SÉANCE DU 9 FRIMAIRE AN III (29 NOVEMBRE 1794) - N08 33-35 311 hier en ce qui concerne le département de la Vienne (56). 33 Le citoyen Vitalis fait hommage à la Convention d’un recueil de fables de sa composition ; elle décrète la mention honorable de l’hommage, et renvoie à son comité d’instruction publique (57). 34 Sur la proposition d’un membre [BOURDON (de l’Oise)], faite au nom du comité de Sûreté générale, sur l’arrêté pris à Bordeaux [Bec-d’Ambès] par le représentant du peuple Ysabeau, la Convention nationale casse l’arrêté du représentant du peuple Ysabeau, du 23 fructidor, portant création d’une commission de révision à Bordeaux, tous les avis donnés par cette commission et les arrêtés qui ont été rendus à la suite ; et rapporte son décret de ce jour, portant renvoi de cet objet aux trois comités de Salut public, Sûreté générale et Législation: ordonne que le citoyen Ysabeau, représentant du peuple, se rendra sur-le-champ dans le sein de la Convention (58). Reverchon, au nom du comité de Sûreté générale, fixe l’attention de la Convention sur l’établissement de la commission de révision créée à Bordeaux. Il donne lecture du procès-verbal d’une séance de cette commission, qui contient les faits déjà exposés par Lecointre dans sa motion d’ordre ; il fait sentir l’importance d’arrêter au plus tôt de pareils excès, et propose de casser cette commission et de rappeler le représentant Ysabeau. BOURDON (de l’Oise) : Il est bien étonnant, quand la Convention nationale a fixé les principes qui doivent guider sa justice, qu’un homme qui était en mission à Bordeaux lors de ces jugements prétendus iniques (car je ne crois à l’iniquité d’un jugement que lorsqu’elle m’est bien démontrée) ; il est bien étonnant, dis-je, que cet homme, pour cacher ses fautes, veuille aujourd’hui de son autorité, faire casser ces jugements. On vous a présenté ici une pétition qui a excité toute votre sensibilité; c’est celle des frères Renaud ; elle avait pour objet une révision comme Ysabeau en a fait à Bordeaux; mais la Convention, fidèle aux principes, a conservé le respect dû à l’institution des jurés ; et, pour ne (56) P.-V., L, 177. C 327 (1), pl. 1432, p. 41. Débats, n° 797, 1000; J. Fr., n° 795; M.U., n° 1357. Thibaudeau rapporteur selon C*II, 21. (57) P.-V., L, 177. (58) P.-V., L, 177-178. C 327 (1), pl. 1432, p. 42. Bourdon (de l’Oise) et Lecarpentier rapporteurs selon C*II, 21. pas manquer à ce qui est aussi dû à l’humanité, elle a ordonné les indemnités auxquelles les pétitionnaires avaient droit. Ysabeau s’autoriserait-il de ses pouvoirs illimités ? Mais la Convention, en déléguant de tels pouvoirs à un commissaire, n’a jamais prétendu qu’il pourrait exercer l’autorité suprême : non, un seul homme ne peut jamais avoir cette autorité. (On applaudit.) Nous serons justes, nous serons humains ; mais il arrive aujourd’hui ce que nous a prédit notre estimable collègue Goupilleau : il vous a dit qu’on ne se contenterait pas de la justice que vous voulez exercer ; qu’on voudrait réagir ; vous ne le souffrirez pas. (On applaudit.) Si l’on vient réclamer de justes indemnités, vous les accorderez; mais vous ne laisserez jamais porter d’infraction au principe. Bourdon propose un projet de décret qui, après une courte discussion, est adopté comme il suit : «La Convention nationale casse l’arrêté du représentant du peule Ysabeau du 23 fructidor, portant création d’une commission de révision, et les arrêtés qui ont été rendus à la suite, et rapporte son décret de ce jour, portant renvoi de ces objets aux trois comités de Salut public, de Sûreté générale et de Législation ; ordonne que le citoyen Ysabeau, représentant du peuple, se rendra sur-le-champ dans le sein de la Convention nationale. (59) » 35 Un membre [MAREC], sur cette proposition, rappelle à l’Assemblée que la Convention, par son décret du 30 fructidor dernier, a chargé son comité des Secours publics de lui faire un rapport sur le mode d’exécution de la loi de 1790 (vieux style), qui, en déclarant que les biens des condamnés seroient confisqués au profit de la nation, promet-toit des pensions alimentaires aux veuves et aux enfans ; il demande que ce rapport soit fait dans les deux décades par les comités de Législation et des Finances. La Convention nationale adopte et décrète la proposition (60). MAREC : Ce n’est point assez de supprimer une commission de révision, dont l’institution est contraire à tous les principes, et dont les opérations tendraient, avec des motifs apparents de justice et d’humanité, à renverser tout le système de notre législation et de notre crédit public, et nous conduire à grands pas vers la contre-révolution. Si l’on ne peut se dissimuler qu’un grand nombre de victimes innocentes a été sacrifié sous l’affreux régime dont nous venons de nous affranchir, la Convention nationale ne serait pas exempte de reproches, si elle ne prenait enfin (59) Moniteur, XXII, 627. Ann. Patr., n° 698; F. de la Républ., n° 70 ; J. Perlet, n° 797 ; M.U., n° 1357. (60) P.-V., L, 178. 312 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tous les moyens qui sont en son pouvoir pour sécher les larmes d’une foule de famille éplorées. Ses principes, à cet égard, sont bien connus. Je dis plus, elle les a formellement consacrés dans la séance du 30 fructidor dernier. Ce jour, il se présenta à sa barre des pétitionnaires pour réclamer contre un jugement pareil à ceux que l’on révisait dernièrement à Bordeaux. Elle passa à l’ordre du jour sur cette réclamation ; mais elle décréta, sur ma proposition, que son comité des Secours publics leur ferait incessamment un rapport sur le mode d’exécution de la loi du... 1790 (vieux style), qui, en déclarant acquis au profit de la nation les biens des condamnés, promettait des pensions ahmentaires à leurs veuves et à leurs enfants. Ce rapport n’a point encore été fait, sans doute, parce que son objet n’est que de la compétence du comité des Secours publics. Je demande que les comités de Législation et des Finances en soient chargés, et qu’ils nous présentent enfin ce rapport si intéressant, dans deux décades pour tout délai. Cette proposition est décrétée (61). 36 Un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du 5 frimaire : la rédaction en est adoptée (62). 37 Un membre fait la demande d’une augmentation d’indemnité de 300 liv. en faveur du citoyen Boussart, qui, conjointement au citoyen Desforges, a eu part à une action éclatante déjà connue de la Convention: sur cette proposition : La Convention nationale décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera, à titre de gratification, la somme de 300 liv. au citoyen Pierre Boussart, collaborateur du citoyen Desforges dans l’action éclatante désignée par le décret du premier frimaire, et que le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (63). (61) C 327 (1), pl. 1432, p. 43 indique Marée comme auteur de la motion. Moniteur, XXII, 627-628 ; Ann. Patr., n° 698 ; C. Eg., n° 833 ; F. de la Républ., n° 70. (62) P.-V., L, 178. (63) P.-V., L, 178. C 327 (1), pl. 1432, p. 44. Bull., 9 frim. (suppl.) ; J. Fr., n° 795. Reynaud (de la Haute-Loire) rapporteur selon C*II, 21. 38 Un membre [RÉAL], au nom du comité des Finances, propose le décret suivant, qui est adopté. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [RÉAL, au nom de] son comité des Finances, décrète : Article premier.- Il sera incessamment procédé à l’estimation exacte et rigoureuse des bâtimens et emplacemens dépendant de la filature de coton établie à Orléans [Loiret], ensemble des matières fabriquées ou non-fabriquées, effets mobiliers, mécaniques et ustensiles servant à l’exploitation. Art. II.- Cette estimation sera faite par trois experts nommés, l’un par la commission des revenus nationaux, l’autre par le directoire du département du Loiret, et le troisième par le directoire du district d’Orléans. Art. III.- Ces experts dresseront aussi un état de situation de l’actif et du passif de cet établissement; ils opéreront en présence d’un autre expert nommé par le citoyen Foxlow, co-propriétaire et directeur de cet établissement, qui aura voix instructive. Art. IV.- Les experts adresseront leur procès-verbal d’estimation au comité des Finances, qui proposera à la Convention nationale l’adjudication définitive, s’il y a lieu. Art. V.- L’adjudicataire sera tenu de payer le prix; savoir, un sixième dans le mois, à compter du décret d’adjudication, et les autres sixièmes d’année en année, en sorte que la totalité du décret d’aliénation soit payée dans l’espace de cinq années, à compter du décret d’aliénation (64). RÉAL : Citoyens, il existe à Orléans une filature de coton qui mérite, par son importance, de fixer l’attention du gouvernement. Cet établissement remonte à 1787 ; il fut dû principalement aux soins et à l’industrie de Foxlow, citoyen français, copropriétaire et directeur de cette manufacture. On pourra y occuper jusqu’à deux mille ouvriers, lorsqu’il aura reçu toute l’activité dont il est susceptible. Philippe Capet, ci-devant Orléans, avait fourni la majeure partie des fonds ; les six-septiè-mes des actions lui appartenaient; l’autre septième appartient au citoyen Foxlow. Le 17 février 1790, il fut fait entre eux un traité de société sous la raison de Foxlow et Compagnie. Une clause essentielle de ce traité est qu’en cas de mort de l’un des associés, ses héritiers ou ayants cause ne pourront, dans aucun cas, disposer de leurs actions qu’après en avoir offert par écrit la préférence aux associés survivants. Foxlow réclame aujourd’hui l’exécution de cette clause de son traité vis-à-vis de la Nation, qui a succédé aux droits d’Orléans, tombé sous le glaive de la loi. (64) P.-V., L, 178-180.