant au surplus, préférable à toute délibération. Il s’en faut donc de tout, que jamais il soit venu à l’esprit de l’Assemblée nationale de rejeter la religion catholique : mais enfin, ce qu’elle n’a pas fait, elle avait le pouvoir de le faire: pouvoir malheureux, triste pouvoir qui n’est que celui d’ètre coupable, mais pouvoir qui n’était pas moins réel dans l’Assemblée et de la nation. En conservant librement la religion catholique dans le royaume; en la conservant au moment où la France se donne une nouvelle Constitution, l’Assemblée nationale était exactement dans le cas où des missionnaires catholiques entrent dans un Etal et demandent à y être reçus. C’est un axiome généralement connu, que la religion est dans l’Etat, et non l’Etat dans la religion ; conséquemment qu’il faut que la religion soit reçue dans l’Etat, qu’elle y soit admise en connaissance de cause; et que, tout ce qui n’est que di.'Cipline, est sujet aux modifications exigées par l’Etat qui, en recevant Ja religion, dicte à ses ministres les conditions sous lesquelles il consent à les recevoir. Jamais ces conditions ne tomberont sur le dogme, parce qu’il n’est pas au pouvoir des puissances de la terre de changer les dogmes de la vraie religion. La foi catholique forme un tout qu’on ne saurait altérer dans une de ses parties, sans anéantir son ensemble. Mais il n’en est pas de même de sa discipline, de ses pratiques extérieures : et c’est sans doute la raison pour laquelle son divin fondateur l’a chargée de très peu de pratiques extérieures : il voulait quelle [27 novembre 1790.] 97 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. s’établît dans le cœur des hommes ; et que les coutumes, si variées des peuples divers, nemissent aucun obstacle à sa propagation. Venons maintenant au cas particulier qui sert de prétexte aux déclamations et aux plaintes. L’Assemblée nationale a diminué le nombre des évêchés et des métropoles; elle a réglé le siège de leur établissement. Si une nation a le droit de régler ces objets au moment où elle reçoit la religion chrétienne, elle a le même droit lorsque, par un acte de sa souveraineté, elle la conserve librement. Or, qui oserait nier que quand la religion chrétienne est reçue dans un Etat, cet Etat ait le droit d’assigner et le nombre et le lieu des cures, des évêchés, des métropoles? Quel est le missionnaire digne de sa vocation, qui refuserait de prêcher l’évangile, parce que, sur son annonce qui est de l’essence de la religion chrétienne d’avoir des évêques et des curés, la nation lui déclarerait qu’elle consentira à l’établissement de dix évêchés plutôt que de vingt ; de mille curés plutôt quede douze cents. La nécessité d’avoir des évêques et des curés tient à la foi catholique. 11 ne tient pas à la foi que, dans l’espace de cent lieues, il y ait un ou deux évêques, cent ou cent cinquante curés. Ces arrangements extérieurs doivent être fournis à la volonté d’une nation qui exerce sa souveraineté en recevan t la religion chrétienne ou en la conservant. Si l’Eglise a quelque pouvoir à cet égard, c’est uniquement celui de faire tout ce qu’il convient pour se conformer à la volonté du souverain et pour l’exécuter. Un exemple frappant confirme ce qui vient d’être dit. L’histoire ecclésiastique nous a conservé le récit édifiant de l’admission de la religion chrétienne en Angleterre. Ou y trouve des détails qui sembleraient avoir été faits pour ne laisser aucun doute sur les questions qui s’agitent aujourd’hui. Augustin arrive en Angleterre, en l’année 597, pour y prêcher la foi. 11 avait pris terre aux. côtes de la province de Cant; et il avait envoyé vers Ethelbert, roi de Gant, pour obtenir de lui une audience. Le roi le reçoit. Augustin et les missionnaires qui l’accompagnaient exposent les vérités de l’évangile. Le roi, après les avoir entendus, admire leurs discours ; il est touché des promesses du bonheur d’une autre vie. Cependant, ajoute-t-il, ce que vous m’annoncez étant nouveau, je ne peux y consentir, et abandonner ce que j’ai observé depuis si longtemps avec toute la nation des Anglais. Toutefois parce qu’il me semble avoir reconnu que vous désirez nous faire part de ce que vous croyez le plus vrai et le meilleur, je veux vous bien recevoir, vous faire donner ce qui sera nécessaire pour votre subsistance, et je ne vous empêche pas d’attirer à votre religion tous ceux que vous pourrez persuader. Il leur donna un logement dans la ville de Doroverne qui était sa capitale, depuis nommée, par cette raison, Gautor-béry. Les missionnaires menèrent dans ce lieu une vie sainte ; ils pratiquaient, dit l'abbé Fleury, de l’histoire duquel je transcris ce récit (1); Us pratiquaient tout ce qu’ils enseignaient : ne prenant de ceux qu’ils instruisaient que les choses nécessaires à la vie, et méprisant tous les biens de ce monde. Plusieurs Anglais embrassèrent la foi, touché, de la vie simple et innocente des missionnaires et de la douceur de leur doctrine; le roi lui même, ravi de la pureté de leur vie, crut et fut baptisé. Alors il leur donna dans sa capitale un lieu convenable pour établir un siège épiscopal, avec des biens suffisants. Voilà donc le prince qui admet la religion catholique, qui reçoit sa doctrine et ses ministres, mais qui règle seul le lieu où sera le siège épiscopal pour lequel il donne un logement convenable. Ge n’est pas tout : le pape Grégoire, qui avait envoyé Augustin eu Angleterre, entretenait avec lui une fréquente correspondance. Par une lettre de l’année 601, il lui avait marqué ce qui lui paraissait convenable pour l’établissement des métropoles et des évêchés; il lui indiquait Yorck pour le siège d’une métropole, et Londres pour le siège d’une autre métropole (1). Cependant l’abbé Fleury remarque qu’Augustin ayant fixé son siège épiscopal à Doroverne (aujourd’hui Gun toi béri), où le roi l’avait établi, comme on l’a rapporté, le projet du pape Grégoire ne fut pas exéculé. Ge ne fut pas l’évêque de Londres, mais celui de Cautorbéri qui fut métropolitain de la partie méridionale d’Angleterre (2). On ne voit pas que la volonté du roi pour la détermination de la métropole, ni la soummission d’Augustin à cette volonté, aient jamais excité aucune plainte, pas même de la part du pape Grégoire. Ge pontife n’ignorait pas que tout ce qui n’est qu’extérieur et appartenant à la discipline de l’Eglise, doit céder à la charité et au lieu des peuples pour lequel l’Evangile est annoncé. Ses lettres à Augustin en fournissent une multitude de preuves. Par exemple, quand il est question des évêques : et quoique la coutume fut dès lors que l’évêque consécrateur fût assisté de deux autres évêques, en qualité de témoins : Grégoire écrit à Augustin que, dans l’église des Anglais, où il est encore seul évêque, il ordonnera seul les nuuveaux évêques ; mais que s’il vient des évêques des Gaules ils assisteront, comme témoins de l’ordination (3). Lorsque je parlais à la tribune du pouvoir de la nation, pour admettre ou ne pas admettre, conserver ou ne pas conserver la religion catholique, j’ai entendu observer que nous étions baptisés ; et l’on en concluait, à ce qu’il m’a paru, que nous ne pouvions plus, dans cette position, délibérer sur la religion. G’est sans doute un grand bienfait de Dieu de vouloir, lorsque nous sommes encore dans ce premier âge où notre raison et notre volonté ne peuvent se manifester par aucun signe extérieur, de vouloir, dis-je, se contenter des promesses de nos parents, pour nous inscrire au nombre des croyants ; mais quand notre raison se développe, il demande alors de nous un autre hommage, un culte volontaire, une obéissance raisonnable; rationabile obsequium. Le sacrifice du cœur est le seul qui puisse lui plaire; et il ne partirait pas du cœur s’il n’était pas libre et réfléchi. Les Français, quoique déjà chrétiens, ont donc dù s’occuper de la religion ; il était de leur devoir de conserver la religion catholique. Ils l’ont fait; mais c’est parce qu’ils l’ont fait librement que cet acte a toute la dignité et tout le mérite qu’il devait avoir. On a objecté que l’effet des décrets de l’Assemblée était de supprimer des évêchés et des cures sans aucune formalité, chose absolument nouvelle et contraire aux canons des conciles. Gette objection est un sophisme qui vient de la (t) Ibid., p. 209. (2) P. 21 G. (3) Histoire de Fleury, t. VIII, p. 209. (1) Hist. Ecoles., liv. 36, n° 1, t. VIII, p. 128 et suiv. 1" SÉRIE. T. XXI. 7 98 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 127 novembre 1790.) contusion entre les différents ordres de lois qui règlent les actions des hommes. Montesquieu a dit avec un grand sens : « 11 y a différents ordres « de lois ; et la sublimité de la raison humaine « consiste à savoir bien auquel de ces ordres se « rapportent principalement les choses sur les-« quelles on doit statuer, et à ne point mettre de « confusion dans les principes qui doivent gou-« verner les hommes (1) ». Qu’un peuple ait une Constitution fixe, ou qu’il vive comme s’il avait une Constitution ; qu’il y ait des lois portées pour régler les différents actes de la vie civile ; des tribunaux pour les appliquer : ces tribunaux, devant lesquels les particuliers se présentent pour défendre leurs intérêts, ne doivent pas examiner si la Constitution existe ou n’existe pas ; si les lois subsistantes sont les meilleures lois possibles. Telles qu’elles sont, ils doivent les appliquer: et en supposant la Constitution nulle ou vicieuse, les lois faibles et insuffisantes pour le bonheur du peuple, les hommes sont heureux encore, dans un état aussi misérable, d’avoir à réclamer quelque autorité qui les mette quelquefois à l’abri des caprices des grands ou des entreprises des méchants. Alors on ne remédie souvent à un abus que par un abus. Il est bon que l’un des deux existe pour contrebalancer l’autre ; celui qui n’en détruirait qu’un seul, aggraverait le mal au lieu de l’anéantir. Cette situation était celle de la France ; et, pour ne pas sortir de l’objet même dont il s’agit, la suppression des bénéfices, il était chaque jour utile à raison des changements considérables que les mœurs, les usages, lescirconstances locales avaient introduits, de supprimer des bé-nélices, de les unir à d’autres, d'appliquer leur revenu à de nouvelles destinations. Mais cesopé-ratious étant livrées à des individus sujets à abuser de leur pouvoir, il avait fallu contrebalancer l’excès de ce pouvoir et en prévenir l’abus par des formes longues et dilticiles. L’expérience avait, plusd’une lois, fait sentir les inconvénients de ces formes, on avait été tenté de les abolir : mais toujours on avait été retenu par la crainte de rendre les unions et les suppressions arbitraires ; on avait conservé les fuîmes comme les seules sauvegardes contre l’oppression. Il ôtait alors du devoir desjuriscousultes et des canonistes, lorsqu’un venait leur dénoncer des suppressions ou unions de bénéfices que le despotisme des agems du roi ou le despotisme des évêques avait dtcidees, derechei cher dans les lois existantes, dans ces recueils volumineux de conciles, de lois, d’arrêts même où se trouvaient les autorités capables d’étayer le bon droit, quelques moyens d’arrêter le pouvoir arbitraire; tel était l’ordre des choses subsistant. Ce serait un délire de prétendre transporter ces formes et ce plan de conduite dans un ordre de choses absolument diiiéient ; de vouloir arrêter une nation par des formes, un législateur par des arrêts ; et d’empêcher un peuple de régler sa Constitution, parce qu’il existe ues décidons particulières rendues sur d’autres vues que les siennes. A-t-on donc oublie ce qne c’est que la souveraineté? Méconnait-on encore, que la souveraineté ne peut appartenir qu’aux peuples ou à leurs représentants, jamais à leurs agents ? La France, vuuiaut construire un édifice nouveau sur des bases nouvelles, a détruit les masures dispersées sur sa surface, poury elever un grand et majestueux palais. .Ne serait-il pas ridicule de reprendre l’architecte qui construit uu palais, de ce qu’il n’emploie pas la paille et le chaume pour le couvrir? Il est absurde de dire au peuple français : vous réglez le nombre des évêchés, sans prendre l’avis du pape; vous supprimez les paroisses sans procédure, et vous unissez les bénéfices sans lettres patentes enregistrées dans les cours. La futilité de pareilles objections frappe toute personne impartiale et sensée. Le pouvoir de la nation pour régler, sans altérer en rien le dogme, ce qui ne tient qu’à l’extérieur de la religion qu’elle reçoit ou qu’elle conserve dans l’Etat est indubitable. 11 est de dogme qu’il faut des évêques dans la religion catholique ; il n’appartient pas au dogme que la France doive avoir plus de quatre-vingt-trois évêques. Donc la nation française a pu décider qu’elle n’aurait que quatre-vingt-trois évêques. Il n’appartient pas au dogme que les évêques résident dans telle ou telle ville: ce qui appartient au dogme, c’est qu’ils résident dans la ville où ils sont établis. Donc la nation française a pu déterminer les villes où les évêques auraient leur siège. Ce qui était ensuite non plus de son pouvoir seulement, mais de son devoir, c’était d’obliger les évêques à la résidence ; et, à cet égard, la nation a fidèlement rempli son devoir. 2. — Le défaut de pouvoir qu’on reprochait à la nation, étant écarté, on a fait un autre reproche à ses représentants. Pourquoi, a-t-on dit a ses représentants, refuser d’avoir quelque condescendance pour des âmes, peut-être alarmées trop facilement, et qui vous supplient de souffrir quelles calment leurs scrupules par l’autorité d’une décision émanée du pape. Cette décision est demandée ; elle est attendue prochainement ; elle est espérée favorable; et, dans le sentiment de ceux qui la désirent, le pape, exerçant toute l’autorité de l’Eglise, lorsque les circonstances ne permettent pas qu’elle s’assemble, un mot de sa part aplanira toutes les difficultés, calmera toutes les inquiétudes. Quoi doncl la nation française n’aurait brisé les fers qui la tenaient captive dans ses propres terres, que pour se soumettre à une puissance étrangère ? elle n’aurait élevé sa tète au-dessus de celles des autres peuples, que (jour courber son front devant l’évêque de Rome? et sonEglise, qui se faisait une gloire d’avoir constamment défendu sa liberté contre les entreprises ultramontaines, perdrait cette précieuse liberté conservée par de si longs et de si généreux efforts, au moment où la nation acquerrait la sienne ! Qu’est-ce que le pape? Un évêque, ministre de Jésus-Christ comme tous les autres évêques; établi pour enseigner les peuples et ieuradmimstrer les sacrements, ainsi que tous les autres évêques; dont les fonctions ordinaires sont circonscrites dans le diocèse de Rome de la même manière que les fonctions des autres évêques sont circonscrites dans les bornes de leur diocèse. Le pape a d’ailleurs la qualité de métropolitain, et eu cette qualité il jouit, comme tout métropolitain, du droit de suppléer à la négligence des évêques ses suffragants, qui forment ce qu’on appelle la province de Rome. Outre ces deux titres d’évêque et de métropolitain, le pape a un titre particulier, c’est celui de centre de l’unité. Il a cette qualité parcequ’il est assis sur le siège de saint Pierre, du premier des apôtres, de celui a qui Jésus-Christ avait dit; Lorsque vous serez relevé de la faute que vous allez commettre eu me renonçant et en me mé-(1) Esprit des lois, hv. XXVI, cinq). I. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» (27 novembre 1790.] connaissant au milieu de mes ennemis, affermissez vos frères dans la foi (1). Pierre avait reçu dans ces paroles une mission spéciale de surveillance, d’exhonation, pour rappeler à la foi ceux qui s’en écarteraient : mais il y a loin de la surveillance et des exhortations, à une juridiction proprement dite qui appelle des parties devant elle, qui statue, qui prononce et qui punit. La primauté de saint Pierre n’anéantissait pas la mission et le pouvoir des autres apôtres; elle n’enlevait pas à saint Paul la faculté de lui résister en face lorsqu’il paraissait s’écarter des règles de la foi (2), elle ne privait pas saint Jacques de prononcer et juger en présence même de saint Pierre (3). Ce serait donc une lâcheté à un évêque, ou l’effetd’uneignorance condamnable, d’agir comme s’il n’avait pas, en qualité de successeur des apôtres, les pouvoirs suffisants pour faire tout ce qui, dans l’ordre de la religion, est necessaire ou utile au bien des âmes. C’est en parlant de l’évêque de Rome ainsi que de tous les autres évêques, que saint Cyprien a dit : « Il n’y a « qu’un seul épiscopat, dont chaque évêque pos-« sède une part solidaire (4); » et comme si ce principe n’était pas assez fortement prononcé, saint Cyprien dit dans le même livre, « que tous « les apôtres étaient ce qu’était Pierre, ayant « même honneur, même puissance (5). » Saint Jérôme rapproche les noms des villes les plus distantes l’une de Pautie par leur importance, Rome, Ëuguhium, Constantinople, etc., pour déclarer que partout c'est le même sacerdoce qui est possédé par ies évêques des différentes villes (6). Si je faisais ici un traité, il me serait facile de rassembler des textes et de montrer dans l’Ëgiise la perpétuité invariable de la doctrine que je viens d’exposer : mats ce n’est pas actuellement le temps de faire des traités ; et si l’on était curieux de s’instruire à fond sur cette matière, j’indique quatre ouvrages où sont réunies toutes les autorités qu’on peut désirer sur ce sujet; je choisis, entre cent, des auteurs qui ontécntdans des lieux éloignés ies uns des autres, afin qu’on sache que, sur ce point important, le consentement des différentes églises n’est pas moins unanime que celui des ditférems âges. Au commencement de ce siècle, Van-Ëspen rappelait en Flandre les principes sur les limites du la puissance du pape, daus son grand ouvrage sur le droit ecclésiastique universel. Trente ans ap rès, M. de Burigui développa et approfondit en France les memes ventes daus *on traité de L'autorité du pape , qui contient le recueil le plus Complet des textes des pè.es et des docteurs de l’Eglise, sur la juste étendue de son autorité. En (1) Et tu aliquaudo conversas, confirma fratres tuos (Luc, XXIi, 31). (2) Eumvenisset Cephas Autiocham, in faciem ci rcsti-ti, quia reprehensibilis erat. . . . Cuin vidissem quud uou rcctambulareut ad veritatem Evangilii, dixi Cep lue co-ram omnibus, si, etc. (Pautus ad Gâtât., i, il et 14. (3) Ego judtco non iuquietari eos qui ex gcutibus cou-vertuutur ad ileum (Paroles de saiut Jacques daus le concile de Jérusalem (Act. Aposl., XV, 19). (4) Episcopatus unus est, cujus pars à singulis in so-lidum tenetur (De Unit. Ecclesiæ). (5) Hoc erant utique et cæteri Apostoli quod fuitPetrns, pan cousortio præditi honoris et polestalis (Ibid.). (6) Ubicumque fuerit Episcopus, sive Romæ, sive Eugubii, sive Constantinopoli, sive Tanis, ejusdem est sacerdotii ( Epist , ad Evagr.). 99 1769, Antoine Pereira annonça ces mêmes vérités à Lisbonne, dans un ouvrage savant qu’il fit pour établir le droit que la puissance civile laissait aux évêques, dans ce royaume, d’accorder Jes dispenses matrimoniales en même temps qu’elle défendait de recourir à Rome. Enfin, en 1782, elles ont été publiées à Vienne dans deux petits écrits institulés, qu’est-ce que le pape? Quid est pontifex ? Qu'est-ce qu’un évêque? Quid est episcopus ? Je regrette sincèrement que Je défaut absolu de temps ne me permette pas de traduire ces deux ouvrages : ils éclaireraient le peuple; et ils apprendraient aux évêques à se connaître eux-mêmes. Les personnes qui ne sont pas accoutumées à remonter aux sources et qui croient qu’il n’y a de vrai et de bon que ce qu’ils out vu faire sans savoir pourquoi on l’a fait, seront surprises de ces vérités. Elles ont vu le pape accorder des dispenses, donner des bulles pour la nomination des évêques, pour la translation ou l’union des évêchés; elles en ont conclu que le pape avait le droit de faire tout ce qu’elles lui ont vu faire : et on leur fait craindre aujourd’hui que ce ne soit attenter à la religion, à la foi catholique, d’ôter au pape ce qu’elles regardent comme des droits qui lui appartiennent. Mais ces personnes, si elles sont d’an sens droit et impartial, seront bientôt ramenées à la vérité. Pour peu qu’elles soient instruites des règles de la foi catholique, elles doivent savoir qu’il n’appartient à la foi que ce qui a été cru dans fous les lieux, dans tous les temps et par tons ies fidèles. Cette règle s’applique à la primauté du pape, à sa juridiction et autorité d’inspection : il a toujours été regardé comme ayant ses droits dans tous les lieux où l’on professait la foi catholique ; mais il s’en faut bien qu’il eu soit de même des autres droits qu’on voudrait aujourd’hui lui conserver. Il n’en est pas un, dont on ne connaisse l’origine; et dont on ne soit eu état de marquer l'époque bieu postérieure à l’établissement de la foi chrétienne. L’histoire ecclesiastique nous montre comment les papes, consultés d’abord volontairement à cause du respect qu’inspirait le premier siège et les vertus de ceux qui y étaient assis, tentent de changer leurs avis en des décisions; comment, sous le prétexte de venir an secours des oppr imés, ils s'attribuent un droit ne révision sur ies jugements prononcés dans les provinces. Qu y voit la ferme résistance que les évêque* d’Afrique opposent à ceite usurpation; mais bi -mot l’église d’Afrique périt au milieu des ravages (pie les guerres entraînent dans ces co itrées; l’église grecque, se séparant de Rome, délivre i’évéque de Rome d’anversaires qui usaient l’œil atimu-vemeut fixé sur ses entreprises; dans l’egiise latine on souffre pen à peu que le pape étende hors de l’Italie les droits légitimes qu’il exerçait sur sa métropole. Au neuvième siècle, les fausses décrétales changent absolument la discipline de l’Eglise : ies prétentions les plus exorbitantes de la cour île Rome sont changées eu droits : l’ignora mm qui commençait a couvrir [Europe de scs tüuùb es, et qui ne permit pas d’apercevoir la supposition des fausses décrétales, livra tous ies dioit.-- des évêques à la merci des papes. Celle ignorance alla bien jusqu’à leur livrer les droits des princes de la terre; et quelles usurpations sur les évoqués pourraient étonner de la part des pontifes qui s’étaient arrogés le droit de déposer ies empereurs et les rois? [Assemblée nationale.) archives parlementaires. [27 novembre 1790.] 100 L’habitude avait distrait sur l’injustice et l’ambition de ces entreprises, lorsque les désordres introduits par ie schisme d’Avignon donnèrent lieu de les porter à leur dernière période. C’est de celte époque que datent les réserves des papes sur les bénéfices; les mandats, les préventions, celte foule de dispenses réservées à Rome, ces abus de tout genre qui concentraient en quelque sorte l’Eglise dans la personne du pape. Combien. l’Eglise catholique eut de peines et de travaux à soutenir pour se relever des maux que le schisme d’Avignon lui avait causés! L’excès du mal avait forcé quelques personnes à s’instruire des véritables principes de la discipline ecclésiastique; mais combien d’efforts ne fallut-il pas que lissent les évêques, rassemblés à Pise, à Constance et à Bâle, pour soumettre les papes à l’autorité des conciles généraux ! Les papes sauvèrent encore quelques débris de leur illégitime puissance ; il est difficile de dépouiller entièrement celui qui se trouve investi de beaucoup de pouvoirs. La pragmatique sanction, dressée en 1437, d’après les décrets du concile de Bâle, avait rendu aux églises le droit d’élire leurs évêques : après environ un siècle de sollicitations et d’intrigues, Léon X obtint de François Ier, ou plutôt de I)u-nrat, chancelier de ce prince, le concordat de 1517. Que le pape ait eu la faculté de confirmer les évêques sur la nomination du roi, tandis que le concordat était en vigueur; qu’il ait accordé des dispenses lorsque les évêques renvoyaient à lui pour les obtenir : il n’y a là rien de surprenant. Ce qu’il faudrait démontrer, c’est que la nation n’a pas pu anéantir le concordat que François Ier avait signé seul avec le pape : c’est que la nation française n’a pas pu dire à ses évêques : nous avons conservé lareligion catholique, parce qu’elle assure aux peuples des pasteurs qui sont établis près d’eux pour leur donner toutes les consolations, tous les secours que les différents Etats, dans lesquels ils se trouvent, peuvent rendre nécessaires. Usez donc de notre pouvoir; administrez les diocèses que nous confions à votre sollicitude; administrez-les par vous-mêmes, et n’allez pas chercher dans une terre étrangère des pouvoirs, dont la religion même que vous nous enseignez nous apprend que la source divine est dans votre ordination. Quelles qu’aient été les causes de l’agrandissement du pouvoir des papes, soit leur ambition et leur politique, soit l’ignorance des évêques ou leur molle complaisance, soit l’insouciance des princes ou leurs intérêts personnels, il est certain qu’aucune de ces causes n’a pu porter atteinte aux droits imprescriptibles des peuples; et dans le nombre de ces droits est incontestablement celui qui appartient à toute société, de vivre indépendante d’une autorité étrangère quelle qu’elle soit; d’exiger des ministres et des agents qu’elle entretient pour l’ordre public, qu’ils remplissent entièrement les fonctions de leur office, sans obliger les peuples à envoyer au loin chercher les secours et les décisions qu’ils doivent trouver dans les lieux mêmes de leur établissement. Les évêques n’étant pas institués pour eux-mêmes mais pour les peuples, il appartient à ceux-ci d’exiger que les évêques remplissent à leur égard toutes les fonctions de leur ministère. Que devait donc faire la nation française à l’égard du pape, au moment où, conservant la religion catholique, elle voulait faire cesser les abus qui en déshonoraient la discipline? Elle devait déclarer sa volonté de reconnaître le pape comme centre de l’unité; il était juste que, pour perpétuer les témoignages extérieurs de cette reconnaissance, elle obligeât les évêques nouvellement élus, à écrire au pape en signe de communion. Elle ne devait rien faire de plus : autrement elle aurait asservi son Eglise dans le même temps où elle rendait la Constitution nationale entièrement libre. Nos pères ont mérité la gloire d’avoir conservé d’âge en âge quelques vestiges de la liberté de l’Eglise gallicane ; ils ont élevé leur voix, de temps à autre, contre les usurpations : et nous, nous abandonnerions ces libertés, en déclarant qu’il ne se peut faire rien de bon, rien d’utile dans les Eglises de France, s’il n’est fait sous le bon plaisir du papel Nous aurons le pouvoir de faire de bonnes lois sur toutes les matières qui intéressent la nation, et nous ne pourrons pas régler le nombre de nos évêques sans attendre la sanction du pape. Quelle serait cette nouvelle espèce de veto, qui nous arriverait d’au delà des monts, et sur lequel tant de causes pourraient avoir une influence dangereuse ! La conséquence de ces réflexions est que l’Assemblée nationale a satisfait à tout ce qu’elle devait, en déclarant hautement qu’elle conserverait à jamais l’unité de communion avec le successeur de saint Pierre, chef visible de l’Eglise; qu’il n’y a aucun besoin de la sanction du pape et de son consentement pour légitimer et exécuter les opérations qu’elle a décrétées relativement à la disposition des évêchés; qu’il serait infiniment dangereux que l’Assemblée nationale sollicitât le consentement du pape, ou en reconnût soit la nécessité, soit l'utilité, parce que ce serait porter une atteinte mortelle à la liberté de l’Eglise gallicane. 3. — Il me reste à proposer, ainsi que je l’ai promis, quelques réflexions relativement à Y exposition des ■principes sur la Constitution civile par les évêques députés à l'Assemblée nationale. Elles seront sommaires: les circonstances l’exigent; et la marche de l’exposition donne la facilité de la combattre en peu de mots. J’ai d’abord été frappé du titre même de l’exposition. Elle est faite par les évêques députés à l’Assemblée nationale; elle est signée de trente évêques, et elle n’est signée que par des évêques. Dans d’autres occasions, les évêques ont joint à leur signatui’e celles de quelques-uns des curés qui étaient de leur sentiment ; pourquoi ne les ont-ils pas admis dans la circonstance présente? Serait-ce donc là encore un reste de ces idées ambitieuses que les évêques ont annoncées dans d’autres temps, que, dès qu’il s’agissait de la foi, eux seuls en étaient les juges, et que les prêtres, quoique revêtus du même sacerdoce, ne devaient pas exprimer leurs sentiments d’une manière dogmatique. Àhl pourquoi conserver ce système de prééminences, de prérogatives, de distinctions, qui isolent les êtres les uns des autres, si les évêques croient réellement, comme ils ne cessent de le dire, que la foi périclite? Gomment les pasteurs affectent-ils des divisions aussi marquées, lorsqu’ils disent que le troupeau confié à leurs soins est en danger? Ils oublient donc qu’on leur a démontré, par mille preuves évidentes, que les curés étaient juges de la foi avec eux; que les textes des conciles constatent que, dans le temps de la discipline primitive, les prêtres étaient assis avec les évêques dans ces saintes assemblées? Faut-il leur commenter encore ce texte si connu de saint Jérôme, quid facit , excepta ordi-natione, episcopus quod non faciat presbyter: Que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790. 1 101 l’évêque fait-il de plus que les prêtres, si ce n’est qu’il confère le sacerdoce par l’ordination? Un second reproche à faire à l’exposition des principes sur la constitution du clergé par les évêques députés à l’Assemblée nationale, c’est le plan combiné de doutes et d’incertitudes qui règne et dans toutes ses parties et dans son ensemble. Ce ne sont partout que raisons de douter, et pas une de décider. Toujours des argumentations hypothétiques : Si les décrets étaient des lois ..... si la démission est libre ..... si des évêques doivent être prêts àse déposer eux-mêmes, etc. Est-ce là le langage d’évêques qui veulent éclairer la France et se justifier aux yeux de l’Europe? Voyez Bossuet, lorsqu’il expose à la face de l’univers la doctrine catholique, comme il est clair et précis; comme il marque, par des expressions nettes, ce qui est de foi et ce qui ne l’est pas. Alors je sais ce que je dois croire et ce que je dois faire ; tandis qu’après avoir lu l’exposition des députés, si j’étais un lecteur superficiel, la situation dans laquelle je me trouverais, serait celle d’un doute absolu; je saurais à peine ce que les évêques veulent faire; je ne saurais prononcer si leur conduite est digne ou de blâme ou de louange. Mais lorsqu’on étudie l’exposition avec l’attention que mérite une matière si importante; lors, surtout, que l’on compare l’exposition avec les textes qui sont à la suite et qui devraient lui servir de preuves, on ne reste plus dans cet état de doute et d'incertitude. On voit que les évêques ne veulent pas se soumettre à la loi du royaume; et que, pour l’éluder, ils se forment des difficultés et des embarras qui n’ont point de réalité. Par exemple, un des points qui leur paraissent le plus difficiles à concilier avec les droits de la religion, est la nouvelle division des évêchés et des métropoles : de pareils actes sont, suivant eux, absolument hors de la sphère de la puissance civile. On leur a cité des établissements d’évêchés et de métropoles faits par Charlemagne; ils répondent (page 7), que « les capitulaires des « rois de France ont établi dans des synodes avec « le concours des chefs de l’Eglise, les métropoles « et les diocèses des régions infidèles et con-« quises. » Est-ce volontairement ou involontairement que les évêques ignorent que les capitulaires de nos rois étaient faits dans des assemblées du peuple et non dans les synodes ecclésiastiques ; que les capitulaires étaient la volonté de la nation provoquée ou approuvée par le roi, et non le résultat d’un synode? Est-ce de bien bonne foi que les évêques traduisent par le mot concours , le terme consilium , qui est employé dans les trois premiers capitulaires qui sont rapportés à la page 4 de leurs notes? Aese souviennent-ils déjà plus de tant de procès qu’ils ont eus avec leurs chapitres, pour réduire les droits de ceux-ci dans l’administration commune des diocèses, au simple conseil , en les excluant du concours? Plus je relis ces textes cités par les évêques, et plus il me paraît inconcevable qu’on prétende les opposer aux actes de l’Assemblée nationale. Je me fixe particulièrement au capitulaire de 742, et j’y vois que Carloman s’exprime en ces termes: Par Je conseil des prêtres et de mes principaux fidèles, nous avons distribué des évêques dans les villes et établi sur ces évêques l’archevêque Boni face, qui est l’envoyé de saint Pierre (1). Qu’est-ce qu’a fait de plus l’Assemblée nationale, dont on ne dira pas apparemment que les pouvoirs soient au-dessous de ceux de Carloman? L’Assemblée nationale, ayant dans son sein des évêques, des prêtres, les représentants de la nation, a délibéré sur ce qu’il convenait de faire relativement à la distribution des évêchés et des métropoles : on a discuté : on a pris l’avis de tous ceux qui ont voulu le donner : on a entendu les évêques et les prêtres : pourquoi donc la détermination de l’Assemblée nationale serait-elle plus irrégulière que celle de Carloman? Pourquoi les évêques sont-ils siattentifs à faire remarquer ce qu’ils appellent le concours des évêques à la décision de Carloman et ne disent-ils rien de ce qu’ils devraient appeler le concours des laïques, tandis que le capitulaire se sert d’une seule et même expression : per consilium sacerdotum et optimatum meorum? Une pareille manière de citer les textes et de les traduire, est répréhensible; mais ce qui l’est bien plus c’est ce cri continuel que, malgré les décrets de l’Assemblée, l’Eglise conservera sa doctrine; que la puissance civile veut en vain faire des changements dans l'ordre de la religion (page 51); qu’il n'y a qu'une seule religion (page 56) et que « ce n’est point selon les intérêts « politiques et les différences locales, qu’on peut « changer les principes d’une religion dont les « dogmes sont les objets d’une foi surnaturelle » (page 58). Qu’ils le disent donc enfin, les évêques, quel est le dogme, objet d’une foi surnaturelle, qu’une nation contredit et combat, lorsque, en réglant sa Constitution et après avoir partagé son territoire en 83 départements, elle déclare qu’elle ne veut qu’un seul évêque par département ? On alarme les peuples sur le respect de l’Assemblée pour les dogmes de la foi catholique : ces alarmes sont vaines; on en a vu la preuve; la foi ne restera pas moins entière, soit qu’il y ait en France 18 archevêchés et 118 évêchés, ou qu’il n’y ait que 83 évêchés dont 10 métropoles. On cherche à inquiéter les lidèles sur un autre objet plus délicat peut-être encore, mais sur lequel on n’est pas mieux fondé à exciter des troubles. Les évêques, dit-on page 9 et suivront une juridiction purement spirituelle qu’ils ne peuvent tenir que de l’Eglise; cette juridiction est exercée selon la circonscription dans laquelle l’Eglise en a renfermé l’exercice : quel est l’évêque qui puisse envahir des pouvoirs que l’Eglise n’a point ôtés? Ailleurs (page 26) on se plaint de ce que la nomination des curés est ôtée aux évêques pour en donner l’élection au peuple; et surtout on se plaint (p. 33) de ce que les évêques n’auront plus le droit d’accorder ou de refuser l’approbation à des prêtres ordonnés ou à des prêtres admis dans le diocèse. Ge droit est représente comme attaché de tout temps à la juridiction épiscopale, rappelé par le concile de Trente, confirmée par les capitulaires, par les lois de l’Etat et par les derniers édits. Ainsi les évêques veulent faire croire au peuple, qu’on ne lui laisse plus que des ministres sans juridiction légitime; qui ne feront que des actes nuis, et qui, au lieu d’être de vénérables pasteurs ne seront que des intrus, parce qu’ils ue seront pas entrés par la véritable porte de la bergerie. Quelles illusions! Entend-on bien ce que c’est que la juridiction des évêques lorsqu’on parle de cette juridiction purement spirituelle dont l’origine est entièrement divine? Cette juridiction est-(1) Per concilium sacerdotum et optimatum, meorum ORDiNAviMusper civitates episcopos, et constituimus super eos archiepiscopum Bonifacium qui est missus sancti Pétri. ( Baluz ., t. I, p. 1.46). 102 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (27 novembre 4790.) elle autre chose que le pouvoir d’exercer les fonctions attachées au caractère épiscopal, pouvoir qui est transmis à l’évêque par l’ordination? Or, ce pouvoir reçu au moment de l’ordination et par l’effet de l’ordination, est-il limité? Peut-il l’être, tandis quec’estle même pouvoir que Jésus-Christ a donné à des apôtres et qu’il leur a donné en ces termes : Allez, dans tout le monde, prêchez à toute personne (1). La limitation du pouvoir ne change point l'essence du pouvoir : la circonscription du pouvoir est, la loi d’une sage police; mais la s! bstanc.e du pouvoir ne cesse pas d’exister. L’évêque possède par toute la terre le pouvoir universel qu’il a reçu; et il l’exerce légitimement toutes Us fois que de justes causes, la nécessité, la charité, je ne crains pas d’ajouter, la volonté du souverain temporel font ces-er la loi de la circonscription. Autrement cette loi de police, introduite pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité, tournerait contre son propre objet; ce qui a été institué pour empêcher tes divisions, allumerait les divisions. L’élection des curésaété donnée au peuple. On a cité ailleurs des exemples de cette discipline, et comtnen t serai t-el le con traire à l’esprit des apôtres? Quand ils établissent les diacres, ils ne se permettent pas de les nommer eux-mêmes; ils en laissent le choix au peuple : et le peuple ne devrait pas faire le choix de ses curés! Les évêques reconnaissent que les patrons avaient le droit de leur présenter des curés (p. 27) ; et l’on sait que le projet présenté ne pouvait être refusé que pour des causes légitimes et prouvées. Qu’y a-t-il donc de moins respectable dans la personne des électeurs d’un district réunis, que dans celle d’un particulier qui jouissait du droit de présenter à une cure, parce qu’il éiait possesseur d’une terre? Et le refus que l’évêque pourra faire, de confirmer l’élection, n’est-il pas autorisé toutes les fois qu’il sera en état de produire des causes légitimes de son refus? Le droit d’approuver, pour la prédication ou la confession des prêtres qui ont déjà reçu dans l’ordination le pouvoir de prêcher et de confesser, est dit attaché de tout temps à la juridiction épiscopale. Comment persuader une pareille proposition à quiconque est tant soit peu instruit de la discipline ecclésiastique? Les personnes qui ont fait les recherches les plus exactes sur cette matière, n’ont pu trouver de vestiges d’approbation donnée à un prêtre, avant le quatorzième ou le quinzième siècle; et, en effet, les évêques ne citent en preuve de leur assertion, d’autres textes que ceux du concile de Trente, célébré au milieu du seizième siècle. Qu’j J nous soit permis d’invoquer encore ici la bonne foi dans les citations. Les évêques ont rapporté deux textes de ce concile; l’un de la quatorzième session, où l’on invoquait la doctrine constante de l’Eglise, persuasum semper ineccle-sia Dei fuit ; l’autre, delà 23e session, où il est parlé de l’approbation. Sans doute, ou s’est flatté qu’à la lecture de ces deux textes, réunis à dessein on croirait vrai ce que l’on lit dans le texte de l’exposition (p. 33), que le concile de Trente, en déclarant la nécessité de l’approbation de l’évêque, n’a rappelé que les règles anciennement observées. Mais il faut savoir que les deux textes du concile de Trente, qu’on a rapprochés, parlent de deux (1) Euntes docclc omncs gentos. {Malh., XXVIII, 19.) — Euntes in mundum universum prædicate evangelium omni crealuræ. ( Marc XVI, 15.) objets absolument différents; et que celui qui commence par les mots persuasum semper in ecclesia Dei fuit , n’a aucun rapport à l’approbation. Il a rapport au défaut de juridiction ; or, approbation et juridiction ne sont pas syno-nimes. La juridiction s’acquiert par le titre, elle se transmet par la délégation de celui qui a une juridiction en vertu de son titre; et il y a longtemps qu’on a prouvé aux évêques, et qu’il a été jugé contre eux (1), que les curés ayant une juridiction fondée en titre, une juridiction ordinaire, c’était à eux et à eux seuls qu’il appartenait, hors le cas de dévolution, de déléguer la juridiction dans leur paroisse. Les évêques citent les capitulaires, en preuve de la nécessité de l’approbation de l’évêque. Nous confronterons encore leur discours avec les textes qu’ils transcrivent. Un capitulaire défend à l’évêque d’un diocèse ou au curé d’une paroisse, de recevoir à la communion une personne d’une autre paroisse ou d’un autre diocèse, qni y aurait été mise en pénitence, sans le consentement de son évêque on de son curé. Quel rapport entre ce fait et celui de l’approbation établie par le concile de Trente? Un autre capitulaire défend à tout prêtre d’absoudre, hors l’article de la mort, une personne mise en pénitence publique, sans avoir consulté son évêque. Qui est-ce qui ignore que l’administration de la pénitence publique, et la réconciliation des pénitents publics, furent soumises avec raison à des lois particulières, pour rendre cette pratique sévère plus imposante, et pour réprimer plus sûrement les crimes dont la pénitence publique devait être le remède. Ne cherchons point dans les lois anciennes une discipline nouvelle. La vérité est que la nécessité de l’approbation a été introduite par le concile de Trente; que ce concile n’étant point reçu en France, les évêques n’ont pas pu assujettir, en vertu de son décret, les prêtres à la loi de l’approbation. C’est en 1695 seulement, que la nécessité de l’approbation, pour les prêtres qui ne seraient pas pourvus d’un bénéfice à charge d’âmes, est devenue une loi par les dispositions des articles 10 et 11 de l’édit du mois d’avril. Or, nous le demandons à tout esprit juste et impartial : si Louis XIV a pu soumettre, par un édit, les prêtres à la nécessité de l’approbation, comment l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas le pouvoir d’abroger cette loi ? Répétons-le donc avec confiance, ce sont de vaines terreurs qu’on cherche à exciter dans l’esprit des peuples : et quel est le but de ces terreurs? c’est de les détourner de la soumission qu’ils doivent aux lois du royaume, aux décrets de l’Assemblée nationale acceptés par le roi. Puisque les pasteurs des peuples les réduisent à la nécessité d’examiner les principes de leur conduite, et à faire un discernement entre ceux qui leur prêchent des vérités contraires, que les peuples ouvrent donc l’évangile, et qu’ils y lisent que ce sont tes fruits que la doctrine qu’on leur enseigne doit porter, qui les assure de la vérité de cette doctrine. Un des fruits le plus précieux que la religion puisse porter, est la paix entre les hommes, l’union, la charité. La charité, cette vertu dont les règles sont supérieures à toutes les autres, dispensent de toutes les autres et ne sont elles-mêmes susceptibles d’aucune dispense. Les (1) Voyez un grand nombre d’arrêts cités dans le commentaire sur 1’èdit des portions congrues (art. 2). Voyez les traités ex professo, publies sur cette matière depuis 1780. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790. J 103 auteurs de l’exposition n’ont-ils pas prononcé leur jugement, lorsqu’ils ont dit (page 17) que les évêques doivent être prêts à se déposer eux-mêmes pour éviter les scissions et maintenir l'unité ? Ils appréhendent, disent-ils, le danger de la scission; ils l’annoncent, et ils demeurent évêques ! Ils craignent qu’on ne les appelle déserteurs de leurs églises : mais ce n’est pas déserter son église que de lui donner la paix. La désertion est un crime : la renonciation à des fonctions qu’on ne peut plus exercer avec fruit, est un devoir. Que la conduite des évêques nous les montre embrasés de la charité pour les âmes qui avaient été confiées à leurs soins; qu’ils nous procurent la paix, ou qu’ils se reconnaissent indignes de conserver le nom de pasteurs. Camus. Plusieurs curés, membres de l’Assemblée nationale, qui s’étaient fait inscrire pour avoir la parole, les vendredi et samedi 26 et 27 novembre dernier, n’ayant pas pu l’obtenir, parce que la discussion a été fermée avant qu’ils fussent entendus : Nous soussignés, prêtres -curés, députés à l’Assemblée nationale, témoins de l’opinion de M. Camus, dans la séance de l’Assemblée nationale du 27 novembre, et après en avoir lu le dé=- veloppement, déclarons reconnaître dans les principes qu’ils a établis pour base de son opinion, ainsi que dans les conséquences qu’il en a déduites, des vérités exactes, conformes à la foi catholique, à la discipline reçue dans la primitive Eglise; et y adhérer. A Paris, le 6 décembre 1790. Jos. Lancelot, recteur de Retiers, secrétaire do l’Assemblée nationale. Rigouard, curé, député de Toulon. Mougins dit Roquefort, curé de Grasse, députe'. Latyl, prêtre de l’oratoire et député du département de la Loire-Infcrieure. Gouttes, curé d’Argilliers. J.-P. Saurine, prêtre, député du département c}es Basses-Pyrénées. J. Julien, curé d’ Arrosés, député. Dillon, curé du Vieux-Pouzauges. Lecesve, curé de Saint-Triaize de Poitiers, député. Pocheron, curé, député du Charollais. Delabat, curé de Saint-Léger. Bouillotte, curé d’Àrnay-le-duc, député d'Auxois. Aubry, curé de Véel. De Launay, député de Bretagne. Gardiol, curé, député do Draguignan. Bourdon, curé d’Evaux. Gassendi, curé de Barras, député des Basses-Alpos. Rangeard, curé d’Andard. Nolff, curé à Lille. Monnel, curé de Val-de-Lancourt. Estin, prieur de Marmoutier. Le Breton, prieur de Redon. Joubert, curé d’Angoulème. Ballard, curé du Poyré. Brouillet, curé d’Avise. Massieu, curé de Cergy, député du département de Seine-et-Oise. Guixo, député, curé. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 27 NOVEMBRE 1790. LETTRE DE M. Mathias, curé d' Eglise-Neuve , en Auvergne , député à l’ Assemblée nationale , à M. Bourdon, curé d'Evaux , son co-député, ou réfutation de l'opinion de M. Camus, sur le serment à prêter par les évêques, etc. Monsieur, j’ai lu, avec toute l’attention dont j’étais capable, un écrit ayant pour titre : Développement de l'opinion de M. Camus, ... dans la séance du 27 novembre 1790; et auquel cet avocat a joint l’approbation de vingt-sept curés de l’Assemblée. Affligé de voir dans ce nombre votre nom, je prends le parti de vous adresser mes observations sur cet ouvrage. Je m’estimerais très heureux si leur lecture vous inspirait le regret d’une adhésion, qui, sans doute, vous a été surprise. J’aurai du moins suivi les mouvements de ma conscience, en révélant ce que cet écrit contient de faux et de captieux, et en mettant nos commettants à portée de l’apprécier. L’attention de l’Assemblée, dit M. Camus, a été portée sur trois points : 1° l’autorité de la nation, que l’Assemblée représente, pour porter les lois qui existent aujourd’hui sur la constitution du clergé; 2° la question de savoir si l’on devait attendre on non, pour exécuter ces lois, une décision du pape; 3° l’exactitude ou l’inexactitude des principes établis par les évêques dans leur exposition du 30 octobre dernier. C’est sur ces trois points, continue M. Camus, que je m’expliquerai successivement. PREMIÈRE QUESTION. L’Assemblée nationale avait le droit d’admettre ou de ne pas admettre la religion catholique, et par conséquent elle pouvait imposer à ses ministres les conditions qu’elle jugeait à propos. Ils étaient, à son égard, dans le cas où des missionnaires demandent à être reçus dans un état pour y porter les lumières de l’Evangile. La religion étant dans l’Etat et non l’Etat dans la religion, tout ce qui n’est que de discipline est sujet aux modifications exigées par l’Etat; et s'il n’est pas au pouvoir des puissances de la terre de changer les dogmes de la vraie religion, il n’en est pas de même de sa discipline et de ses pratiques extérieures. La juridiction n’est autre chose que le pouvoir d’exercer les fonctions attachées au caractère, pouvoir qui est transmis par l’ordination. Ce pouvoir est illimité , sa circonscription n’est qu’une loi de police, que la volonté du souverain temporel peut faire cesser quand il lui plaît. L’Assemblée pouvant s’affranchir des formes qui existaient précédemment pour la suppression et réunion de titres, la réduction des évêchés n’est qu’un avancement extérieur soumis à la volonté de la nation qui exerce la souveraineté. Voilà, monsieur, si je ne me trompe, l’analyse exacte de l’opinion de M. Camus, sur le premier des trois objets sur lesquels il nous a promis de s’expliquer successivement. L'Assemblée nationale avait, dit M. Camus, %n-I contestablement le droit de déclarer quelle serait S la religion qu'elle maintiendrait.