166 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791. | née permettra le changement de la cote: tâchons donc de voter très promptement. Plusieurs membres ; Oui! Oui ! et de confiance! (. Applaudissements .) M. le Président lève la séance à dix heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ÂSSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 17 MAI 1791, AU SOIR. RAPPORT sur le projet de décret des comités ecclésiastique et de Constitution , concernant les empêchements, les dispenses ket la forme des mariages , par M. Durand-Maillane, commissaire du comité ecclésiastique (1). — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.) Messieurs, l’Assemblée nationale a renvoyé à ses deux comités ecclésiastique et de Constitution réunis, pour lui faire rapport, premièrement, des difficultés élevées, d’après ses décrets, sur les empêchements et dispenses demariage. En second lieu, sur le refus que Je curé de Saint-Sulpice a fait de publier les bans de mariage du sieur Talma, comédien français, et enfin sur la saisie des traitements réglés* pour le clergé futur (2). La première et la seconde de ces deux questions sont très importantes : liées entre elles par des principes communs elles tiennent l’une et l’autre à des règles ecclésiastiques qu’on doit respecter, lors même que l’on croit avoir et que l’on a véritablement de bonnes raisons pour s’en écarter. C’est aussi ce qui a fait notre plus grande sollicitude dans l’examen et la discussion des difficultés qui nous ont été renvoyées; il nous a fallu, non pas faire des lois nouvelles, mais rectifier simplement les anciennes, sans les abroger ; étendre et placer les lois civiles à côté des lois ecclésiastiques, sans affaibli r l’autorité ni des unes ni des autres. Enfin, instruits par les décrets de l’Assemblée nationale, nous avons dû. suivre son esprit, en entrant dans la sagesse de ses vues, et voici, en conséquence, quelle a été notre manière de traiter les objets sur lesquels nous avons été chargés de lui fournir des éclaircissements : D’abord, la partie la plus intéressante et la plus générale, celle des empêchements et de leurs dispenses� fixé notre première attention. Nous l’avons examinée sous tous les rapports, et bientôt il nous a paru que cette matière, dont les règles n’ont jamais eu ni rien de bien clair ni rien Ce bien fixe, n’était point aujourd’hui ce qu’elle était dans les plus beaux siècles de la religion. Nous avons reconnu qu’autant la puissance civile avait à cet égard négligé ses droits, autant et plus la puissance ecclésiastique en avait pris jusqu’à faire perdre, comme de vue, une grande vérité que nous avons voulu, pour cette raison même, rétablir et mettre dans le plus grand jour : savoir, que le mariage n’est et ne peut être jamais qu’un contrat formé par le consentement libre et mutuel des deux parties. (1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. (2) Voy. ci-après, môme séance, les deux rapports sur ces mêmes objets. De là sont sorties, comme d’elles-mêmes, des conséquences dont nous avons fait autant de dispositions réglementaires, et toutes relatives au même principe et au nouvel ordre établi par les décrets de l’Assemblée nationale. Dans ces mêmes conséquences, nous avons trouvé la solution de la difficulté du sieur Talma, comédien français, sur quoi il sera fait un rapport particulier, ainsi que sur la saisie des traitements du clergé futur; il ne s’agit ici que du rapport général concernant les formes du mariage que nous avons adaptées aux vrais principes sur lesquels on aurait toujours dû les régler et dont nous allons fournir en abrégé les preuves et le développement. Le mariage est de sa nature un contrat civil, et ne peut cesser d’être tel, parce qu’il ne peut cesser de former une convention entre les deux personnes qui se marient; leur consentement a fait leur mariage, comme le consentement en général fait seul tous les contrats de société parmi les hommes. Cela est si vrai à l’égard du contrat civil de mariage, que les Romains, dont l[09 si l’on se faisait à cet égard quelque peine, à cause des dangers de la séduction contre les droits et la sagesse prévoyanle des pères et mères, on répond à cela par une simple réflexion : qu’il n’est pas de séduction dangereuse ni autrement funeste à la société, quand elle n’a que le mariage pour terme et pour objet; c’est alors un bien, et pour le public, et pour la personne même que l’on aurait séduite à si bonnes fins. Il en est presque autant des garçons qu’un trop long célibat engage quelquefois dans des écarts dont le mariage les aurait sauvés; enfin il entre dans l’esprit et dans le caractère de notre Constitution qu’un homme soit pleinement libre et maître de disposer de sa personne à l’âge que les lois les plus anciennes ont fixé pour disposer librement de tous ses biens et de tous ses droits, et voilà ce qui nous a fait accorder aux enfants de famille, âgés de 25 ans accomplis, la faculté de se marier à leur gré, sans le consentement de leurs pères et mères, ou contre leurs oppositions. Mais en mettant ainsi des bornes à la puissance paternelle pour la liberté du mariage dos enfants qui y sont soumis, nous avons dû la faire respecter à ceux-ci, lors même qu’elle ne peut les contraindre. Dans ce dessein, nous avons conservé l’usage des actes respectueux, en les réduisant à un seul acte qui sera notifié 15 jours au moins avant le mariage de la part des fils ou filles âgés de 25 ou 21 ans, émancipés, ou non. Et au lieu de l’exhérédation qui faisait tomber la peine sur les enfants, reconnus d’ailleurs aussi légitimes qu’innocents, on a trouvé plus sage d’y substituer la nullité même du mariage, parce que si cette dernière peine est plus rigoureuse, le moyen de la prévenir est d’autant plus facile, et alors tout est concilié. Le respect envers les parents est, disent les jurisconsultes, un devoirqui iniéresse l’ordre public; et comme c’est la loi qui doit le surveiller, c’est elle aussi qui prononce ici la peine contre ceux qui manquent à ce devoir, dans l’âge de la vie où il imnorte le plus à la société qu’il soit rempli. Nam hoc fieri debere, et civilis et naturalis ratio suadet. Justin. in princ. de nuptiis. D’autre part, les parlements avaient apporté bien des modifications à la peine d’exhérédation qui, en effet, sous divers rapports, n’est pas, de sa nature, une peine domestique et privée qu’on doive laisser à la disposition arbitraire des pères et mères. Les romains l’ont introduite et pour plusieurs cas, mais par les droits d’une puissance qui originairement s’étendait sur la vie même des enfants. Aussi jaloux que ce peuple de la liberté, les Français seront peut-être plus heureux dans son exercice. Déjà les patriciens ne les dominent ni ne les humilient, et bientôt l’égalité, que nous avons établie parmi Jes citoyens, bannira des familles les caprices et testamentaires et coutumiers, pour y faire régner la même égalité dans le partage des patrimoines entre les enfants, sans distinction de sexe, sans distinction d’aîné ni de puîné, encore moins de lieu ni de coutume, sans enfin aucune entrave d’orgueilleuses substitutions. une bonne partie de ce mal, en abrégeant le temps le plus périlleux où il se commet; car, si, depuis 21 ans jusqu’à 2î, les parents ne s’occupent pas de l’établissement de leurs filles, elles sont très excusables d’y penser elles-mêmes; et certainement, quand une fille consent à un enlèvement, c’est parce qu’elle désespère d’obtenir de ses parents, ou leurs soins ou leur aveu pour sou mariage. 11 fallait pour cela que le régime féodal fût aboli, et il n’est plus; il fallait que la nation fût législatrice, et elle est souveraine : rien ne lui manque donc pour faire les meilleures lois, après en avoir indiqué les principes dans la meilleure des Constitutions. 7° Les comités se sont déterminés à ce que la déclaration ou le contrat de mariage se fit devant les officiers municipaux, plutôt que devant les juges de paix, par plusieurs raisons que voici : Premièrement, parce que les parties ne se déplacent alors dans aucune paroisse. En second lieu, parce que hs municipalités, dans la forme nouvelle, sont plus compétentes pour tout ce qui intéresse l’état des citoyens, et les preuves légitimes que chacun d’eux a besoin d’en produire; cela même nous a fait concevoir l’idée de faire passer tous les mariages par cette déclaration préalable devant les officiers municipaux. Par ce moyen, l’état légitime de tous les citoyens est certifié par leur propre municipalité ; il est consigné dans le centre et le foyer commun de leurs habitations où, dans l’esprit régénérateur et politique de la Constitution, ils doivent vivre comme des frères ou des enfants d’une même famille. Peut-être que les esprits ne paraîtront pas encore assez instruits pour se prêter avec le discernement convenable à cette nouvelle forme; mais, nous l’avons déjà observé, et nous le répétons, partout où nous conserverons à l’Eglise ses dogmes, nous ne devons pas plus, dans le bien que nous faisons, nous arrêter à l’ignorance des uns (1) qu’à la malice des autres. La nation a le plus grand intérêt, en recouvrant sa liberté, d’en écarter tout ce qui pourrait la lui faire perdre; et il n’est pas peut-être de moyen plus sûr pour la captiver, que les faux préjugés en matière de religion, laquelle cependant n’exige qu’une soumission raisonnable ou raisonnée, rationabile obsequium . Ainsi, comme tout mariage doit être désormais valide civilement, par le seul consentement et la seule déclaration qu’en feront librement les parties, il doit y avoir à cet égard un mode commun pour tous les citoyens qui seront tous obligés de faire cette déclaration, et ensuite un autre mode (le rit ecclésiastique) pour les catholiques, qui sans rien ajouter à la validité de leur mariage, lui donne le caractère de sacrement dans la religion qu’ils professent, Il n’est, au reste si mince municipalité qui n’ait son greffier. Les officiers municipaux n’auront pas, si l’on veut, dans les campagnes, l’usage des lettres, mais il ne s’agit ici que d’une fonction comme matérielle, qui ne demande ni science, ni capacité; elle n’exige que la connaissance des personnes qui se marient : eh ! qui peut les mieux connaître que les officiers municipaux du lieu où elles habitent? La déclaration de mariage se fera d’ailleurs, pour la validité d’un acte de cette importance, devant 4 témoins; et certainement une déclara-(1) On m’a appris, depuis la rédaction de ce rapport, que, dans un Etat libre de l’Europe, où sont de très bons catholiques, et des catholiques peut-être les mieux instruits dans leur religion, aucun d’eux ne se fait une peine de se soumettre, avant la bénédiction n&ptiale du mariage, à la formalité qui, suivant les lois du pays, forme le contrat et les liens de cet engagement. J’aime à penser aussi que le peuple français, quoique très religieux, ne sera pas plus étonné de cette nouvelle forme que de tous les changements qu’entraîne la régénération nécessaire à son bonheur et à sa liberté. 170 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] tion de mariage, dans cette forme, sera moins suspecte dans le lieu même du domicile des parties que devant le juge de paix, quand les parties, résidant dans l’étendue de son canton, sont hors de sa propre paroisse. Par les mêmes considérations, nous avons cru devoir fixer le dépôt des registres dans les municipalités, plutôt que dans les presbytères, non seulement pour les mariages, mais encore pour les naissances et pour les décès de tous les citoyens ; ce qui laisse toute liberté aux curés de conserver l’usage de tenir eux-mêmes un registre, comme en forme libre, des mêmes actes de mariages qu’ils bénissent, ainsi que des baptêmes et des sépultures ecclésiastiques. Nous avons aussi conservé l’usage du même dépôt dans les sièges de justice, en obligeant les municipalités d’y transférer, chaque année, un double de chacun de leurs registres de mariages, naissances et décès de tous les citoyens. Après avoir ainsi réglé d’une manière fixe et solennelle, tant les cas d’empêchement que lu forme des mariages, les comités sont convenus qu’il ne doit y avoir dorénavant aucune sorte de dispense pour personne; il ne doit pas non plus y avoir de temps prohibé pour faire les déclarations de mariage devant les municipalités, et qui seules suifisent au mariage, tandis que les défenses ecclésiastiques pour la bénédiction nuptiale subsisteront jusqu’à ce l’Eglise elle-même trouve bon de les faire cesser pour le temps de l’Avenl, parce que, dans ce temps, le jeûne n’a plus lieu, comme dans le carême, qui est d’une pratique très ancienne et incompatible de sa nature avec les fêtes et la joie des noces. 9° On suivra à peu près les mêmes règles ou la même distinction pour les publications de mariage. Il se fera une publication commune dans la forme pour les mariages, comme il y aura une loi commune pour leur déclaration devant la municipalité; ce qui n’empêchera pas que les curés ne fassent leur publication en la manière accoutumée, pour annoncer aux fidèles la bénédiction nuptiale des époux catholiques. Mais, comme la mal ticiplité de ces publications n’a été introduite jusqu’ici dans l’Eglise que pour des causes qui ne sont plus les mêmes dans la forme et les effets des censures ecclésiasliques, une seule suffira dans l’église, après celle qui doit avoir lieu huit jours avant la déclaration de mariage, par affiches devant l’Hôtel-de-ville. Cette dernière publication sera la seule légale et commune pour tous les citoyens; elle sera même nécessaire pour la validité civile de tous les mariages, tant de ceux qui sont simplement déclarés devant les officiers municipaux, que de ceux qui, après cette déclaration , seront suivis de la bénédiction nuptiale du curé, lequel sera tenu de répéter la même publication par une seconde huitaine; et il ne sera accordé, pour la première de ces publications, aucune dispense pour quelque personne que ce soit. 10° D’après toutes ces explications, je pense que, sans faire concourir la puissance ecclésiastique, la puissance civile peut et doit elle seule régler tout ce qui concerne les empêchements et les dispenses dont nous venons de parler: les comités proposeront de le faire par des lois dont les moeurs n’auront pas plus à rougir que l’Eglise à se plaindre; personne désormais ne pourra s’y soustraire. Ebl qu’on ne dise pas, comme on se permet de dire, que l’Assemblée nationale est incompétente dans ses réformes ecclésiastiques; comme si une grande nation pouvait jamais être incompétente en aucune matière pour opérer le bien; comme si aucune forme pouvait être supérieure à son vœu, quand il est général, sage et utile ; comme si enfin elle ne pouvait se rendre libre et heureuse (1) par une Constitution qui n’est, dans tous ses principes, que l’expression même de la raison. Aussi après avoir respecté, comme nous avons fait, les dogmes de l’Eglise, dogmes qui, comprenant tout ce que la foi catholique nous ohlige de croire et d’admettre, sont aussi vrais, aussi bien établis qu’elle-même (2), je ne doute point que ceux de ses ministres qui ont ses intérêts le plus à cœur, revenus de leurs premières craintes pour la foi que noos professons hautement, n’applaudissent eux-mêmes à nos décrets, en regrettant peut-être d’y avoir mis ou voulu mettre obstacle. 11 est certain du moins que nos pères se seraient épargnés bien des maux, s’ils avaient été ou plus éclairés, ou plus justes, tant envers eux qu’envers les ecclésiastiques; car sans parler de la douceur et de l’humilité qui font le caractère distinctif de la profession du clergé et de son gouvernement, principes seculi ..... vos autem non sic ; sans parler, dis-je, de cette vérité qui est et sera toujours la même, quelles preuves, quels exemples ne nous fournit pas l’histoire des abus de sa domination, sous le prélexte de son indépendance dans l’exercice de l’autorité religieuse? Je peux le dire, je dois le dire, sans méconnaître cette indépendance même : le clergé n’a jamais procédé de lui-même et sur lui-même à de bien solides ou de bien sévères réformes (3); et de là le mécontentement des peuples, les soupirs des gens de bien, et enfin l’excès des abus qui étaient à leur comble, quand, par une suite d’événements ménagés par la divine Providence, la nation s’est trouvée réunie pour les extirper. Coquille, dit le Judicieux, a intitulé un (1) L’Église est elle-même ennemie de la contrainte dans les progrès de sa doctrine; ses propres lois ne sont fondées que sur la charité qui, plus qu’autre chose au monde, rend les hommes égaux et libres. Gomment donc pourrait-elle improuver, dans notre Révolution, les sages mesures et le succès de la raison sur les entreprises de la force et les excès du despotisme. (2) Dans le projet de décret, on a laissé à l’Eglise toutes ses règles et tous ses rites pour la bénédiction sacramentelle des mariages. (3) Les évêques assemblés à Paris en 1765 témoignèrent le plus grand zèle pour la réformation des religieux. L’un d’entre eux s’éleva avec beaucoup de force contre leur relâchement général : une commission fut établie en conséquence. Chacun sait les effets qu’elle a produits : le plus remarquable, c’est la disposition où elle a mis tous les esprits en France, pour y détruire sans exception les ordres religieux. Mais on sait, d’autre part, comment les religieux se sont défendus contre ce procédé brusque des évêques envers eux ; ils ont demandé, à leur tour la réforme épiscopale et celle de tout le clergé séculier; ils en ont démontré, dans de bons écrits, la nécessité, plus encore que de la leur. C’est dans cet état des choses que l’Assemblée nationale est venue le plus à propos entreprendre et finir celte double réforme qui a été précédée d’une troisième non moins utile sur les provisions et les dispenses de la chancellerie romaine. Il ne fallait pas moins, pour une si belle œuvre, que la foule-puissance d’un grand peuple et toute l’inflexibilité des principes dans sa ré - génération. On a d’abord crié au scandale, à l’attentat: on s’y attendait ; contre quel décret de l’Assemblée ne crie-t-on pas? Mais bientôt les gens de bien y ont applaudi, et ce digne suffrage qui nous parvient sans qu’on s’en doute nous justifie lui seul, et lui seul aussi nous console et nous venge de tant de détracteurs mal intentionnés ou mal instruits. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n mai 1791. J de ses ouvrages : Les maux de la France fendant la Ligue sont venus principalement de la non-ré formation de l'état ecclésiastique. 11° Reste à proposer une disposition particulière pour un cas digne de tous les égards de l’Assemblée : c’est celui où se trouvent en ce moment les parties, qui empêchées de se marier pour raison de parenté ou d’affinité, n’ont pu obtenir des dispenses ni du pape, ni des évêques, depuis le décret de l’Assemblée nationale du 4 août 1789, et le nombre en est grand depuis plus d’un an. Il est bien certain que celles d’entre ces personnes qui se trouvent dans un des degrés ou des cas dont l’Assemblée nationale ne fera pas un obstacle au mariage, en abrogeant l’usage des dispenses; il est certain, dis-je, que celles-là pourront, après un pareil décret de l’Assemblée, se marier valablement aux yeux de la loi, sans recourir à aucune dispense, quoiqu’elles eussent été ci-devant obligées d’en obtenir pour passer outre à leur mariage. Mais en sera-t-il de même des personnes qui, se trouvant dans l’un des degrés ou des cas prohibés par le décret de l’Assemblée nationale, auraient pu néanmoins se marier avec une dispense qui ne se refusait point ci-devant à Rome, moyennant la compenende en forme d’aumône qui's’y payait? Je ne balance pas, sur cette question, à répondre que le mariage doit être permis cette lois, sans conséquence, à ces personnes comme aux autres dans la forme civile dont il a été parlé, sauf à elles d’obtenir gratuitement, de leur évêque diocésain, la dispense qui, à leur égard, est devenue une concession de la plus étroite justice. Premièrement, parce que les décrets de l’Assemblée nationale, dont la prohibition doit tomber sur le cas où se trouvent ces parties, n’ont aucun effet rétroactif. En second lieu, parce que si l’usage était tel ci-devant, que la dispense eût lieu ordinairement, ou même extraordinairement à Rome pour le cas dans lequel se trouvaient ces parties, ayant fait de leur chef ce qui était en elles pour Tobtenir, et ne l’ayant pu à cause seulement des décrets de l’Assemblée nationale, ou du refus que les évêques de France ont fait de les exécuter pour ces dispenses, nul doute que les parties ne doivent être autorisées par l’Assemblée même à se marier valablement, sans néanmoins que leur exemple puisse tirer à conséquence pour l’exécution de ses décrets sur cette matière, à l’avenir. Enfin, la troisième et dernière raison qui justifie les deux autres, c’est que nos bons auteurs ont toujours tenu en France, et c’est l’esprit des libertés de l’Eglise gallicane, que les dispenses ne sont point des grâces, mais des actes de justice. Ainsi comme tels, dans les cas de mariage, comme dans tous les autres cas, le refus d’une dispense ordinaire n’est qu’une injustice; elle a été ici involontaire de la part du pape, qui n’a pas accordé la dispense à cause de nos décrets; et de la part des évêques qui ne se sont pas crus en droit de la concéder, mais qui commettraient une injustice si, ayant par leur caractère épiscopal, le même pouvoir que le pape à cet égard, ils la refusaient à ceux à qui le pape l’auraît accordée. Dans ces circonstances, les parties ne doivent souffrir de rien, et l’Assemblée ne fera qu’une bonne œuvre, en leur permettant le mariage, 171 dans les cas mêmes où elle le défendra pour l’avenir: et j’ajoute qu’indépendamment des considérations que je viens de mettre en avant et qui sont presque sans réplique, c’est qu’en ce moment, l’honneur de quantité de personnes et de familles est intéressé au décret ou à l’exception dont je parle, à tel point que l’Assemblée nationale se doit à elle-même devenir au secours des gens que ses propres décrets ont comme déshonorés, en leur ôtant le moyen sur lequel ils avaient droit de compter, d’après l’usage reçu, pour couvrir ou réparer leurs faiblesses. Enfin, il s’agit ici de l’état de plusieurs infortunés; et, dans les termes du droit, la difficulté doit s’aplanir, ou l’on doit décider le doute en faveur de ces innocents. En conséquence, voici le décret que je propose et qui sera comme additionnel à ceux du projet de décret des deux comités : « Et comme, depuis les décrets rendus par l’Assemblée nationale le 4 août 1789, il est arrivé que beaucoup de personnes ont demandé vainement à Rome des dispenses de mariage qu’elles n’ont pu obtenir non plus que de leurs évêques, l’Assemblée nationale décrète que tous ceux et celles qui dans ce moment sont dans ce cas, quoiqu’ils se trouvent dans quelqu’un des degrés prohibés par l’article 1er, mais du nombre de ceux sur lesquels on pouvait obtenir des dispenses, pourront valablement se marier en la forme prescrite par le présent décret, ce qui aura lieu, sans tirer à conséquence pour l’avenir. » 12° Enfin, dans la réformation générale des principaux abus qui blessent la liberté des citoyens, dans l’acte le plus intéressant pour la nation, nous ne devons pas oublier celui qui s’est introduit ou conservé dans certaines provinces du royaume où, par un intérêt privé et tout pécuniaire, il se commet une sorte d’attentat et à la dignité et à la liberté des mariages. Dans le ressort du parlement de Toulouse, qui est, ou était ci-devant très étendu, les créanciers d’un débiteur dont le mariage est annoncé par les publications et quelquefois avant que les publications se fassent, sont dans l’usage de dénoncer à la future leurs créances, pour en conserver l’hypothèque contre celle de sa dot, suivant la loi assiduis. Cod., qui potiores inpignore habean-tur. On exige même que cette dénonce, pour produire son effet, soit faite ou signifiée à la personne même de la femme qui doit épouser le débiteur et non à son domicile; sans quoi, le créancier perd le privilège de sa créance quoique antérieure, sur la dot de la femme, par la stipulation de son hypothèque, dans le contrat de mariage où elle est constituée. Cet usage fondé, dit-on, sur l’attachement particulier que le parlement de Toulouse a toujours témoigné pour le droit romain, est absolument contraire à la jurisprudence de tous les autres parlements, où, suivant le droit commun les dots des femmes n’ont que l’hypothèque de leur dot vis-à-vis les créanciers hypothécaires de leurs maris, sans que ces créanciers soient obligés de faire ni dénonce ni signification pour conserver la juste préférencede leur antériorité; en sorte que, dans le dessein même de l’Assemblée nationale, qui tend à rendre aussi simple qu’uniforme la législation française, elle ne peut que se prêter à la réforme d’un usage singulier qui, en blessant la police générale du royaume, touchant les privilèges qui sont accordés aux dots des femmes (lesquels ne doivent avoir pour objet que les biens propres à leurs maris), gêne en 172 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 117 mai 1791.] même temps et offense cette belle et honorable union des deux sexes, où la société a besoin de trouver continuellement sa vie, ses mœurs et ses forces. En conséquence, voici le projet de décret que l’on joindra comme additionnel au projet des comités : « Il est défendu à tous créanciers de faire au-« cune dénonce en aucune forme de leurs « créances à la femme que doit épouser leur dé-« biteur, et elle décrète que les créanciers hypo-« théeaires de celui-ci seront maintenus dans « la préférence due à l’antériorité de leurs i' créances sur toutes autres, même sur la dot “ contractée postérieurement. » 13° Toujours dans le même esprit qui tend à faciliter les mariages, les comités ne se sont pas bornés à en écarter les empêchements qui ne seraient pas fondés sur les termes mêmes de la loi, mais ils ont voulu encore prévenir les retar-dements inutiles qu’on pourrait y apporter ; et, pour cela, ils n’ont eu besoin que de réduire les oppositions dont on a tant abusé jusqu’ici, à celles que la plus sévère justice autorise. Lanouvelle forme des mariages, et dontlesprin-cipes répondent à ceux-là mêmes qui ont fait abolir les officialités, s’est prêtée comme d’elle-même à cette sage mesure; ainsi au lieu de voir les mariages arrêtés ou suspendus, comme ci-devant, au gré du premier venu, car on sait que l’usage était tel que le curé était obligé de quitter son étole et de se retirer quand on lui signifiait une opposition bien ou mal fondée au mariage qu’il était sur le point de bénir; au lieu, dis-je, de cette pratique étrange dans ces effets, quoique d’ailleurs Jouable alors dans ses motifs, on verra désormais très-peu de ces oppositions, parce que celles-là seulement seront admises, qui seront faites par les personnes qui en auront le droit, aux termes de ce décret, lequel a aussi pourvu, dans son projet, à la main-levée et au jugement de ces oppositions. 14° Dans le même projet de décret, il a fallu nécessairement prescrire une nouvelle forme de registres pour les preuves des naissances et des décès, comme des mariages, ce qui a exigé un détail de dispositions nécessaires à l’authenticité de ces preuves. Il ne nous reste donc, après les peines que nous avons prises et les soins que nous nous sommes donnés pour réunir, pour accorder, pour simplifier les divers objets qui entrent dans cette vaste et difficile matière, qu’à obtenir l’approbation de l’Assemblée nationale pour le projet de loi que nous avons l’honneur de lui présenter et qui est ainsi conçu : Projet de loi, proposé par le comité ecclésiastique (1), sur le mariage et sur les actes et regis-res qui doivent constater l'état civil des personnes (2). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, considérant : Que le mariage est essentiellement un contrat dont la validité ne peut dépendre que de l’observation des lois de la nature et de celles de l’Eta! ; Que le sacrement institué pour sanctifier le (1) Les bases de ce projet sont convenues avec le comité de Constitution. (2) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. mariage, pour communiquer aux époux des grâces surnaturelles, pour bien exiger des conditions, que la puissance civile n’a pas à déterminer; mais qu’il est entièrement séparable du contrat et qu’ainsi les règles ecclésiastiques ne peuvent ni ôter, ni donner les titres et les droits d’époux et d’enfants légitimes; Qu’il importe à l’Etat et aux particuliers de faciliter les mariages; Que tous les hommes ont un égal droit à l’état civil, indépendamment de la liberté des opinions religieuses assurée par la Constitution ; Qu’enfin il n’y a rien de plus propre à maintenir l’union et le bon ordre parmi les citoyens, que de régler la manière de constater leur naissance, leurs mariages, ainsi que leurs décès par une loi générale et uniforme pour tous les individus et pour tout le royaume ; Décrète ce qui suit, sans aucun effet rétroactif quant aux mariages contractés avant la publication de la présente loi : TITRE Ier. Règles à observer pour la validité des mariages. Art. 1er. La loi ne reconnaîtra pour mariés valablement que l’homme et la femme qui, étant libres d’engagement contraire et capable de mariage, l’auront volontairement déclaré et constaté suivant les règles et les formes qui vont être établies. Art. 2. Le mariage est défendu entre toutes personnes unies par les liens, soit de parenté, soit d’affinité dans les degrés suivants, et seulement dans ces mêmes degrés, savoir: en ligne directe ascendante on descendant�, sans distinction et à l’infini; en ligne collatérale, entre le frère et la sœur, le beau-frère et la belle-sœur, l’oocle et la nièce ou l’enfant de celle-ci, la tante et le neveu ou l’enfant du neveu. Art. 3. Le mariage est aussi défendu dans les degrés ci-dessus exprimés entre les personnes unies par le lien de parenté ou d’affinité purement naturelle. Art. 4. La loi ne reconnaîtra plus à l’avenir l’empêchement de mariage qui provenait de la corn-paterniié ou affinité spirituelle ; ni celui de la diversité de culte, ni les erUi êchements que produisaient les fiançailles, ni ceux gui résultaient du défautde consentement de certaines personnes, sauf ce qui est statué par les 4 articles suivants. Art. 5. La peine d’exhérédation contre les enfants qui se marieront sans le consentement de leurs père et mère est abrogée ; mais il est défendu à tous ceux qui n’ont pas encore atteint l’âge de 25 ans accomplis pour les garçons ou veufs et de 21 ans aussi accomplis pour les filles ou veuves, de se marier sans le consentement de leurs père et mère, pourvu que ceux-ci soient habitants dans l’étendue de la domination française et jouissant de leurs droits. Art. 6. Si la mère est seule décédée, ou si elle est absente hors des pays de la dominatien française, ou non usant de ses droits, ou si elle a a disparu, depuis au moins une année, sans qu’on ait eu de ses nouvelles, dans tous ces cas, le consentement du père sera seul nécessaire pour la validité du mariage desdits mineurs. Ait. 7. Si le père est seul décédé, ou s’il est absent hors des pays de la domination française ou non usant de ses droits, ou s’il a disparu, depuis au moins une année, sans qu’on ait reçu