[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.] |98 tique, des rapports et des recherches, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le roi sera prié de faire porter sur-le-champ au pied de guerre tous les régiments destinés à couvrir la frontière du royaume, et de faire approvisionner les arsenaux de munitions suffisantes pour en fournir, même aux gardes nationales, en proportion du besoin. « Art. 2. Il sera fait incessamment, dans chaque département, une conscription libre degardes nationales de bonne volonté, et dans la proportion de 1 sur 20 ; à l’effet de quoi les directoires de chaque district inscriront tous ceux qui se présenteront, et enverront les différents états, avec leurs observations, aux directoires de département, qui, en cas de concurrence, feront un choix parmi ceux qui se feront inscrire. « Art. 3. Les volontaires ne pourront se rassembler ni nommer leurs officiers, que lorsque les besoins de l’Etat l’exigeront, et d’après les ordres du roi envoyés aux directoires en vertu d’un décret du Corps législatif; les volontaires seront payés par l’Etat lorsqu’ils seront employés au service de la patrie. « Art. 4. L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera, dans le jour, par devers le roi, pour le prier de faire notifier, dans le plus court délai possible, à Louis-Joseph de Bourbon-Condé, que sa résidence près des frontières, entouré de personnes dont les intentions sont notoirement suspectes, annonce de3 projets coupables. « Art. 5. Qu’à compter de cette déclaration à lui notifiée, Louis-Joseph de Bourbon-Condé sera tenu de rentrer dans le royaume dans le délai de 15 jours, ou de s’éloigner des frontières, en déclarant formellement, dans ce dernier cas, qu’il n’entreprendra jamais rien contre la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi, ni contre la tranquillité de l’Etat. « Art. 6. Et à défaut par Louis-Joseph de Bourbon-Condé de rentrer dans le royaume, ou, en s’en éloignant, de faire la déclaration ci-dessus exprimée dans la quinzaine de la notification, l’Assemblée nationale le déclare rebelle, déchu de tout droit à la couronne; le rend responsable de tous les mouvements hostiles qui pourraient être dirigés contre la France sur la frontière; décrète que ses biens seront séquestrés, et que toute correspondance et communication avec lui, ou avec ses complices et adhérents, demeureront interdites à tout citoyen français, sans distinction, à peine d’être poursuivi qt puni comme traître à la patrie ; et dans le cas où il se présenterait en armes sur le territoire de France, enjoint à tout citoyen de lui courir sus, et de se saisir de sa personne, de celle de ses complices et adhérents. ( Applaudissements à gauche.) « Art. 7. Le roi sera prié d’ordonner aux départements, districts, municipalités et tribunaux de veiller d’une manière spéciale à la conservation des propriétés de Louis-Joseph de Bourbon-Condé. « Art. 8. Le roi sera également prié d’ordonner aux départements et districts, municipalités et tribunaux, de faire informer contre tous em-baucheurs, émissaires et autres qui entreprendraient d’enrôler ou faire déserter aucun soldat français. » Je terminerai, Messieurs, par une courte observation. Il avait été arrêté dans le comité qu’on proposerait à l’Assemblée de décréter une adresse aux Français; mais cette mesure a été jugée susceptible d’un peu plus de délibération : en conséquence nous ne la présentons pas à l’Assemblée. A gauche : L’impression du rapport ! l’impression! (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression du rapport de M. Fréteau-Saint-Just et du projet de décret des comités.) M. de lia Rochefoucauld-Liancourt. Si, d’après ce que vient de dire M. Fréteau dans son rapport, il reste encore à quelqu’un dans l’Assemblée le doute que la proposition de M. Robespierre sur le licenciement des officiers puisse être adoptée, je demande que cette question soit préalablement et avant tout soumise à la discussion et résolue. M. d* André. Messieurs, d’après le rapport que l’on vous a fait hier et celui que vous venez d’entendre, il est évident qu’il y a plusieurs objets qui n'ont point d’analogie entre eux. D’abord, vos comités ont été d’une voix unanime, pour qu’il n’y eût pas lieu à délibérer sur le licenciement des troupes, ensuite les comités vous ont proposé divers autres articles tendant à rétablir l’ordre et l’union dans l'armée. Il vous ont présenté aujourd’hui d’autres objets relatifs aux dispositions extérieures. Vous sentez, Messieurs, que si la discussion était entamée sur tous ces objets, vous ne pourriez point avoir de résultat. Il est un premier point indépendant de tout qui est celui du licenciement des officiers. Sur ce point-là, les comités vous ont proposé de décréter qu’il n’y avait pas lieu à délibérer; avant donc que vous puissiez délibérer sur les autres objets, il faut que vous sachiez si ce point-là sera ou ne sera pas compris dans la délibération, il est évident qu’avant de délibérer sur un projet de décret, il faut savoir si on ne délibérera pas sur un point sur lequel les comités pensent qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Quant à moi, mon avis est qu’il ne peut pas y avoir de licenciement, à moins de vouloir détruire toute l’armée, à moins de vouloir tout mettre en combustion, je dis qu’il ne peut y avoir... ( Bruit prolongé.) (Le côté droit et le centre de la salle se lèvent en demandant avec vivacité qu’on mette aux voix la question préalable sur le licenciement des officiers.) M. de Cazalès. Le rapport que vous venez d’entendre ..... A droite et au centre : Aux voix ! la question préalable ! aux voix ! M. de Cazalés. Il est impossible de délibérer sur la motion indécente et dangereuse qui a été faite de licencier l’armée. A droite et au centre : Aux voix ! aux voix ! la question préalable ! M. d’André. Je ne prétends pas, Messieurs, en faisant une motion d’ordre, enlever la délibération ; et si quelque personne ose soutenir une proposition qui renferme les premiers principes de l’ordre social... M. Rœderer. Moi, Monsieur ! ( Murmures à droite et au centre.) 124 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.] M. d’André. 3e répète, Messieurs, que je ne veux point enlever une délibération ; mais je désire, moi, que les personnes qui oseront encore demander le licenciement des officiers... A l’extrême gauche : A l’ordre ! à l’ordre ! MM. Gaultier-Biauzat et Anthoine se lèvent et parlent dans le bruit. A l'extrême gauche : Monsieur le Président, rappelez M. d’André à l’ordre. M. d’André. Tant que je n’attaque personne nominativement, j’ai le droit ici, moi qui crois que la proposition de M. Robespierre renverserait tous les principes du gouvernement et de la Constitution et nous livrerait à tous les désordres de l’anarchie, j’ai le droit, en parlant de cette proposition, de dire : « Ceux qui oseront la soutenir. » ( Applaudissements à droite.) Je n’ignore pas qu’il y a des personnes qui regardent cette motion comme très patriotique et ceux-là peuvent la soutenir dans cette Assemblée, mais je désire, moi qui démontrerai quand mon tour de parole sera venu que c’est là le comble de l’anarchie, le moyen de la destruction du royaume, la destruction de nos moyens de défense contre l’ennemi, je désire, dis-je, de prouver qu’il est impossible, absolument impossible de licencier les officiers : Un seul raisonnement en convaincra l’Assemblée. Si aujourd’hui vous licenciez les officiers, parce qu’il y a des pétitions qui le demandent, parce qu’il y a des régiments en insurrection, eh bien, Messieurs, je vous dis que dans trois semaines les soldats voudront encore chasser les nouveaux officiers qu’ils auront eus, et que vous aurez, sans vous en apercevoir, la contre-révolution. {Applaudissements à droite et au centre .) Quoi qu’il en soit, Monsieur le Président, comme je ne fais qu’une motion d’ordre, je me réserve, lorsque mon tour de parole sera venu, de répondre en détail à tous les arguments que l’on a exposés, et de ne pas en laisser pierre sur pierre. J’espère cependant que l’Assemblée, usant de sa perspicacité et de sa sagesse ordinaires, ne laissera pas prolonger trop longtemps cette discussion. Ma motion d’ordre consiste donc : 1° à ce qu’on se renferme d’abord dans la discussion du licenciement des officiers ; 2° à ce que cette question soit décidée sans désemparer, parce qu’il est temps de faire cesser l’inquiétude qui résulte, dans tous les corps d’armée, de cet espoir de licenciement. Il est temps de la faire cesser, surtout dans un moment où l’Assemblée va vaquer demain ou peut-être lundi ; la séance ne serait pas assez longue pour finir cette discussion. Je crois donc que, puisqu’on a entendu hier M. Robespierre, qui a dit à peu près toutes les raisons qu’on pouvait donner sur cet objet, je crois d’autre part que, puisque nous avons tout le discours prononcé dans une certaine société par un honorable membre de cette Assemblée (1), discours qu’il a fait imprimer, et que nous avons lu avec le plus grand plaisir, je crois, dis-je, Monsieur le Président, qu’il y a lieu de mettre aux voix mes deux motions d’ordre : la première, que l’on se borne à discuter le licenciement des officiers ; et la seconde, que cela soit décidé sans désemparer. A droite et au centre : Aux voix la question préalable sur le licenciement 1 M. de Cazalès. Je demande la parole ; il importe essentiellement à la chose publique qu’on fasse voir les dangers... (Aux voix! aux voix !) M. Rewbell. Je demande la question préala ble sur la motion du licenciement des officiers ; mettez-la aux voix, Monsieur le Président. Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix ! M. de Cazalès persiste à demander la parole. (Non! non!) M. le Président. On demande avec instance que la discussion soit fermée sur le projet de licenciement des officiers de l’armée. Je mets aux voix cette proposition. M. l’abbé Manry. Un moment, Monsieur le Président, un moment. Je demande la parole. (L’Assemblée consultée décrète à la presque unanimité que la discussion est fermée. ) M. Robespierre. Je demande à faire une motion d’ordre. (Bruit prolongé.) M. le Président. M. Robespierre me demande la parole pour une motion 'd’ordre (Non! non! Aux voix!)... Je no puis la lui refuser sans les ordres de l’Assemblée. Que ceux qui veulent que M. Robespierre soit entendu se lèvent. (L’Assemblée décide qu’elle n’entendra pas M. Robespierre.) M. le Président. La proposition est faite du licenciement de tous les officiers de l’armée. Sur cette question bien claire et bien entendue, on demande la question préalable. Je vais la mettre aux voix. (L’Assemblée consultée décrète à la presque unanimité qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de licencier tous les officiers de l’armée.) M. de Cazalès. Je demande qu’il soit inséré dans le procès-verbal que le décret a été rendu à l’unanimité. Plusieurs membres observent qu’il n’y a pas eu unanimité parfaite. M. Bureaux de Pusy, l'un des rapporteurs , reprend le projet de décret présenté par lui à la séance d’hier à la suite de son rapport (1) ; il donne lecture de l’article premier ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de Constitution, militaire, diplomatique, des rapports et des recherches ; après s’être fait rendre compte des différentes pétitions qui lui ont été adressées, tendant à demander le licenciement de l'armée, ou seulement celui des officiers, et déclarant qu’il n’y a lieu à délibérer sur lesdites pétitions, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le roi sera prié de faire remplir dans toutes (1) M. Rœderer. (1) Voy. ci-dessus, séance du 10 juin 1791, page 107.