ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « 670 �Convention nationale.] les états-majors et les officiers, en nn mot tous les messieurs soldés par Pitt. ont employé tous lés genres de séduction et de perfidie pour rendre inutiles le courage et le civisme des braves matelots de la République. Ce que nous venons de voir nous confirme ce que nous avons tou¬ jours cru, que les sans-culottes sont vertueux et que le crime est à ceux qui les commandent et qui ont singé le patriotisme pour arriver aux honneurs. « Un instant avant l’exécution, la plupart des coupables s’exaspéraient contre le tribunal. Vous avez tort, s'est écrié Grassous, nous méritons le jugement et vous devez vous le rappeler ; je vous ai prédit à Toulon que notre conduite ne pouvait nous mener qu'à l'échafaud. Ces paroles mémorables sont la meilleure preuve, sans doute, que le tribunal a bien jugé, et l’on doit con¬ fesser qu’il remplit parfaitement sa mission. Deux autres officiers sont condamnés à la dé¬ portation, et huit à six mois de détention. « Laignelot; Lequinio. » La Société montagnarde de Lectoure écrit qu’elle vient de célébrer une fête et d’élever un obélisque à la mémoire de Marat. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'envoi du procès-verbal de la fête civique qui a eu lieu à Lectoure (2). La Société montagnarde de Lectoure, départe¬ ment du Gers, à la Convention nationale. « Lectoure, le 29e jour de brumaire de la 2e année de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « La Société montagnarde de Lectoure vient de célébrer une fête et d’élever un obélisque à la mémoire de Marat, martyr de la liberté; elle a arrêté d’envoyer à la Convention natio¬ nale le procès-verbal de cette cérémonie. « Les membres composant la Société monta¬ gnarde de Lectoure, J. B. Lafont, président. » Procès-verbal de la fête de Marat célébrée par les sans-culottes de Lectoure le 23 brumaire de Van II de la République française, une et indivisible (3). La Société montagnarde de Lectoure, voulant laisser aux races futures un témoignage écla¬ tant de son amour pour Marat, l’ami du peuple, jalouse d’élever à ce grand homme un monument durable qui rappelât à la postérité (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (2) Archives nationales, carton C 285, dossier 833. (3) Ibid. ses vertus et sa gloire et lui montrât qu’à l’exemple d’Athènes et de Rome, ceux qui servent leur patrie et meurent en la défendant ont droit à sa reconnaissance et à sa mémoire, avait arrêté dans une de ses séances qu’un obélisque où seraient inscrits ces mots : A Marat, l'ami du peuple, serait élevé dans le lieu le plus apparent de la ville. Déjà le monu¬ ment s’offrait aux regards de tous les répu¬ blicains français et le jour indiqué pour célé¬ brer ses vertus était arrivé. A midi, la générale bat et les hommes, les femmes, les petits enfants, les vieillards, tous abandonnent leurs maisons et leurs travaux, tous s’empressent de venir pleurer sur la tombe de leur ami. Déjà une foule de citoyens et de citoyennes couvrait la place d’armes, lieu du rassemblement; le signal est donné et chacun se place. A deux heures, la marche commence et s’ouvre par un tambour major suivi de quatre tambours couverts de crêpe; deux sapeurs avec un air mâle et fier précèdent dix hommes armés de piques qui s’avancent sur une ligne de front; marchent ensuite douze jeunes vierges vêtues de blanc avec une écharpe noire et une branche de cyprès à la main : leur tendre âge et la candeur peinte sur leur front offrent (sic) l’innocence et la vertu. Elles sont suivies de douze vieillards vénérables dont les cheveux blancs expriment le respect; un d’eux porte une bannière surmontée du bonnet de la liberté et sur laquelle sont inscrits ces mots : Nous avons assez vécu puisque la liberté triomphe. Douze jeunes garçons tenant dans leurs mains des couronnes et des branches de chêne fer¬ ment ce cortège intéressant. Les corps constitués sont placés après, sépa¬ rés les uns des autres par un intervalle de dix pas, la municipalité est à leur tête, le tri¬ bunal judiciaire, le district et le comité de surveillance la suivent. Quatre membres de chaque corps constitué viennent ensuite portant une urne sur laquelle on lit cette inscription : Ici reposent les cendres de l'ami du peuple. Du sommet de l’urne, s’élèvent des branches de cyprès ceintes d’une couronne de chêne, elle est posée sur une planche couverte d’un linge blanc parsemé de larmes et jonché de feuilles de cyprès et de chêne. Le commandant de la garde nationale et celui du bataillon de la première réquisition, l’épée nue à la main, sont placés aux deux côtés. La Société populaire vient ensuite ayant à sa tête son président couvert du bonnet de la liberté et portant dans ses mains un joug brisé, signe de la liberté conquise; des groupes d’hommes et des jeunes filles la suivent : on voyait des femmes portant dans leurs braB le gage de leur amour, leurs enfants chéris, elles semblaient dire : Marat, voici ceux qui vengeront un jour ta mort; c’est pour servir comme toi la patrie que nous leur donnons notre lait; puissent -ils trouver une mort aussi glorieuse s’il existe encore des tyrans. O vous, amis sensibles ! qu’un spectacle aussi touchant eût attendri vos cœurs si vous aviez été témoins de ces scènes délicieuses ! La marche était fermée par la gendarmerie, et deux haies de piquiers, pris tant dans la garde nationale que dans le bataillon, ceignaient l’enceinte. Le cortège traverse toute la ville dans le plus grand silence et à pas lents ; on n’entendait [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i *•» �maire an II 671 I 5 décembre 1793 par intervalle que le roulement sourd et interrompu des tambours. La tristesse peinte sur tous les visages annonçait que le peuple avait perdu son ami. Un sentiment d’éléva¬ tion et de grandeur d’âme se mêlait à celui de la douleur, au souvenir des vertus d’un grand homme et des honneurs qu’on rendait à sa mémoire. On arrive sur le cours Marat et, en passant devant le monument, les jeunes filles y déposent leurs branches de cyprès, les jeunes garçons leurs couronnes et leurs branches de chêne, les vieillards posent leur bannière vis-à-vis, et l’urne est placée en face. L’obélisque est entouré, le silence règne et l’orateur, une main sur le monument, rappelle au peuple les vertus de son ami et les services qu’il a rendus à la patrie. Tous les cœurs sont attendris; la jeunesse, bouillante de se signaler, sent ranimer son courage et, branlant les piques formidables, son ardeur guerrière s’im¬ patiente de ne pas se mesurer avec l’ennemi. Les femmes présentent leurs enfants et jurent de les consacrer à la défense de la patrie; les mains délicates de ces nourrissons se lèvent comme s’ils entendaient le serment que venait de faire leur mère. Les vieillards voient avec peine la perte de leur force; ils regrettent leur vigueur passée, et voudraient la recouvrer encore pour voler aux combats; ils essayent de manier des armes, mais leur faiblesse trahit leur espoir. L’orateur a fini; l’hymne de Marat est chanté et mille voix répètent : « Le bon Marat est encore 'parmi nous! » Le cortège reprend sa marche et se rend dans le même ordre sur la place d’armes, en faisant entendre les chants de la liberté. Là, les guerriers, les jeunes gens, les jeunes filles, les vieillards, les femmes, tous à l’envi répètent des chansons, républi¬ caines. Les cris de Vive la République une et indivisible! vive Marat! vive la Montagne! se font entendre. Chacun se donne l’accolade fraternelle et se quitte ou plutôt se réunit encore pour rendre à l’humanité souffrante ce qu’elle a droit d’attendre des cœurs sensibles; Marat aimait ses semblables et souffrait des malheurs qui les accablaient; il soulageait l’infortune et donnait aux pauvres : sa fête ne pouvait être mieux terminée qu’en suivant un si bel exem¬ ple de vertu. Une somme considérable levée parmi les sociétaires avait été destinée à donner du pain à l’indigent. Chacun s’empresse d’assister à cette scène touchante et tout le monde veut se procurer le plaisir si pur d’avoir soulagé un malheureux. Plus de six cents pauvres, que leur misère affligeait, s’en retour¬ nent gais et contents, assurés de donner à leurs époux infirmes et à leurs enfants de quoi vivre pendant quelques jours. Marat mort pour la cause du peuple revivait encore dans cet acte de bienfaisance, et son nom cher à tous les Français sera gravé à jamais dans leur cœur. Pour copie collationnée : J. -B. Lafont, président; Lovin, secré¬ taire; Fontoire, secrétaire. Le citoyen Carbonnières, maire de Saint-Denis-des-Murs, département de la Hante-Vienne, fait don à la patrie de son cheval tout équipé, et de sa pension de 1,000 livres. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du citoyen Carbonnières (2). Citoyen Président, « Mon âge m’a défendu de marcher à la Ven¬ dée contre les ennemis de la liberté et de l’égalité. J’y ai envoyé mon cheval tout équipé : j’en fais don à la patrie. « Comme ci-devant chanoine d’Arras, je jouis d’une pension de mille livres, je la dépose sur l’autel de la patrie à la disposition du comité d’instruction publique; ce qui me reste de fortune est médiocre, elle suffira sous le régime de la liberté, de l’ égalité et dans le sein d’une République une et indivisible, à laquelle je serai toute ma vie entièrement dévoué. « Salut et fraternité. « Carbonnières, maire de la commune de Saint-Denis-des-Murs, district de Saint-Léonard, département de la Haute-Vienne . « Ce 1er frimaire, l’an II de la République française, une et indivisible» » L’Administration du département des Hautes-Pyrénées écrit que, parmi plusieurs objets utiles à la République, donnés par les habitants du canton de Trie, district de Tarbes, se trouvent 6 beaux chevaux équipés. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (3). Suit la lettre du procureur général syndic du département des Hautes-Pyrénées (4). Le procureur général syndic en remplacement du département des Hautes -Pyrénées, au Président de la Convention nationale. « Tarbes, le 5 frimaire de l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. « Citoyen Président, « L’administration montagnarde du dépar¬ tement des Hautes -Pyrénées vous transmet, par la voie de son procureur général syndic en remplacement, un arrêté honorable, qu’elle a cru devoir prendre pour récompenser le civisme des habitants du canton de Trie, district de Tarbes. Parmi plusieurs objets offerts par eux gratuitement, tous utiles à la République, se trouvent six beaux chevaux, tous équipés. Vous voyez que les sans -culottes de notre département oublient qu’ils manquent de pain quand il s’agit de venir au secours de la patrie. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 811. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 386. (4) Archives nationales, carton C 284, dossier 822.