[Assemblée Hationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1790.] berté, que le choix entre ces deux partis ne me paraît souffrir aucun doute. A quelque point que l’on perfectionne un droit de consommation sur les boissons, il est à peu près impossible que les formes indispensables pour en assurer la perception, respectent entièrement la liberté individuelle et commerciale qui est un des éléments les plus précieux delà Constitution. Une telle vérité doit faire l’impression la plus profonde sur les législateurs. Des motions multipliées dans l’Assemblée nationale et la nécessité publique ont paru commander pour remplacer les aides actuels un droit de consommation sur les boissons, étendu à tout le royaume ; le comité de l’imposition m’a chargé, en conséquence, de recueillir toutes les vues et de proposer un plan. Je crois l’avoir fait le plus doux, le plus égal, le plus juste, le mieux proportionné qu’il soit possible aux besoins, aux moyens, aux ressources ; mais les défauts m’en paraissent très sérieux encore, et la plupart de eeux qui le critiquent, sont loin d’en être aussi frappés et aussi affligés que moi. La rédaction de ce projet n’a pas été un des moindres sacrifices que j’aie fait à cet amour du salut de l’Etat, devant lequel toutes les opinions, toutes les affections, tous les intérêts, tous les sentiments personnels doivent plier. Je n’oublierai jamais avec quelle cordialité, avec quelle bonté, avec quelle tendresse mes compagnons me pressant contre leur sein le jour qu’ils ont daigné m’élire, me disaient : Aile», homme de bien, que Dieu vous bénisse , et que les Etats généraux détruisent les gabelles et les aides ! Ils ne prévoyaient pas tous les bienfaits de la Constitution ; mais ils y voyaient éminemment celui de la liberté domiciliaire. Fasse le ciel que le beau jour qu’ils m’ont donné contribue de quelque chose à embellir aussi leurs jours 1 et non seulement selon cette volonté générale dont tout citoyen doit adorer les décrets, mais encore selon le vœu le plus intime de leur cœur! Pardonnez-moi, Français, si, dans le bonheur de l’Empire auquel je serai toujours prêt à immoler ma vie, l’idée dé la satisfaction particulière et de la félicité spéciale du département, du district, du village où l’on m’aime, porte dans mon âme une émotion plus vive, amène à mes yeux de plus douces larmes. Nota. Cet examen des différents projets, rapportés au comité, était imprimé lorsqu’il en a reçu encore un de M. Desgrenes, directeur des aides à Nemours. On regrette de l’avoir reçu trop tard pour en pouvoir rendre un compte particulier. Il rentre dans ceux de M. Levacher et de M. Milleret , avec quelques légères variétés. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 29 OCTOBRE 1790. Observations sur les droits de traite en général et en particulier , sur les vins du Périgord et du Quercy , présentées à l'Assemblée nationale , par le comte de La Roque, au nom des députés du Périgord. Messieurs, il est des principes d'une telle évidence, qu’il serait ridicule de perdre son temps à les démontrer. Sans doute, il est essentiel d’attirer en France le numéraire étranger. Le moyen le plus simple et le plus infaillible d’atteindre ce but désirable, est d’exporter le superflu des denrées qu’elle produit, et la plus grande quantité possible de celles qui ne sont pas de première et d’absolue nécessité. Voilà le vrai principe régénérateur de l’agriculture, parce qu’il peut seul produire l’aisance du cultivateur, exciter son émulation, garantir son exactitude à payer l’impôt, et le mettre en état d’améliorer son fonds et d’en augmenter les produits. La richesse des propriétaires est l’unique source des richesses d’un Etat agricole, vérité fondamentale qu’on oublie trop souvent. La misère, le découragement, la dépopulation, sontles suites inévitables d’un système contraire. Le Périgord et le Quercy n’en ont fait qu’une trop longue et trop funeste expérience. De toutes les récoltes que produit le territoire français, celle du vin est la plus dispendieuse et la plus casuelle, c’est celle qui exige plus de travaux, qui demande plus de soins et qui occupe le plus de bras. On devrait donG favoriser cette culture, déjà très pénible, mais intéressante pour l’Etat, puisqu’elle est la plus propre à attirer le numéraire étranger, et qu’elle occupe et Dourrit une population nombreuse sur des terrains ingrats. Il semble, au contraire, qu’on se soit étudié à mettre des entraves à l’exportation et à l’importation du vin, pour rebuter les propriétaires j et* par une absurdité qu’on a de la peine à concevoir, les vins d’un grand prix sont assujettis à des droits inférieurs, et ceux d’une médiocre qualité payent une taxe plus forte. Car les vins de Bordeaux, par exemple, qui se vendent dix fois plus cher que ceux du Périgord, sont moins taxés que ceux de cette dernière province déjà si pauvre. Une assemblée de législateurs laissera-t-elle subsister une pareille monstruosité’? Il n’est pas permis de former un doute à cet égard. Il résulte constamment de oe système oppresseur, une stagnation pernicieuse dans les provinces du Périgord et du Quercy ; le vin s’y vend au cabaret, le paysan s’enivre presque tous les jours, perd l’habitude du travail, et contracte celle de l’oisiveté qui le conduit à tous les crimes; et le bas prix auquel on est forcé de laisser lé vin, ne dédommage plus des frais d’une culture que beaucoup de gens abandonnent et qui devraient faire la richesse de l’Etat et des propriétaires. Tout milite donc en faveur de la suppression des droits de traite. Le gouvernement lui-même l’a senti, puisque, sur un mémoire présenté en 1786, il a successivement suspendu ces droits dans tous les ports de la généralité de Guyenne, en 1787, en 1788 et en 1789, et l’on ne peut révoquer en doute, que sur les nouvelles réclamations des provinces du Périgord et du Quercy, il ne les eût définitivement supprimés, si l’Assemblée nationale n’avait pas été réunie pour la réforme des abus. Il existe encore entre la ville de Bergerac et la Hollande, un commerce de vin qui languit, et qui pourrait être vivifié. Ce commerce rendait autrefois la ville de Bergerac opulente, et les campagnes qui l'avoisinent [Assemblée nationale.] ARCHIVES EARLS�DÎ�TAtRSS. [12 §çtQbrfll7âô,J 427 jouissaient d’une grande avance; qaaia le commerce de la république est tombé, la consommation n’est plus la même en Hollande, et le vin de Bergerac a baissé de prix, au point que ce malheureux pays se trouve forcé de renoncer au seul débouché qu’il avait pour le débit de ses récoltes. Il fut prouvé, en 1786, dans un mémoire présenté au roi, que lés habitants de Bergerac avaient perdu en Hollande, non seulement leur récolte, mais encore 110 livres par chaque tonneau de vin (1), compensation faite du produit. Car c’est à leurs frais que les propriétaires adressent leurs vins à des commissionnaires chargés de les vendre. La grande gelée de 1709 avait fait périr presque tous les châtaigniers, une partie des impositions du Périgord fut additionnellement versée sur le canton de Bergerac, à raison du prix brillant qu’il retirait alors du vin de son territoire, mais l’impôt subsiste encore, et le prix n’est plus qu’une illusion. Quelles suites funestes n’aurait pas la durée de l’état de détresse du canton de Bergerac; le remède est facile: il est conforme aux principes; il vivifiera tous les pays de vignes, il augmentera même la recette des fonds destinés au Trésor public, et procurera une balance de commerce plus avantageuse. Ce remède est la suppression pleine et entière des droits qui se perçoivent sur les vins de France, pour la sortie, et pour l’entrée du royaume, Afin d’éviter la fraude, les vins destinés à rentrer en France seraient tenus de prendre un ac-quit-à-caution , et de payer les mêmes droits de transit qui sont exigés pour les vins qu’on destine aux colonies françaises. N’est-il pas ridicule, en effet, que les colonies jouissent d'une prérogative qu’on refuse constamment aux provinces mêmes qui font partie intégrante de l’Empire? N’est-il pas ridicule qu’il soit permis de char-royer par terre jusqu’aux extrémités du royaume sans payer aucun droit et qu’il soit interdit de vpiturer par eau aux mêmes conditions ? C’est-à-dire qu’on permet des moyens impraticables, et que ceux qui présentent une exécution facile sont prohibés. Cette idée est révoltante. Mais quels seraient les effets de la suppression des droits de traites? les voici : Cette immense quantité de vins qui se vend dans les provinces méridionales souvent à six deniers la pinte de Paris sortira de ces provinces, ira chez l’étranger, ou se vendra dans les provinces septentrionales, et surtout à Paris, à un prix qui permettra aux cultivateurs d’augmenter la main-d’œuvre, et d’améliorer d’une manière incroyable une culture qui, soit par la quantité, soit par la qualité du produit, rend toujours au double les avances qu’on lui a faites. La consommation plus abondante de la ville de Paris rendra , par le produit des entrées , même en les modérant, la recette du fisc bien supérieure à ce que rendent aujourd’hui ces mêmes droits réunis aux droits de traite. Qu’il me soit permis, Messieurs, de développer un peu cette idée: Les droits d’entrée sur le vin ne rendent à Paris que quatorze millions, au plus. (1) Le tonneau contient huit cents bouteilles, mesure de Paris. Cependant, si chaque citoven consommait une bouteille de vin par jour, l’impôt tel qu’il est, devrait rendre soixante-deux millions, en n’évaluant la population de Paris qu’à sept cent mille âmes, ce qui est certainement inférieur à sa population, habituelle; mais en prenant cette base de population et en supposant le premier calcul un peu forcé, réduisons à moitié la consommation de Paris, et cela n’est certainement pas exagéré; alors les entrées de Paris produiront trente et un millions, c’est-à-dire dix-sept millions de bénéfice ; bénéfice quadruple du produit des droits de traite sur les vins du royaume, et ces droits eux-mêmes seront à peu de chose remplacés par les droits de transit qui se multiplieront à l’infini, soit pour Paris, soit pour les différentes provinces du royaume. D’ailleurs, il serait aisé d’augmenter les fonds réversibles au Trésor public, en établissant dans les principales villes du royaume de légers octrois, dont les municipalités verseraient la moitié du produit net dans la caisse de la nation. Je reviens à l’énumération des avantages que produira Je nouveau système. Le paysan sera mieux payé, s’enivrera moins, deviendra plus laborieux, par là même, plus vertueux. Mais ces considérations, quelque frappantes qu’elles puissent être» ne sont pas les seules qui doivent faire proscrire la multitude des droits qui se perçoivent sur le vin (1) et qui doivent être restreints aux seuls droits d’entrée de la ville de Paris, qui devraient eux-mêmes être modérés, et à de légers octrois dans les principales villes du royaume. Les vins de Bourgogne ne suffisept pas à la consommation de la capitale; la médiocre qualité des vins d’Orléans n’y supplée pas : quelle est doue la boisson des citoyens qui ne peuvent pas se procurer de la première main des vins dans leur état naturel ? Personne ne l’ignore, ils sont forcés d’avoir recours à des marchands à qui la soif de l’or a fait imaginer des alliages homicides, ils ne trouvent que des vins frelatés, chargés de parties hétérogènes, poison lent et funeste, qui altère la santé, débilite les principes de la vie et conduit au tombeau. La conservation des citoyens, en leur procurant des aliments sains, est, sans doute, un objet digne d’aitention de l’Assemblée nationale. Elle s’empressera de leur assurer ce précieux avantage, en permettantla libre circulation des vins de France dans toutes les villes du royaume, sans payer d’autres droits que les entrées de Paris, et quelques octrois modérés dans les villes où la consommation devra se faire. Il n’existe que ce moyen de vivifier presque toutes les provinces méridionales. Le Quercv et le Périgord n’eu ont pas d’autre de faire refluer l’argent qui va s’engloutir dans la capitale par tant des canaux diftérents, celui des impôts, et celui des fermes des riches propriétaires qui consomment à Paris leurs revenus. Ce système est avantageux sous tous les rapports, et n’occasionnera point de perte dans les revenus de l’Etat. Ces revenus, eux-mêmes, augmenteront par l’augmentation des droits de recette sur les entrées de Paris. Ce profit grossira d’autant plus aux yeux d’un calculateur exact, qu’il n’oubliera pas d’observer que la ferme perd beaucoup à raison des vins (i) Mémoire de Bergerac , page 3, 128 (Assemblée nationale.] frelatés qu’on fabrique à Paris, et que cette contrebande cessera d’elle-même, lorsque les empoisonneurs n’auront aucun espoir de retirer du protit de leur infernale composition. On se permet d’ajouter que la libre circulation des vins, dans l’intérieur du royaume, diminuera la quantité de ceux dont la Hollande est inondée; les prix se relèveront alors, et ce commerce pourra reprendre son ancien lustre. Le vin circulera dans le royaume, dans les années de disette, et le superliu, dans les années d’abondance qui sont toujours ruineuses, ira désaltérer la Hollande et le pays du Nord. Lors de la réforme des tarifs en 1669, où les puissances du Nord imposèrent sur les vins de France des droits d’entrée considérables, Colbert ne sentit pas qu’il était pressant de les alléger des droits de sortie du royaume; dès lors, ceux de médiocre qualité furent remplacés dans le. le nord par les vins d’Espagne et de Portugal. Cette faute a coûté et coûte encore bien des millions à la France. Pour profiter de cette leçon, je me résume, Messieurs, en proposant le projet de décret suivant: L’Assemblée nationale a décrété et décrète : Art. 1er. Les vins de France seront exempts de tous droits de sortie. Art. 2. Pour affranchir ces vins des droits d’entrée du royaume, il sera nécessaire de se pourvoir d’un acquit-à-caution, et de payer les droits de transit tels qu’ils sont perçus sur les vins destinés à passer dans les colonies françaises. Art. 3. Tous les vins de France circuleront librement dans tout le royaume, sans payer d’autres droits que les entrées de Paris, et des octrois modérés, dans les villes qui devront les consommer. Art. 4. Les entrées de Paris et les octrois des villes seront réglés par l’Assemblée nationale et les législatures suivantes, et les différents départements du royaume seront obligés de se conformer aux tarifs qu’elles auront établis dans leur sagesse. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du samedi 30 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Régnault, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi soir, 28 de ce mois. M. Durand-MIailïane , secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier 29 octobre. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Bouche. Monsieur le président, je suis obligé de vous dire que les députés du midi et même ceux du nord s’aperçoivent qu’il fait froid dans la salle. Ils désireraient trouver du feu quand ils arrivent ici. M. le Président. Le président tiendra compte de l’observation de M. Bouche. [30 octobre 1790.] M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution, propose deux décrets qui sont adoptés, sans discussion, en ces termes : PREMIER DECRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète a ue la ville de Clermont est définitivement le siège de l’administration du Puy-de-Dôme. « DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur la pétition du commerce de Saint-Quentin et la demande du directoire du département de l’Aisne, décrète ce qui suit : Art. 1er. « La ville de Saint-Quentin continuera d’avoir un tribunal de commerce. Art. 2. « Le tribunal actuellement existant continuera ses fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l’installation des juges qui seront élus conformément aux décrets. « Les nouveaux juges seront installés, et prêteront serment en la forme établie par l’article 7 du décret sur l’organisation de l’ordre judiciaire. « M. l’abbé Gouttes fait un rapport sur un projet de remboursement des rentes perpétuelles , imaginé par le sieur Lafarge. Ge rapport, dont l’Assemblée ordonne l’impression, est ainsi conçu (1) : Messieurs, deux objets essentiels font la base de vos opérations : le premier consiste à libérer l’Etat de la dette immense dont il est accablé, et sous le poids de laquelle il gémit depuis si longtemps. Le second est de venir au secours de la classe la plus malheureuse des citoyens, qui gémit depuis si longtemps sous le poids des impôts, delà misère et des infirmités, et contre lesquels il n’a eu, jusqu’à présent, presque aucune ressource pour s’en mettre à couvert. C’est pour vous mettre à portée de remplir ces deux objets essentiels, que je crois devoir vous faire part d’un projet imaginé par le sieur Lafarge, et qui me paraît digne de votre attention. Il s’agit d’une création de rentes viagères au principal de 90 livres pour chaque action payable dans l’espace de dix années, à raison de 9 livres par an. Au moyen de cette mise modique, tout actionnaire a la certitude de jouir tôt ou tard d’une rente viagère de 50, de 150, et enfin de 3,000 livres, qui serait le dernier terme d’accroissement, à moins que l’Assemblée ne trouvât plus à propos de faire tourner au profit des derniers actionnaires les extinctions de ces derniers rentiers ; ce qui a paru d’autant moins nécessaire à l’auteur du projet, et à ceux qui l’ont examiné, qu’ils ont pensé qu’une rente de mille écus pour une mise de 90 livres était assez considérable pour ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séance e&t incomplète au Moniteur. (1) Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur .