SÉANCE DU 13 VENTÔSE AN H (3 MARS 1794) - Nos 61 A 63 31 méridionaux, ne pourront jamais s’excuser , de nous avoir avilis à un tel point, parce qu’il n’est aucun républicain qui puisse croire que nous avons mérité ce traitement. Quoi ! on nous a ôté les armes que nous avons gagnées en répandant notre sang à grands flots pour l’affermissement de la Liberté ! nos corps sont couverts de cicatrices pour les avoir arrachées aux janissaires du tyran, qui en avoit armé les bourreaux du peuple. L’aspect de ces armes, le seul ornement de nos chaumières, étoit l’effroi des traîtres, l’orgueil de nos enfans, de nos neveux, de nos concitoyens ; en leur inspirant l’horreur des despotes, elles leur apprenoient à chaque instant du jour, d’imiter notre exemple, et de savoir braver la mort, pour délivrer la terre du premier qui oseroit s’élever au-dessus de ses semblables ! Quoi ! nos armes encore teintes du sang des fédéralistes, que nous avons immolés, aidés par nos frères de la section 11, nous ont été arrachées ! , Liberté ! Liberté ! Les armes ne sont redoutables qu’aux despotes ! Pitt et Cobourg ont fait de vains efforts pour nous les ravir... Barras et Fréron nous les ont ôtées !... Nous avions pensé jusqu’à cet instant que Pitt et Cobourg, ligués avec tous les rois, et tous les esclaves de la terre, étoient les seuls capables d’une entreprise aussi téméraire, et cependant vos collègues, qui se disent les amis de la Liberté et de l’Egalité, n’ont pas craint d’exécuter en un moment ce que les despotes les plus absolus n’eussent pas ôsé tenter ! Représentans ! et vous tous citoyens de la République, ne nous accusez point de foiblesse, ou de tout autre motif aussi indigne, parce que nous avons supporté un pareil outrage ! Si nous l’avons souffert c’est par vénération pour nos représentans, c’est par respect pour la loi, et par amour pour le peuple ! Si nous l’avons souffert, c’est parce que l’ordre de rendre nos armes nous a été donné au nom de la Montagne ! Avec ce mot sacré et cher à nos cœurs, nous eussions encore sacrifié nos vies. Tels sont les motifs qui nous ont défendu d’opposer la résistance à l’oppression. Représentans ! nous réclamons votre justice ; elle sera aussi publique que l’opprobe qui nous avilit et nous déshonore aux yeux de toute la République. Le premier acte que vous ferez de votre justice, sera sans doute d’ordonner que nos armes nous soient rendues. Les représentans d’un peuple libre ne protégeront pas un pouvoir arbitraire que rien n’a pu contenir.» (1). Mention honorable, insertion au bulletin. Sur la demande de GRANET, la Convention décrète (2) le renvoi au comité de salut public pour en faire un prompt rapport. 61 La municipalité et la société populaire de la commune de Gidy, district d’Orléans, annoncent qu’elles ont déposé sur l’autel de la pa-(1) Bin, 15 vent. (2) F.S.P., n° 244. trie l’argenterie de leur église, donné une paire de draps pour les défenseurs de la liberté, et demandé que leur ci-devant église leur soit accordée pour servir de lieu d’assemblée, et qu’il n’y ait plus de culte salarié par le trésor public ; elles finissent par inviter la Convention nationale à rester à son poste jusqu’à la paix. Mention honorable, insertion du bulletin (1) . 62 Le ministre de l’intérieur adresse à la Convention nationale l’extrait des registres du Conseil exécutif provisoire, du 12 frimaire dernier, qui contient l’arrêté pris par ledit Conseil exécutif, relativement à une vente sous seing privé, faite par Marie Vichy, demeurant à Mon-taux, en faveur de Claude Noailly, négociant, maître de la poste aux chevaux. Renvoi au comité de législation (2) . 63 Un membre [MILLARD] fait une motion d’ordre, et présente un projet de décret pour éviter des erreurs préjudiciables aux intérêts de la République dans la vente des biens des émigrés (3) . MILLARD, par une motion d’ordre. Citoyens, Très souvent d’avides intéressés, des ennemis, surprennent, par de faux exposés, des décrets ruineux pour la République, et qui deviendront entre leurs mains une arme bien cruelle, si nous ne nous hâtons de réprimer ce grand abus. La malveillance et la cupidité se sont constamment accordées et s’accorderont jusqu’à leur entier anéantissement, pour nuire aux progrès de notre révolution Leurs moyens sont communs. Leur coupe-t-on une voie, elles en retrouvent mille autres obliques par lesquelles elles arrivent à leur but. Elles sont continuellement fixées sur leur objet unique, tandis que notre confiante sécurité nous fait souvent compromettre le nôtre, qui est le salut de la patrie. Une des bases fondamentales de la malveillance et de l’égoïsme, et qui coïncide parfaitement avec les vues de Pitt, vous le savez, citoyens, c’est le renversement de la fortune nationale. Chaque jour vous déjouez les manœuvres, et chaque jour en voit produire de nouvelles. Il s’en pratique une, entre autres, sur laquelle j’appelle votre attention la plus sévère. Des hommes guidés par leur intérêt autant que par leur incivisme, se sont fait passer des ventes à vil prix, par des ci-devant seigneurs, qui n’ont accédé que pour faire passer de l’argent aux émigrés, et ont émigré ensuite. Lorsque la loi a frappé ces scélérats, la République se trouve évincée des trois quarts de leurs biens par ces ventes clandestines, par la facilité qu’on trouve à éluder vos lois, et à surprendre votre bonne foi. La pétition des administrateurs du département (1) P.V., XXXIH, 429. Bin, 13 vent., 14 vent., 18 vent. (1er et 2* suppl‘“); J. Sablier, n° 1175. (2) P.V., XXXIII, 429. Voir ci-après, n» 63 et Arch. pari, LXXXTV, 583, n° 57. (3) P.V., XXXm, 430. Voir ci-dessus, n° 62.