72 [Assemblée nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du dimanche 18 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 16 septembre , qui est adopté. M. le Président fait parta l’Assemblée d’une lettre du ministre de la marine à laquelle son! jointes des dépêches de M. Blanchelande, concernant la colonie de Saint-Domingue. (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité colonial.) M. le Président fait lecture d’une lettre du sieur René Damiens , huissier , et du sieur Thomas , son commis, qui exposent à l’Assemblée que, malgré ledécret rendu hier, ils sont encore retenus en prison, quoiqu’ils se soient adressés au maire de Paris et aux administrateurs du département de la police, qui les ont renvoyés au tribunal ; ils ajoutent que, s’é'ant adressés au tribunal de de l’Abbaye, il leur a été répondu que le prétendu délit ne s’étant pas commis sur son territoire, il ne pouvait en connaître; ils demandent que, dans un jour où le peuple prend en quelque sorte possession de la Constitution par les témoignages de la joie publique, ils ne soient pas détenus dans les liens d’une arrestation illégale et qu’ils soient mis sur-le-champ en liberté. M. d’André. L’Assemblée ne saurait intervenir dans celte affaire, qui est purement judiciaire, sans donner un exemple très dangereux et sans diminuer le poids de la responsabilité de ceux qui se sont permis cet attentat contre la liberté. Les réparations d es au sieur Damiens seront en effet mesurées sur l’étendue des torts qui lui auront été faits dans sapersonne et dans ses biens ; plus il sera retenu de temps en prison et plus les dommages et intérêts, s’il y en à répéter contre le commissaire de police qui l’y a fait conduire, seront considérables. Je demande, en conséquence, que l’Assemblée passe à l’ordre du jour et renvoie la lettre du sieur Damiens et de son commis au tribunal qui doit connaître de cette affaire. (La motion de M. d’André est mise aux voix et adoptée.) M. Rabaud-Saint-Etienne, au nom des comités militaire et de Constitution, présente un projet de décret sur le complément de Inorganisation de la gendarmerie nationale. Les 6 articles composant ce projet de décret sont successivement mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète : Art. 1®T. « Le ministre de la guerre est autorisé à ordonner à tous les officiers, sous-officiers et cavaliers de la ci-devant maréchaussée qui doivent être employés sur le pied de gendarmerie, de se rendre dans les départements et les résidences qu’il [18 septembre 1791.] leur assignera. Les officiers choisis par les directoires de département, occuperont, dans ceux où ils ont été nommés, h s réside ces dans lesquelles ils seront placés, suivant leurs grades, par le ministre de la guerre. (Adopté.) Art. 2. « L'emplacement des brigades de la ci-devant maréchaussée subsistera dans l’état où elles sont actuellement, jusqu’à ce que les dispositions suivantes aient été exécutées. » (Adopté.) Art. 3. « Les directoires enverront au ministre de la guerre un état des brigades qui existent actuellement dans leur département, avec leur emplacement, lequel état sera exécuté provisoirement et maintenu. » (Adopté.) Art. 4. <> Ds enverront ensuite un état d’augmentation des brigades qu’ils ju eront leur être nécessaires, ainsi que de leur placement et des changements qu’ils estimeront convenables ; mais il ne sera fait droit sur aucune de ces demandes, qu’au préalable l’article précédent n’ait été exécuté. » (Adopté.) Art. 5. « Pour faciliter cette opération, il sera envoyé par le ministre de la guerre, à chaque directoire, des tableaux à remplir, qui présenteront les indications relatives aux correspondances intérieures et aux correspondances extérieures. » (Adopté.) Art. 6. « Faute, par les direct ires, d’exécuter ce qui vient d’être prescrit, dans le délai de trois semaines à dater du jour de la réception du décret, constatée par la lettre d’envoi du ministre, le ministre delà gueire sera autorisé à présenter un état du nombre des brigades dans les départements dont les directoires ne se seront pas conformés au présent décret, ainsi que des augmentations et des placements qu’il jugera plus convenables au bien du service, d’après l’avis des colonels; le ministre de la guerre en rendra compte ensuite au Corps législatif, pour qu’il y soit définitivement statué. » (Adopté.) Un membre fait lecture d’une adresse de félicitation de l’assemblée électorale séante à Toulon. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.) M. d’André. L’Assemblée doit être instruite des lenteurs qu’éprouve la perception des contributions publiques. Il y a des départements qui n’adressent même pas de réponse au ministre, lorsqu’il leur écrit à ce sujet; si ce fait est vrai, je demande que le comité de Constitution dous présente, le plus tôt possible, un mode de correspondance entre les ministres et les départements. Je demande aussi que le ministre des contributions publiques nous rende un nouveau compte détadié de l’état de prélèvement des impositions et qu’immédiaiement ce compte soit imprimé et envoyé à tous les départements, afin que l’on connaisse ceux qui sont en retard. M. Rabaud-Saint-E tienne. Si vous voulez (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 73 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’il s’établisse une correspondance, il faut édicter des moyens coercitifs; il faut que lorsque le ministre a envoyé une loi à exécuter par un directoire, si le ministre n’a pas eu de réponse, il en fasse part au Corps législatif, afin que ce directoire soit puni. M. d'André. Le comité pourra présenter ses vues sur cet objet. M. 17e Chapelier. Je demande qu’il soit fait un code pénal contre les départements qui ne suivent pas la correspondance. Je demande aussi que le ministre des contributions publiques soit invité à venir rendre compte des recouvrements actuels des impositions. (La discussion est fermée.) Le projet de décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale décrète : « 1° Le comité de Constitution présentera le mode de coirespondance qui doit exister entre les agents do pouvoir exécutif et les cor, s administratifs, et les moyens de la rendre effective-irunt active; « 2° Le ministre des contributions publiques sera invité de venir rendre compte demain lundi, à l’Assemblée, de l’état dans lequel est le recouvrement des impositions. » (Ce décret est adopté.) M. de Toulongeon fait sentir la néc ssité de s'occuper enfin du Code pénal militaire avant la fin des travaux de l’Assemblée, pour que le ministre de la guerre soit investi de tout le pouvoir nécessaire pour diriger l’armée. M. Emmery appuie cette proposition et observe qu’il est d’autant plus imporiant de terminer tout ce qui concerne le département de la guerre que la prochaine législature ne doit pas avoir de comité militaire, à moins qu’on ne veuille renoncer à voir l’ordre se rétablir et se maintenir dans l’armée. (L’Assemblée, consultée, décrète que le code pénal militaire et le projet de décret relatif aux commissaires des guerres seront mis à l’ordre du jour de la séance de mardi prochain.) M. Gaultier-Biauzat demande que l’archiviste de l’Assemblée fasse connaître le nombre des députés à lu prochaine législature actuellement à Paris. M. d’André répond tenir de M. Camus que ces députés étaient hier au soir au nombre de 200. M. Roussillon, au nom des comités de commerce et d'agriculture et des finances. Messieurs, vos comités des finances, d’agriculture et de commerce ont examiné, avec la plus sérieuse attention, le mémoire qui vous a été présenté par M. le ministre de l’intérieur, sur les subsistances, et les pétitions de divers départements, que vous leur avez fait l’honneur de leur renvoyer. De cet examen et des renseignements qu’ils se sont procurés, il résulte que le royaume renferme, tant en vieux graine que nouveaux, plus qu’il n’en faut pour la consommation d’une année; que la crainte de manquerde subsistances dans quelques départements en a fait beaucoup exagérer les besoins. Vos comités convaincus, ainsi que M. le mi-[18 septembre 1791.] nistre vous l’a dit, que le meilleur moyen de pourvoir aux besoins des départements qui ont eu des récoltes moins abondantes, consiste dans la libre et paisible circulation du superflu qui se trouve dans plusieurs parties du royaume, vous proposent le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que, malgré les mesures qui ont été prises pour maintenir la libre circulation des grains, et assurer la subsistance à toutes les parties de l’Empire, ses vues pourraient être tromnées par les artifices des ennemis de la Constitution, et par les craintes exagérées du peuple, quoiqu’il soit reconnu que le royaume renferme plus de subsistances qu’il n’en faut pour la consommation d’une année; « Con=idérant que le vrai moyen de porter Ta-bondance dans tout le royaume est de rassurer 1 s commerçants, en leur procurant protection et garantie dans leurs spéculations; « Considérant encore que, pour faire cesser toutes inquiétudes par rapport aux secours imprévus dont quelques départements pourraient avoir besoin, il convient de fixer et de laisser une certaine somme à la disposition du ministre sur sa responsabilité, décrète : « Art. lCr. Que le roi sera prié de donner les ordres les plus précis pour faire poursuivre et punir suivant la rigueur des lois, toute per.-onne qui s’opposerait, sous quelque prétexte que ce puisse être, à la libre circulation des subsistances. « Art. 2. Les propriétaires, fermiers, cultivateurs, commerçants et autres personnes faisant circuler des grains eu remplissant les conditions exigées par la loi, qui éprouveront des violences, ou le pillage de leurs grains, seront indemnisés par la nation, qui reprendra la valeur de l'indemnité en l’imposant sur le département dans lequel le désordre aura été commis. Le département fera porter celte charge sur le district; le district sur les communes dans le territoire desquelles le délit aura été commis, sauf à elles à exercer leur recours solidaire contre les auteurs des désordres. « Art. 3. Il sera remi-* à la disposition du mi-nisrne de l’intérieur, jusqu’à concurrence d’une somme de 12 millions seulement, pour être employée sous l’autorité du roi, et sur la responsabilité du ministre, à fournir progressivement aux besoins imprévus des départements, qui seront tenus d’en faire le rembour ement dans deux ans, avec les intérêts à 5 0/0 des avances qui leur seront faites à titre de prêt. « La trésorerie nationale fera l’avance des fonds en proporiiou des besoins reconnus par le ministre, qui sera tenu de justilier de l’emploi à la prochaine législature, toutes les fois qu’elle l’exigera. Au 1er octobre 1792, l’emploi détaillé desdits fonds sera rendu public par la Voie de l’impression, et envoyé aux 83 dépaitements. La caisse de l’e x traotdi nai? e restituera successivement à la trésorerie nationale les sommes qu’elle aura ava cées pour cet objet. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Malouet. Je trouve le décret fort bon ; mais je crois qu’il est nécessaire d’y ajouter l’addition suivante. Les départements du Midi sont ceux qui sont les plus exposés à avoir besoin d’un supplément de grains. C’est dans les départements du Midi que les inquiétudes se sont. manifestées. Il s’agit de les prévenir, surtout de