756 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M. le Président. L'ordre du jour et la suite de la discussion sur les ordres religieux et sur les chanoinesses régulières. M. Treîlhard, rapporteur. Dans votre séance du 8 septembre, vous avez adopté l’article 1er du titre Ier. Dans la séance du 9, les articles 2 à 18 ont été décrétés. Ces derniers articles comprennent un article 9 nouveau. L’Assemblée aurait donc à délibérer aujourd’hui sur les arlicles .18, 19, 20, 21 et 22 du projet primitif; mais comme les articles 18 et 19 anciens concernent les ordres mendiants, nous vous proposons de passer tout de suite à l’article 20 (ancien) du projet. J’en donne lecture : « Art. 20. Aussitôt que les religieux seront arrivés dans les maisons à eux indiquées, ils choisiront entre eux, au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans une assemblée qui sera présidée par un officier de la municipalité, un supérieur et un procureur ou économe, lesquels seront renouvelés tous les deux ans, de la même manière : pourront néanmoins les mêmes personnes être réélues autant de fois qu’il plaira aux autres membres de la maison. » M. Martineau. Je demande qu’aux mots : officier de la municipalité , on substitue ceux-ci : un membre du district. Plusieurs voix : La question préalable sur cet amendement. L’Assemblée prononce qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement. L’article 20 est adopté. M. Treîlhard, rapporteur , lit l’article 21 (ancien). « Art. 21. Immédiatement après lesdites élections, les religieux feront dans chaque maison, à la pluralité des voix, un règlement pour fixer les heures des offices, des repas, de la clôture des portes, et généralement tous les autres objets de leur police intérieure. Une expédition dudit règlement sera déposée dans le jour au greffe du district, et à celui de la municipalité qui sera tenue de veiller à son exécution. » M. l’abbé Mayet. Je demande d’ajouter à l’article, la disposition suivante : « Sans préjudice de la subordination que tout prêtre doit à l’évêque diocésain. » M. Chasset. Cet amendement aurait pour objet d’enlever aux religieux toute indépendance vis-à-vis de l’évêque; j’en demande l’ajournement. (L’ajournement est prononcé.) M. l’abbé Bourdon. Il est indispensable d’introduire dans l’article une disposition portant que le règlement sera autorisé par l’évêque diocésain ; sans cela il n’y aurait plus ni hiérarchie, ni discipline. (Cet amendement est vivement appuyé et combattu.) (Le rapporteur demande la question préalable qui est prononcée.) (L’article 21 est ensuite adopté sans changement.) M. Treilhard, rapporteur , lit l’article 22 (ancien) en ces termes : |14 septembre 1790. J « Art. 22. Les costumes particuliers de tous les ordres religieux demeurent abolis. » M. de Beauharnais ( ci-devant le vicomte). Je propose l’amendement suivant : « Il sera libre à tous ecclésiastiques, hors de leurs fonctions, de prendre le costume qu’ils jugeront à propos. » M. Bobesplerre. Mon opinion est très déclarée sur le costume des ci-devant religieux et des ecclésiastiques en général; mais si je crois qu’il doive être aboli, ce n’est point un motif injurieux et particulier aux ecclésiastiques qui me détermine. Il suffit que les ecclésiastiques soient maintenant citoyens; il me suffit que la redoutable corporation du clergé soit anéantie par la volonté générale; je ne les regarde que comme des citoyens; je crois qu’il serait injuste et inconséquent de ne les regarder que comme une classe suspecte et en quelque sorte proscrite. C’est parce qu’aucune espèce de fonctionnaires publics ne peut être distinguée dans la société par aucun costume particulier, hors de l’exercice de ses fonctions; c’est parce que cet usage favoriserait l’esprit de corps, l’esprit de morgue et de despotisme, que le costume des ecclésiastiques doit être supprimé hors de leurs fonctions. Car, dans l’ordre social, les ministres du culte ne sont que des fonctionnaires publics; ils doivent être soumis aux mêmes principes que les autres fonctionnaires publics; et comme l’administrateur, le juge, le législateur lui-même ne porte aucun costume, c’est-à-dire aucune des marques qui annoncent leur autorité ou leur caractère public, le prêtre ne doit pas jouir seul de ce privilège. Tout ce que l’on pourrait faire en faveur des préjugés, que l’empire de Thabitude ou des préjugés religieux pourraient justifier, ce serait de ne pas en faire actuellement une loi stricte et impérieuse; mais de décréter seulement que les religieux et les ecclésiastiques, hors de leurs fonctions, ne seront point astreints à porter un costume particulier. M. de Bonnal, évêque de Clermont. Messieurs, quoique la robe ne fasse pas le moine , cependant le costume influe beaucoup sur la régularité des mœurs, et le moyen n’est pas inutile dans un siècle corrompu. Les lois ecclésiastiques assujettissent les religieux à la décence du costume. Quant à moi, quel que soit le décret que vous rendrez, on m’arrachera plutôt mon habit que de m’empêcher de le-porter. M. l’abbé Boyer. Je répondrai au préopinant que l’auteur de la religion chrétienne a reproché plusieurs fois aux scribes et aux pharisiens d’affecter de porter un habit particulier. (La discussion devient orageuse et confuse). M. Bœderer. L’article pourrait se borner à spécifier que les ecclésiastiques sans place ne seront tenus de porter un habit particulier que dans l’exercice des fonctions de leur état. M. Treilhard. Les dispositions déjà décrétées sur la réunion de religieux de divers ordres, dans certaines maisons, vous conduisent forcément à l’abolition des divers costumes. M. Chasset présente une rédaction nouvelle de l’article : Les religieux, non plus que les autres ecclésiastiques, ne pourront être tenus déporter [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1790.] 757 un habit particulier hors l'exercice de leurs fonctions . Un membre demande la suppression du mot : ecclésiastiques. M. l’abbé Jallet. Toute cette discussion est bien inutile et prouve l’inutilité de l’article. Je propose de l’écarter par la question préalable. L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer. Les divers amendements sont successivement repoussés. M. Treilhard, rapporteur, donne une nouvelle rédaction qui est enfin décrétée en ces termes : « Art. 22. Les costumes particuliers de tous les ordres religieux demeurent abolis; en conséquence, chaque religieux pourra se vêtir comme bon lui semblera. » M. le Président lève la séance à minuit. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mercredi 15 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. d" Rozel, ancien capitaine des vaisseaux du roi, fait hommage à l’Assemblée des trois premières estampes de la collection qu’il a entreprise, des principaux combats de mer qui ont eu lieu dans la dernière guerre. M. Camus. Cette entreprise est un véritable monument national. L’Assemblée, pénétrée de la nécessité d’encourager les arts, ne se refusera pas d’ordonner le renvoi de la lettre au comité des pensions. (Ce renvoi est décrété.) M. d’André dit'que le zèle connu des sections de Paris les déterminera probablement à émettre un vœu sur les assignats et à demander à en présenter le résultat à la barre. Sur sa proposition, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée, considérant qu’elle se doit de ne pas employer à entendre les observations particulières, des moments que les opérations les plus urgentes et de l’intérêt le plus général réclament de tous côtés ; qu’en établissant des comités, elle s’est créé des moyens sûrs de recueillir et de se faire présenter en masse des résultats certains de l’opinion publique : a décrété que les pétitions des sections de Paris au sujet de l’émission des assignats seraient renvoyées au comité des finances. » M. l’abbé d’Eymar, député du bailliage d’Ha-guenau, demande à l’Assemblée la permission de s’absenter pour six semaines, pour raisons de santé. L’Assemblée accorde ce congé. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. Bouche, membre du comité de vérification, expose que le sieur ci-devant vicomte de La Queuille, député de la sénéchaussée de Tulle, a donné sa démission, qui a été acceptée ; que son suppléant devait être le sieur de Lentiliac-Sé-dières; mais que celui-ci ayant renoncé à remplir les fonctions de député, c’était le sieur abbé de Lacombe qui se trouvait en rang pour le remplacer ; que ses pouvoirs ont été vérifiés et trouvés en règle, et que le comité a pensé que le sieur abbé de Lacombe est dans le cas d’être admis dans l’Assemblée. (L’Assemblée décrète l’admission de M. de Lacombe à la place de M. de La Queuille.) M. l’abbé Bourdon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. Le procès-verbal est adopté. Un membre du comité des rapports demande que l’Assemblée ordonne un sursis pour le jugement de M. de Riston, conseiller au parlement de Nancy. M. de Riston est poursuivi aux requêtes de l’hôtel comme falsificateur d’arrêts; mais il se plaint que le tribunal viole les décrets de l’Assemblée nationale relatifs à la nouvelle procédure criminelle. M. JLanjuînais. Je prie de fixer une séance extraordinaire pour cette affaire qui est urgente. M. Camus. Cette demande est contraire à tous les principes ; le Corps législatif ne peut pas s’arroger le pouvoir judiciaire; il ne doit pas interrompre les juges dans leurs fonctions; s’ils prévariquent, nous les rappellerons à leur devoir. Je demande qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Henry, ci-devant de Longuève. Votre comité de judicature doit vous rendre compte d’une affaire, qui, sans un ordre particulier de votre part, n’eut point été de sa compétence. Deux compagnies s’étaient rendues adjudicataires des droits de la ci-devant province de Bretagne ; elles ont eu des contestations. Il est intervenu plusieurs arrêts dont elles ont appelé. Une commission a été nommée; les parties intéressées ont consulté le comité de Constitution au sujet de cette commission : le comité a répondu qu’il n’existait aucun décret qui arrêtât le cours des fonctions des commissaires nommés par le conseil. Nonobstant cette décision, la chambre des vacations de Paris a rendu deux arrêts. Votre comité vous propose de les déclarer nuis et non-avenus, et d’ordonner que la commission continuera ses fonctions jusqu’à son jugement définitif. M. Lanjuinais. Plusieurs motifs doivent déterminer l’Assemblée à ne pas prendre légèrement un parti sur cette affaire. Vous avez aboli les commissions, pouvez-vous autoriser la pro rogation de celle-ci? Je demande l’ajournement sur la proposition qui vous est faite. L’ajournement est décrété en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de judicature, a ajourné la question relative à la commission établie pour juger les contestations des fermiers des devoirs de Bretagne. » M. Henry, ci-devant de Longuève, propose, au nom du comité des rapports, relativement à l’attribution de la connaissance des troubles ar-