364 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i9 juin 1790.] vouloir que déclarer que sou décret sur l’inviolabilité de ses membres était une égide sacrée, et ordonner à M. de Mirabeau le jeune de venir rendre compte de sa conduite. J’ai dit M. de Mirabeau le jeune, parce que je ne parle pointpour mon frère, je ne réclame pour lui que ce que je réclamerais pour tout membre de l’Assemblée nationale. Un.de vos membres ne peut être traduit devant aucune juridiction, que vous ne l’ayez jugé ou déclaré jugeable: ce n’est point à l’aurore de la liberté que vous pourriez craindre qu’un de vos décrets fut méconnu. Je demande donc que l’Assemblée nationale dise simplement quYlle rappelle aux municipalités le décret qui prononce l’inviolabilité de ses membres, et qu’elle décrète que M. de Mirabeau le jeune viendra immédiatement lui rendre compte de sa conduite. M. Prieur. J’appuie de tout mon pouvoir le décret proposé par M. de Mirabeau l’aîné; mais, en qualité de secrétaire, je dois me justifier et assurer que le décret relatif à M. de Mirabeau Je jeune a été adopté par l’Assemblée dans les termes que je viens de rapporter. Quant au fond du décret, si la sollicitude d'un frère n’est pas encore rassurée, l’intérêt qu’il inspire, les principes qu’ils rappellent doivent nous faire franchir tout espace, et je dois passer sur l’inconvénient de réformer un de nos décrets; je crois que la proposition de M. le comte de Mirabeau doit être adoptée. La proposition de M. le comte de Mirabeau est décrétée en ces termes : «L’Assemblée rappelle aux municipalités le décret qui a prononcé l’inviolabilité de ses membres et décrète que M. de Mirabeau le jeune viendra immédiatement rendre compte de sa conduite. » Le procès-verbal est ensuite adopté. M. l’abbé Dtimouchel, secrétaire , donne lecture d’une lettre des officiers municipaux de Perpignan qui annoncent la mise en liberté du maire de cette ville. Elle est ainsi conçue : « Du 16 juin 1790. « Messieurs, M. le marquis d’Aguilar, notre maire, nous a été rendu cejourd’liui à cinq heures de l’après-midi. Dès l’instant que le régiment de Touraine a eu avis des détachements de son corps, que les cravates de ses drapeaux lui étaient apportées avec sûreté, une députation est venue à onze heures et demie du matin à la maison commune, nous apprendre que, quoique ce précieux dépôt ne fût pas pas encore rendu, le corps ne voulait point prolonger la captivité de M.d’Aguilar, et qu’il désirait le conduire chez lui en triomphe. La fête a été très brillante, et encore plus sentimentale. La municipalité, accompagnée de la troupe nationale, a reçu au bout du premier pont de la citadelle son chef, soutenu par les deux commandants des régiments de Touraine et de Verman-dois, marchant à la tête de ces deux corps. Ah ! qu’il était beau de voir ce respectable vieillard s’attendrir à la vue de nos concitoyens, qui accouraient partout en foule, le comblaient de bénédictions, et versaient comme nous des larmes de joie et de tendresse ! Non, jamais spectacle n’a été plus délicieux. Les officiers, tous les soldats mêlaient leurs pleurs, leurs cris d’allégresse avec ceux de nos habitants ; et le bruit des nombreuses décharges d’artillerie annonçaient à la ville et aux campagnes l’heureuse délivrance, le triomphe du citoyen vertueux, qui avait mieux aimé engager sa parole et se livrer lui-même, que sa patrie à aucun danger. « Nous attendons demain, Messieurs, l’arrivée des drapeaux. Nos frères de Gastelnaudary les accompagnent; ils nous les rendront: ils ont été nos libérateurs en arrêtant M. de Mirabeau qu’ils détiendront, jusqu’à la réception des ordres de l’Assemblée auguste de la nation. Nous espérons que la tranquillité renaîtra bientôt dans notre ville. Tout nous semble présager cette félicité. « Nous sommes avec le plus profond respect, « Messieurs, «Vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Les officiers municipaux de Perpignan. » (L’Assemblée ordonne l’impression de cette lettre et son renvoi aux comités des rapports et militaire.) M. l’abbé Dnmonchel, secrétaire, donne lecture de la lettre suivante adressée à M. le président par M. Necker : « Monsieur le Président, «Le roi, à qui j’ai rendu compte d’une lettre des officiers municipaux de la ville deGex, m’a ordonné d’en donner connaissanceàl’Assemblée nationale ; elle y verra qu’une précieuse assistance, fournie par la République de Genève, vient de préserver le pays de Gex de la plus affreuse détresse ; elle verra pareillement que, malgré l’excessive cherté du blé dans le petit territoire de Genève, les magistrats de cette république, en délivrant 1 ,400 quintaux de blé au pays de Gex, ont simplement demandé la restitution de la même quantité quelques mois après la récolte ; enfin l’ Assemblée-nationale apercevra par cette conduite de Messieurs de Genève, qu’ils s’obstinent à vouloir s’unir d’intérêt et d’affection aux circonstances pénibles de la France et qu’ils ne sont point découragés, par la délibération qui les a rejetés, lors-qu’avec tant d’empressement ils désiraient de s’associer à notre contribution patriotique. « J’ai l’honneur d’être, etc. » Lettre de MM. les officiers municipaux de Gex à M. le premier ministre des finances. « Monsieur, « Nous ne pouvons nous dispenser de vous faire connaître la situation affreuse où nous nous trouvons relativement aux subsistances; le blé est toutàcoup monté au prix le plus haut et est devenu d’une rareté extrême ; le peuple des villes de Bresse et de Bugey s’est opposé à tous achats dans leurs marchés et au transport de tout envoi des grains destinés pour nous ; pendant deux semaines la circulation a été absolument interrompue du côté du Bugey et nous n’avons dû l’extraction de la plus petite quantité de grains du côté de Saint-Claude, qu’aux mesures pleines de zèle et de sagesse employées par la municipalité de cette ville, pour réprimer deux insurrections auxquelles le peuple s’est livré les 22 et 24 du mois dernier ; la municipalité d’Orgelet a aussi fait les meilleures dispositions et montré beaucoup de fermeté pour l’exécution des décrets sur la libre circulation des grains ; des circonstances aussi critiques nous ont rappelé le souvenir des bienfaits de la République de Genève, qui, en 1770 et cette année dernière, nous avait fait sentir les effets de son amitié généreuse en pareille occasion ; elle a bien voulu à l’instant