572 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. aux outrages? des partisans de l’ancien régime, aux erreurs même des citoyens tièdes et des esprits non éclairés? Qui moins que lui avait des moyens pour s’en défendre ? Il ne s’est pas néanmoins laissé arrêter par ces vaines terreurs. Il n’a point redouté surtout cette publicité , pour laquelle M. Guignard Saint-Priest témoigne tant d’effroi ; il y a, au contraire, recouru, toutes les fois qu’il a pu faire. Il a méprisé les injures , en se contentant de rétablir les faits , quand on les altérait; bien sûr que sa réputation surnagerait aux vaines inculpations qu’on lui a faites ; et, qu’en tout cas cette réputation n’était qu’une considération secondaire qui ne pouvait jamais être mise en balance avec ses devoirs. Il s’en est remis au public, avec le seul appui de son zèle et sa probité, seuls moyens que ses commettants pouvaient exiger de lut ; c’était à eux à juger du reste. ï Au fond, quels sont donc les dangers que M. Guignard Saint-Priest a courus dans cette occasion, et qui ont pensé le rendre la victime d’une multitude abusée, en souillant la fête de la fédération de quelque attentat capable d’en ternir la gloire? A-t-il couru ce risque de la vie, que les meilleurs citoyens ont couru sans sepiaiudre depuis la Révolution? Non. « J’étais, dit-il, re-« présenté dans ces libelles comme un conspira-» teur et un trait re à la patrie; on allait même « jusqu'à demander le renvoi de tous les ministres. « On proposait des motions à faire, pour ce reu-« voi, au Champ-de-Mars, par tous les bons ci » « toyens. » Ou laisse au public à juger du civisme de celui qui se plaît ainsi à dénigrer, autant qu’il est en lui, cette expression si sainte de bons citoyens. G’est elle que nos législateurs ont consacrée dans la formule par laquelle les magistrats municipaux doivent invitera la retraite les personnes qui se trouvent dans les attroupements lors de la publication de la loi martiale. Mais il résulte des expressions mêmes de M. Guignard Saint-Priest, que les risques qu’il a courus se sont réduits à la crainte de perdre sa place. On allait même�Ms�w’à demander son renvoi. Ne voilà-t— il pas un projet bien alarmant, et un peuple bien redoutable ! Les plusincendiaires demandent qu’on fasse des motions pour le renvoi des ministres, et ces motions ont été rejetées. Où voit-on donc là des attentats capables de souiller la gloire de la fédération ?Dans les pays despoiiques, dans le gouvernement de l’Orient, où la servitude universelle enchaîne habituellement les opinions, la langue et la plume des écrivains, ce n’est point par des motions pour le renvoi des ministres que Je peuple manifeste ses volontés quand il se réveille. Il demande avoir leurs têtes suspendues aux murs du sérail ; et si on les lui refuse, celle du tyran leur en répond bientôt. G’est la facilité de dénoncer les ministres et de les accuser publiquement, qui est la meilleure sauvegarde des administrateurs. Ils n’auront point à craindre qu’on se porte à des excès contre eux quand ils seront traduits en jugement comme les autres citoyens. Le peuple se reposera du soin de les poui suivre sur les accusateurs publics, sur ces nouveaux ministres de la justice nationale, que le Corps législatif vient enfin de décréter, et qui, sans doute, appelleront aussi le peuple à prononcer entre eux, accusés, et leurs juges. Si le comité s’était grossièrement mépris dans le jugement qu’il a porté sur M. Guignard Saint-Priest, comme on le prétend, il se serait nui à lui-même et non pas au ministre. Il a soumis à [3 août 1790.] tout le monde son opinion, les motifs qui l’ont déterminée et les pièces où il l’a puisée. Où peut donc être le sujet d’effroi pour M. Guignard Saint-Priest, s’il est innocent? S’il est coupable, ou seulement s’il y a des présomptions graves contre lui, n’était-il pas du devoir du comité de le mettre à portée de les détruire, par une discussion publique, qui ne pût pas laisser de nuages sur la vérité de sa justification? L’impression du rapport et des pièces ne change fias leur contenu : elle le divulgue seulement. Elle met tout le monde à portée d’apprécier et les motifs et la personne de M. Guignard Saint-Priest. On a donc eu raison de dire que c’élait lui rendre un vrai service, s’il était innocent, que de provoquer ainsi sa justification publique. Malheur à celui qui craint de voir sa conduite soumise à l’examen universel! L honnête homme et le patriote désireraient que leurs sentiments pussent être aussi manifestés que leurs actions. Quelle opinion doit-on avoir de ceux qui voudraient soustraire l’un et l’autre à l’examen du peuple, lors même qu’il s’agit de leur administration publique. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 3 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures un quart du matin. L’Assemblée est fort peu nombreuse. En attendant qu’elle soit en nombre, on propose de lire diverses adresses. M. Camus demande à donner lecture des divers décrets sur les pensions, mis dans leur ordre rationnel pour être présentés à la sanction. Gette proposition est adoptée et la lecture a lieu ainsi qu’il suit : Décret sur les pensions, gratifications et autres récompenses nationales, prononcé dans les séances des 10, 16, 23 et 26 juillet : L’Assemblée nationale, considérant que, chez un peuple libre, servir l’Etat est un devoir que tout citoyen est tenu de remplir, et qu’il ne peut prétendre de récompense, que la durée, l’éminence et la nature de ses services lui donnent des droits à une reconnaissance particulière de nation; que s’il est juste que, dans l’âge des infirmités, la patrie vienne au secours de celui qui lui a consacré ses talents et ses forces, lorsque sa fortune lui permet de se contenter des grâces honorifiques, elles doivent lui tenir lieu de toute autre récompense, décrète ce qui suit : TITRE PREMIER. Règles générales sur les pensions et autres récompenses pour l'avenir. Art. 1er. L’Etat doit récompenser les services (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] rendus au corps social, quand leur importance et leur durée méritent ce témoignage de reconnaissance. La nation doit aussi payer aux citoyens le prix des sacrilices qu’ils ont faits à l’utilité publique. Art. 2. Les seuls services qu’il convient à l’Etat de récompenser sont ceux qui intéressent la société entière. Les services qu’un individu rend à un autre individu ne peuvent être rangés dans cette classe, qu’autant qu’ils sont accompagnés de circonstances qui en fout rélléciitr l’effet sur tout le corps social. Art. 3. Les sacrilices dont la nation doit payer le prix sont ceux qui naissent des pertes qu’on éprouve en défendant la patrie, ou des dépenses qu’on a faites pour lui procurer un avantage réel et constaté. Art. 4. Tout citoyen qui a servi, défendu, illustré, éclairé sa patrie, ou qui adonné un grand exemple de dévouement à la chose publique, a des droits à la reconnaissance de la nation, et peut, suivant la nature et la durée de ses services, prétendre aux récompenses. Art. 5. Les marques d’honneur décernées par la nation seront personnelles et mises au premier rang des récompenses publiques. Art. 6. Il y aura deux espèces de récompenses pécuniaires : les pensions et les gratifications. Les premières sont destinées au soutien du citoyen qui les aura méritées. Les secondes à payer le prix des pertes souffertes, des sacrifices faits à l’utilité publique. Art. 7. Aucune pension ne sera accordée à qui que ce soit avec clause de réversibilité ; mais, dans le cas de défaut de patrimoine, la veuve d’un homme mort dans le cours de son service public pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfants être élevés aux dépens de la nation, jusqu’à ce qu’elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance. Art. 8. Il ne sera compris dans l’état des pensions que ce qui sera accordé pour récompense de services : tout ce qui sera prétendu à titre d’indemnité, de dédommagement, comme prix d’aliénation, ou antres causes semblables, sera placé dans la classe des dettes de l’Etat, et soumis aux règles qui seront décrétées pour la liquidation des créanciers de la nation. Art. 9. Ou ne pourra jamais être employé, sur l’état des pensions, qu’en un seul et même article. Ceux qui auraient usurpé, de quelque manière que ce soit, plusieurs pensions, seront rayés de 1a liste des pensionnaires et privés des grâces qui leur auraient été accordées. Art. 10. Nul ne pourra recevoir en même temps une pension et un traitement : aucune pension ne pourra être accordée sous le nom de traitement conservé et de retraite. Art. 11. 11 ne pourra être concédé de pension à ceux qui jouissent d’appointements, gages ou honoraires, sauf à leur accorder ües gratifications s’il y a lieu. Art. 12. Un pensionnaire de l’Etat ne pourra recevoir de pension, ni sur la liste civile ni d’aucune puissance étrangère. Art. 13. La liste civile étant destinée au payement des personnes attachées au service particulier du roi, et à sa maison, tant domestique que militaire, le Trésor public demeure déchargé de toutes pensions et gratifications qui peuvent avoir été accordées, ou qui le seraient par la suite aux personnes qui auraient été, sont, ou seront employées à l’un ou l’autre de ces services. Art. 14. Il sera destiné, à l’avenir, une somme de 573 12 millions de livres, à laquelle demeurent fixés les fonds des pensions, dons et gratifications ; savoir: 10 millions pour les pensions, et 2 millions pour les dons et gratifications. Dans le cas où le remplacement des pensionnaires décédés ne laisserait pas une somme suffisante pour accorder des pensions à tous ceux qui pourraient y prétendre, les plus anciens d’âge et de services auront la préférence; les autres l’expectative, avec l’assurance d’être les premiers employés successivement. Art. 15. Au delà de cette somme, il ne pourra être payé ni accordé pour quelque cause, sous quelque prétexte ou dénomination que ce puisse être, aucunes pensions, dons et gratificaiions, à peine, contre ceux qui les auraient accordées ou payées, d’en répoûdre en leur propre et privé nom. Art. 16. Ne sont compris dans la somme de ces 10 millions affectés aux pensions, les fonds destinés aux invalides, aux soldes et demi-soldes tant de terre que de mer, sur la fixation et distribution desquels fonds l’Assemblée se réserve de statuer, ni les pensions des ecclésiastiques qui continueront d’être payées sur les fonds qui y seront affectés. Art. 17. Aucun citoyen, hors le cas de blessures reçues, ou u’inlirmités contractées dans l’exercice de fondions publiques, et qui le mettent hors d’état de les continuer, ne pourra obtenir de pension qu’il n’ait trente ans de service effectif et ne soit âgé de cinquante ans : le tout sans préjudice à ce qui sera statué par les décrets particuliers relatifs aux pensions de la marine et de la guerre. Art. 18. Il ne sera jamais accordé de pension au delà de ce donton jouissaità titre de traitement ou appointement dans legrade que l’on occupait. Pour obtenir la retraite d’un grade, il faudra y avoir passé le temps qui sera déterminé par les décrets relatifs à chaque nature de service; mais quel que fût le montant de ces traitements et appointements, la pension, dans aucun cas, sous aucun prétexte et quels que puissent être le grade ou les fonctions du pensionné, ne pourra jamais excéder la somme de 10,000 livres . Art. 19. La pension accordée à trente ans de service sera du quart du traitement, sans toutefois qu’elle puisse être moindre de 150 livres. Art. 20. Chaque année de service, ajoutée à ces trente ans, produira une augmentation progressive du vingtième des trois quarts restants de ces appointements et traitements; de manière qu’après cinquante ans de service, le montant de la pension sera de la totalité des appointements et traitements, sans que, néanmoins, comme on l’a dit ci-devant, cette pension puisse jamais excéder la somme de 10,000 livres. Art. 21. Le fonctionnaire public, ou tout autre citoyen au service de l’Etat, que ses blessures ou infirmités obligeront de quitter son service ou ses fonctions avant les trente années expliquées ci-dessus, recevra une pension déterminée par la nature et la durée de ses services, le genre de ses blessures et l’état de ses infirmités. Art. 22. Les pensions ne seront accordées que d’après les Instructions fournies par les directoires de départements et de districts, et sur l’attestation des officiers généraux et autres agents du pouvoir exécutif et judiciaire, chacun dans la partie qui les concerne. Art. 23. A chaque session du Corps législatif, le roi lui fera remettre la liste des pensions à accorder aux différentes personnes qui, d’après les règles ci-dessus, seroût dans le cas d’y pré- 574 {Assemblée nationale.] tendre. A cette liste sera jointe celle des pensionnaires décédés et des pensionnaires existants. Sur ces deux listes envoyées par le roi à la législature, elle rendra un décret approbatif des nouvelles pensions qu’elle croira devoir être accordées; et lorsque le roi aura sanctionné le décret, les pensions accordées dans cette forme seront seules exigibles et les seules payées parie Trésor public. Art. 24. Les gratifications seront accordées d’après les mêmes instructions et attestations portées dans l’article 22. Chaque gratification ne sera donnée que pour une fois seulement; et s’il en est accordé une seconde à la même personne, elle ne pourra l’être que par une nouvelle décision, et pour cause de nouveaux services. Dans tous les cas, les gratifications seront déterminées par la nature des services rendus, des pertes souffertes, et d’après les besoins de ceux auxquels elles seront accordées. Art. 25. A chaque session, il sera présenté un état des gratifications à accorder et des motifs qui doivent en déterminer la concession et le montant. L’état de celles qui seront jugées devoir être accordées sera pareillement décrété par l’Assemblée législative. Après que le roi aura sanctionné le décret, les gratifications accordées dans cette forme seront aussi les seules payables par le Trésor public. Art. 26. Néanmoins, dans les cas urgents, le roi pourra accorder provisoirement des gratifications; elles seront comprises dans l’état qui sera présenté à la législature, et s’il les juge accordées sans motif, ou contre les principes décrétés, le ministre, qui aura contresigné les décisions, sera tenu d’en verser le montant au Trésor public. Art. 27. L’état des pensions, tel qu’il aura été arrêté par l’Assenfblée nationale, sera rendu public. Il sera imprimé en entier tous les dix ans; et, tous les ans, dans le mois de janvier, l’état des changements survenus dans le cours des années précédentes, ou des concessions des nouvelles pensions et gratifications, sera pareillement livré à l’impression. TITRE IL Règles particulières concernant les récompenses pécuniaires qui peuvent être accordées à ceux qui ont servi l'Etat dans la guerre , dans la marine, dans les emplois civils , les sciences, les lettres et les arts. Art. 1er. Le nombre d’années de service nécessaire dans les troupes de ligne, pour obtenir une pension, sera de trente années de service effectif; mais pour déterminer le montant de la pension, il sera ajouté à ces années de service les années résultant des campagnes de guerre, d’embarquement, de service en garnisonhors de l’Europe, d’après les proportions suivantes : Chaque année de guerre, et chaque année de service ou de garnison hors de l’Europe, sera comptée pour deux ans. Chaque année d’embarquement, en temps de paix, sera comptée pour dix-huit mois. Ce calcul aura lieu dans quelque grade que les campagnes et les années de service ou d’embarquement aient été faites, dans Te grade de soldat comme dans tous les autres. Art. 2. Tous officiers, soit étrangers, soit Français, employés dans les troupes de ligne fran-{3 août 1790.1 çaises ou étrangères au service de l’Etat, de quelque arme et de quelque grade qu’ils soient, seront traités, pour leur pension, sur le pied de l’infanterie française. Tous les officiers d’un même grade, quoique de classe différente, même simplement commissionnés, mais en activité, seront pensionnés également sur le pied de ceux de la première classe. Art. 3. On n’obtiendra la pension attachée à un grade qu’autant qu’on l’aura occupé pendant deux ans entiers, à moins que, pendant le cours desdites deux années, on n’ait reçu quelque blessure qui mette hors d’état de servir. Art. 4. Le nombre d’années de service nécessaire dans la marine pour obtenir une pension, sera de vingt-cinq années de service effectif; et, pour fixer le montant de la pension, il sera ajouté à ces années de service les années résultant des campagnes de guerre, embarquement, service ou garnison hors de l’Europe, dans les mêmes proportions qui ont été fixées par l’article 1er du présent titre, pour les troupes de terre. Ce calcul aura lieu quel qu’ait été la classe ou le grade dans lesquels on ait commencé à servir; mais l’on n’aura la pension attachée au grade qu’après l’avoir occupé pendant deux ans entiers, ainsi qu’il est dit dans l’article 3. Art. 5. Le taux de la pension qu’on obtiendra, après avoir servi l’Etat dans les emplois civils, pendant trente années effectives, sera réglé sur le traitement qu’on avait dans le dernier emploi, pourvu qu’on l’ait occupé pendant deux années entières. Les années de service qu’on aurait remplies dans des emplois civils, hors de l’Europe, seront comptées pour deux années, lorsque les trente années de service effectif seront d’ailleurs complètes. Art. 6. Les artistes, les savants, les gens de lettres, ceux qui auront fait une grande découverte propre à soulager l’humanité, à éclairer les hommes eu à perfectionner les arts utiles, auront part aux récompenses nationales, d’après les règles générales établies dans le titre 1er du présent décret «t les règles particulières qui seront énoncées ci-après. Art. 7. Celui qui aura sacrifié, ou sou temps, ou sa fortune, ou sa santé à des voyages longs et périlleux, pour des recherches utiles à l’économie publique ou aux progrès des sciences et des arts, pourra obtenir une gratification proportionnée à l’importance de ses découvertes et à l’étendue de ses travaux; et s’il périssait dans le cours de sou entreprise, sa femme et ses enfants seront traités de la même manière que la veuve et les enfants des hommes morts au service de l’Etat. Art. 8. Les encouragements qui pourraient être accordés aux personnes qui s’appliquent à des recherches, à des découvertes et à des travaux utiles, ne seront point donnés à raison d’une somme annuelle, mais seulement à raison des progrès effectifs de ces travaux ; et la récompense qu’ils pourraient mériter ne leur sera délivrée que lorsque leur travail sera complètement achevé, ou qu’ils auront atteint un âge qui ne leur permettra plus de continuer. Art. 9. Il pourra néanmoins être accordé des gratifications annuelles, soit aux jeunes élèves que l’on enverra chez l’étranger pour se perfectionner dans les arts et lesscienees, soit à ceux qu’on ferait voyager pour recueillir des connaissances utiles à l’Etat. Art. 10. Les pensions ttestinées à Técompeuser ARCHIVES PARLËÜENTA1RES. [Assemblée nàtîonaie.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] 575 les personnes ei-dessus désignées seront divisées en trois classes. La première, celle des pensions dont le maximum sera de 3,000 livres. La seconde, celle des pensions qui excéderont 3,000 livres et dont le maximum ne pourra pas s’élever au dessus de 6,000 livres. La troisième comprendra les pensions au-dessus de 6,000 livres jusqu’au maximum de 10,000 livres lixé par les précédents décrets. Art. 11. Le genre de travail, les occupations habituelles de celui qui méritera d’être récompensé détermineront la classe où il convient de les placer, et la qualité de ses services fixera le montant de la pension, de manière, néanmoins, qu’il ne puisse atteindre le maximum de la classe où il aura été placé que conformément aux règles d’accroissement déterminées par les articles 19 et 20 du titre Ier du présent décret. TITRE III. Suppression des pensions et autres grâces pécuniaires existant au 1er janvier 1790; règles générales pour leur rétablissement; exceptions. Art. 1er. Les pensions , dons, traitements ou appointements conservés, récompenses, gratifications annuelles, engagements contractés pour payements de dettes, assurances de dots et de douaires, concessions gratuites de domaines existant au 1er janvier 1790 ou accordés depuis cette époque, sont supprimés. Il sera procédé à une création nouvelle de pensions, suivant le mode qui sera établi par les articles suivants. Et cependant, par provision, tous les ci-devant pensionnaires seront payés des arrérages de la présente année de leurs pensions, si elles ne sont que de la somme de 600 livres ou au-dessous, soit en un, soit en plusieurs articles; et, dans le cas où les pensions et les gratifications dont on jouissait excéderaient la somme de 600 livres, soit en un article, soit en plusieurs , il sera payé la somme de 600 livres, acompte sur lés arrérages de la présente année desdites pensions et gratifications. Art. 2. Il ne sera payé, par les administrations municipales et autres, aucune pension ou grati-lication au delà de la somme de 600 livres, conformément à l’article 1er du présent titre, jusqu’à ce qu e, par l’Assemblée nationale, il en ait été autrement ordonné ; lesdites administrations municipales et autres seront tenues d’envoyer sans délai, au comité des pensions, l’état certifié des pensions ét gratifications dont elles sont chargées. Art. 3. Les pensions qui étaient établies sur la caisse de l’ancienne administration du clergé seront payées sur cette même caisse, pour les six premiers mois de la présente année, sur le pied, néanmoins, de 600 livres au plus pour l’année entière, conformément à l’article 1er du présent titre, et il en sera de même des pensions qui pourraient exister encore sur d’autres caisses que le Trésor public. Art. 4. Les personnes qui, ayant servi l’Etat, se trouveront dans les cas déterminés pat les deux premiers titres du présent décret, obtiendront une pension de la valeur réglée par lesdits décrets. S’ils avaient déjà une pension , mais de moindre valeur que celle que lesdits décrets leur assurent, là pension dont Ilâ jouissaient demeurera supprimée, et elle sera remplacée par là pension plus considérable qu’ils obtiendront. Art. 5. Il sera rétabli une pension en faveur des officiers généraux qui, ayant fait deux campagnes de guerre, en quelque grade et en quelque lieu que ce soit, avait nt précédemment obtenu une pension; mais elle cessera d’être payée s’ils rentrent en activité; en sorte que , conformément à l’article 10 du titre Ier du présent décret, il ne soit jamais payé, au même officier, pension et traitement. La pension rétablie ne sera jamais plus forte que celle dont on jouissait. Si la pension dont on jouissait était de 2,000 livres ou plus, la nouvelle pension sera de 2,000 livres pour i’officier général qui aura fait deux campagnes de guerre; elle croîtra de 500 livres à raison de chaque campagne de guerre au delà des deux premières; mais cet accroissement ne pourra porter le total au delà de la somme de 6,000 livres, qui est le maximum fixé pour les pensions mentionnées au présent article. Art. 6. Les officiers des troupes de ligne et les officiers de mer qui avaient servi pendant vingt années dans les troupes de ligné ou sur mer, qui avaient fait deux campagnes de guerre, ou deux expéditions de mer, dans quelque grade que ce soit, et auxquels leur retraite avait été accordée avec une pension, soit par suite des réformes faites dans la guerre, ou dans la mârine, soit à une époque antérieure aux règlements qui seront mentionnés en l’article suivant, jouiront d’une nouvelle pension créée en leur faveur, laquelle ne pourra excéder celle dont ils jouissaient, mais pourra lui être inférieure, ainsi qu’il sera dit en l’article 10. Art. 7. Les personnes qui, n’étant ni dans l’un, ni dans l’autre des cas prévus par les deux articles précédents, auront obtenu, avant le 1er janvier 1790, une pension pour services rendus à 1 -Etat, dans quelque département que ce soit, en conformité dés ordonnances et règlements faits par lesdits départements, jouiront d’une nouvelle pension rétablie en leur faveur, laquelle ne sera jamais au-dessus de celle dont elles jouissaient précédemment, mais pourra être au-dessous, dans les cas prévus par l’article 7. Art. 8. Les veuves et enfants qui ont obtenu des pensions, en conformité des ordonnances et règlements faits pour les départements dans lesquels leurs maris ou leurs pères étaient attachés à un service public, et notamment les veuves et enfants d’officiers tués au service de l’Etat, jouiront de nouvelles pensions rétablies en leur faveur, et pour la même somme à laquelle elles étaient portées, sous la condition néanmoins que les pensions desdites veuves, et celles de tous leurs enfants réunies n’excéderont pas la sommé de 3,000 livres, qui sera le maximum desdites pensions. Les veuves des maréchaux de France, qui avaient obtenu des pensions, jouiront d’une pension de 6,000 livres, qui sera rétablie en leur fiveur. Art. 9. Les ancien s règlements ayant, à'd’ifférentes époques, soumis des pensions à des réductions; converti eu rentes viagères, des arrérages échus et non payés ; suspendu jusqu’à la mort des pensionnaires, d’autres arrérages échus et non payés, il est déclaré : 1° que la disposition des articles précédents, qui porte que les pensions rétablies n’excéderont pas le 'montant des pensions anciennes supprimées, s'entend du iùdti-tant desdites pensioùs, déduction Tàite dé tcrrftés 576 [Assemblée nationale.) les retenues qui ont eu ou dû avoir lieu pendant le cours de l’année 1789, toute exception aux règlements qui établissaient lesdites réductions étant anéanties ; 2° Que les rentes viagères créées pour arrérages échus, et non payés, continueront à être services aux personnes mêmes dont les pensions se trouveraient supprimées sans espérance de rétablissement, et hors la nouvelle pension aux personnes en faveur desquelles une nouvelle pension serait rétablie; 3° Que les arrérages échus, non payés, et portés en décompte sur les brevets, seront compris dans les dettes de l’Etat, et payés comme telles, tant à ceux dont les pensions sont supprimées, qu’à ceux qui obtiendront une nouvelle pension. Art. 10. Les pensions rétablies en vertu des articles précédents, et dont le maximum n’apasété fixé, ne pourront excéder la somme de 10,000 livres, si le pensionnaire est actuellement âgé de moins de 70 ans; la somme de 15,000 livres, s’il est âgé de 70 à 80 ans ; et la somme de 20,000 livres, s’il est âgé de plus de 80 ans. Les pensionnaires actuels, âgés de plus de 75 ans, qui, ayant rendu des services à l’Etat, jouissaient de pensions au-dessus de 3,000 livres, conserveront une pension au moins de ladite somme de 3,000 livres. Ceux qui, ayant servi dans la marine et les colonies, auront atteint leur soixante-dixième année, jouiront de la même faveur que les octogénaires. Les veuves des maréchaux de France, qui ont atteint l’âge de 70 ou 80 ans, jouiront de la faveur accordée à cet âge. Art. 11. Il ne sera jamais rétabli qu’une seule pension en laveur d’une même personne, quand elle aurait servi dans plusieurs departements, et quand ce dont elle jouit en pension lui aurait été accordé originairement en plusieurs articles; mais la fixation de la nouvelle pension sera réglée d’après le total des pensions réunies. Art. 12. Ceux qui, ayant fait quelque action d’éclat, ou ayant rendu des services distingués dignes d’une gratification, d’après les dispositions des articles 4 et 6 du titre 1er du présent décret, n’en auraient pas été récompensés, ou ne l’auraient été que par une pension qui se trouverait supprimée, sans espérance de rétablissement, seront récompensés sur le fonds de deux millions destinés aux gratifications. Art. 13. Les personnes qui, ayant droit à une pension, ou à une gratification, préféreraient aux récompenses pécuniaires les récompenses énoncées dans l’article 4 du titre 1er du présent décret, en feront la déclaration, et l’adresseront au comité des pensions, qui en rendra compte au Corps législatif. Art. 14. L’Assemblée nationale se réserve de prendre enconsidéi ation ce qui regarde les secours accordés aux Hollandais retirés en France ; et jusqu’à ce qu’elle ait prononcé sur cet objet, ces secours continueront d’être distribués comme par le passé. Art. 15. Pour subvenir aux besoins pressants des personnes qui, se trouvant privées des pensions qu’elles avaient précédemment obtenues, n’auraient pas de titres suffisants pour en obtenir de nouvelles, et ne seraient pas dans le cas d’être renvoyées, soit à la liste civile, à cause de la nature de leurs services, soit au comité de liquidation, à cause des indemnités dont elles prétendraient que leur pension est le remboursement, il sera fait un fonds de deux millions, ré-[3 août 1790.) parti et distribué d’après les règles suivantes : 500 portions de 1,000 livres; 1,000 portions de 500 livres; 4000 portions de 200 livres ; 1,332 de 150 livres. Les secours de la première classe ne seront donnés qu à des personnes mariées ; ou ayant des enfants ; ceux de la seconde classe pourront être donnés à des personnes mariées, ou ayant des enfants, ou sexagénaires ; les secours de la troisième et quatrième classe seront distribués à toutes personnes qui y auront droit. Art. 16. Les mémoires présentés�dans les différents départements par les personnes qui ont obtenu des pensions, les décisions originales intervenues sur lesdits mémoires, les registres et notes qui constatent les services rendus à l’Etat, ensemble les mémoires que toutes personnes qui prétendent avoir droit aux récompenses pécuniaires jugeront à propos de présenter, seront remis au comité des pensions qui les examinera et vérifiera, ainsi que les mémoires qui lui ont déjà été remis. Art. 17. Après l’examen et la vérification des états et pièces énoncés en l’article précédent, le comité dressera quatre listes : la première comprendra les pensions à payer sur le fonds de 10 millions ordonné par l’article 14 du titre lor du présent décret ; la seconde comprendra les pensions rétablies par les articles 5, 6, 7 et 8 du présent décret; la troisième listecomprendra les secours établis par l’article 15; la quatrième liste comprendra les personnes dignes des récompenses établies par l’article 5 du titre 1er du présent décret, et qui les auront préférées aux récompenses pécuniaires. Ces listes seront présentées au Corps législatif, à l’effet d’être approuvées ou réformées par lui; et le décret, qui interviendra, sera ensuite présenté à la sanction du roi. Art. 18. Lorsque le décret, rendu par le Corps législatif, aura été sanctionné par le roi, les pensions comprises dans la première liste seront payées sur ie fonds qui y est destiné par l’article 4 du titre 1er du présent décret : à l’égard des pensions et secours compris dans les seconde et troisième listes, il sera fait fonds par addition, entre les mains des personnes chargées du payement des pensions, du montant desuites listes. Chacune des années suivantes, le fonds de ces deux listes ne sera fourni que déduction faite des portions dont jouissaient les personnes qui seront décédées dans le cours de l’année précédente, de manière que lesdits fonds diminuent chaque année graduellement, sans que, sous aucun prétexte, il y ait lieu au remplacement d’aucune des personnes qui auront été employées dans les seconde et troisième listes. Les quatre listes seront rendues publiques par la voie de l’impression, avec l’exposé sommaire des motifs pour lesquels chacun de ceux qui s’y trouveront dénommés, y aura été compris. Les pensions accordées commenceront à courir du 1er janvier 1790; mais, sur les arrérages qui reviendront à chacun pour l’armée 1790, il sera fait imputation de ce qu’on aurait reçu pour ladite annee, en exécution des articles 1, 2 et 3 du présent titre. Art. 19. Nonobstant l’article 3 du présent titre, relatif aux enfants des officiers tués à la guerre, les enfanis du général Moutcalm tué à la bataille de Québec, au lieu de la somme de trois mille livres qu'ils devraient se partager entre eux, aux termes dudit article, toucheront mille livres chacun. L’Assemblée nationale autorise les commissaires par elle nommés pour la distribution des nouvelles pensions, à exprimer dans le brevet de ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] mille livres qui sera délivré à chacun desdits enfants, que cette exception a été décrétée par elle, comme un témoignage de son estime particulière pour la mémoire d’un officier aussi distingué par ses talents et son humanité, que par sa bravoure et ses services éclatants. La même mention sera faite dans les brevets à expédier à la famille d’As-sas, dont il sera parlé en l’article suivant. Art. 20. Les pensions accordées aux familles d’Assas. de Chambors et au général Luckner, seront conservées en leur entier, nonobstant les dispositions des articles précédentsqui pourraient y être contraires. A l’égard des autres exceptions qui ont été, ou seraient proposées, elles sont renvoyées au comité des pensions, qui en fera le rapport à l’Assemblée. (Les membres présents à la séance applaudissent comme témoignage de leur agrément à l’ensemble du décret qui vient d’être lu.) M. Dupont (de Nemours). Je propose un article additionnel au décret des pensions, pour que les veuves des ministres morts en activité de service soient traitées comme les veuves des maréchaux de France. Cette addition ne peut tirer à conséquence. Il n’y a actuellement que trois veuves dans ce cas : dent Mme de Maurepas, âgée de 80 ans, et Mrae de Fourqueux, dont le mari a donné des preuves d’attachement à la bonne cause; car il est mort, pour avoir voulu se rendre au conseil, pour y défendre la double députation du tiers, quoiqu’il eût un accès de goutte. Les services civils méritent la même considération que les services militaires. Il faut encourager les bons ministres, vous en aurez toujours moins que de bons généraux. La place est peu enviable et si peu tenable. (Cette proposition n’est pas appuyée.) M. de K.yspoter, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. Alqnier, autre secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. M. Goupil. Je demande qu’on retranche du procès-verbal l’apostrophe faite par l’un des orateurs à ceux qui ont prêté le serment du jeu de paume. Il n’est pas d’usage d’insérer ces mouvements oratoires. M. Alqnier efface la phrase. M. Camus. Hier, on a passé beaucoup de temps dans une malheureuse contestation. Je demande qu’on ne renouvelle pas une semblable controverse à propos du procès-verbal. (MM. Dupont et Malouet demandent la parole.) M. Malouet. L’Assemblée n’a-t-elle voulu entendre sévir que contre un seul écrit sanguinaire, ou contre tous ? Si elle n’a voulu statuer que sur l’écrit de M. Marat, elle autorise tous les écrits qui prêchent la sédition et l’effusion du sang. U faut craindre une fausse interprétation d’un décret qui n’a pas été délibéré hier soir, car la séance a été levée avant qu’on l’eût mis aux voix... Plusieurs membres : Gela est faux I M. Malouet. Vous avez entendu hier une de ces voix qui osent tout, qui vous a dit qu’elle lr# Série. T. XVII. 571 oserait : attendrez-vous que l’effet suive la menace ? M. Ce Bois-Desguays. Que l’opinant aille plaider au Châtelet, ce n’est pas ici un tribunal où l’on puisse se livrer aux mouvements de l’in-térêt personnel. (L’Assemblée délibère, et l’on passe à l’ordre du jour.) M. Dupont paraît à la tribune. — On refuse dej’entendre. — 11 insiste. — L’Assembléedécide qu’il ne sera pas entendu. — Il parle. — Des cris répétés : A l'ordre , à l'ordre ! étouffent sa voix. M. l’abbé Pïnelle, député de Colmar, demande la permission de s’absenter pour six semaines pour raisons de santé et d’affaires. Ce congé est accordé. M. Alqnier, secrétaire , lit une note énoneia-tive de? expéditions en parchemin envoyées par le garde des sceaux à l’Assemblée nationale, pour être déposées daus ses archives, et dont la teneur suit : Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l' Assemblée nationale. « 1° De lettres patentes sur le décret du 26 juin, qui approuve une délibération prise par le conseil d’administration du département de la Haute-Saône, relativement à la disette des grains; « 2° De lettres patentes sur le décret du 29, relatif à la navigalion du canal de Picardie; « 3° De lettres patentes sur le décret du 4 juillet, relatif à la fourniture de sel à l’étranger; « 4° D’une proclamation sur le décret du 10, portant que les biens des non-catholiques, qui se trouvent encore entre les mains des fermiers de la régie, seront rendus aux héritiers desdits fugitifs ; « 5° De lettres patentes sur le décret du 13, concernant les dispositions que doivent faire les directoires de département et ceux des districts, pour constater la situation actuelle des recouvrements des impositions des exercices 1788, 1789 et 1790, et accélérer la perception et rentrée des sommes arriérées; « 6° De lettres patentes sur le décret du 19, qui abolit le retrait lignager, le retrait demi-denier, les droits d’écart, et autres de pareille nature ; « 7° De lettres patentes sur le décret du même jour, qui ordonné la continuation de la levée et perception de toutes les contributions publiques, à moins que l’extinction et suppression n’en ait été expressément prononcée, et notamment des droits perçus sur les ventes de poisson dans plusieurs villes du royaume; « 8° De lettres patentes sur le décret du 20, concernant la régie de tous les droits qui formaient l’objet des baux passés par les ci-devant États d’Artois, à l’exception de ceux des eaux-de-vie ; « 9° De lettres patentes sur les décrets des 9 et 21, qui suppriment les offices de jurés-priseurs ; ordonnent que le droit de 4 deniers pour livre du prix des ventes continuera d’être perçu, et autorisant les notaires, greffiers, huis-sieis et sergents à procéder auxdites ventes; « 10° Et, enfin, d’une proclamation sur le décret du 26, concernant la procédure commencée 37