(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [46 août 1790.] 293 gleterre le temps d’arriver à son but. Ce but est sans doute de faire un traité de commerce avec l’Espagne. L’Angleterre dira à l’Espagne, votre décret à la main : Vous n’avez avec la France que des traités incertains, je vous en offre de durables. Oui, sans doute ce sera làson langage, et si vous adoptez ce décret, pour la première fois dans l’histoire du monde les représentants d’un grandj peuple auront ainsi raisonné : Nous exécuterons les traités, mais nous engagerons en même temps le roi à en conclure d’autres. M. Barnave. Je ferai de très courtes observations ; d’une part, je ne crois pas avoir besoin d’insister sur la conservation du mot défensifs , cette expression ajoutée au décret est conforme aux principes que vous avez établis ; d’autre part, il est certain que les clauses défensives, insérées au traité, ne l’ont été que pour la France. L’Espagne avait uniquement intérêt à se conserver, nullement à s’accroître; ainsi, en renonçant aux clauses stipulées en votre faveur, vous ne faites rien qui soit contraire aux intérêts de votre allié. Quant à l’observation sur le traité national à négocier, vous ne pouvez que confirmer provisoirement les traités existants, puisqu’il est nécessaire de les modifier, en convenant de clauses non offensives, et puisque les clauses commerciales ont besoin d’être perfectionnées ; mais en conservant provisoirement les stipulations du traité il est indispensable de continuer l’alliance entre les deux nations, en négociant des conditions plus convenables. L’Angleterre ne peut que chercher à attirer l’Espagne, pour l’éloigner de nous; l’Angleterre ferait un traité permanent : c’est un traité permanent et durable qui doit remplacer celui qu’il e3t indispensable de modifier, et que nous ne pouvons observer que provisoirement. Je demande donc la question préalable sur les amendements proposés par le préopinant. J’ajouterai moi-même un amendement, et je dirai qu’il est impossible d’exprimer vaguement que nous voulons conserver la paix; il faut non seulement dire que nous voulons maintenir des liens utiles aux deux peuples, mais que nous voulons les perpétuer . Il faut de plus une démarche positive ; je demande que, par un décret, le roi soit prié d’entrer en médiation entre les deux puissances. M. Charles de Iwameth. En adopta ntl’opinion de M. Barnave, je crois nécessaire, indispensable même, de rappeler le décret du 22 mai, quifporte que l'Assemblée se réservera le droit de conclure les traités. Si vous faites attention à la rédaction qui vous est proposée, vous y verrez qu’il s’ensuivrait que le ministre aurait ce droit. M. de Mirabeau l’ainé. Nous avons rédigé notre projet de décret suivant les vues que l’Assemblée vient de manifester. Nous devons cependant vous rendre compte d’une observation faite entre nous. Nous avons cru que la répartition des forces militaires tenant à la manutention militaire appartenait uniquement au roi. Nous avons également pensé qu’en stipulant l’armement de 45 vaisseaux de ligne, vous entendiez aussi l’équipement d'un nombre suffisant de frégates et de bâtiments légers. Voici la nouvelle rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la pro-osition formelle du roi, contenue dans la lettre e son ministre, du i,r août, « Décrète que le roi sera prié de faire connaître à Sa Majesté Catholique que la nation française, en prenant toutes les mesures propres à maintenir la paix, observera les engagements défensifs et commerciaux que son gouvernement a précédemment contractés avec l’Espagne ; « Décrète, en outre, que le roi sera prié de faire immédiatement négocier avec les ministres de Sa Majesté Catholique, à l’effet de resserrer, et perpétuer, par un traité, des liens utiles aux deux nations, et de fixer avec précision et clarté toute stipulation qui ne serait pas entièrement conforme aux vues de paix générale et aux principes de justice, qui seront à jamais la politique des Français ; « Au surplus, l’Assemblée nationale, prenant en considération les armements des différentes nations de l’Europe, leur accroissement progressif, la sûreté des colonies françaises et du commerce national ; « Décrète que le roi sera prié de donner de3 ordres pour que les escadres françaises en commission puissent être portées à 45 vaisseaux de ligne, avec un nombre proportionné de frégates et autres bâtiments. » (Ce décret est unanimement adopté.) M. le Président. J’ai reçu de M. de La Tour-du-Pin une lettre par laquelle il annonce à l’Assemblée le retour de l’ordre et de la subordination dans les garnisons de Nancy et de Metz et fait l’éloge de la garde nationale. M. Régnier. Je demande : 1° que M. le président soit chargé d’écrire à la garde nationale de Nancy pour lui témoigner la satisfaction de l’Assemblée ; 2° que la lettre de M. de La Tour-du-Pin soit insérée dans le procès-verbal. M. Prieur. Je demande également que l’Assemblée témoigne sa satisfaction aux régiments rentrés dans l’ordre. Cette proposition n’étant pas appuyée n’est pas mise aux voix. La double motion de M. Régnier est adoptée. Lettre de M. de La Tour-du-Pin, du 26 août. « Monsieur le Président, « Lorsque j’ai été dans le cas de dénoncer à l’Assemblée nationale les insurrections de plusieurs corps d’armée, il m’en coûtait infiniment d’avoir à remplir auprès d’elle un si pénible devoir; mais la place que j’occupe, m’en imposait l’obligation. J’ai enfin des nouvelles consolantes à annoncer à l’Assemblée nationale, et je m’empresse de l’en instruire par votre organe. Le régiment de Forez, qui avait été le premier à se faire représenter par ses officiers les registres de comptabilité, et qui les avait forcés à lui remettre environ 60,000 livres, a été aussi le premier à reconnaître ses torts. Les sous-officiers et les soldats ont témoigné leur repentir de la manière la plus loyale et la plus franche, et ils l’ont consigné dans une adresse qu’ils ont remise à l’officier général, qui a été chargé d’examiner les comptes de ce corps. L’assassinat que le nommé Dussel, caporal au régiment de Saintonge, a tenté de commettre en la personne de M. de Kinglin, maréchal de camp, commandant des troupes à Strasbourg, a excité dans ce corps la plus vive indignation, et tous les membres qui le composent ont demandé, d’une voix unanime, que le coupable fût livré 294 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 août 1790.] à toute la rigueur des lois. L’honneur qui, dans tous Jes temps, a distingué le militaire français, s’est, dans cette occasion, montré dans toute son énergie parmi les braves soldats de ce régiment. J’ai déjà eu soin de communiquer la lettre qu’ils m’ont écrite au sujet du caporal, au comité militaire. « Les trois régiments qui forment la garnison de Nancy sentent enfin que rien ne peut justifier les coupables excès qu’ils se sont permis ; ils en montrent du regret, et ils paraissent disposés à ne plus s’écarter du respect qu’ils doivent aux décrets de l’Assemblée nationale, aux ordres de Sa Majesté et à leurs supérieurs. Je ne dois pas laisser ignorer à l’Assemblée, que la garde nationale de Nancy n’a pas peu contribué à rappeler la garnison à l'obéissance. Je saisis avec plaisir cette occasion pour lui rendre toute la justice qui lui est due. La conduite qu’elle a tenue dans cette circonstance est au-dessus de tous les éloges. « D’après les dernières dépêches que j’ai reçues de Metz, il parait que la fermentation diminue aussi sensiblement dans la garnison de cette place. J’aime à me flatter que les autres régiments qui ont partagé leurs torts, ne tarderont pas à imiter leur repentir et à se conformer exactement aux décrets de l’Assemblée et aux ordonnances : si mon attente n’est pas trompée, mon premier soin sera d’en informer l’Assemblée nationale. « Je suis, avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, Signé-. La-Toür -du-Pin. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Riquetti le jeûne, ci-devant vicomte de Mirabeau, qui annonce qu’étant sorti de la France, le premier usage qu’il fait de la liberté est de donner sa démission de député à l’Assemblée nationale, et qu’il est prêt à se joindre à toutes les protestations faites et à faire contre tout ce qui porte atteinte à la monarchie et aux propriétés du roi. Voici la teneur de cette lettre : « Monsieur le Président, « Renouvelant et adoptant, tant que de besoin, toutes les protestations faites et à faire contre tous actes tendant à dénaturer la monarchie, renversant les lois constitutionnelles, détruisant ou altérant les titres des propriétés sur lesquels reposent, soit les droits du roi, premier gentilhomme français (titre si cher à François Ier et à son auguste maison), soit les droits des trois ordres, inhérents à la monarchie et ceux de tous les citoyens du royaume, je déclare et je vous prie de déclarer, que lé premier acte de liberté dont je jouis hors du royaume est de me démettre du titre et des fonctions que les membres de la noblesse du Limousin m’avaient fait l’honneur de me confier, en me députant, pour leur ordre, aux Etats libres et généraux du royaume. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Le vicomte de Mirabeau. « Aix-la-Chapelle, le 15 août 1790. » ( Voy . aux annexes de la séance, p. 298, la lettré de M. le vicomte de Mirabeau à ses commettants.) Un membre à gauche : Cette lettre est une protestation bien plus qu’une lettre de démission. M. Blnget, curé de R iceys, député deBar-sür-Seine, demande et obtient un congé de trois semaines. La séance est levée à deux heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ, ANCIEN PRÉSIDENT. Séance du jeudi 26 août 1790, au soir (1). M. d’André, ancien président , occupe le fauteuil en l’absence de M. Dupont (de Nemours), président. La séance est ouverte à six heures du soir par la lecture de l’extrait des adresses suivantes : Adresse de félicitation, adhésion et dévouement du conseil général des trois communes de Fleury, Semoy et Chanteau, canton du district d’Orléans, département du Loiret. Elles ont formé un bataillon de gardes nationales et supplient l’Assemblée nationale de leur procurer des armes. Adresse de la municipalité d’Ambérieux, département de l’Ain : elle fait le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. Adresse du président de l’assemblée électorale des administrateurs du district d’Uzès qui justifie que la minorité des électeurs de ce district n’a pas adhéré d’un manière plus expresse et plus étendue aux décrets de rAssemblée nationale, que tous les électeurs réunis. Procès-verbal du dépôt fait par les gardes nationales du département de la Charente, dans la salle des séances de l'assemblée administrative, de la bannière qui leur a été donnée par la municipalité de Paris : il résulte de ce procès-verbal que les six districts qui composent ce département ont prêté le serment solennel de défendre la patrie jusqu’à la dernière goutte de leur sang, contre les peuples étrangers qui oseraient attaquer la France; d’envoyer en conséquence, sur-le-champ, contre eux et successivement, au fui* et à mesure du besoin, chacun mille et plus de leurs citoyens, qu’ils défrayeront pendant tout le temps de la guerre. Adresse des administrateurs composant le directoire du département du Pas de-Calais, et de ceux du département des Deux-Sèvres, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale l’hommage d’une adhésion absolue à tous ses décrets et d’un dévouement sans bornes pour en assurer l’exécution. Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Béziers, qui fait une pétition relative à l’échange des assignats-monnaie, contre des espèces. Adresse à l’assemblée générale de la section de Bondi, qui s’élève avec la plus grande force, contre la pétition faite à l’Assemblée nationale, le 10 du présent mois, par les prétendus représentants de la commune de Paris. Adresse des membres de l’association de bienfaisance du district des Jacobins Saint-Dominique, qui fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage pour l’extinction de la mendicité. (1) Cette séance est incomplète ad Moniteur.