698 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 février 1790.] annonce que c’est avec les transports de la reconnaissance et de l’admiration que les habitants ont entendu au prône la lecture de la sublime et touchante adresse aux Français. Adresse des jeunes citoyens volontaires de la ville de Dijon ; ils supplient l’Assemblée de les assujettir au même régime que les milices nationales. Adresse des habitants de la ville de Sédan, qui, en rappelant que cette ville est la patrie de Tu-renne, regrettent le trop long silence que leurs précédents administrateurs leur ont fait garder dans des circonstances si intéressantes pour tous les Français; ils se félicitent de ce qu’ils ont au moins Davantage que leur adhésion et leur félicitation portent sur un ouvrage qui mérite la vénération des peuples, et touche au terme de sa perfection. Adresse de la municipalité de Nogent-le-Rotrou; elle supplie l’Assemblée d’agréer que M. Mar-gonne, élu maire de cette ville, suspende pour quelques jours les travaux qui l’occupent à l’Assemblée nationale, pour venir présider leurs premières opérations, et y développer, dans des moments si précieux, les principes régénérateurs et politiques qu’il a puisés au milieu des représentants de la nation. Adresse de la paroisse de Ponthumé, près de Châteilerault, et don patriotique de la contribu-tiou des privilégiés pour les six derniers mois 1789. Le curé de cette paroisse, élu maire, a prévenu les décrets de l’Assemblée, en lisant au prône le discours du roi prononcé dans la séance du 4, et l’adresse de l’Assemblée aux Français ; il offre en don patriotique une somme de 150 livres. Adresse du conseil général des membres de la commune de Saint-Hippolyte en Languedoc, qui annoncent que le calme le plus satisfaisant a régné pendant la formation de sa nouvelle municipalité, que les ministres de la religion catholique et protestante ont fait à leurs ouailles respectives la lecture du discours du roi, et que le même jour toutes les rues ont été illuminées par un mouvement d’allégresse générale. Adresse de félicitation de-la commune de Char-leville, sur l’adhésion du roi à la constitution, avec déclaration que les habitants prêtent le serment à la constitution, et que placés sur la frontière du royaume, leur milice nationale, prête à donner des preuves de sa valeur, éloignera les ennemis de la félicité publique, et qu’ils ne parviendront à l’Assemblée nationale, qu’en marchant sur les corps de ses gardes nationales, et' sur les cendres de ses habitations. Adresse de félicitation des citoyens actifs de la ville de Rugles en Normandie, offrant à la patrie la somme de 345 livres 11 s. 9 d. résultant de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et le sacrifice de leurs biens, de h*ur vie même, pour maintenir la constitution, et faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale. A cette adresse est jointe copie du procès-verbal de l’élection des nouveaux officiers municipaux de la même ville. Don patriotique de la maison de M. le duc de Penthièvre, de la somme de 3,000 livres, présenté par M. Délaissé, capitaine garde-côte, l’un de ses secrétaires. M. l’abbé Latyl fait, au nom de MM. de l’Oratoire, professeurs’ de l’école royale de Juilly, un don patriotique de 500 livres en argent, et de plusieurs paires de boucles et autres pièces d’argenterie. 11 dépose aussi sur le bureau le procès-verbal de la prestation du serment civique par les habitants de Montmorency. M. de doeherel, député de Saint-Domingue, annonce à l’Assemblée que les habitants des Gayes, île Saint-Domingue, lui ont adressé une somme de 4,400 livres, qu’ils destinent au soulagement des femmes et des enfants de ceux quiout péri dans l’attaque et la prise de la Bastille; il prie l’Assemblée de trouver bon que cette somme soit déposée entre les mains de M. le maire de Paris. L’Assemblée adopte cet avis, et témoigne combien elle est satisfaite de la générosité des colons. Une députation de la commune deParis (M. l’abbé Millot portant la parole) supplie l’Assemblée d’étendre aux juifs domiciliés dans Paris le décret qui a déclaré citoyens actifs les juifs connus sous la dénomination de portugais, espagnols et avignonnais. M. le Président. L’Assemblée nationale s’est fait un devoir sacré de rendre à tous les hommes leurs droits; elle a décrété les conditions nécessaires pour être citoyen actif : c’est dans cet esprit, c’est en se rapprochant de ces conditions qu’elle examinera, dans sa justice, les raisons que vous exposez d’une manière si touchante en faveur des juifs. L’Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. Une députation de l’armée patriotique bordelaise est admise à la barre. — Nosseigneurs, les citoyens de Bordeaux ne furent pas plus tôt instruits des périls qui vous menaçaient et des projets formés contre la constitution dont vous posiez. les premiers fondements, qu’ils se réunirent tous, sans distinction d’état, de rang, de condition, et s’armèrent pour vous défendre et maintenir votre ouvrage. Les yeux fixés sur vos glorieux travaux, ils n’en mesurèrent l’étendue que pour mieux seconder vos efforts. Toujours prêts à donner leur vie pour les intérêts de la nation et de son roi, leur confiance en votre sagesse est égale à leur respect pour vos décrets. En vous offrant l’hommage de sa reconnaissance, en renouvelant à la loi et au vertueux monarque, restaurateur de la liberté française, Je serment de sa Fidélité, l’armée patriotique bordelaise vient déposer ses alarmes dans votre sein. Le vœu unanime de cette grande cité ne peut vous être présenté d’une manière plus solennelle... Quelques écrivains ont manifesté des opinions erronées sur la traite et la servitude des noirs. D’autres ont hasardé sur notre commerce d’Amérique des idées aussi funestes pour la métropole que pour les colonies. Ardents à profiter de tout ce qui peut favoriser leurs coupables projets, les ennemis du bien public ont propagé ces systèmes dangereux, et soudain nous avons vu tarir les sources du crédit et de la prospérité... C’est une vérité démontrée aux yeux des politiques les moins instruits, que les colonies ne peuvent subsisier sans la conservation de la servitude et de la traite. H est également démontré que le commerce de la France serait anéanti si les colonies cessaient d’exister pour elle, et pour elle seule. Or le commerce est l’agent nécessaire de la marine, de l’agriculture et de» arts. Ces grands objets de l’économie politique [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 février 1790.] forment un tout intimement lié dans ses parties. L’abolition de la servitude et de la traite entraînerait donc la perte de nos colonies : la perte des colonies porterait un coup mortel au commerce, et la ruine du commerce frapperait d’inertie la marine, l’agriculture et les arts. Vous avez consacré, Nosseigneurs , le droit de propriété ; mais la propriété du colon ne serait-elle pas anéantie par l'affranchissement forcé de ses nègres , la plus importante de ses propriétés, et qui seule peut donner du prix aux autres? La propriété des négociants serait-elle assurée? Quatre cent millions avancés aux colons n’ont pour gage que leurs propriétés, leur industrie. Comment le négociant pourrait-il s’acquitter lui-même envers le cultivateur, le fabricant, devenus ses créanciers ? La ruine totale de l’empire serait la suite de cette effrayante révolution... Les grandes vues d’amélioration qui vous dirigent nous encouragent encore à vous adresser nos très humbles représentations sur la compagnie des Indes et sur celle du Sénégal. — Les privilèges exclusifs doivent être restreints aux objets qui exigent des établissements trop dispendieux pour des particuliers même réunis en association. Mais il arriva presque toujours que les compagnies, exerçant elles-mêmes leurs privilèges avec des moyens insuffisants, ne firent qu’arrêter les mouvements et les progrès du commerce ; vérité démontrée surtout à l’égard de ces deux compagnies dont toute la France s'empresse de vous demander la suppression. Nous respectons l’ordre que vous avez établi dans vos travaux ; mais en attendant que vous régliez définitivement tous les intérêts du commerce intérieur et maritime, daignez rassurer, par un décret solennel, les colons sur leurs propriétés, le négociant sur ses opérations, le propriétaire sur ses créances, le cultivateur sur ses travaux, le manufacturier sur son industrie ; daignez surtout rassurer sur ses moyens de subsister cette nombreuse classe d’hommes, aujourd’hui sans occupation, que menaçent et pressent toutes les horreurs du besoin... 11 est instant que vous preniez en considération nos vives alarmes. Le décret que nous sollicitons de votre justice vous assurera de nouveaux droits à la reconnaissance de tous les bons Français. — Des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France avaient aussi été admis à la barre. Un d’eux prononce le discours suivant : Nosseigneurs, la mission qui fixe au près de vous les députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France ne leur a jamais paru plus pénible qu’en cet instant, où, pressés par les plus puissants intérêts, ils sont forcés de déposer clans le sein de votre auguste Assemblée les alarmes qui se répandent dans les ports de mer, dans les manufactures et dans les colonies. Ces colonies, dont les consommations donnent un si haut prix aux produits de nos terres, qui procurent du travail à plusieurs millions d’hommes occupés dans les manufactures ou dans le commerce maritime; qui versent en France 240 millions de leurs denrées, ne peuvent être cultivées que par des noirs nés dans des climats aussi ardents que celui de nos îles. On a souvent éprouvé si des Européens pourraient suppléer ces Africains, et l’expérience a démontré qu’ils trouveraient leur tombeau dans ces terres brûlantes. Vous avez pensé, Nosseigneurs, dans votre sagesse; qu’avant de vous occuper du régime inté-69£ rieur des colonies, il fallait que le vœu de tous les colons fût complètement exprimé; mais ce qui ne peut se différer sans le plus grand danger (même jour le repos de la France), c’est de rassurer tous es individus que le commerce des colonies alimente. Des écrits, qui se répandent et s’accréditent* réveillent parmi nous ces débats si longuement, et peut-être si insidieusement élevés par les Anglais sur la traite des nègres, ce commerce qu’ils font avec tant d’avantage, et qu’ils conserveront avec tant de soin, malgré le projet d’abolition que-quelques écrivains avaient conçu. L’effet de ce projet, qui entraînerait la perte entière de nos� îles, répand dans le commerce le découragement, dans les colonies l’effroi, et parmi les noirs une licence qui peut devenir funeste. On vous a instruits, Nosseigneurs, des excès commis à la Martinique; les nouvelles de Saint-Domingue, la plus riche de nos possessions lointaines, ajoutent aux alarmes qui s’étaient déjà répandues. Des méchants, excités, ou envoyés parles ennemis dubonheurde la France, y causent une effervescence effrayante. Les habitants y tremblent pour leurs propriétés et leur existence. On a saisi des hommes accusés et convaincus de sédition ; et ce mot, dans un pays qui renferme quatre cent mille noirs et trente mille de nos concitoyens seulement, est un mot terrible. Ces hommes bornés, qui n’aperçoivent pas qu’ils seraient errants et subjugués par d’autres maîtres s’ilsemplovaient leurs 'forces contre ceux qui les gouvernent, "peuvent êtreégaréset entraînés parune fureur aveugle. Les députés extraordinaires n’étendront pas,, Nosseigneurs, ces considérations et leurs conséquences; vous sentirez que, si elles sont frappantes en droit, elles le sont bien davantage en politique. Nos rivaux sont attentifs à tout ce qui peut tendre à diminuer nos forces et accroître les leurs; l’Angleterre s’élève, par son commerce,, à un degré de puissance effrayant; le nôtre languit et se dessèche. Nos colonies, nos possessions dans l’inde, nos pêches, notre commerce dans la Méditerranée, ne suffisent pas à notre industrie et à notre population. Nos ateliers sont déserts, nos ouvriers gémissent dans une inaction désespérante. Si des nations étrangères envahissaient encore notre commerce de la traite des noirs, nécessaire à l’accroissement des cultures et des défrichements, qui occupe plus de deux cents vaisseaux, et dont les ventes s’élèvent à 60 millions, elles se rendraient insensiblement maîtresses de tous les approvisionnements des colonies, et en extrairaient tous les produits. Dès lors ces propriétés précieuses s’échapperaient de nos mains et les enrichiraient de nos dépouilles. Au lieu d’accroître nos ressources, serions-nous assez faibles pour les restreindre, assez peu sages pour les détruire, au milieu du peuple le pîus actif et le plus industrieux de l’univers? Les députés extraordinaires espèrent, au contraire, Nosseigneurs, que vos décrets rassureront les agriculteurs et les ouvriers , les commerçants et les colons. Ces décrets montreront à des rivaux ambitieux que votre surveillance embrasse les deux hémisphères ; que leurs projets contre le bonheur et la gloire de la France seront aussi vains qu’impuissants ; que l’agriculture et le commerce vont devenir, par la sagesse de votre constitution, les deux grands pivots de la propriété nationale. Ce que Sully et Colbert n’ont fait qu’ébaucher, vos lois le consommeront; et sur le tronc d’une sage liberté fleuriront ces deux branches immortelles delà prospérité française. Ceux