74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1790.] Messieurs, il existe à Ingrande, ville frontière de la Bretagne et de l’Anjou, un bureau des traites. Une portion égarée du peuple s’est portée, le 28 juin dernier, contre ce bureau dans l’intention de le détruire. Le projet avait pour objet d’enlever plusieurs bateaux qui avaient été arrêtés pour s’être soustraits au payement des droits; mais la surveillance de la municipalitéd’Ingrande mit obstacle à cette première tentative des émeu-tiers. La municipalité requit le secours de la garde nationale dont une partie refusa d’obéir, sous prétexte qu’elle ne voulait pas protéger des commis du bureau des traites. Un renfort de 30 dragons fut appelé d’Àncenis; néanmoins, la municipalité ne put empêcher le lendemain l’enlèvement des bateaux par le peuple soutenu par des mariniers de Chalonnes en Anjou. Le procès-verbal de la municipalité porte, en même temps, que le peuple força, sous peine de la vie, Jes officiers municipaux rassemblés à l’hôtel de ville, à renvoyer les dragons. Dans cet état, la municipalité demande la poursuite des coupables, et c’est pour réprimer ces excès que votre comité vous propose un projet de décret. Plusieurs membres présentent quelques courtes observations. Le décret suivant est ensuite rendu : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports, de l’événement arrivé à Ingrande le 29 juin dernier, et de ce qui l’a accompagné et suivi, approuve la conduite de la municipalité de ladite ville ; déci ète que son président se retirera par devers le roi, pour prier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pourqu’i) soit in forméfet jugé, par le présidiald’An-gers, sur les faits consignés dans le procès-verbal des officiers municipaux d’ingrande, en date du 29 juin, et qu’à cet effet, les pièces remises au comité des rapports seront envoyées sans délai au procureur du roi du même siège. » M. de Crillon l'aîné { ci-devant le marquis), propose, au nom du comité militaire, un ‘projet de décret sur V affaire du régiment de Poitou. D’après le procès-verbal des officiers, qui a été communiqué aux soldats et qu’ils n’ont pu contredire, les soldats de ce régiment ont nommé des commissaires pour s’informer de l’état de la masse où ils croyaient trouver 40,000 francs; comme la masse était absolument vide, ou a entouré le lieutenant-colonel, on l’a saisi et conduit en prison, là on lui a fait souscrire des billets pour quarante mille francs. M. Palasnede Champeaux blâme la conduite du régiment, mais il pense qu’il est excusable sous divers points de vue et propose d’adoucir diverses dispositions du décret dont l’une consiste à retrancher le mot insurbor donné. M. de Marinais demande que le projet soit fait aux fauteurs et instigateurs de ces désordres suivant les ordonnances militaires, car, sans cette sévérité salutaire, l’armée tomberait dans une décomposition telle que tous les citoyens seraient obligés de s’armer pour courir sus” aux soldats, comme sur des bêles féroces. M. d’Estourmel demande qu’on substitue aux mots : improuvant la conduite , ceux-ci : indignée de l'égarement. M. du Châtelet annonce à l’Assemblée l’insubordination de la garnison de Nancy qui n’est pas encore rentrée dans l’ordre et conclut à un grand exemple. M. de La Gallissonnière dit que s’il est dù 40,000 livres au régiment, il faut les lui faire remettre; mais que s’il a extorqué ce qui ne lui est pas dû, il faut faire rendre aux soldats sur leur augmentation de paye. M. Gaultier de Bianzat demande que, pour calmer les inquiétudes du régiment, on annonce dans le décret qu’il sera statué sur la réclamation. (Ces divers amendements sont rejetés. ) Le projet du comité est décrété en ces ternies : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, improuve }a conduite insubordonnée dessous-officiers et soldats du régiment de Poitou, infanterie, ainsi que les violences dont ils se sont rendus coupables, contre le sieur de Bévy, leur lieutenant-colonel : décrète que si ledit sieur de Bévy n’est pas déjà en pleine liberté, il y sera remis immédiatement; que les huit billets qu’il a été forcé de signer, jusqu’à la concurrence de 40,000 livres, sont nuis, incapables de l’obliger et de produire aucune action contre lui; que ceux qui les ont reçus sont tenus de les rendre, ou de déclarer ïq disposition qu’ils en ont faite, et, en ce cas, d’en représenter la valeur, le tout dans 24 heures, sous peine de prison ; sauf les réclarpations qui pourraient être faites, légalement, soit contre le lieutenant-colonel, soit contre tous autres officiers du régiment; eh exécution de i’grticle 3 du décret du 6 de ce mois. « Décrète que son Président se retirera dans le jour devers le roi, pour prier Sa Majesté de sanctionner le présent décret, et de donner des ordres pour qu’il soit exécuté et envoyé à tous les régiments de l’ariuée. » Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une adresse faite par le sieur Gallet, prêtre et sous-principal du pensionnat du collège de Vienne, par laquelle il supplie l’Assemblée nationale d’agréer l’hommage qu’il lui fait d’un cours d’institution nationale, à l’usage des jeunes citoyens, ouvrage de sa composition. M. le Président annonce que le résultat des scrutins pour l'élection des secrétaires et du président de l'Assemblée. Les trois secrétaires élus pour remplacer MM. Rewbell, Goster et Boutteyilie-Durnetz, sont MM. ûelacour-d’Ambezieux, Buzot et Dinocheau. M. Dauchy et M. Dinocheau ont eu le même nombre de suffrages, mais M. Dinocheau se trouve élu comme plus ancien d’âge. Le scrutin pour l'élection du président n’a pas donné de résultat. Les suffrages se sont répartis entre MM. Dupont (de Nemours), de Jessé et de Richier. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité des recherches sur les nouveaux troubles de la ville de Schelestadt en A lsace. M. Henry {ci-devant de Longuève), député