% [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 octobre 1789.] 389 idée jusle du mot inviolabilité ; ce mot ne peut s’entendre que pour les poursuites judiciaires ou ministérielles ; toute autre inviolabilité ne peut être prononcée. Quelle différence peut-il exister entre nous et un citoyen quelconque ? on ne peut 'en insulter aucun. Vous voulez défendre les injures; mais jq mourrais de peur si l’on pouvait punir quelqu’un parce qu’il m’appellerait sot ! Si les injures sont vomies dans un écrit anonyme, un honnête homme n’y prend pas garde et les méprise; si cet écrit est signé, il devient alors un délit ordinaire qui doit être puni par les lois. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu à délibérer >sur la proposition d’un nouveau décret d’inviolabilité, et je crois encore que des hommes qui ont fait serment de ne pas se séparer ne doivent pas délibérer longtemps sur la demande de refuser des passe-ports. Cependant on continue à réclamer les passeports: M. de Gouy-d’Arsy et quelques autres pensent qu’on doit en accorder à oeux qui demandent à s’absenter pour des motifs légitimes. M. le vicomte de Mirabeau. Une lettre adressée à un des secrétaires de l’Assemblée a été ouverte par le district de Saint-Roch : un district a-t-il le droit de violer cette espèce d’inviolabilité ? M. le marquis de Gouy-d’Arsy. Nul passe-ort ne doit être donné sans l’examen de l’Assem-lée : je pense qu’il suffit, pour la sûreté des membres de l’Assemblée, d’une preuve ostensible et évidente que l’on est député, et cette preuve peut être donnée par un signe extérieur ou un certificat écrit. M. l’abbé Duplaquet. Je n’ai pas demandé /le passe-port, mais seulement un certificat de mon titre de député des communes, en déclarant par écrit que mon projet n’a jamais été de m’éloigner de l’Assemblée. M. de Volney. La question que vous agitez est plus délicate à traiter qu’elle ne le paraît. Il est peut-être heureux pour la traiter, d’avoir un caractère qui n’est pas suspect. Nous sommes libres, chacun vis-à-vis les uns des autres ; notre serment n’est pas solidaire, nous ne pouvons �exercer les uns sur les autres une juridiction coactive.Celui qui demande un passe-port est entre deux écueils : sa sûreté et son honneur. Lui refuser la faculté de s’éloigner n’est ni juste ni politique : juste, je l’ai prouvé; politique, ceux qui veulent s’en aller ne sont pas très-avantageux ( à conserver. y M. le Président met aux voix la question 'préalable. On en demande la division, relativement aux passe-ports et au décret à rendre; elle est décrétée. Y a-t-il lieu à délibérer relativement aux passeports? Non. On prétend que la majorité est douteuse. ► M. le curé Dillon demande l’appel nominal. M. Barnave. L’Assemblée ne peut arrêter les députés qui voudraient partir, ni gêner ainsi leur liberté ; mais elle ne peut jamais autoriser la désertion en accordant des passe-ports. (U s’adresse au président.) En votre qualité de président, vous n’avez pas d’autres fonctions que celles qui vous sont confiées par les décrets de l’Assemblée : nul décret ne vous a autorisé e donner des passeports. M. Boutteville-Dumctz prétend que la majorité, pour savoir s’il y a lieu à délibérer, a été douteuse, et réclame l’appel nominal. Il s’appuie sur le récit des faits et sur l’importance d’une question qui tendrait à rendre l’Assemblée entière complice de la violation qu’un membre ferait de son serment. M. Démeunier observe aux préopinants que la question de savoir si le Président pourra donner des passe-ports, reste indécise, et le paraîtra toujours à la volonté des membres qui la feront renaître. M. le comte de Mirabeau. IL existe une décision de l’Assemblée, qui autorise le président à donner des passe-ports : la question se borne à savoir si elle sera réformée. On en a délivré trois cents dans deux jours, tous ceux qui l’ont été sans motifs doivent être regardés comme une authenticité de là violation du serment. L’Assemblée peut-elle, par le moyen de son président, autoriser cette violation? Que ceux qui veulent partir partent, et nous laissent en repos. Il s’agit d’éclairer votre président, qui a provoqué votre délibération, et de confirmer ou de détruire votre décision antérieure. Plusieurs membres doutent de l’existence de cette décision. M. de Mirabeau continue : Si le décret existe, il faut savoir si on le conservera; s’il n’existe pas, le droit de donner des passe-ports n’est pas à vous ; il appartient au pouvoir exécutif. Votre président, effrayé par le nombre des passe-ports qu’on sollicitait, vous a demandé de rassurer sa prudence par la vôtre. Si vous ne délibérez pas, si vous ajournez la question, que fera-t-il aujourd’hui? Vous lui aurez légué des tracasseries et des haines, qui ne doivent pas être le prix de ses travaux. Voici quelle est ma motion : « Aucun passe-port de l’Assemblée nationale ne sera délivré aux députés qui la composent, que sur des motifs dont l’exposé sera fait dans l’Assemblée. » M. le marquis de Bonnay appuie cette motion. On demande la question préalable. M. le baron de Menou. Si le président a le droit de donner des passe-ports, il a celui de dissoudre l’Assemblée. L’Assemblée décide que la question préalable ne sera pas mise aux voix, et décrète la motion de M. le comte de Mirabeau. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de décret relatif à la ré formation provisoire de la procédure criminelle. Les articles 15 et 17 sont décrétés aiasi qu’il suit : Art. 16. Lorsque la déposition sera achevée, l’accusé pourra faire faire au témoin, par l’organe du juge, les observations et interpellations qu’il croira utiles pour l’éclaircissement des faits rapportés, ou pour l’explication de la déposition. La mention tant des observations de l’accusé que 390 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 octobre 1789.] des réponses du témoin, sera faite ainsi qu’il se pratique à la confrontation ; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin. Art. 17. Les procès criminels ne pourront plus être réglés à l’extraordinaire que par trois juges au moins. Lorsqu’ils auront été ainsi réglés, il sera publiquement, et en présence de l’accusé ou des accusés, procédé, d’abord au récolement des témoins, et de suite à leur confrontation. Il en sera usé de même par rapport au récolement des accusés, sur leur interrogatoire et à leur confrontation entre eux. Les reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en tout état de cause, tant après qu’avant la connaissance des charges, et l’accusé sera admis à les prouver, si les juges les trouvent pertinents et admissibles. La délibération est interrompue par l’arrivée d’un officier de la garde nationale de Paris, portant une lettre du Roi, à l’adresse de M. le président, laquelle lettre il déclare lui avoir été remise par M. le marquis de Lafayette. M. le Président fait leclure.de la lettre, qui est ainsi conçue : « Monsieur, les témoignages d’affection et de fidélité que j’ai reçus des habitants de ma bonne ville de Paris, et les instances de la commune, me déterminent à y fixer mon séjour le plus habituel; et dans la confiance où je suis toujours que vous ne voulez pas vous séparer de moi, je désire que vous nommiez des commissaires pour rechercher ici le local le plus convenable, et je donnerai, sans délai, les ordres nécessaires pour le préparer. Ainsi, sans ralentir vos utiles travaux, je rendrai plus faciles et plus promptes les communications qu’une confiance mutuelle rend de plus en plus nécessaires. « Signé : LOUIS. » Paris, le 9 octobre 1789. Cette lettre est vivement applaudie. Un membre propose de nommer les commissaires dès ce soir ; un autre observé que ce serait juger la question de savoir si l’Assemblée doit aller à Paris ; que l’Assemblée ne doit pas être regardée comme séparée, puisqu’elle n’est qu’à quatre lieues. Un autre ajoute que l’Assemblée n’étant pas assez nombreuse, il faut renvoyer la question à demain; que l’on chargera le président d’écrire au Roi les sentiments de sensibilité que l’Assemblée a témoignés à la lecture de sa lettre. M. Treilhard demande que l’on nomme sur-le-champ des commissaires, attendu que l’on doit être attaché plutôt à la personne du Roi qu’au château de Versailles. M. Goupil de Préfeln. L’on ignorait que le Roi était sur le point d’aller à Paris, lorsque M. le comte de Mirabeau m’a prié d’appuyer sa motion ; j’ai répondu que ce sentiment était dans le cœur de tous les Français; au reste, le Roi, en proposant de transférer l’Assemblée à Soissons, tandis qu’il irait à Compiègne, a manifesté son intention, et n’a pas cru que l’Assemblée fût inséparable de sa personne. Je demande donc l’ajournement. M. Populus combat ce sentiment; il soutient. que le décret est rendu, que l’Assemblée l’a dé-! claré au Roi, et que celui-ci l’a accepté. � M. Duquesnoy propose un projet d'arrêté. Il porte : 1° La nomination des commissaires; 2° Une députation pour porter au Roi le vœu de l’Assemblée nationale. Après quelques autres débats, les décrets suivants sont rendus : Premier décret. � « L’Assemblée nationale a décrété qu’il serait nommé des commissaires pour examiner le local qui lui convient, et, sur leur rapport, se transporter à Paris, lorsque le local sera prêt. » M. le Président désigne les six commissaires, qui sont : MM. Guillotin, duc d’Aiguiilon,� de Colbert de Seignelay, évêque de Rodez, Lapoule, marquis de Gouy-d’Arsy, Le Pelletier de Saint-Fargeau. Un second décret est ensuite rendu : Second décret. ‘ « L’Assemblée nationale, d’après la lettre du* Roi, datée de ce jour, et conformément à son décret du 6 de ce mois, a arrêté qu’elle se transportera à Paris aussitôt que les commissaires qu’elle a nommés auront déterminé et fait disposer le local qui lui convient. » La séance est levée et indiquée pour ce soir, à 6 heures et demie. Séance du vendredi 9 octobre 1789 au soir (1). La séance a été ouverte par la lecture des adresses suivantes : d’une adresse de félicitations et dévouement de la ville de Pont-l’Evêque, laquelle supplie l’Assemblée d’interposer son autorité afin de rétablir le plus tôt possible la paix et le bon ordre, qui sont depuis quelque temps en� souffrance dans le pays, par suite de la fermentation générale et d’une liberté outrée et inquiétante que chacun ose s’y permettre, et qui semble s’autoriser par l’impunité; des autres adresses de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Rillom en Auvergne, et des municipalités deVassel, Bouzel, Eglise-Neuve, Péri-' gnat-ès-Alliers, Saint-Bonnet, MontaigU-Litenois,, Saint-Jean-de-Glaines, Reignat, Montmorin, Fayet, Espirat, Saint-Julien-de-Copel, Bongheat, Ravel, Neuville, Saint-Georges, Cnoriat, Dreuil-en-La-roche, Estandeuil, Bassol, lsserteaux, Chas, Beau-regard, Saint-Dier, Ballay, Mozuu, Vertaison, Mesel. Elles demandent pour la province d’Auvergne une cour souveraine, séante à Clermont-Ferrand, capitale de la province, et une justice royale à-. Biliom. Adresses de félicitations, remerciements et adhésion des villes d’Ambert, Gourpière, Issoire, La (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de celle séance.