[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] 655 M. Enjubanlt de La Roclie présente ensuite un autre projet de décret relatif aux principes applicables aux domaines de la couronne (1). Messieurs, la première opératicm du comité des domaines, en se mettant en activité, a été de se tracera lui-même un tableau fidèle des principes de droit public et politique, des lois civiles et des règlements particuliers qui doivent régir cette portion intéressante des richesses nationales. Cette première esquisse a suffi à ses résultats, tant qu’ils ont été renfermés' dans l’intérieur du comité; mais aujourd’hui qu’il va faire paraître ses travaux au grand jour, et soumettre ses avis particuliers au jugement sévère et sûr de l’Assemblée nationale, il est obligé de lui exposer ses principes, afin qu’elle veuille bien imprimer le sceau de son approbation à ceux qu’elle en jugera dignes, et les ériger en lois. Avec de telles bases, le travail du comité sera aussi simple, que sa marche deviendra sûre. On trouverai dans le décret qu’il propose, quelques articles déjà décrétés par la nation, et acceptés ou sanctionnés par le roi; mais le comité n’a pas cru devoir les retrancher de ce plan général; parce que leur omission le rendrait incomplet et briserait la chaîne qui, liant toutes les maximes les unes aux autres, en forme un ensemble, dont l’unité fait la principale force. Le comité des domaines a déjà fait imprimer et distribuer dans les bureaux, le rapport qu’un de ses membres lui a fait sur cette matière importante. Il se trouve dispensé par là de faire précéder son projet de décret d’aucun développement. 11 se contentera d’ajouter, à la fin du plan proposé, des notes relatives aux articles qui pourraient faire désirerquelques éclaircissements. Il tâchera de donner les autres lors de la discussion. Pour procéder avec quelque méthode, le comité a divisé son plan en sept paragraphes : Le premier traite de la nature du domaine public et de ses principales branches ; Le second, des conditions auxquelles il peut être aliéné ; Le troisième, des aliénations irrégulières; simplement révocables ou radicalement nulles ; Le quatrième, des apanages ; Le cinquième, des échanges ; Le sixième, des engagements, des dons et concessions à titre gratuit ou rémunératoire, et des baux à rente ou à cens ; Et le septième renferme plusieurs règles ou maximes générales applicables aux diverses espèces d’aliénation. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale considérant : 1° que le domaine de la couronne a formé, pendant plusieurs siècles, la principale et presque l’unique branche de la richesse nationale, et qu’il a longtemps suffi aux dépenses ordinaires du gouvernement : que, livré, dès le principe, à une administration vicieuse, le domaine public, sur lequel reposait alors la prospérité de l’Etat, se serait bientôt anéanti si ses pertes continuelles n’avaient été réparées de différentes manières, et surtout par la réunion des biens particuliers des princes qui ont successivement occupé le trône; 2° Que le domaine public, dans son intégrité et avec ses divers accroissements, appartient à la nation : que cette propriété est la plus parfaite qui puisse exister, puisqu’elle ne peut être restreinte ni modifiée par aucune autorité supérieure : que la faculté d’aliéner, qui en est un attribut essentiel, réside également dans la nation, et que si;quelque loi, émanée d’elle, en avait suspendu l’exercice ; comme elle n’aurait eu que la volonté générale pour base, elle serait sur-le-champ anéantie par la simple expression d’une volonté contraire; 3° Que le produit du domaine est aujourd’hui trop au-dessous des besoins de l’Etat pour remplir sa destination primitive ; ia maxime de l’ina-iiénabilité, devenue sans motifs, serait encore préjudiciable à l’intérêt public; puisque des possessions foncières, livrées à une administration générale, sont frappées d’une espèce de stérilité; tandis que, dans la main de propriétaires actifs et vigilants, elles se fertilisent, multiplient les subsistances, animent la circulation et enrichissent l’Etat; 4° Que toute concession, toute distraction partielle du domaine public est essentiellement nulle ou révocable, si elle est faite�ans le concours delà nation ; qu’elle a, sur les biens ainsi distraits ou concédés, la même autorité et les mêmes droits que sur ceux qui sont restés dans la main du roi: que ce principe, qu’aucun laps de temps ne peut affaiblir, s’étend à tous les objets réversibles à la couronne, et ne peut souffrir d’exception ni de modification, parce que les droits d’un cessionnaire, quelque favorable que soit son titre, ne peuvent jamais être plus étendus, ni d’une autre nature que ne le sont ceux dont ils émanent ; Considérant enfin que ce principe, exécuté d’une manière trop rigoureuse, pourrait avoir de grands inconvénients dans l’ordre civil, et causer une infinité de maux partiels qui influent toujours plus ou moins sur la somme du bien général; qu’il est de la dignité d’une grande nation et du devoir de ses représentants d’en tempérer la rigueur et d’établir des règles fixes, propres à concilier l’intérêt national avec celui de chaque citoyen ; Après avoir entendu le rapport du comité des domaines, a décrété et décrète ce qui suit : § 1er. De la nature du domaine de la couronne , et de ses principales branches (a). Art. 1er. Le domaine de la couronne, proprement dit, s’entend de toutes les propriétés foncières et droits réels qui sont dans la main du roi, et qu’il administre comme chef de la nation. Art. 2. Les biens et droits domaniaux réversibles à la couronne, conservent leur nature à quelque titre qu’ils en aient été distraits, ou qu’ils aient été concédés. Art. 3 {b). Les chemins publics, fleuves et rivières navigables, les îles et îlots qui s’y forment, les rivages de la mer, les ports, les havres, les rades, etc., et en général toutes les portions du territoire national dont la propriété n’est à personne, et dont l’usage est commun à tous, sont considérés comme des dépendances du domaine public. Art. 4. Les successions vacantes par défaut d’héritiers, celle des bâtards décédés sans enfants légitimes, et celles des étrangers non naturalisés, dans le cas où le droit d’aubaine subsiste encore, sont dévolues au roi, comme chef de 1a (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] 05g [Assemblée nationale.] nation, dans toute l’étendue du royaume, non obstant tous règlemenîs et possessions contraires ; et les propriétés foncières et droits réels, en dépendant, seront, à l’avenir, réunis de droit au domaine de la couronne. Art. 5 (c). Les murs remparts, fossés et glacis des villes et bourgs, entretenus aux frais de l’Etat, ainsi que tous ceux dont l’administration du domaine est en possession paisible depuis 10 ans révolus, ou en vertu de titres authenliques et en bonne forme, font partie du domaine de la couronne. Art. 6 {d). Les propriétés foncières du prince qui parvient au trône, et celles qu’il acquiert pendant son règne, à quelque titre que ce soit, sous la seule exception comprise en l’article suivant, sont de plein droit unies et incorporées au domaine de la couronne, et l’effet de cette réunion est perpétuel et irrévocable. Art. 7. Les acquisitions faites par le roi à titre singulier, et non en vertu des droits de la couronne, sont et demeurent, pendant son règne, à sa libre disposition ; et ledit temps passé elles se réunissent de plein droit et à l’instant mêmeau domaine de la couronne. g 2. — Comment et à quelles conditions le domaine de la couronne peut être aliéné. Art. 8. Tous les domaines de la couronne, sans aucune exception, peuvent, dans les besoins de l’Etal, être vendus et aliénés à titre perpétuel et incommutable, en vertu d’un décret spécial des représentants de la nation, sanctionné par le roi, sous les réserves et modifications comprises aux articles suivants : Art. 9. Les droits honorifiques et utiles inhérents à la couronne, ou directement émanés du droit de souveraineté, et notamment tous ceux qui participent de la nature de l’impôt, sont incessibles et incommunicables. Toutes concessions de ce genre, à quelque titre qu’elles aient été faites, sont nulles, en tous cas révoquées par le présent décret. Art. 10. Les droits et perceptions de toute espèce, réunis au domaine par l’article précédent, seront à l’avenir, du jour de la promulgation du présent décret, administrés, régis et perçus par les agents et préposés du gouvernement, dans la même forme et à la charge de la même comptabilité que ceux dont la régie et perception leur est actuellement confiée. Défenses sont faites aux officiers, fermiers et régisseurs des princes apanagistes, des engagistes, échangistes, concessionnaires et autres détenteurs, de continuer de s’y immiscer, à peine de concussion, et il sera pourvu à l’indemnité des détenteurs évincés, dans les cas où elle pourrait être juste et raisonnable. Art. 11. Les sommes que le roi pourrait avoir payées pour rentrer dans les droits ainsi concédés, seront rendues ou compensées avec les indemnités qui se trouveraient dues ; et les obligations qu’il pourrait avoir contractées aux mêmes fins, seront nulles et de nul effet, comme consenties sans cause. Art. 12. Les forêts en grande masse, les futaies qui, quoique moins considérables, sont situées dans le voisinage des places fortes et maritimes, ou à portée des rivières et canaux navigables, seront conservées; et à l’égard des taillis, bouquets, boqueteaux, buissons et petits bois épars, ils seront conservés ou vendus, selon qu’il sera jugé utile, d’après les instructions et renseignements que le Corps législatif se sera procurés, et après avoir pris l’avis motivé des assemblées de département. Art. 13. Il sera incessamment proposé un plan d’administration pour le régime, aménagement, conservation et amélioration des bois et forêts qui ne seront pas aliénés. Art. 14. Tous les droits féodaux et les droits réels ou fonciers appartenant au domaine, sont supprimés ou rachetables, conformément aux précédents décrets de l’Assemblée nationale, d’après les règles qui ont été ou seront par elle établies sur cette matière; et la liquidation des droits rachetables se fera avec les officiers de la municipalité dans le ressort desquels ils doivent être acquittés. Les officiers municipaux ne pourront procéder à cette liquidation qu’avec l’autorisation des assemblées administratives, ou de leur directoire, ainsi qu’il a été réglé pour les biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques ou gens de mainmorte. Art. 15. Le prix des droits rachetables dus aux domaines de la couronne, qui sont dans la main du roi, et aux domaines qui y sont réversibles, ne sera versé qu’à la caisse de l’extraordinaire, à peine de nullité; et l’intérêt du prix du rachat des droits dus aux domaines réversibles, sera payé aux apanagistes et autres détenteurs, jusqu’à la résolution ou révocation de leur titre primitif, au même denier que le rachat en aura été fait. L’Assemblée nationale se réserve de statuer ultérieurement sur l’emploi du prix desdits rachats. Art. 16. Tout décret qui ordonnera l’aliénation d’une portion quelconque des domaines de la couronne, indiquera d’une manière expresse et spéciale l’objet à aliéner, sa nature, sa situation ; il réglera aussi le mode et le terme du paiement, et il en déterminera l’emploi. Art. 17. Ce décret sera rendu public par les voies et avec les formalités que la Coustitution a prescrites pour la promulgation des lois et décrets émanés du Corps législatif, et d’après l’organisation de l’ordre judiciaire. Art. 18. L’adjudication sera précédée d’une description détaillée et estimative faite par experts, après affirmation préalable, et il sera rédigé des procès-verbaux en bonne forme, qui justifieront l’exactitude de l’opération. Art. 19. Les conditions et les jours de la vente et adjudication seront annoncés par trois publications et autant d’affiches aux lieux indiqués par le décret. Art. 20. Les experts seront choisis et reçus, les enchères seront admises et l’adjudication sera faite par le directoire du département où le chef-lieu de ce domaine sera situé, ou par tel autre directoire que le Corps législatif jugera à propos de commettre. Art. 21. Les biens domaniaux ne pourront être vendus et définitivement adjugés au-dessous du prix porté par l’estimation. Art. 22. L’adjudication définitive n’aura lieu qu’après trois remises qui seront au moins de quinzaine chacune. Il y sera procédé à la chaleur des enchères et à l’extinction des feux. Ils ne seront allumés que lorsque les enchères auront fait monter le prix au denier vingt du produit annuel de l’objet mis en vente. Après la dernière enchère, il sera allumé un nouveau feu, et l’adjudication ne sera prononcée que lorsque le dernier feu se sera éteint sans qu’il ait été mis de nouvelles enchères. Art. 23. L’adjudicataire sera tenu de donner bonne et suffisante caution, qui s’obligera eoli- [Assemblée nationale.] ARCHIVES P/ clairement avec lui à l’exéeution de toutes les clauses et conditions de l’adjudication. Art. 24. Après l’adjudication définitive il ne pourra être reçu de tiercement, s’il nVst fait dans les vingt-quatre heures de l’adjudication, et s’il n’est au moins du tiers du prix principal, auquel cas l’adjudication défiuitive sera remise à la quinzaine pour tout délai. Art. 25. Après cette nouvelle adjudication il ne sera reçu d’enchère que par doublement. Elle ne pourra être moindre que de la moitié du prix de l’adjudication, ni être reçue que dans la huitaine, sauf néanmoins le doublement du prix total des adjudications définitives, qui pourra être reçu dans les six mois de la date d’icelles; et dans tous les cas, celui qui demeurera adjudicataire donnera caution solidaire, aux termes de l’article précédent. Art. 26. Les municipalités et tous les agents intermédiaires auxquels l’aliénation des biens domaniaux pourra être confiée, seront tenus d’observer, en y procédant, les formalités prescrites par le présent décret, en tout ce qui pourra les concerner, sans préjudice des formes particulières, auxquels ils pourront être soumis. § 111. — Des aliénations irrégulières , de la nullité ou révocation d'icelles. Art. 27. Tous actes et contrats d’aliénation des domaines et droits domaniaux faits et passés jusqu’à ce jour sans le concours ou le consentement formel des représentants de la nation, sont et demeurent révocables à perpétuité; et chacun desdits actes et contrats seront -ou pourront être annulés et révoqués toutefois et quantes, en vertu d’uu décret spécial du Corps législatif. Art. 28. Les actes et contrats de la nature de ceux exprimés dans l’article précédent, qui seraient faits et passés postérieurement au présent décret, sans l’autorité des représentants de la nation, et au mépris des formes ci-dessus prescrites, seront radicalement nuis, et ceux qui les auraient passés, obtenus ou consentis, seront oursuivis et condamnés comme usurpateurs des iens domaniaux. Art. 29. Le domaine de la couronne est imprescriptible de sa nature, et aucun laps de temps, aucunes fins de non-recevoir ou exceptions, pas même celles résultant d’arrêts ou jugements en dernier ressort, n’ont pu et ne pourront à l’avenir couvrir le vice des aliénations nulles ou révocables, mentionnées dans les deux articles précédents. * Art. 30 (e). L’Assemblée nationale excepte néanmoins des dispositions de l’article précédent : 1° les contrats d’échange faitsetconsommés sans fraude, fiction ni lésion, avant la convocation de l’Assemblée nationale; 2° les ventes et aliénations pures et simples, sans clause de rachat, antérieures à l’ordonnance du mois de février 1566; 3° les inféodations, dons et concessions à titre gratuit ou rémunératoires, sans clause de réversion, d’une date plus ancienne que ladite ordonnance. Art. 31. Elle réglera incessamment par un décret particulier les formes de la réunion au domaine, des objets qui y sont réversibles; et elle déterminera les juges qui devront connaître des contestations que l’exécution du décret de réunion pourrait occasionner. Art. 32. Tout domaine dont l’aliénation aura été révoquée ou déclarée nulle en vertu d’un décret spécial du Corps législatif, pourra, s’il est ainsi 4re Série, T. XII. LEMENT AIRES. [10 avril 1790.] 657 ordonné, être sur-le-champ mis en vente avec les formalités ci-dessus prescrites, et à la charge par l’acquéreur d’indemniser le premier engugiste, et de verser le surplus du prix à la caisse de l’Ex-traordinaire-§ IV. — Des apanages (f). Art. 33. Les biens et droits domaniaux donnés en apanages aux enfants de France, sont de même condition et nature que les domaines restés dans la main du roi. La nation conserve et peut exercer sur eux les mêmes droits. Art. 34. Les princes apanagistes ne peuvent couper les bois de haute-futaie, ni toucher aux forêts situées dans les terres à eux données en. apanages, si çé n’est aux deux conditions suivantes : la première, qu’elles soient divisées et aménagées, en coupes ordinaires de l’âge de cent ans au moins; la seconde, qu’elles soient nommément comprises dans les lettres d’apanages et dans les procès-verbaux d’évaluation, comme formant un produit annuel, nécessaire au complément du revenu de l’apanage. Art. 35. Les apanagistes qui se trouvent réunir en leur faveur les deux conditions prévues par l’article précédent ne peuvent faire couper ou exploiter les futaies dont ils ont la jouissance, qü’en se conformant aux procès-verbaux d’aménagement, sans intervertir l’ordre des coupes : ils sont tenus de veiller à la renaissance des bois, en faisant prendre, lors de l’exploitation, toutes les précautions propres à la favoriser : ils doivent faire semer ou même planter les terrains vides, d’essence de bois convenable au sol, les entourer de fossés pour les mettre à couvert de tout dommage; empêcher les délits, et faire constater ceux de tout genre qui pourraient s’y commettre malgré leur surveillance, à peine d'en demeurer garants et responsables en propre et privé nom. Art. 36. A l’extinction de la postérité masculine du prince, premier apanagiste, les biens donnés eu apanage retournent à la couronne, libres de toutes dettes et hypothèques, au même état qu’ils étaient lors de la concession, nonobstant tourtes dispositions, possessions, actes exprès ou tacites, faits ou intervenus pendant l’apanage. Art. 37. Les apanages réels, si aucuns sont donnés à l’avenir, ou les rentes annuelles qui pourront leur être substituées en totalité ou en partie, seront réglées et déterminées, quant à la quotité et à la nature de la concession, par décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi. Art. 38. Les rentes ainsi constituées pour tenir lieu d’apanages, seront susceptibles d’accroissements progressifs, en raison de l'augmentation du prix des denrées, et elles s’éteindront et demeureront amorties de plein droit sans remboursement, et sans être affectées à aucune charge, en cas de défaillance de la postérité masculine du prince, premier concessionnaire, ainsi qu’il est précédemment réglé pour les apanages réels. § V. — Échanges. Art. 39. Tous contrats d’échanges des biens domaniaux, nou encore consommés, et ceux qui ne l’ont été que depuis la convocation de l’Assemblée nationale, sont et demeurent révocables à perpétuité, par le simple vœu des représentants de la nation, exprimé d’une manière légale. Art. 40. Les échanges ne seront réputés eon-42 658 [Assemblé#. national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] sommés et translatifs de propriété, qu’autant que toutes les formalités prescrites par les lois et règlements antérieurs auront été observées et accomplies en entier, qu’il aura été procédé aux évaluations ordonnées par l’édit d’octobre 1711, en la forme qu’il indique, et que l’échangisteaura obtenu et fait enregistrer dans les cours les lettres de ratification nécessaires pour donner à l’acte son dernier complément. Art. 41. Tous contrats d’échanges pourront être révoqués et annulés malgré l'observation exacte des formalités prescrites, s’il s’y trouve fraude, fiction ou simulation, ou si le domaine a souffert une lésion considérable. Art. 42. L’échangiste évincé sera au même instant remis en possession réelle et actuelle de l’obj< t par lui cédé en contre-écbange, sauf les indemnités respectives auxquelles il pourrait y avoir lieu en cas de détérioration des objets échangés et contre-échangés; et s’il a été payé des retours ou souües de part ou d’autre, ils seront rendus à la même époque. § VI. — Des engagements , des dons et concessions . à titre gratuit ou rémunératoires , et des baux à rente ou à cens. Art. 43 (g). Tous contrats d’engagements, moyennant finances, des biens et droits domaniaux, avec clause expresse de retour à la couronne, sont rachetabies à perpétuité, à quelque époque qu’ils puissent remonter. Art. 44. Les ventes et aliénations des domaines de la couronne, postérieures à l’ordonnance de 1566, seront réputées simples engagements, et comme telles, perpétuellement sujettes à rachat, quoique la stipulation en ait été omise au contrat, ou même qu’il contienne une disposition contraire. Art. 45. Les acquisitions faites par les princes apanagistes, les engagistes et autres détenteurs auxquels *a faculté en a été accordée dans l’étendue des domaines à eux concédés, par retrait féodal ou censuel, confiscation, déshérence ou bâtardise, et même à titre de réunion ou de retour au domaine, dans les cas de droit, sont dans leurs mains de simples engagements, et à ce titre perpétuellement rachetâmes. Art. 46. Aucuns engagistes ne pourront être dépossédés des biens acquis avec faculté de rachat, par eux ou leurs auteurs, sans avoir préalablement reçu ou été mis en demeure de recevoir leur finance principale avec les accessoires. Art. 47. Ën procédant à la liquidation de la finance due aux engagistes, en cas de rachat, les sommes dont il aura été fait remise ou compensation lors du contrat d 'engageaient, à titiede don, gratification, acquii-patimts ou autrement, seront rejetées: on ne pourra faire entrer en liquidation que les deniers comptants, réellement versés en espèces au Trésor public, en quelques termes ou pour quelques causes que les soumissions soient conçues; et la preuve du contraire pourra être faite par extraits tirés des registres du Trésor royal, états de menus, de comptants, et autres papiers du même genre, registres, comptes des chambres des comptes et tous autres actes. Art. 48. Les dons, concessions et transports de biens et droits domaniaux, faits avec clause de retour à la couronne, à quelque époque qu’ils puissent remonter, et tous ceux d’une date postérieure à l’ordonnance de 1566, sans distinction ni exception, sont et demeurent révocables à perpétuité, même avant l’expiration du terme auquel la réversion à la couronne aurait été fixée par la concession. Art. 49. L’Assemblée nationale se réserve à elle-même et aux législatures suivantes, de statuer définitivement sur chacun desdits dons et concessions, après avoir reçu les instructions et renseignements nécessaires, et demandé, s’il est besoin, l’avis des départements, Art. 50. Les engagistes, donataires et concessionnaires, rendront les domaines dont ils seront évincés, en aussi bon état qu’ils étaient lors de la concession primitive, et ils seront tenus des dégradations et malversations commises par eux-mêmes et par leurs auteurs. Art. 51. Les aliénations faites jusqu’à ce jour par baux à rente ou à cens des terres vaines et vagues, landes, bruyères, palus, marais, terrains vacants, et en général de tous les objets de peu de valeur, autres que ceux enclavés dans les forêts, ou situés à peu de distance d’icelles, sont confirmées et rendues perpétuelles par le présent décret, pourvu qu’el les aient été faites et consommées de bonne foi sans dot ni fraude, et dans les formes prescrites par les règlements en usage au jour de la date. § VII. — Dispositions générales. Art. 52. Les'bois de haute-futaie font partie du sol auquel ils sont inhérents. Aucun concessionnaire, quel que soit son titre, sous la seule exception portée en l’article 34 du présent décret, ne peut y toucher ni en disposer non plus que des taillis reei ûs sur les futaies coupées ou dégradées. Art. 53. il en est de même des piés-corniers, arbres de lisière, baliveaux anciens et modernes des bois taillis, dont il leur est d’ailleurs défendu tl intervertir, avancer, ni retarder les coupes. Art. 54. Il est expressément eejoint par le présent décret, à tous concessionnaires et détenteurs des domaines de la couronne, à quelque titre qu’ils en jouissent, de se présenter en personne, ou par procureur spécial au directoire du département de la situation du chef-lieu de ces domaines, dans deux mois, à compter du jour de la promulgation du présent décret, et d’y exhiber les titres de leur acquisition, les procès-verbaux qui ont dû précéder l’entrée en jouissance, les quittances de finance, si aucunes ont été payées, les baux qui en auront été consentis, et ea général tous les actes, titres et renseignements qui pourront en constater la consistance, la valeur et le produit, et faire connaître le montant des charges foncières dont ils seront grevés, et de laisser des copies certifiées de ceux de ces titres qui seront jugés utiles ; et fau te par eux d’y satisfaire dans ledit délai, ils seront réputés possesseurs de mauvaise foi, et condamnés à la restitution des fruits, du jour qu’ils seront en demeure. Art. 55. Le domaine public est, dans les mains des citoyens qui en ont obtenu la jouissance, un dépôt inviolable et sacré. Ceux des concessionnaires et détenteurs à quelque titre que ce soit, qui seront trouvés coupables d’usurpation, même partielle, de fausse déclaration, réticence frauduleuse, ou recèlement affecté, ou de quelque vice essentiel d’administration, seront et demeureront déchus de plein droit de l’effet de leur titre, et seront condamnés à la restitution des fruits, et à des dommages-intérêts proportionnés à la faute ou au délit. , Art. 56. Les engagistes et concessionnaires à [Assemblé» national».] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [10 avril 1790.} vie, ou pour un temps déterminé, des biens et droits domaniaux, leurs héritiers et ayants cause, se renfermeront exactement dans les bornes de leurs titres, sans pouvoir se maintenir dans la jouissance desdits biens après l’expiration du terme prescrit, sous peine d’être condamnés au paiement du double des fruits perçus depuis leur indue jouissance. Art. 57. Tous usurpateurs ou détenteurs de mauvaise foi seront soumis à la même peine, et pourront être poursuivis extraordinairement selon les circonstances. Art. 58. Dans aucun cas, la prescription, même centenaire, ne peut être opposée au domaine de la couronne, ni même aux personnes tierces qui auraient quelques droits à exercer sur les biens domaniaux usurpés, ou déienus sans titre légitime émané de la nation, ou confirmé par elle. Art. 59. L’Assemblée nationale a abrogé et abroge, en tant que besoin, toute loi ou règlement contraire aux dispositions du présent décret. Notes. (a) Si l’on entend, par le domaine de la couronne, cette portiou du revenu public qui, dans l’ordre actuel des choses, est soumise à l’administration domaniale, le domaine, sous cette acception trop vague, offre plusieurs branches de nature absolument différente. Il comprend : 1“ les propriétés foncières et les droits réels et mixtes qui sont dans la main du roi, et tous ceux qui y sont réversibles; 2» plusieurs offices avec fonction publique, aliénés avec faculté de rachat perpétuel; 3° différents droits et perceptions utiles et pécuniaires, émanés plus ou moins directement du droit de souveraineté; 4* certains droits purement fiscaux qui ne diffèrent en rien des impôts indirects ordinaires, et qui ne sont regardés comme des droits domaniaux, que parce qu’ils ont été, dès le principe, soumis à la même administration. Le comité ne s’est occupé que du domaine de la couronne, proprement dit, les domaines que l’on peut appeler fictifs, lui ont semblé devoir être soumis à des lègles différentes. (b) Toute nation a le souverain domaine de l’universalité 'du territoire qu elle occupe, et ce domaine souverain lui conserve ou lui attire la pleine propriété de toutes les portions de ce territoire, qui ne sont pas susceptibles d’une propriété individuelle, ou qui sont actuellement sans maître; ainsi les chemins publics, les fleuves, etc., appartiens nt exclusivement à la nation; et elle devient propriétaire des successions et biens vacants, et de tout ce qui n’appartient à personne. Los droits de déshérence et ceux de propriété sur les chemins publics, les fleuves, les rivages de la mer, etc., dérivent du même principe. (c) Si, en France, le droit de faire la guerre avait toujours été exercé exclusivement par le souverain, il est certain que les murs et les fortifications des villes ne pourraient appartenir qu’à lui; mais on sait que les anciens seigneurs et les villes elles-mêmes, après avoir ohtenu le titre de communes, ont souvent usé, ou plutôt abusé de ce droit. Les uns et les autres, ont, en conséquence, fait construire, à leur frais et sur leur propre terrain, ces anciennes fortifications dont la France a éié longtemps hérissée, et plusieurs forteresses ou même de simples châteaux ont donné n-vssanceà de très grandes villes. Sous ce point de vue, il est assez difficile de penser que toute fortification soit, de plein droit, du domaine de la couronne, et c’est d’après cette considération que les articles auxquels cette note se rapporte, ont été insérés au projet de décret. On a cru devoir se déterminer par la possession. (d' L’effet de la réunion du domaine particulier du prince régnant à celui de la couronne ne semble d’abord qu’une question secondaire; mais c’est une des plus important s et des plu > délicates dont le comité ait eu à s’occuper. C’est au grand principe de ia réunion domaniale, établi d’abord par le fait, et ensuite érigé en loi de l’Etat, que la monarchie française doit sa grandeur et son intégrité. Ce point fondamental de notre droit public est consigné, avec quelques modifications, dans l’ordonnance de 1366. Le bon Henri IV, par son édit du mois de juillet 1607, a fini par consacrer ce principe qu’il avait longiemos combattu; mais il est beaucoup plus ancien. On l’opposa, en 1300 et eu 1309, à Louis XII, lorsqu'il voulut empêcher ses domaines particuliers de se confondre avec ceux de la couronne. La réunion domaniale n’est originairement fondée sur aucune loi particulière. C’est une émanation, une suite naturelle de nos anciennes lois féodales, en vertu desquelles le fief servant se réur issâit, de plein droit, au fief dominant, lorsque l’un et l’autre se trouvaient appartenir au même proprietaire. Il est possible de lui assigner encore d’autres causes; l’union domaniale, disait l’inspecteur du domaine, dans la fameuse affaire du duché de Bouillon, l’union domaniale se fait, non en vertu de la volonté du roi, mais par l’effet de l’union qu’il contracte lui-même avec l’Etat... La personne du roi est tellement consacrée à l’Etat, qu’elle s’identifie, en quelque sorte, avec l’Etal même; c’est pourquoi on n’admet point de distinction entre le domaine de l’Etat et le domaine du prince; on ne reconnaît qu’une seule espèce de domaine auquel se réunit, de plein droit, tout ce que le prince possède, lorsqu’il monte sur le ttône. On peut ajouter, à ces motifs, qu’il y aurait de l’incon-vénieut, du danger même, que les intérêts et les droits du monarque, fussent, à quelques égards, distingués des droits et des intérêts de la nation qu’il gouverne; et il. ne faut pas perdre de vue que l’abolition des lois féodales rend une nouvelle loi sur cet objet absolument nécessaire. On a dit que c’était à la réunion domaniale que la monarchie française devait son intégrité; et, en effet, sans ce principe conservateur, les plus belles provinces de l’Empire seraient aujourd’hui livrées à des mains étrangères. Pour établir ce point historique, il suffit de se rappeler ; 1® que la loi salique n’excluait pas les femmes de la succession des grands fiefs; 2° que Philippe de Valois n’était point héritier, dans l’ordre civil, de Charles le Bel, auquel il succéda; 3° que Henri IV était dans le même cas relativement à son prédécesseur, et dans un degré bien plus éloigné encore; 4“ que la branche de Bourbon-Vendôme était précédée, dans l’ordre de primogéniture, par une inliniié de branches qui se sont éteintes en ligne masculine, mais dont il existe beaucoup de descendants par les femmes. On peut se rappeler ce qu’a dit à ce sujet un orateur, en parlant de la Bretagne, qui, sans sa réunion à la couronne, appartiendrait aujourd’hui à la maison de Lorraine-Autriche ou à celle de Savoie, descendues l’une et l’autre de la reine Anne de Bretagne. (e) Dans la rigueur des principes, le contrat d’échange excede les bornes de la simple administration et le pouvoir de l'administrateur. Tous ces contrats devraientcon-séquemment être déclarés nuis ou du moins révocables à perpétuité, en rendant I objet contre-éch.mgé. Cependant le comité a cru que ceuxqui>vaientété consommés de bonne foi avant la convocation de l’Assemblée nationale pouvaient êtrecorifirmés et maintenus. Il a considéré que les échangistes avaient traité sous la foi publique, qu’ils avaient, pour eux, le texte des lois, lors en vigueur; que presque tous, persuadés de la légalité de leur titre, avaient amélioré l’objet acquis, par une bonne culture, par des bâtiments, des plantations; qu’ils l’avaient transmis à des héritiers ou même à des tiers acquéreurs; qu’il serait plus que rigoureux de leur enlever ce qu’ils regardaient comme leur héritage, et de leur rendre, à la place, l’objet donné en contre-échange, qu’ure mauvaise administration aura sûrement détérioré. Il a paru sinon injuste, du moins bien dur, de leur faire perdre leurs dépenses et le fruit de leurs soins, et de les exposer, eux et leurs héritiers, à des recours de garantie qu’ils n’avaient jamais dû prévoir. Il est inutile d’avertir que ces motifs de condescendance, on a presque dit, de relâchement, ne peuvent s’appliquer qu’aux échanges absolument consommés; que tous les autres qui n’ont pas subi les mêmes épreuves, ne peuvent être considérés que comme de simples projets, ou des titres purement précaires, qui n’ont pu faire sortir l’objet domanial des mains de la nation, ni lui ôter le droit d’en recouvrer la jouissance. En général les préjugés ne sont pas favorables à ces sortes de contrats; on connaît une partie d»s manœuvres odieuses qui ont 640 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1790.] été souvent employées pour arracher ou surprendre le consentement du monarque : la manière d’y procéder est, en soi, extrêmement vicieuse, ainsi qu’on l’a observé dans le rapport fait au comité, et d’ailleurs l’échangiste, dont le titre n’a pas reçu sa perfection, n’a jamais dû se regarder comme proprietaire incommutable. (/) L’apanage n’est pas un titre vraiment héréditaire; il ne transmet point la propriété. Tant que nos rois se sont permis de disposer arbiirairement de leurs domaines, il était naturel de croire que les dons qu’ils faisaient à leurs puînés étaient affranchis de tout espoir de retour à la couronne. La condition d’un fils de France était au moins aussi favorable, et son titre était sûrement plus sacré que celui d’un acquéreur à deniers comptants ou à tiire gratuit. Mais lorsque nos souverains ont mieux connu leurs propres intérêts; lorsqu’ils ont été assez instruits de« grandes maximes du droit public; pour reconnaître qu’ils n’avaient pas le droit d’aliéner le, domaine de la couronne; lorsqu’enfin le progrès des lumières leur a fait adopter le grand principe qui confond et incorpore leur patrimoine avec celui de. la nation, pour n’en faire qu’un tout indivisible, la loi des apanages réversibles s’est établie d’tlle-inême; Charles V l’a consacrée d’une manière solennelle, et elle se trouve clairement énoncée dans l’article 1er de l’ordonnance de 156b. Une loi si sage, qui n’est qu’un corollaire des règles fondamentales du droii social, aurait même dû avoir un effet rétroactif; mais de longs préjugés ne se dissipent que lentement, et Louis XI, qui se piquait d’une politique si profonde, osa bien s’emparer de la Bourgogne à la mort Je Charles le Téméraire, mais il abandonna l’Artois à la maison d’Autriche; l’une et l’autre province avaient cependant été détachées delà France au même titre, l’une pour Robert d’Artois, frère de Saint-Louis, et l’autre en faveur de Philippe le Hardi, le dernier des fils du roi Jean. Cette distinction fut fondée, sans doute, sur ce que la première de ces concessions avait été faite sans clause de retour, avant qu’aucune loi eût établi le principe de l’inaliénabilité, au lieu qne la réversion avait été stipulée lors du don fait à Philippe de Bourgogne. Cette loi qui déclare les apanages réversibles, à défaut û hoirs mâles, a, dans quelques occasions, îvçu une interprétation trop stricte que le comité n’a pas cm devoir adopter. Un a prétendu que l’apanage ne pouvait jamais se recueillir eu ligne collaterale, quoiqu’il existât des mâles descendus du premier apanagiste. De grands exemples ont même favorisé cette opinion rigoureuse. A la mort de René, roi de Sicile et duc d’Anjou, cette province fut réunie à la couronne au préjudice de Charles, comte du Maine, son neveu, et fils de son frère. La même règle fut suivie à la mort de Charles de Bourgogne, puisque la branche de Nevers, descendue, comme la sienne, du premier duc Philippe, existait encore; mais, en politique, on s’écarte souvent des principes d’une justice exacte. Tous les publicistes conviennent aujourd’hui que tous les descendants par mâles du prince auquel l’apanage a été concédé, sont appelés à le recueillir, et le comité s’est conformé à l’opinion dominante. Les terres données en apanage contiennent communément de vastes forêts. Les bois, cette substance précieuse de nécessité première, dont la con-ommalion est si prompte et la reproduction si lente, sont dignes de la plus grande attendon. Ils se divisent en futaies et en taillis; les premières sont considérées comme uue portion du fonds auquel elles sont inhérentes; les taillis, au contraire, divisés ordinairement en coupes réglées, ou susceptibles de l’être, forment une jouissance annuelle, et sont mis au nombre des fruits. De cette distinction naît la conséquence que tous ceux qui ont la jouissance d’un bien domanial ont le droit de couper les taillis qui n’en sont pas nommément exceptés, pourvu qu’ils n’intervertissent point l’ordre des coupes, et qu’ils ne se rendent coupables d’aucune faute ni d’aucune négligence qui puisse nuire à la reproduction. Les futaies sont soumises à d’autres règles; les simples concessionnaires ne peuvent y toucher en aucun cas. Ils ne peuvent pas même disposer des chablis ni des arbres abattus par les vents. Ils n’en sont qup les con>eivateurs. Les apanagistes ne sont point propriétaires, on vient de l’établir. Ils ont, à la vérité, des droits plus étendus que les simples usufruitiers. Leur jouissance, qui peut s’étendre à plusieurs générations, et embrasser plusieurs siècles, les a fait assimiler, à certains égards, aux propriétaires. Cependant les anciennes ordonnances leur ont expressément refusé ia disposition des futaies. Elles sont de droit exceptées de la concession de l’apanage. En effet, un grand arbre n’est pas un fruit annuel; il tient au fonds qui l’a produit; il en fait partie: il ne peut en être détaché sans quele fonds ne soit détérioré. Nos rois eux-mêmes se sont interdit la liberté d’abattre les futaies, sans des raisons pressantes, et avec des formalités longues et multipliées. Le comité a cru devoir proposer le principe avec une modification qui lui a semblé juste, et que l’Assemblée nationale appréciera dans sa sagesse. {g) Lorsque la question des engagements a été discutée au comité des domaines, et qu’il s’est occupé du mode du remboursement, il a pensé que ce genre de contrat se réduit, en dernière analyse, à un simple prêt d’argent fait ordinairement à très gros intérêt; que celui qui a acquis à ce tiire mérite peut-être moins défaveur qu’un créancier ordinaire, et qu’il ne peut pas espérer un meilleur traitement. Il a seulement l’avantage précieux d’être nanti d’un gage, dont, par le droit naturel et civil, il ne peut être dépouillé, sans avoir reçu le montant de sa créance; mais le paiement de la somme mentionnée au contrat doit en être fait selon la valeur numérique des espèces actuelles, sans égard aux révolutions intermédiaires, contre l’avis proposé au comité lors du premier rapport. L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Barrère de Vieuzac et du projet de décret présenté par M. Ënjubault de La Boche. Elle ajourne toute délibération sur les domaines de la couronne jusqu’après la distribution de ces rapports. M. le Président annonce que la discussion est ouverte sur les assignats. M. Martineau. Le projet de décret qui vous a été soumis hier par le comité des finances donne lieu à trois questions principales : 1° la somme des assignats est-elle suffisante? 2e les assignats doivent-ils avoir un cours forcé? 3° les assignats doivent-ils porter intérêt? Première question. — Le comité se renferme dans des bornes irop étroites, la somme de 400 millions est insuffisante aux besoins de la société. La circulation est anéantie; le y commerce est interrompu; les travaux sont suspendus; des millions de bras restent dans l’inaction. Quelle est la cause de ces circonstances funestes? la voici : le Trésor public retient les fonds des particuliers. 11 y a pour 789 millionsde dettes exigible-! actuellement échues : il faut donc que le remède soit proportionné au mal, et porter l’émission des assignats à 800 millions. Seconde question. — II serait sans doute injuste de forcer les créanciers de l’Etat à prendre des assignats sans forcer leurs propres créanciers à les recevoir. On doit donc donner aux assignats un cours forcé. On se propose de combattre cette assertion, et l’on n’a pour cela que des préjugés auxquels le souvenir du système de Law donne naissance. Le papier-monnaie, dans les temps du despotisme, est dangereux ; il favorise les déprédations. Mais dans une nation constituée, qui veille elle-même à l’émission des billets, qui en détermine la quotité et l’emploi, ce danger n’existe plus. A peine eut-il paru 2 ou 300 millions de billets de Law, que le crédit public se ranima, et que la balance du commerce, au grand étonnement des nations, devint en faveur de la France. Mais la scène changea. En voici la raison : le régent, enhardi par ce succès, ne borna plus l’émission des billets; il en créa pour 9 milliards; et, au lieu de payer les dettes de l’Etat, il fit des dons immenses aux courtisans dont il était environné.