SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (1er AOÛT 1794) - Nos 12-13 35 12 [Le tribunal criminel du département de l’Eure à la Conv.; 11 therm. Il] (1). Représentants du peuple, Une conspiration sacrilège s’armait contre la liberté publique. Les traîtres ! Ils parlaient de ciel, d’humanité, de vertus, et le poignard du crime était dans leurs mains sanguinaires. Un jour de plus, et peut-être le peuple perdait le fruit de ses nombreux sacrifices. Un jour de plus, et peut-être les tyrans auraient osé !... Mais non. Vous avez vu le danger, représentants magnanimes. Vous avez dit un mot, et la massue nationale s’est levée, et les conspirateurs ont roulé sur la poussière. Ainsi, tandis qu’aux frontières nos braves défenseurs entraînent la victoire à l’étendard républicain, sentinelles avancées du peuple, votre prévoyance active s’élance au-devant de ses dangers. Votre sagesse dirige ses efforts, et, vous identifiant en quelque sorte avec la patrie, vous existez en elle, comme elle ne peut exister sans vous. Veillez sans cesse, représentants, au salut de la République : l’arche sacrée de nos loix repose dans vos mains augustes; la Convention est dépositaire de touttes nos espérances. Que tous les conspirateurs disparraissent. Leurs noms appartiennent aux annalles du crime. Les vôtres appartiennent à l’immortalité. Les président, juges, accusateur public et greffier du tribunal criminel du département de l’Eure, C. Hébert, Castel, L.M. Lejeune ( présid .), Lefebvre ( accusateur public), Lemaistre {greffier). Mention honorable, insertion au bulletin (2). 13 • Le Cn Berlioz chargé de pouvoirs par le Cn Jacques Parthenay demande la révision d’un jugement du 4e arrondissement qui authorise le prétendu fils d’alican Savaye à poursuivre la liquidation des 40.000 roupies. A l’apuy de sa demande, il produit un exposé manuscrit, et un imprimé, une lettre signée Viellane du 30 Janvier 1791, un prononcé du Tribunal de Cassation du 16 flor., un certificat délivré par le C. Cheyreux, archiviste du Louvre, le 25 janvier 1793, un idem du 4 octobre 1792, un mémoire pour le Tribunal de Cassation, avec le détail des pièces qu’il a présenté au dit Tnal, un prononcé du 17 frim du Tnal du 4e arrondissement en datte du 28 mai 1793, signification du jugement du 1er arr‘ de Paris faite le 27 aoust 1792. (1) C 312, pl. 1 239, p. 43. Mentionné par Bln, 26 therm. (2e suppl1). (2) Mention marginale du 14 thermidor II. [Le CL Berlioz, chargé de pouvoirs par le CL Jacques Parthenay à la Conv.; s.l.n.d. (1)]. Le Citoyen Jacques Parthenay, ancien commandant d’artillerie dans l’Inde. Expose qu’il passa au service de la Nation dans l’Inde en 1751, et qu’il y rendit des services signalés en différentes occasions, il se trouvoit à Pondicheri en 1760, lors du siège de cette place par les anglais. Le Gouvernement, ou plutôt la Compagnie des Indes, avait alors à sa solde un corps de Cipayes, commandé par Alikan savaye. Ce chef maure demandoit hautement ce qui lui étoit dû par la Compagnie, et menaçoit, si on ne le payoit, de passer à l’en-nemy. Le Sr du Poet, qui commandoit dans la Colonie, et un Sr Moracin, Gouverneur de Mazulipaton, et administrateur de la Compagnie, n’ayant pas de fonds pour satisfaire à ses demandes, eurent recours à la bourse et au crédit de l’Exposant, à leur prierre l’exposant réalisa 40.000 roupies valant 100.000 livres argent de France, qui furent comptées à Alican Savaye, en déduction de ce qui lui était dû. Comme l’exposant connaissait par lui-même les difficultés que les français étoient sujets à éprouver pour le payement de leurs créances sur la Compagnie; difficultés que n’éprouvoient point les naturels du pays, pour lesquels on avait plus de ménagemens, il prit la précaution ordinaire en pareil cas, d’exiger d’alican savaye une reconnaissance de cette somme, comme d’un prêt qui lui était fait, et de faire donner cette reconnaissance au nom de Joannis Macar-tiche, arménien, son homme de confiance, qui ensuite lui en fit le transport. Outre cela, alikan savaye, remit en nantissement à l’exposant 3 billets, ou réscriptions sur la Compagnie, signés des sieurs Du Poet et Moracin. Cette créance, si légitime, si ancienne, l’exposant est encore à en obtenir le payement, il a consumé une partie de sa vie à lutter contre la mauvaise foi qui voudrait l’en frustrer, il serait trop long de raconter toutes les difficultés, toutes les tracasseries qu’on lui fit éprouver. L’administration de Pondichéry le ren-voyoit à la Compagnie de Paris, et la compagnie le renvoyoit ensuite à l’administration, on lui a fait faire ainsi, et toujours en vain, des voyages de plusieurs milliers de lieues, de Pondichéry à Paris, et de Paris à Pondichéry, et cependant la Compagnie, tout en déniant à l’exposant le payement de sa créance, portait, et sous son nom même, cette créance dans ses comptes, et se la faisait alouer en payement par le gouvernement : ainsi, il n’y avait pas de doute sur sa légitimité. Mais la Compagnie ne s’en tint pas là... Pour se débarasser de ses poursuittes fatiguantes, elle abusa de l’empire qu’elle avait sur le conseil Supérieur de Pondichéry; et cette cour, confondant 2 fonctions essentiellement distinctes, celle de Conseil de Justice, et celle de Conseil d’ad-(1) D III 257, doss. 5 (4e arr1), p. 34. SÉANCE DU 14 THERMIDOR AN II (1er AOÛT 1794) - Nos 12-13 35 12 [Le tribunal criminel du département de l’Eure à la Conv.; 11 therm. Il] (1). Représentants du peuple, Une conspiration sacrilège s’armait contre la liberté publique. Les traîtres ! Ils parlaient de ciel, d’humanité, de vertus, et le poignard du crime était dans leurs mains sanguinaires. Un jour de plus, et peut-être le peuple perdait le fruit de ses nombreux sacrifices. Un jour de plus, et peut-être les tyrans auraient osé !... Mais non. Vous avez vu le danger, représentants magnanimes. Vous avez dit un mot, et la massue nationale s’est levée, et les conspirateurs ont roulé sur la poussière. Ainsi, tandis qu’aux frontières nos braves défenseurs entraînent la victoire à l’étendard républicain, sentinelles avancées du peuple, votre prévoyance active s’élance au-devant de ses dangers. Votre sagesse dirige ses efforts, et, vous identifiant en quelque sorte avec la patrie, vous existez en elle, comme elle ne peut exister sans vous. Veillez sans cesse, représentants, au salut de la République : l’arche sacrée de nos loix repose dans vos mains augustes; la Convention est dépositaire de touttes nos espérances. Que tous les conspirateurs disparraissent. Leurs noms appartiennent aux annalles du crime. Les vôtres appartiennent à l’immortalité. Les président, juges, accusateur public et greffier du tribunal criminel du département de l’Eure, C. Hébert, Castel, L.M. Lejeune ( présid .), Lefebvre ( accusateur public), Lemaistre {greffier). Mention honorable, insertion au bulletin (2). 13 • Le Cn Berlioz chargé de pouvoirs par le Cn Jacques Parthenay demande la révision d’un jugement du 4e arrondissement qui authorise le prétendu fils d’alican Savaye à poursuivre la liquidation des 40.000 roupies. A l’apuy de sa demande, il produit un exposé manuscrit, et un imprimé, une lettre signée Viellane du 30 Janvier 1791, un prononcé du Tribunal de Cassation du 16 flor., un certificat délivré par le C. Cheyreux, archiviste du Louvre, le 25 janvier 1793, un idem du 4 octobre 1792, un mémoire pour le Tribunal de Cassation, avec le détail des pièces qu’il a présenté au dit Tnal, un prononcé du 17 frim du Tnal du 4e arrondissement en datte du 28 mai 1793, signification du jugement du 1er arr‘ de Paris faite le 27 aoust 1792. (1) C 312, pl. 1 239, p. 43. Mentionné par Bln, 26 therm. (2e suppl1). (2) Mention marginale du 14 thermidor II. [Le CL Berlioz, chargé de pouvoirs par le CL Jacques Parthenay à la Conv.; s.l.n.d. (1)]. Le Citoyen Jacques Parthenay, ancien commandant d’artillerie dans l’Inde. Expose qu’il passa au service de la Nation dans l’Inde en 1751, et qu’il y rendit des services signalés en différentes occasions, il se trouvoit à Pondicheri en 1760, lors du siège de cette place par les anglais. Le Gouvernement, ou plutôt la Compagnie des Indes, avait alors à sa solde un corps de Cipayes, commandé par Alikan savaye. Ce chef maure demandoit hautement ce qui lui étoit dû par la Compagnie, et menaçoit, si on ne le payoit, de passer à l’en-nemy. Le Sr du Poet, qui commandoit dans la Colonie, et un Sr Moracin, Gouverneur de Mazulipaton, et administrateur de la Compagnie, n’ayant pas de fonds pour satisfaire à ses demandes, eurent recours à la bourse et au crédit de l’Exposant, à leur prierre l’exposant réalisa 40.000 roupies valant 100.000 livres argent de France, qui furent comptées à Alican Savaye, en déduction de ce qui lui était dû. Comme l’exposant connaissait par lui-même les difficultés que les français étoient sujets à éprouver pour le payement de leurs créances sur la Compagnie; difficultés que n’éprouvoient point les naturels du pays, pour lesquels on avait plus de ménagemens, il prit la précaution ordinaire en pareil cas, d’exiger d’alican savaye une reconnaissance de cette somme, comme d’un prêt qui lui était fait, et de faire donner cette reconnaissance au nom de Joannis Macar-tiche, arménien, son homme de confiance, qui ensuite lui en fit le transport. Outre cela, alikan savaye, remit en nantissement à l’exposant 3 billets, ou réscriptions sur la Compagnie, signés des sieurs Du Poet et Moracin. Cette créance, si légitime, si ancienne, l’exposant est encore à en obtenir le payement, il a consumé une partie de sa vie à lutter contre la mauvaise foi qui voudrait l’en frustrer, il serait trop long de raconter toutes les difficultés, toutes les tracasseries qu’on lui fit éprouver. L’administration de Pondichéry le ren-voyoit à la Compagnie de Paris, et la compagnie le renvoyoit ensuite à l’administration, on lui a fait faire ainsi, et toujours en vain, des voyages de plusieurs milliers de lieues, de Pondichéry à Paris, et de Paris à Pondichéry, et cependant la Compagnie, tout en déniant à l’exposant le payement de sa créance, portait, et sous son nom même, cette créance dans ses comptes, et se la faisait alouer en payement par le gouvernement : ainsi, il n’y avait pas de doute sur sa légitimité. Mais la Compagnie ne s’en tint pas là... Pour se débarasser de ses poursuittes fatiguantes, elle abusa de l’empire qu’elle avait sur le conseil Supérieur de Pondichéry; et cette cour, confondant 2 fonctions essentiellement distinctes, celle de Conseil de Justice, et celle de Conseil d’ad-(1) D III 257, doss. 5 (4e arr1), p. 34.