Q30 [Assemblée nationale.] sieurs milliers de soldats citoyens, de tous les rangs, de tous les âges, de tous les lieux, ralliés dans une heureuse confusion aux pieds de la patrie que vous avez sauvée, et mêlant à leurs serments, pour la défense du drapeau delà liberté, les actions de grâces les plus vives pour les héros législateurs qui l’ont arboré sur les ruines du despotisme renversé. Pouvaient-elles être les dernières, Messieurs, à vous offrir l’hommage de leur inébranlable attachement à la tige naissante de la liberté française, les gardes nationales de ces provinces autrefois si vantées pour les valeureux exploits qui les ont distinguées dans toutes les crises malheureuses où la France ravagée ne se défendait, après tout, des attaques d’un rival acharné, que pour courber aveuglément sa tête sous un joug qui n’était moins honteux pour elle, que parce qu’il ne lui était pas étranger? Plus de trois mille citoyens confédérés sous les murs d’Orléans déposent à vos pieds, comme autrefois les anciens à ceux de leurs héros et de leurs dieux, leurs vœux et ceux de cinquante mille frères qu’ils représentent, pour le maintien decette Gonilitution, qu’ils ont nommée dans leur enthousiasme civique, le miracle du génie et le chef-d’œuvre du patriotisme. Ah 1 que n’avez-vous été vous-mêmes témoins, Messieurs, des élans de leur admiration! Ils vous eussent attendris jusqu’aux larmes, ces élans d’autant plus énergiques qu’il y entrait moins d’apprêt et que le cœur faisant tous les frais de leur acclamation ingénue, empruntait de la nature seule ce geste, cette attitude dont l’expression est si éloquente qu’après l’avoir vue, après s’y être livré soi-même avec la plus vive émotion, on désespère encore de la peindre fidèlement, Vivent à jamais, s’écrient-ils dans les tendres épanchements de leurs âmes émues, vivent 4 jamais les pères de la pairie : vivent nos augustes représentants, qui, commandant au nom de la raison à tous les peuples étonnés, ont posé d’une main aussi sûre que courageuse, le trône de la félicité publique sur les bases inébranlables de l’égalité toujours balancée, de la vertu toujours récompensée! Puis, par un retour délicieux, se livrant dans un heureux abandon, à ce sentimentinexprimable qui, par excellence, est celui de tous les Français, vive à jamais, répétaient-ils dans leurs transports, vive à jamais ce roi-citoyen, ce monarque adoré, et si digne de l’être, qui laissant bien loin derrière lui les Louis XII et les Henri IV, que l’histoire lui présentait pour modèles, s’est montré jaloux de venir lui-même, environné de sa seule vertu, partager avec les représentants d’une nation dont il est le père, l’honneur de sauver la chose publique, et lier généreusement sa cause à celle de la liberté d’un peuple dont il se plaît à songer qu’il est tendrement aimé. Préparés par ces douces émotions, ou plutôt soulagésen quelque sorte par ces pieuses effusions dont nos cœurs avaient besoin, nous avons tous juré, Messieurs, sur l’autel de la patrie, et la religion elle-même a reçu nos serments; nous avons tous juré sur nos armes, sur notre honneur, et sur nos vies, de respecter et de défendre à jamais les droits de l’homme et du citoyen; de maintenir, en toute occasion, la liberté publique et la liberté individuelle; de garantir les domaines nationaux et les propriétés particulières; de venger, conformément à vos décrets, l’autorité tutélaire de nos magistrats municipaux; de protéger en tous lieux la libre circulation des grains, qui peut seule met-[20 mai 1790.] tre à l’abri du jeu cruel de l’avide monopoleur, le premier aliment de vi ngt-quatre millions d’ hommes dont les droits sont égaux et les intérêts sont communs; et surtout de déployer toute la force de nos armes pour la perception des impôts légalement établis, sans laquelle le vaisseau public déjà si longtemps battu par la tempête, tenterait inutilement d’arriver au port. Un pacte de famille a mis le sceau à nos serments comme à notre confiance, et sous l’égide impénétrable d’une éternelle fraternité à laquelle nous associons avec transport tous les vrais citoyens, en défiant les ennemis du dehors, nous aimons mieux nous arrêter à l’espoir de ramener parmi nous ceux de nos frères, qu’une obstination intéressée, ou une servile habitude de préjugés pourraientégarer encore, que songer à la victoire toujours douloureuse qu’assure de plus en plus le nouveau lien qui nous resserre. Tels sont, Messieurs, les engagements solennels dont nous déposons en vos mains le contrat patriotique. Puisse* t-il être bien près de nous ce jour si désiré ou nous trouverons dans vos décrets, et le titre de notre existence devenue nécessaire à la perfection du grand ouvrage de la restauration publique, et le tableau des devoirs dont l’entier accomplissement peut seul nous rendre dignes de porter l’épée citoyenne! Par là vous encouragerez nos travaux, vous assurerez nos succès, et vous comblerez notre reconnaissance. Nous avons l’honneur d’être, etc. M. le Président répond : « Messieurs, l’intimité d’une union étroite entre tous les Français est un des fruits les plus heureux de la Constitution ; les Français maintenant sont frères, et tous servent d’un zèle égal leur commune patrie. L’Assemblée nationale sait combien elle doit compter sur la fidélité et le courage des gardes nationales; elle applaudit à vos vœux, elle reçoit avec satisfaction le gage de voire fidélité, et elle reconnaît dans vos expressions les sentiments dont toute la nation est pénétrée pour le prince qui fait le bonheur et qui est l’objet de l’amour des Français. «L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » M. Defay demande l'impression de l’adresse d’Orléans. L’Assemblée décrète que l’adresse sera imprimée et jointe au procès-verbal de la séance. M. le Président fait donner lecture à l’Assemblée d’une lettre du ministre de la guerre, sur ce qui s’est passé à Brest entre la municipalité de cette ville et M. de Martinet, lieutenant-colonel commandant le régiment de Beauce. On demande que la lettre et les pièces y jointes soient renvoyées au comité des rapports, et l’Assemblée le décrète ainsi. L’ordre du jour est un rapport sur la déclaration de Suisses de Fribourg contre leur détention aux galères de Brest. M. l’abbé Grégoire, au nom du comité des rapports. Au mois de mai 1781 deux mille cinq cents hommes s’assemblèrent sous les murs de Fribourg, pour conquérir la liberté que le gouvernement devenu aristocratique leur avait enlevée. Les magistrats, effrayés, proposèrent une capitulation : elle fut adoptée de part et d’autre. Au mépris de ce traité, on instruisit au criminel ARCHIVES PARLEMENTAIRES.