248 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. envoie une députation à Poissy et à Saint-Germain. Divers membres ont offert de s’y transporter pour calmer la fureur populaire, et à l’instant sont partis : MM. De Lubersac, évêque de Chartres ; Massieu, curé de Sergy ; Choppier, curé de Flius ; Le comte de Latouche ; Le chevalier deMauletle; MM. Perrier ; Camus ; Millon de Montherlant; Hell; Schmits ; dry. M. le Président dit : M. le marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies, s’étant aperçu qu’à l’avant-dernière séance, on avait improuvé qu’il eût parlé à l’Assemblée nationale la tête couverte (quoique cet usage soit fort ancien), a résolu, pour ne pas lui déplaire, d’apporter les ordres du Roi d'une manière plus convenable à la majesté du lieu. M. Bessin, procureur au Châtelet, commandant la garde bourgeoise du district de Saint-Méry, est introduit dans l’Assemblée, et lui adresse la parole en faveur des malheureux habitants du faubourg Saint-Antoine, qui, depuis cinq jours qu’ils avaient quitté leurs travaux pour la patrie, étaient sans pain. Messieurs, s’écrie M. Bessin, vous êtes les sauveurs de la patrie, mais vous-mêmes vous avez des sauveurs!... Ce sont les hommes intrépides qui viennent de prendre la Bastille. Ges premières paroles fixent l’attention de l’Assemblée. Elle écoule avec intérêt le récit que fait l’orateur des actions courageuses des habitants du faubourg Saint-Antoine ; il expose ensuite avec chaleur les besoins urgents qui les tourmentent, et le premier il excite la générosité des représentants de la nation en déposant sa bourse sur le bureau pour soulager à l’instant même cette partie des vainqueurs de la Bastille. M. l’archevêque de Paris appuie fortement les représentations de M. Bessin. M. le Président invite les membres qui composent la députation de Paris à se réunir pour délibérer sur les moyens d ■ procurer aux ouvriers du faubourg Saint-Antoine les secours dont ils ont besoin. On lit le résultat du recensement des trente scrutins pour la nomination du président. Personne n’a réuni la majorité absolue. MM. de la Rochefoucauld, de Clermont-Tonnerre, de Montesquiou et de Liancourt ont réuni le plus de suffrages. — On retourne aux bureaux pour procéder à un second scrutin. Des lettres de M. le maréchal de Noailles apprennent à l’Assemblée des détails très-circonstanciés de la malheureuse affaire de Poissy et de Saint-Germain. Dans le même instant, les députés du Dauphiné communiquent des lettres qui leur annoncent que le renvoi de M. Necker a causé un soulèvement général dans leur province; que tous les habitants ont pris les armes pour défendre leur liberté et celle de leurs représentants. M. le chevalier de Boufflers entre dans l’Assemblée pour annoncer que le peuple vient de [18 juillet 1789. j saisir, à la porte même de la salle, deux hussards soupçonnés de quelques mauvais desseins, et qu’il parle de les pendre. Plusieurs députés se précipitent pour courir à la défense de ces malheureux accusés. Le peuple les cède volontiers aux représentants delà nation qui les conduisent dans une des salles, et donnent des ordres pour leur sûreté. Plusieurs membres demandent que l’Assemblée s’occupe des moyens les plus prompts pour rétablir et maintenir la tranquillité publique. M. Martineau dit que le meilleur moyen est d’établir dans tous les lieux des milices bourgeoises. Quelques membres pensent que les maréchaussées suffiraient pour maintenir l’ordre daus les campagnes. D'autres veulent qu’on emploie le secours des troupes, et qu’on les répartisse dans les villes et les campagnes. M. de Volney et d’autres membres s’opposent fortement à cette dernière proposition. Rappeler les troupes dans ce moment, dit M. de Volney, c’est rappeler les alarmes; il faut employer ses propres forces, et intéresser les peuples à leur propre conservation. Plusieurs membres, entre autres MM. Chapelier, Buzot, de Custine et l’évêque de Montpellier soutiennent le projet d’établissement de milices patriotiques; ils font voir les avantages qu’elles procureront sous la direction des officiers municipaux. On discute quelque temps cette question, qui tombe ensuite, sans que l’Assemblée délibère à ce sujet. Le second scrutin pour l’élection du président. n’a donné la majorité à aucun de ses membres. Le plus grand nombre de voix s’est partagé entre MM. de la Rochefoucauld et de Liancourt. On procède incontinent à un troisième, et le résultat est en laveur de M. Liancourt, qui a réuni 600 voix sur 800. On fait lecture de deux adresses des villes de Cérèmes dans le Cotentin, et de Machecoul. On lit ensuite une adresse des habitants de la ville de Grenoble, ainsi conçue : « Les habitants de la ville de Grenoble, considérant l’état actuel des affaires et la désolation que la nouvelle de la disgrâce des ministres a répandue dans leur province, protestent contre tout ce qui s’est passé à la séance royale ; regardent en conséquence comme nulfes et anticonstitutionnelles les deux déclarations que l’on a surprises à la religion du monarque ; adoptent dans toutes ses parties la protestation de l’Assern-blée nationale, en date du 23 juin dernier. » M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le comte d’Escars, député de la noblesse du Haut-Limousin, qui donne sa démission par raison de santé, et demande que son suppléant soi: admis. La séance est levée et renvoyée au lundi matin.