450 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 juillet 1790.1 de donner des preuves de son patriotisme, de vous assurer, par notre organe, qu’ils sont prêts à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la Constitution, l’exécution de vos décrets et la défense de la patrie. « Nous osons vous supplier, Messieurs,, d’ordonner que le procès-verbal de cette séance fasse mention de notre justification. > M. le Président répond : « L’Assemblée nationale entend, avec une véritable satisfaction, les assurances de votre patriotisme, et le désaveu de sentiments que vous supposaient des ennemis de votre gloire. Sa justice ne lui permettra jamais d’adopter des inculpations sans preuve. Elle est persuadée que la municipalité et la garde nationale d’Agde se montreront toujours fidèles à la Constitution qu’ils ont juré de maintenir. Elle vous permet d’assister à sa séance. » La municipalité de Saint-Pierre de la Martinique, admise à la barre, dénonce une assemblée illégale tenue dans cette ville. Les paroisses patriotes de cette colonie se plaignent du despotisme qui les accable et qui leur ôte le fruit qu’elles attendaient d’une régénération à laquelle l’Assemblée nationale devait les faire participer. M. le Président répond : « L’Assemblée nationale prêtera toujours une oreille attentive aux pétitions des différentes municipalités de l’Empire. Elle ne cesse de s’occuper du bonheur de tous les Français dans quelque partie du globe qu’ils résident; et elle entend, avec une satisfaction particulière, les protestations de dévouement et les adhésions à ses décrets que lui présentent les habitants de nos colonies. « L’Assemblée nationale fera examiner vos demandes par MM. de ses comités. Elle vous permet d’assister à sa séance. » (On se dispose à passer à l’ordre du jour.) M. de Virieu. Beaucoup d’entre nous demandent la parole pour M. Malouet. M. Malouet. C’est une dénonciation importante que j’ai à faire. Plusieurs membres de la partie gauche de la salle : Portez-la à la police. M. de Vlrleu. C’est à la police de l’Assemblée qu’elle doit être portée. (On demande l’ordre du jour.) M. Malouet. Il n’est pas d’ordre du jour plus pressant que de faire connaître des projets atroces, et d’assurer le châtiment de leurs auteurs; vous frémiriez, si l’on vous disait qu’il existe un complot formé pour arrêter le roi, emprisonner la reine, la famille royale, les principaux magistrats, et faire égorger cinq à six cents personnes, Eh bien, c’est sous vos yeux, c’est à votre porte, que des scélérats projettent et publient toutes ces atrocités; qu’ils excitent le peuple à la fureur, à l’effusion du sang; qu’ils dépravent ses mœurs et attaquent, dans ses fondements, la Constitution et la liberté. Les représentants de la nation seraient-ils indifférents, seraient-ils étrangers à ces horreurs? Je vous dénonce le sieur Marat et le sieur Camille Desmoulins. (Il s'élève beaucoup de murmures dans la partie gauche de la salle.) Je n’ose croire que ce soit du sein de l’Assemblée nationale que s’échappent ces éclats de rire, lorsque je dénonce un crime public ..... Quand j’aurais rendu une plainte contre Camille Desmou-lins, ce n’est point une injure particulière que j’ai voulu venger. Après un an de silence et de mépris, j’ai dû me rendre vengeur d’un crime public. Lisez le dernier n° des Révolutions de France et du Brabant. En quoi pourrions-nous * nous y méprendre? Est-il de plus cruels ennemis de la Constitution que ceux qui veulent faire du roi et de la royauté un objet de mépris et de scandale, qui saisissent l’occasion de cette fête mémorable, où le roi a reçu de toutes les parties de l’Empire des témoignages d’amour et de fidélité, pour nous parler de l’insolence du trône, du fauteuil du pouvoir exécutif ? Camille Desmoulms appelle le triomphe de Paul-Emile une fête nationale, où un roi, les mains liées derrière le dos, suivit dans l’humiliation le char du triomphateur; il fait de ce trait historique une allusion criminelle à la fête fédérale ..... Avant de vous dénoncer ces attentats, j’ai essayé de provoquer la surveillance du ministère public; l'embarras du magistrat, qui m’annonçait presque l’impuissance des lois, a redoublé mon effroi. Quoi donc, ai-je dit, si les lois sont impuissantes, qui nous en avertira, si ce ne sont les tribunaux? c’est à eux à annoncer à la nation le danger qui la menace; sinon, qu’ils étendent un crêpe funèbre sur le sanctuaire de la justice; qu’ils nous disent que les lois sont sans force, qu’ils nous le prouvent en périssant avec elles ; car ils doivent s’offrir les premiers aux poignards de la tyrannie. Vous dénoncer le péril de la liberté, de la chose publique, c’est y remédier, c’est assurer le châtiment des crimes qui compromettent l’une et l’autre : ne souffrez pas que l’Europe nous fasse cet outrage, de croire que nos principes et nos mœurs sont ceux de Marat et de Camille ûesmoulins; ce sont là les véritables ennemis de la chose publique, et non ceux qui souffrent de vos réformes. L’homme passionné de la liberté s’indigne d’une licence effrénée, à laquelle il préférerait les horreurs du despotisme; je demande que le procureur du roi au Châtelet soit mandé, séance tenante, pour recevoir l’ordre de poursuivre, comme criminels de lèse-nation, les écrivains qui provoquent le peuple à l’effusion du sang et à la désobéissance aux lois. (Il s'élève dans une partie de l'Assemblée des murmures , dans l'autre des applaudisse - ment s .) M. Malouet fait lecture de quelques fragments d’une feuille de l 'Ami du peuple, intitulés: C'en est fait de nous. Voici l’un des paragraphes de cet imprimé: « Citoyens de. tout âge et de tout rang, les mesures prises par l’Assemblée ne sauraient vous empêcher de périr : c’en est fait de vous pour toujours, si vous ne courez aux armes, si vous ne retrouvez cette valeur héroïque qui, le 14 juillet et le 5 octobre, sauva deux fois la France. Volez à Saint-Cloud, s’il en est temps encore, ramenez le roi et le dauphin dans vos murs, tenez-les sous bonne garde, et qu’ils vous répondent des événements ; renfermez l’Autrichienne et son beau-frère, qu’ils ne puissent plus conspirer; saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis; mettez-les aux fers; assurez-vous du chef de la municipalité et des {Assemblée uationale.j ARCHIVES PAR lieutenants de maire: gardez à vue le général ; arrêtez l’état-major; enlevez le poste d’artillerie de la rue Verte; emparez-vous de tous les magasins et moulins à poudre; que les canons soient répartis entre tous les districts et que tous les districts se rétablissent et restent à jamais permanents, qu’ils fassent révoquer ces funestes décrets. Gourez, courez, s’il en est encore temps, ou bientôt de nombreuses légions ennemies fondront sur vous, bientôt vous verrez les ordres privilégiés se relever; le despotisme, l’affreux despotisme paraîtra plus formidable que jamais. Cinq à six cents têtes abattues vous auraient assuré repos, liberté et bonheur; une fausse humanité a retenu vos bras et suspendu vos coups: elle va coûter la vie à des millions de vos frères; que vos ennemis triomphent un instant, et le sang coulera à grands flots; ils vous égorgeront sans pitié; ils èventreront vos femmes, et pour éteindre à jamais parmi vous l’amour de la liberté, leurs mains sanguinaires chercheront le cœur dans les entrailles de vos enfants. » M. Defermon. Mon âme n’est pas moins oppressée que celle de M. Malouet des horreurs que nous venons d’entendre. Je demande qu’on joigne les Actes des apôtres et la Gazette de Paris aux auteurs qui viennent de vous être dénoncés. (On applaudit.) M. le curé Royer. Je joins ma voix à celle du préopinant, pour demander que l’auteur de l'Adresse à la véritable armée française, y soit aussi compris. (On entend ces mots du côté droit : tous , tous!). Je demande le renvoi de ces dénonciations au comité des Recherches. (Les membres de la droite disent : au Châtelet , au Châtelet !) Je demande, pour le salut de la patrie, qu’il soit nommé un tribunal particulier, où seront poursuivis les auteurs et fauteurs des mouvements populaires, et tous ceux qui, par leurs écrits, excitent le peuple contre les citoyens ou contre les lois. M. de Croix. J’ai partagé, avec tous les membres de l’Assemblée, l’indignation qu’excitent les déclamations sanglantes de M. Marat; sans doute, l’Assemblée doit chercher à réprimer un tel excès; mais prenons garde, dans un moment d’enthousiasme, de détruire le palladium de là liberté, la liberté de la presse. (Il s'élève à droite beaucoup de murmures). Je suis de l’avis de M-Malouet et j’adopte son opinion, en la restreignant expressément aux auteurs qu’il a dénoncés; mais les Actes des apôtres, mais les autres pamphlets de cette nature, ils ne méritent que le mépris de ceux qu’ils injurient. Je demande donc qu’il soit seulement ordonné au procureur du roi du Châtelet de poursuivre les auteurs des deux imprimés qui vous ont été dénoncés par M. Malouet. M. Malouet fait lecture d’un projet de décret, qui est adopté en ces termes (1) : « L’Assemblée nationale, sur la dénonciation qui lui a été faite, par un de ses membres, d’une feuille intitulée : C’en est fait de nous, et du dernier numéro des Révolutions de France et de Brabant, a décrété que, séance tenante, le procureur du (1) Nous avons reproduit, daus sou intégrité, la version mouvementée du Moniteur. Nous insérons aux Annexes de la séance, p. 454, la version imprimée, publiée par M. Malouet, ainsi qu’une dénonciation de M. de Mirabeau le jeune. EMENTAIRES. {31 juillet 1790.] 4 51 roi au Châtelet de Paris sera mandé, et qu’il lui sera donné ordre de poursuivre, comme criminels de lèse-nation, tous auteurs, imprimeurs et colporteurs d’écrits excitant le peuple à l’insurrection coptre les lois, à l’effusion du sang et au renversement de la Constitution. » M. le Président. M. de La Luzerne vient de me faire passer une adresse du club de Dundée en Ecosse. Un de MM. les secrétaires va vous en donner lecture, « Monsieur, nous, membres du Club-Whig du bourg royal de Dundée, dans le Nord de la Grande-Bretagne, yous prions instamment de vouloir bien présenler à l’Assemblée nationale cette humble adresse, unanimement arrêtée dans notre assemblée. « Le triomphe de la liberté et de la raison sur le despotisme, l’ignorance et la superstition, est un événement intéressant pour les spectateurs les plus éloignés; mais la régénération de votre royaume le devient doublement pour la Grande-Bretagne. En effet, l’exemple des abus que renfermait votre ancienne formé de gouvernement a, dans le dernier siècle, extrêmement nui à la nôtre. Il excjta chez nos princes et chez leurs ministres un désir de puissance qui leur fut souvent nuisible et quelquefois fatal, et qui blessa toujours les intérêts de l’Etat. « Acceptez, Monsieur, nos sincères félicitations sur le rétablissement de votre ancienne et libre Constitution, et nps ardents désirs pour que la liberté s’établisse en France d’une manière immuable. Nous remarquons pour l’honneur du siècle et celui de votre nation, que votre Révolution s’est faite sans guerres civiles, et que ni les domaines inutiles du prince, ni les biens du clergé, n’ont élé distribués à des mains avides ; mais qu’ils ont été employés pour l’utilité de l’Etat, dont ils sont la propriété. Quelques troubles, même quelques actes de violence ont pu accompagner cette grande Révolution ; mais, loin d’y rieu voir de surprenant, il n’est pas de politique qui ne s’étonne de ce qu’ils u’ont pas été plus nombreux* Nous prévoyons avec joie que votre exemple sera universellement suivi, et que la flamme que vous avez allumée consumera dans toute l’Europe les restes du despotisme et de la superstition. « Non seulement nous espérons, mais nous croyons fermement que l’Assemblée nationale de France et le parlement de la Grande-Bretagne s’uniront à l’avenir d’une manière indissoluble, pour assurer la paix et la prospérité des deux Empires, et répandre ces bienfaits sur la surface entière du globe. « Nous vous félicitons d’avoir une armée de citoyens, et un monarque sage qui, en se prêtant, avec tant de bonté, aux vues de son peuple, donne un nouveau luslre à la maisou de Bourbon, et assure la couronne de France sur la tête de sqs descendants. « Daignez, Monsieur, faire agréer cette adresse de la part des membres obscurs d’un Club institué à dessein de célébrer le rétablissement de notre liberté, de garantir et de perfectionner notre constitution politique. Nous habitons une contrée que la nature n’a rien moins que favorisée; notre climat est froid, notre pays montagneux; et cependant, depuis que la Révolution nous a rendu la liberté, nos villes deviennent, de jour eu jour, plus peuplées ; nos habitants plus industrieux ; nos montagnes moins stériles; notre pays enfin plus riche et plus heureux ; et nous n’ayons aucune raison de croire que l’amour de la vertu et du bon ordre