[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 45 bataille pour rallier les bataillons. Ce n’est pas que la cavalerie et l’infanterie n’aient chargé avec vigueur; mais l’ennemi étant supérieur du double en force, et nous, manquant de muni¬ tions, il a fallu se résoudre à la retraite. Elle s’est faite en bon ordre; seulement l’une des colonnes, en faisant sa retraite sur Homburg, a perdu son trésor, montant à 300,000 livres, et quelques pièces de canon. Si nous n’avons pu faire rentrer la contribution imposée sur les Deux-Ponts, vu que les riches sont en fuite, nous ne rapporterons pas moins de notre mission 7,000 sacs de blé, des cuirs, des draps, de l’eau-de-vie pour nos républicains, et plus de 2,000 tê¬ tes de bestiaux que nous ramenons. » (Applau¬ dissements.) Barère. Nous passons à ce qui regarde la Vendée. Il a donné lecture de plusieurs lettres. « Les brigands ont évacué Laval, disent les administrateurs d’Indre-et-Loire, en date du 11 frimaire. Ils se portent sur La Flèche, Sau-mur et Chat eau - Gontier . Sous 24 heures ils peuvent être près de nous. Ils ont pris Chemillé. Nous avons découvert un complot de prêtres de Château-Gontier et cantons adjacents. Envoyez-nous un représentant. Nous vous jurons que les rebelles n’entreront dans notre cité qu’en passant sur nos cadavres. « Les brigands sont entrés à Commières, Pes-signy, disent les mêmes administrateurs en date du 13. Le 12, ils ont quitté la Flèche où ils ont passé avec 30 pièces de canon. Ils ont été quatre heures à défiler; ils espèrent hiverner à Angers. Les maladies et la famine les assiègent ; quelques-uns sont restés morts de misère sur la route. Des prêtres, des femmes, composent en partie cette armée. » Lettre de Guimberteau, représentant. De Tours, le 14 frimaire (1). « Les rebelles viennent de se porter sur An¬ gers. Depuis trois heures, le canon gronde. Une partie de l’armée de Mayence, réduite à quel¬ ques centaines d’hommes, s’était portée à leur rencontre. L’armée d’Angers a fait une sortie; les brigands sont cernés. L’affaire a été vive; ils ont laissé 300 hommes sur la place. Les administrateurs de Tours se sont mis à la tête des bataillons, et c’est bien à tort que l’on a dit que cette ville était contre-révolutionnaire. C’est une calomnie dont la Convention doit la venger. Envoyez-nous seulement des canons et des fusils. Nous avons tout disposé pour em¬ pêcher les brigands de traverser la Loire, et nous avons fait le serment qu’ils nous passe¬ raient sur le corps avant de pénétrer dans notre ville. » ( Applaudissements .) Barère. Malgré que l’on ait dit et imprimé que le comité de Salut public cherchait à dimi¬ nuer le nombre des brigands de cette armée, et à faire croire qu’elle n’existait plus, quelle que soit cette armée, elle sera attaquée sur tous les points; le comité de Salut public a pris à cet égard des mesures. Je viens à ce qui concerne Toulon. Le ministre (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 32, le texte exact de la lettre de Guimberteau, datée de Tours, 14 frimaire. de la guerre nous a communiqué ce matin une lettre surprise, de Londres, dans laquelle on dit que le général Ohara a été nommé commandant en chef des armées de Toulon ; « et avec d’autant plus d’intérêt, ajoute-t-on, que la division se propage dans les troupes alliées, chaque puis¬ sance se dispose à fournir son contingent et le pape doit fournir à lui seul 2,000 hommes. » (On rit.) Lettre de Saliceti , représentant du peuple, datée d'Ollioules, le 10 frimaire (1). « L’ennemi commence à s’apercevoir qu’il lui sera difficile de soutenir notre feu. Hier, il a fait une sortie; nos avant-postes ont été forcés et nos batteries emportées; mais la valeur répu¬ blicaine a tout réparé. Tout a été repris; une redoute a été emportée et l’ennemi mis en dé¬ route. Il a laissé 400 hommes sur la place, pres¬ que tous Anglais. Nous avons fait 200 prison¬ niers, dont un colonel espagnol blessé, plusieurs officiers de marque et le général anglais Ohara, qui a reçu une balle au bras droit. (Applaudis¬ sements.) Nous n’avons eu que 40 hommes tués et une centaine de blessés, dont est le général Dugommier, mais très légèrement. Nos répu¬ blicains, emportés par leur courage, sont entrés, malgré un feu très vif de l’ennemi, dans Malbos¬ quet, et y ont enlevé les tentes des Anglais. » ( Applaudissements.) « Un parlementaire anglais, dit une lettre du général Dugommier, est venu réclamer les traîtres et les prisonniers, notamment le général Ohara. Le comité, ajoute Barère, a pris des mesures sur cet objet. » II. Compte rendu du Journal de la Montagne (2). • Barère donne connaissance des dépêches parvenues au comité de Salut public, sur notre situation militaire. Il en résulte qu’au nord notre contenance est imposante, que vers le Rhin nos succès ont été retardés, que sous les murs de Toulon tout présage la ruine des traîtres et que dans l’intérieur, du côté de l’ouest, les brigands cherchent à regagner leurs anciens repaires en repassant la Loire. Les représentants du peuple mandent de Schoneberg, le 11 frimaire (3), que trois jours de suite, la colonne commandée par le général Hoche s’est présentée devant Kaiserslautern et a fait des prodiges de valeur, mais qu’elle n’a pas été secondée par les autres colonnes, qui de¬ vaient tourner l’ennemi de droite et de gauche et se sont égarées dans les bois; la division s’est retirée en bon ordre à Limbach. Les représentants, qui se trouvent à Deux-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 33, le texte exact de la lettre de Saliceti, datée d’Ollioules, 10 frimaire. (2) Journal de la Montagne n° 24 du 17e jour du 3e mois de l’an II (samedi 7 décembre 1793), p. 190, col. 2, et n° 25 du 18e jour du 3e mois de l’an II (dimanche 8 décembre 1793), p. 198, col. 2]. (3) Voy. ci-dessus, même séance, p. 30, le texte exact de la lettre de Soubrany et Richaud, d’après M. Aulard, datée de Schoneberg, 11 frimaire. 46 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 4f Ponts, annoncent, ïe 12, f. que la colonne dn géné¬ ral Taponier, apTès s’être battue pendant trois jours, sans avoir pu tourner l’ennemi, s’est aussi retirée en bon ordre sur Homburg et a perdu son trésor consistant en 300,000 livres. (I) Le général de division Dièche, commandant celle de Strasbourg, écrit le 1 1 frimaire : « Hier, l’armée a eu un avantage considérable ; elle s’est battue toute la journée. Notre droite a repoussé l’ennemi au delà de Gambsheim; les redoutes ont été enlevées à la baïonnette ainsi que les hauteurs qu’il occupait. Il a perdu beaucoup de monde. La gauche a aussi gagné du terrain. Il est inutile de dire qu’aucun répu¬ blicain n’a fui. Depuis que nous avons des géné¬ raux sans-culottes, on ne connaît pas ça. « Quelques blessés, que nous avons eus, criaient de toutes leurs forces en entrant à Strasbourg : « Vive la République! Ça va! Ça ira ! mon sang coule ! » Un autre : « J'ai mon bras emporté, mais je m'en /. . . Ça va ! Ça ira ! » Enfin, on ne peut se faire une idée de leur dévouement à la République. » Le général Pichegru informe le ministre de la guerre que nous avons chassé l’ennemi de Gambsheim et de Betnafeim; mais que la divi¬ sion du centre, commandée par Feriur, après après avoir enlevé plusieurs redoutes aux émi¬ grés, a été mise en déroute par la cavalerie ennemie et a perdu quelques canons. Les administrateurs du département d’Indre-et-Loire annoncent que les brigands, après avoir évacué Laval, se sont portés sur Sablé et La Flèche qu’ils ont pillés. Tours, Angers, Saumur, sont menacés. Dans la première com¬ mune on a coupé les ponts et rangé les bateaux sur la rive opposée à la horde catholique. Les représentants du peuple ont déclaré Saumur en état de guerre. Les brigands assiègent Angers au nombre de 2,000 hommes et doivent, dit-on, y prendre leurs quartiers d’hiver; mais la garnison a fait une sortie et l’ennemi est cerné. L’avant-garde de la garnison de Mayence, entrée à La Flèche après le départ des brigands, leur a tué 600 traîneurs. La nudité, la faim, les maladies les maltraitent encore plus et ils ne semblent trouver une apparence de courage que dans leur désespoir même. Le général en chef Dugommier écrit d’Ol-lioules, le 10 frimaire : « Cette journée a été chaude, mais heureuse. Depuis deux jours, une batterie essentielle à notre place faisait feu sur Malbosquet et inquiétait beaucoup ce poste et ses environs. Ce matin, à cinq heures, l’ennemi a fait une sortie vigoureuse qui l’a d’abord rendu maître de nos avant-postes. Mais bientôt, ral¬ liant nos forces, nous avons vivemem repoussé les ennemis qui, se repliant de tous côtés, ont laissé sur le terrain un grand nombre de morts et de blessés. Cette sortie enlève à leur armée plus de 1,200 hommes tant tués, que blesssés ou faits prisonniers. Parmi ces derniers sont plu¬ sieurs officiers d’un grade supérieur et leur général en chef, M. Ohara, blessé d’un coup de feu au bras droit. « Cette action, qui est un vrai triomphe, est (1) Voy, ci-dessus, même séance, p. 31, le texte exact de la lettre de Soubrany et Richaud, d’après M. Aulard, datée de Deux-Ponts, 12 frimaire. d’un excellent augure pour nos opérations ulté¬ rieures; car, que ne devons-nous pas attendre d’une attaque concertée et bien mesurée, lorsque nous faisons bien à l’improvistel » III. Compte rendu de Y Auditeur national (1). Barère, au nom du comité de Salut public, a communiqué les nouvelles des armées. Les représentants du peuple Richaud et Soubrany et le général Hoche écrivent de Scho-neberg et de Deux -Ponts, en date des 11 et 12 frimaire (2), que des défauts d’exécution dans des mouvements combinés, ayant donné le temps à l’ennemi de recevoir un r en for: de 10,000 hom¬ mes, les troupes de la République ont été obli¬ gées à la retraite, pour ne pas engager un combat trop inégal avec un ennemi ayant le double de forces. Cette retraite s’est faite avec le plus grand ordre sur Limbach, Homburg et Deux-Ponts, sans avoir éprouvé d’autre perte que celle du trésor, qui renfermait 300,000 livres et qui était égaré. C’est après un combat opiniâtre de trois jours, avec un ennemi bien supérieur en hommes et en canons, que cette retraite s’est effectuée. Les représentants et le général s’occupent en ce moment à faire défiler les prises faites en pays ennemis. L’on y a trouvé plus de 700,000 sacs de blé, une grande quantité d’argenterie d’églises et d’aristocrates, des draps, des souliers et beaucoup d’autres effets qui seront d’une grande utilité aux troupes de la République. Le général de l’armée du Rhin écrit de Stras¬ bourg, en date du 12, qu’une division de l’ar¬ mée s’est emparée des postes de Bethnoffen et Gnosselle où l’ennemi a perdu beaucoup de monde. Une autre division, repoussée par la cavalerie ennemie, a perdu quelques canons. Cet échec a été occasionné par la perte du com¬ mandant fait prisonnier au commencement de l’action. Le général Jourdan écrit du quartier général d’Avesnes, sous la date du 14, que les avant-postes de l’ennemi ayant été attaqués par une de nos divisions, il a perdu beaucoup de monde, qu’on lui a fait 150 prisonniers et que Landrecies a été approvisionné. . La correspondance des représentants du du peuple dans le département d’Indre-et-Loire, celle des administrateurs et du comité de cor¬ respondance, donne pour résultat que les rebelles de la Vendée, qui paraissent vouloir regagner leurs anciens repaires, ayant pris et évacué Laval, Sablé et La Flèche, se sont pré¬ sentés devant Angers pour en faire le siège, mais qu’ils y ont été battus par la garnison et l’avant-garde de l’armée de Mayence, qui leur ont tué 5 à 600 hommes. Les lettres s’accordent à dire que ces brigands qui traînent avec eux une grande quantité de prêtres, de femmes, de vieillards et d’enfants, sont accablés de faim, de misère, de malpropreté et de lûaladies. Leur (1) Auditeur national [n° 441 du 17 frimaire an II (samedi 7 décembre 1793), p. 7]. (2) Voy. ci-dessus, même séance, p. 30 et 31, le texte exact des deux lettres de Soubrany et Richaud, d’après M. Aulard, datées de Schôneberg, 11 fri¬ maire, et Deux-Ponts, 12 frimaire.