(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (8 février 1791.] 49 M. Chapelier, rapporteur, donne lecture de l’article 13 qui accorde à l’accusé un délai d’un mo s pour exercer sa récusation. M. Prieur. Vous n’avez accordé pour le juré ordinaire qu’un délai de 24 heures; comme le haut juré -era double, je crois que le délai pourra êtiv porté à trois jours; mais pas au delà, sinon vous n’êtes pas justes. Vous venez de décréter que la liste des jurés serait imprimée, un délai d’un mois ne serait donc pas seulement injuste, mais encore inutile. M. Brillat-Sa varia. Je demande la question préalable sur cet amendeme nt. Il faudra un mois pour connaître les jurés. L’impression de la liste ne serait utile qu’aux conspirateurs froids : sans ce délai l’innocent récuserait au hasard. M. Barnave. Je crois que le terme de la récusation doit être borné à huit jours, comme il l’était dans le premier projet du comité, et voici sur quoi je me fonde. Il y a deux raisons légitimes de récusation. L’une est uniquement relative à l'accusé ; elle est fondée sur les rapports d’imérêt, d’inimitié, ou sur quelques antres rap-po: ts personnels qui peuvent exister entre l’accusé et le juré. Celle-ci est toujours suffisamment à la connaissance de l’accusé, il n’a pas besoin d’un mois pour s’y déterminer. Quant à l’autre, elle est prévenue par le choix du peuple. Les jurés étant choisis dans les départements, l’accusé n’a pas besoin d’avoir le temps de circuler dans ces départements, d’y faire des recherches pour s’informer de la confiance qu’il peut avoir en ces jurés. En adoptant le délai d’un mois, on donnerait souvent à une classe d’accusés puissants un moyen très efficace d’échapper à la justice. Vous avez peut-être déjà fait beaucoup pour eux, lorsque vous avez voulu que les jurés ne fussent qu’a i nombre de 166, et qu’ils fussent en fonctions pendant deux ans. Par là vous avez donné un moyen puissant au pouvoir exécutif de s’acquérir des hommes dans les départements, d’influer d’une manière quelconque sur ceux qui auront été choisis pour jurés, et si vous donnez encore à l’accusé le temps de s’assurer de ceux sur lesquels il pourra compter plus sûrement, vous faites infiniment trop pour lui. Les accusés dont il s’agit ici ne sont pas du rang des accusés ordinaires ; c’est presque toujours la cause de la nation contre celle du pouvoir et de la tyrannie. Je demande donc la première rédaction du comité, c’est-à-dire huit jours seulement pour la récusation. M. lie Chapelier, rapporteur. Nous n'avons pas cru devoir suivre pour le haut juré la règle du juré ordinaire et voici le motif : Les conseils habitant sur les lieux connaissent assez les jurés pour que la récusation s’exerce facilement dans les 24 heures : un plus long délai aurait été un moyen de séduction. Mais il n’en est pas de même quand il s’agit de jurés répandus sur toute la surface du royaume, éloignés les uns des autres par toute la distance qu’il y a entre les chefs-lieux des départements. Certes, alors, à moins d’avoir l’espérance que l’o i sera accusé par le Corps législatif, on ne connaît pres-qu’aucun des hommes qui doivent former le juré ; il faut avoir précisément le même avantage que l’accusé ordinaire; il faut qu’un accusé ait le lra Série. T. XXIII. temps de chercher, avec ses conseils, non pas si tel ou tel juré mérite sa confiance, mais si tel ou tel juré la mérite plus que tel autre. Vous avez voulu lui conserver cetle faculté et vous la rendriez vaine si vous déterminiez un délai plus court : dans huit jou'S quelle instruction voulez-vous qu’on prenne sur des jurés dont l’un est dans le fond de la Basse-Bretagne et l’autre sur les Hautes-Alpes ? En vérité, Messieurs, cela est impossible. Je demande donc que le délai soit d’un mois et que dans tous les cas, si on voulait abréger ce délai, il soit au moins de quinze jours. (L’Assemblée adopte le délai de quinze jours.) L’article 13 est, en conséquence, décrété comme suit : Art. 13. « Les accusés auront quinze jours pour déclarer leurs récusations. » Un membre propose un article additionnel qui est ainsi conçu : Art. 14. « L’accusé ou les accusés auront la faculté d’exercer, sans donner de motifs, le double de récusations accordées par le décret sur la procédure par jurés. » (Adopté.) Art. 15. « Aussitôt que les récusations auront été proposées et le haut juré déterminé, les grands juges feront convoquer les trente membres dont il sera composé , lesquels seront tenus de se rendre, dans quinze jours après la notification du mandement des grands juges, dans la ville qui sera désignée. » (Adopté.) Art. 16. « Les grands juges adresseront, pour le faire notilier, leur mandement aux procureurs généraux syndics des départements où auront été nommés les hauts jurés convoqués. » (Adopté.) Art. 17. « La forme de composer le juré et de procéder qui sera établie pour les jurés ordinaires, sera suivie pour le haut juré. » (Adopté.) Art. 18. « Le commissaire du roi auprès du tribunal du district dans le territoire duquel la haute cour nationale s’assemblera, fera, auprès d’elle, les fonctions de commissaire du roi; elles seront les mêmes, respectivem ntà l’instruction et au jugement, que celles qu’il exercera au tribunal criminel ordinaire ». Plusieurs membres demandent l’ajournement de cet article. Un membre demande la question préalable sur l’ajournement. (L’ajournement est repoussé et l’article 18 adopté.) M. Prieur. Je demande que, par un article additionnel, l’Assemblée veuille bien décréter que les exceptions portées contre les juges et autres fonctionnaires publics pour l’élection au juré, à l’égard du juré ordinaire, s’étendent aussi aux jurés de la haute cour nationale. 4