356 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mai 1790.] portant que les assemblées qui vont avoir lieu pour la formation des corps administratifs, ne doivent pas, dans le moment, s’occuper de l’élection de nouveaux députés à l’Assemblée nationale ; 17° De lettres-patentes sur les décrets des 14 et 20, concernant l’administration des biens déclarés à la disposition de la nation, l’abolition des dîmes et la continuation de leur perception pendant la présente année, et la manière dont. il sera pourvu aux frais du culte, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres et aux pensions des ecclésiastiques; 18°. Et de lettres-patentes sur le décret du 22, interprétatif de celui des 8 et 9 octobre dernier, concernant la réformation provisoire de la procédure criminelle. M. Petit-Mangin rend compte d’un violent incendie qui a dévoré un grand nombre d’habitations dans la ville de Raon-l’Etape, en Lorraine, dans la nuit du 3 au 4 avril dernier. Il fait lecture d’un procès-verbal dressé à ce sujet par le lieutenant général du bailliage de Saint-Dié et de la délibération prise par les officiers municipaux de Raon, le 11 du même mois. L’orateur propose ensuite de décréter : 1° Que dans les forêts dépendant des abbayes de Moyen-Moustier et d’Estival, de l’évêché de' Metz et du domaine de la couronne, il sera délivré gratuitement aux incendiés, par les officiers compétents, la quantité de bois nécessaire pour la reconstruction de leurs maisons ; 2° Que la tuilerie appartenant à l’abbaye d’Estival sera abandonnée à la ville de Raon, pendant deux années, avec une affectation gratuite de 300 cordes de bois de chauffage, sous la direction des officiers municipaux ; 3° Que la somme de soixante mille livres provenant de la succession de dom François Maillard, abbé de Moyen-Moustier, sera remise aux-dits incendiés, à titre de prêt pour douze années, dont six seulement sans intérêts, sous hypothèque de tous leurs biens et spécialement de leurs nouvelles constructions, à effet de quoi, il en sera passé acte par devant notaire, et en ce qui concerne la nomination d’un architecte, pour dresser un plan de reconstruction des quartiers incendiés, l’Assemblée ordonne que les officiers municipaux se pourvoiront au roi. M. Vernier propose de renvoyer le projet de décret de M. Petit-Mangin au comité des finances pour qu’il puisse prendre les renseignements nécessaires, et que, d’accord avec le comité de l’agriculture, il puisse rendre compte à l’Assemblée des mesures à prendre en faveur des citoyens de Raon-l’Etape. (Cette proposition est adoptée). M. le chevalier de Marinais dit qu’il devient indispensable que les lettres-patentes adressées par l’Imprimerie royale à l’Assemblée, soient envoyées au domicile de chacun de MM. les députés, et* il prie l’Assemblée de délibérer sur les moyens à prendre pour que cet envoi ait lieu le plus tôt possible. M. le Président annonce que le sieur Beau-douin, imprimeur de l’Assemblée, offre de se charger de cet envoi pourvu que le directeur de l’Imprimerie royale lui fasse passer directement les exemplaires. (L’Assemblée agrée cette proposition). Une députation de la municipalité et de la garde nationale de Sézanne-en-Brie est admis à la barre. M. Barraud, organe de cette députation , prononce le discours suivant : Messieurs, députés extraordinairement par la commune et la garde citoyenne de la ville de Sézanne, département de Basse-Marne, nous venons, au nom de nos concitoyens, vous présenter nos respectueux hommages et vous assurer de notre adhésion solennelle et de notre obéissance à vos décrets. La réunion de la municipalité et de la garde citoyenne dans cette députation vous annonce, Messieurs, la concorde qui règne dans notre ville. Elle vous atteste qu’un même vœu et qu’un même sentiment anime nos concitoyens ; ils sentent tous le mérite de vos opérations et en ont déjà éprouvé les salutaires effets. Ils vous supplient et nous sommes spécialement chargés de vous supplier de continuer vos importants et glorieüx travaux, jusqu’à ce que vous ayez assuré d’une manière définitive la constitution de cet empire. Nous déclarons hautement que nous regardons comme ennemis de la nation ceux qui, par des conseils pernicieux, par des écrits, des complots ou des protestations, cherchent à soulever le peuple contre vos décrets. Pour preuve de notre adhésion solennelle à ces mêmes décrets, du zèle de la municipalité que nous représentons, et pour mettre l’auguste Assemblée en état de juger s’il y a inexactitude ou fidélité dans l’envoi de vos décrets, nous avons l’honneur de mettre sous vos yeux l’état de ceux qui nous ont été adressés jusqu’au 20 avril. Nous les enregistrons, nous les inscrivons, dis-je, comme des lois sacrées ; nous en soutiendrons l’exécution, nous les défendrons au besoin avec l’énergie et le courage que le sentiment d’une liberté nouvellement recouvrée nous inspire, nous en avons fait le serment. Permettez, Messieurs, que pour satisfaire au vœu de nos concitoyens et pour remplir un des principaux objets de notre mission, nous le renouvelions devant vous. Nous jurons d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi. (Au milieu de ce discours il s’élève des cris d’improbation de la partie droite de la salle. — Plusieurs membres demandent que la députation soit renvoyée. — D'autres membres proposent de rappeler l’orateur à l’ordre. — L’Assemblée, consultée par M. le président, décide que la députation sera entendue jusqu’à la fin. — Malgré cette décision, M. Barraud n’achève son discours qu’au milieu d’un grand tumulte et sans qu’on puisse entendre sa voix.) M. le Président répond à la députation : L’Assemblée nationale reçoit toujours avec une nouvelle satisfaction les preuves d’adhésion des différentes villes de ce vaste empire; elle voit toujours avec un nouveau plaisir la paix régner dans les communes et entre tous les citoyens : elle ne cessera ses travaux que lorsqu’elle aura rempli, en achevant la constitution, le vœu de tous les amis de la patrie : rien n’arrêtera la marche de ses importants travaux; vous pouvez [1er mai 1790.] 357 [Assemblée nationale.] ARCHIVES ARLEMENTAIRES. en assurer vos concitoyens. L’Assemblée nationale vous invite à assister à la séance. (La députation entre de la barre dans l’Assemblée.) M. de Montlosicr, Je demande à M. le président si c’est par son ordre que ces Messieurs sont entrés dans l’Assemblée? Des voix à gauche : Oui! Oui! ( Bruit et mouvements en sens divers.) M. le Président. Il m’est impossible de me faire entendre au milieu d’un pareil bruit; ou ne m’écoute pas; on m’insulte même ! Les mêmes voix : Qui ? M. le Président ne donne point de réponse. Une députation de l'académie des sciences et belles-le tir es de Châlons-sur-Marne est introduite à la barre ; un membre de cette députation prononce un discours qu’il dépose sur le bureau, avec un exemplaire d’un ouvrage sur l’éducation nationale, dont cette académie fait hommage à l’Assemblée. Le discours est ainsi conçu : « Messieurs, l’académie des sciences et belles-lettres de Châlons-sur-Marne, encouragée par l’accueil favorable que l’Assemblée nationale a bien voulu faire au premier ouvrage qu’elle lui a présenté sur les moyens d'améliorer en France la condition des journaliers., nous charge de lui offrir aujourd’hui un nouvel ouvrage sur {'éducation nationale. C’est aux pieds de l’auguste Assemblée, toujours occupée du bonheur public, que doivent être déposés les travaux qui tendent à le fixer. L’académie de Châlons, pénétrée de cette vérité, et constamment animée du même esprit, demande à votre honorable Assemblée la permission de lui soumettre les résultats de ses efforts; ils seront les témoignages de son respect et le tribut de son admiration. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale est trop éclairée sur ses vrais intérêts pour ne pas sentir que si elle veut assurer la Constitution, elle doit lui donner de bons fondements, et que le meilleur et le plus solide de tous ceux qu’elle peut établir, c’est celui d’une bonne éducation. Elle approuve le zèle de l’académie de Châlons, et l’exhorte à continuer des travaux si utiles à la patrie, et elle vous permet d’assister à sa séance. » L’ordre du jour appelle ensuite la discussion du rapport du comité d’agriculture sur le dessèchement des marais ( Voyez le premier rapport de M. Heurtault de Lamerville, du 7 février 1790, Archives parlementaires, t. XI, p. 489, et le second rapport du 22 avril 1790, t. XII, p. 312). M. Ifcurtanlt de Eamerville , rapporteur . Messieurs, les rapports que j’ai eu l’honneur de vous faire sur le dessèchement des marais ont été imprimés et distribués; vous en avez, dans votre sagesse, pesé tous les détails, et il est inutile de les remettre sous vos yeux. Je propose donc de passer à la discussion, et je me bornerai à lire les articles. L’article 1er est ainsi conçu : « Art. 1er. Chaque assemblée de département s’occupera des moyens de faire dessécher les marais, les lacs et les terres inondées de son territoire, en commençant, autant qu’il sera possible, ces améliorations parles marais les plus nuisibles ' à la santé, et qui pourraient devenir les plus propres à l’accroissement des subsistances; et chaque assemblée de département indiquera le meilleur plan, et emploiera les moyens les plus avantageux aux communautés , pour parvenir au dessèchement de leurs marais. » M-Vieillard, député de Cou tances. Le comité paraît supposer que la propriété des marais n’est pas contestée; il ignore sans doute les vexations inouïes qu’on a exercées à ce sujet dans plusieurs provinces, et notamment dans celle de Normandie. Il faut donc statuer préalablement sur les usurpations faites depuis quelques années, et décider si les arrêts du conseil, rendus depuis trente ans, au détriment des communes et des particuliers, doivent être mis à exécution. Pour vous prouver que mes observations ne sont pas sans fondement, je vais vous citer un exemple particulier à ma province, mais qui n’en mérite pas moins d’être entendu. M. Moranger, Turc amené à la religion chrétienne par le zèle de quelques missionnaires, reçut du gouvernement, pour prix de sa conversion, 24,000 arpents de marais ; il a rétrocédé par la suite sa concession à M. et Mme de Polignac. En 1784, un arrêt du conseil du roi a révoqué cette concession; mais, au mépris de cet arrêt, sous le ministère de M. de Breteuil, mademoiselle de Marignon, sa fille, en redevint concessionnaire. La justice promise par le roi fut ainsi outragée. Arrêts du parlement sont intervenus contre cette violation des propriétés... M. Duval d’Eprémesaîll. Répétez, on n’a pas entendu. M. Vieillard. Je répéterai avec plaisir. Il y a assez d’autres circonstances où les parlements se sont mal comportés, pour que je leur rende justice quand ils ont fait leur devoir. D’après ces observations, Messieurs, je vous propose de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète : « Que tous les arrêts du conseil, rendus depuis trente ans, tant à l’égard de la province en Normandie, qu’à l’égard des autres provinces du royaume qui ont autorisé la concession des marais, landes, terrains vagues et autres objets dont les communautés d’habitants ou autres particuliers étaient en propriété ou possession avant cette époque, demeurent comme non-avenus, et que tous les jugements rendus et actes faits en exécution sont révoqués. « En conséquence, les habitants ou particuliers qui ont coutume de jouir desdits objets, nonobstant lesdits arrêts où jugements, ne pourront être troublés ni inquiétés par les concessionnaires. • « Quant à celles des communautés ou à ceux des particuliers qui, par l’effet desdits arrêts, auraient été évincés, ils pourront réclamer la possession desdits objets en se pourvoyant à cet effet dans l’espace de cinq ans pardevant les tribunaux, sans pouvoir prétendre aucune restitution de fruits perçus, sauf à les faire entrer en compensation dans le cas où il y aurait lieu à des indemnités. « Les assemblées de districts et de département décideront de quelle manière lesdits marais, landes et terrains communaux devront être admi nistrés, soit que le partage soit ordonné ou non, et veilleront dans tous les cas à ce que les droits des pauvres soient équitablement et convenablement déterminés. » Divers membres demandent que le projet de dé-