[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1790.] nonce mon opinion sur l’état militaire, qu’on chercherait à m’en faire un crime. On a supposé que j’avais dit que les troupes françaises n’étaient composées que de brigands : calomnie atroce, par laquelle les ennemis publics ont voulu rendre odieux aux braves guerriers qui consacrent leur valeur à la patrie un défenseur zélé de la liberté nationale. C’est ainsi que l’aristocratie, expirante sous le poids de l’opinion publique, cherche à se venger de ceux qui l’ont combattue. « J’ai dit que le mode ancien de recrutement était mauvais, que les soldats et les autres citoyens étaient tous frères, et que, dans les périls de la patrie, ils devaient tous concourir à la défendre; j’ai dit que les troupes devaient être organisées de manière à éviter tout abus d’autorité et tout danger pour la liberté publique, j’ai dit qu’un soldat français n’était pas fait pour être l’instrument passif des ordres arbitraires, mais que la base d’une bonne organisation était que de bonnes lois remplaçassent la volonté absolue des chefs; que les punitions infamantes fussent supprimées ; que les grades fussent accordés au mérite par le choix libre des camarades; que les troupes fussent mieux nourries , mieux payées; que les recrues de chaque régiments se fissent dans les mêmes captons, afin qu’un régiment fût composé, en officiers et soldats, de voisins, de frères et d’amis. « J’ai blâmé l’usage d’envoyer des recruteurs dans les grandes villes, parce que les grandes villes sont le centre des vices. J’ai dit qu’on, ramassait sur le pavé des gens sans aveu, des brigands, avec lesquels nous tremblerions d’associer nos enfants; or, je pense que nos enfants doivent être soldats. Je sais que la discipline et le bon exemple épurent les mœurs, et que tel qui fut libertin dans sa jeunesse peut devenir un excellent sujet. Nos régiments en fournissent assez de preuves; mais tant que ce sujet n’est nas formé, il peut être dangereux à fréquenter 'jour un jeune homme sans expérience et dans 'effervescence des passions. Voilà ce que j’ai dit, ou tout ce que j’ai voulu dire : je respecte trop nos braves militaires, nos soldats-citoyens pour avoir voulu les ravaler, et je ne puis attribuer les imputations que l’on m’a faites à cet égard qu’à la haine d’une cabale anti-patriotique, qui se signale depuis quelques temps par son acharnement à poursuivre les gens de bien. On veut vous exciter contre les amis de J a cause publique. On voudrait pouvoir employer votre courage en faveur de ce despotisme sous lequel vous avez si longtemps gémi, et se servir de vous-mêmes pour vous donner de nouveaux fers plus pesants que ceux que nous avons tous brisés. « Il est facile, dans l’éloignement, de donner de fausses impressions, et de calomnier les meilleures intentions; cette considération doit mettre l’homme sage en garde contre les artifices des méchants... « Voulez-vous me connaître, mes camarades? demandez comme je me suis conduit à l’Assemblée depuis sept mois ; si mes principes n’ont pas toujours été ceux d’un franc et loyal ami de la liberté française. Allez dans mon pays, cherchez-y un seul homme qui ait à se plaindre de moi, qui ait à me reprocher une seule injustice. Et vous pourriez croire que celui qui a fait toute sa vie profession ouverte de respecter, chérir et défendre en toute occasion les droits de l’humanité, serait injuste envers ses camarades ! Vous sentez que cela ne se peut pas, et vous regretterez de m’en avoir soupçonné. Au surplus, lisez mes observa-tions sur la constitution militaire, vous verrez dans quel esprit j’ai parlé à l’Assemblée nationale; vous verrez que mes vœux, auxquels je vous proteste que se réunissent ceux de tous les bons citoyens, sont pour que nos braves guerriers deviennent aussi heureux et aussi considérés qu’ils méritent de l’être. « Je suis avec les sentiments et l’attachement les plus véritables, « Messieurs, « Votre très-humble et très-obéissant, serviteur. Du Bois de G rangé. » La lecture de cette lettre a été entendue avec la plus vive satisfaction. M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de samedi pour l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEUNIER. Séance du samedi 2 janvier 1790, au matin (1). M. le l�rtsMemî ouvre la séance par l’annonce de divers dons patriotiques. Les députés de la ville de Nancy, admis d’abord à la barre et autorisés ensuite à assister à la séance, offrent environ 80 marcs d’argent, provenant des boucles des citoyens. L’orateur de la députation prononce le discours suivant : « Messieurs, la ville de Nancy nous a députés vers vous, moins pour offrir le faible don que nous avons l’honneur de vous présenter, que pour nous rendre témoins de vos nobles travaux et pour vous faire parvenir les expressions de son dévouement et de sa soumission. Daignez agréer cet hommage, Messieurs : il est celui d’une ville distinguée par son attachement pour ses princes, et qui en a un bien plus grand encore pour la patrie. « Le nouveau régime qu’établit l’Assemblée nationale peut faire éprouver quelques pertes à la ville de Nancy ; elle est assurée que vous les diminuerez autant que le permettra l’intérêt général, et que votre sollicitude, qui s’étend sur toutes les parties de l’empire, en soulageant les habitants des campagnes, est bien loin d’oublier ceux des villes, et principalement de celles qui, privilégiées dans l’ancien ordre des choses, ont fait de' plus grands sacrifices à la patrie. » M. le Président répond; Les généreux sacrifices qui se multiplient à la veille de cette contribution patriotique, dont le salut de l’Etat a fait une loi impérieuse, sont bien propres à adoucir les pénibles travaux de l’Assemblée nationale ; son zèle pour le bonheur général est assez connu, et il est non moins évident que ses soins répandront partout l’aisance et la liberté. Elle voudrait qu’il lui fut possible de se rendre aux vœux particuliers de toutes les villes de France ; les intérêts de celle de Nancy seront pris en considération : elle reçoit d’ailleurs avec satisfaction vos hommages, vos vœux et votre offrande patriotique. Elle vous permet d’assister à sa séance. (1) Cetle séance est incomplète au Moniteur.