144 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1789.] caisse afin de payer chaque jour comme la caisse d’escompte, pour 3 à400, 000 livres de billets; alors le Trésor royal sera une banque qui commencera son établissement par la nécessité de payer 184 millions à l’ancienne banque que vous aurez . réprouvée, et que vous aurez réprouvée pourquoi? à cause de l’embarras passager où l’ont mise les services qu’elle vous a rendus et la difficulté que vous trouvez à vous acquitter envers elle. Encore le Trésor royal n’aura-t-il pas, comme la banque, le juste espoir de pouvoir payer à toutes demandes, des que la confiance sera rétablie. C’est un cercle, Messieurs, dont nous ne pouvons pas nous tirer : ou nous emploierons la caisse d’escompte; ou nous la punirons des secours qu’elle a donnés à l’Etat, et nous emploierons une seconde banque, qui devra commencer par le remboursement deFla première ; ou nous transformerons le Trésor royal en une troisième banque, sous la même condition ; ou négligeant tous ces palliatifs, nous manquerons nettement aux engagements qui ont été pris sur la foi publique, après les avoir nous-mêmes consolidés avec une phrase imposante, et oubliant notre honneur et notre loyauté, nous ferons banqueroute au moins partielle sur le capital, sur l’intérêt, ou sur l’un et sur l’autre. Banque ou banqueroute, vous avez le choix ; ou plutôt vous ne l’avez plus, car vous avez proscrit jusqu’à la dernière expression, et ce n’est pas moi qui vous ai fardé la première : c’est moi, au contraire qui, la dépouillant de tout artifice, viens de vous dire, au grand étonnement des projeteurs, jusqu’où il fallait limiter la confiance dans les promesses des gens d’esprit qui voudraient vous persuader qu’une banque payera toujours tous les billets qu’on pourra lui présenter. Je me suis borné à vous exposer que l’on ne peut perdre avec une banque raisonnablement administrée et constituée, et qu’elle pourra payer constamment des demandes sagement proportionnées aux deniers de sa caisse. Si ces conditions tirées de la nature de la chose ne vous inspirent pas une invincible répugnance (et pourquoi répugnerait-on à ce que la nature des choses exige?), si les Etats pauvres sont, comme les particuliers pauvres, obligés d’aider leur crédit du crédit d’autrui ; si le pire des maux est d’exercer l’autorité pour se dispenser de payer ses dettes; si c’est une des injustices dont le peuple a toujours été le plus choqué, vous adopterez le projet du premier ministre des finances. C’est à quoi je conclus, Messieurs, en vous priant seulement d’y apporter quelques modifications. Le ministre vous a demandé d’y faire celles que vous jugeriez utiles, et il en est trois qui me paraissent d’une indispensable nécessité: La première est d’abandonner l’entreprise des banques aux lois de la liberté du commerce. Je n’ai pas compris ce que le ministre a voulu dire en vous parlant d’un privilège pour la caisse d’escompte. Si ce privilège renferme quelque chose d’exclusif, vous devez le refuser : vous êtes venus ici pour détruire les privilèges exclusifs, et non pour en créer de nouveaux. Si l’on n’entend par privilège que la décoration d’un titre, j’y vois peu d’utilité, peu d’inconvénients; mais aussi dans ce sens l’expression est peu française. Le second amendement que je demanderai aux propositions qui vous ont été faites est relatif aux anticipations. Je ne crois pas que vous eu deviez conserver aucunes. Je crois que vous devez imposer au gouvernement la loi de les rembourser toutes. Il serait impossible, avec des anticipations, d’établir un ordre parfait de comptabilité; il serait impossible de faire de toutes les caisses de recettes, des caisses de dépenses; et j’ai eu l’honneur de vous démontrer, dans une autre occasion, qu’indépendamment de la simplicité et de la clarté qui en résulteraient pour les comptes publics, ily a 20 millions par an à gagner à cette utile opération. La troisième modification que je vous prie d’agréer est de tenir constamment ouvert un emprunt à 4 1/2 0/0 , dont 4 en perpétuel, et 1/2 en tontines, duquel les fonds puissent toujours être faits, soit en effets suspendus, soit en billets de caisse, et soient toujours employés, sous l’inspection de l’Assemblée nationale, et sous la garantie de la responsabilité des ministres, au remboursement des dettes les plus onéreuses. Avec cette précaution, je ne crains pas que les billets de la caisse d’escompte, bornés à 240 millions, surabondent; et je vois que la petite gêne même qui pourrait durer encore quelque temps dans le payement des billets de la caisse assurera le succès de l’emprunt. Sans elle, je crois, comme le premier ministre des finances, que les billets pourraient surabonder, et je serais effrayé, comme lui, de la ressource qu’il vous présente, tandis qu’il me parait d’ailleurs si nécessaire d’en faire usage, et que jointe à celles que vous vous êtes déjà préparées, elle me semble l’unique moyen d’amener les finances au degré d’équilibre et de prospérité dont je vous avais offert un aperçu que le rapport de votre comité des finances confirme. Je désire. Messieurs, que les vérités que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer justifient les propositions que je vais vous lire et que je remettrai ensuite sur le bureau. PROPOSITIONS. Adopter le plan du premier ministre des finances, à la charge : Que le privilège de la caisse d’escompte ne sera pas exclusif; Que rétablissement des banques sera libre comme toute autre entreprise de commerce; Que toutes les anticipations seront remboursées ; Que toutes les caisses de recette deviendront des caisses de dépense ; Et qu’outre l’emploi offert aux billets de caisse, dans le rachat des dîmes et l’acquisition des biens-fonds qui sont à la disposition de la nation, il sera constamment ouvert un emprunt, à des conditions à la fois exclusives de toute immoralité, attrayantes pour les prêteurs, et avantageuses pour la nation, afin d’assurer, de toutes parts, aux billets de caisse, un débouché qui les empêche d’excéder les besoins de la circulation. Voix nombreuses : L’impression du discours de M. Dupont (de Nemours ). L’impression est ordonnée. La suite de la discussion est ajournée et l’Assemblée passe à son ordre du jour de deux heures. M. Ilébrard rend compte, au nom du comité des rapports, des difficultés qui se sont élevées entre le district des Cordeliers et les représentants de la commune de Paris. II donne lecture des articles 2, 3 et 4 du plan provisoire que les districts ont au moins adopté tacitement. La