[Convention nationale,] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. I -îi ïov?Æ«93 215 Louvre, de la ci-devant chambre dés domaines, appelaient aussi une exception quant au délai et quant au mode. Ces titres sont liés à la for¬ tune publique, beaucoup sont très intéressants pour rhistoire, l’intérêt personnel ne se trouve pas stimulé par la loi pour en hâter le triage et l’extrait. Vous avez prévenu les intentions de votre comité, en nommant ces jours derniers, comme il devait vous proposer de le faire, une Commission chargée de surveiller et de presser les opérations délicates et importantes que nécessitent ces différents dépôts, avant que vous les soumettiez à la proscription décrétée. Citoyens, lorsque vous aurez vu s’exécuter à une époque peu éloignée le brûlement des titres soit purement féodaux, soit mixtes, aurez-vous obtenu tout ce que vous avez droit d’attendre? Aurez-vous fait tout ce que l’éga¬ lité réclame de vous? Non, citoyens, votre comité doit vous le dire, elle ne sera qu’à demi Vengée; vous n’avez condamné aux flammes qu’une portion de ces écritures honteuses dont elles doivent consumer jusqu’à la dernière lettre: les titres constitutifs et récognitifs des droits Ci-devant féodaux, censuels et seigneuriaux, ne sont pas les derniers restes de la féodalité. Il est encore une foule innombrable de titres que votre décret n’atteint pas, quoiqu’ils vous la peignent dans toute sa laideur; la surface de la République serait presque couverte des actes de toute espèce qui existent dans son sein : eh bien! il n’en est peut-être pas dix que le monstre royal ou féodal n’ait souillé de sa griffe ou de son nom, pas un qui ne rappelle l’horrible souvenir du despotisme et de l’esclavage, pas un qui ne choque les yeux de tout fier républicain. Ici se présente une de ces idées simples et sublimes qui ne purent jamais germer sur un sol esclave, mais qui, sur une terre vraiment libre, croissent, fleurissent et portent des fruits; elle avait frappé sous quelques rapports l’imagina¬ tion fiscale des vampires de l’ancien régime, mais elle échoua toujours contre celle de tra¬ vailler sourdement un royaume en finances ; sui¬ vant leur expression technique et favorite. D’ailleurs, un plan n’est beau que pat son objet, et sous ce point de vue il était impos¬ sible aux agents d’un gouvernement tyrannique d’exécuter un beau plan, un plan créé pour le bonheur du peuple, dont la misère, les sueurs et le sang les engraissaient r aussi les avez-vous vus plus d’üne fois, épouvantés de leurs propres conceptions, les étouffer eux-mêmes lorsqu’ils en apercevaient les conséquences favorables à l’intérêt public, et par cela même nuisibles au leur. L’idée que votre comité vous soumet est plus complète que celle du cadastre tenté plus d’une fois inutilement, parce que le levier exécutif manquait de point d’appui, parce que les résis¬ tances et les frottements étaient dans la même main que les forces, êt les surpassaient de beaucoup; c’est à vous qu’il appartient de réa¬ liser ce qui ne parut qu’une chimère Sous l’an¬ cien régime; c’est à vous qu’il appartient de prouver, sous le nouveau, combien la puissance réelle du souverain est au-dessus du pouvoir usurpé et factice d’un tyran. Vous avez décrété un grand livre de la dette publique, et il s’achève rapidement sous vos yeux. L’intérêt public vous commande un grand livre des propriétés territoriales ; vous ferez aussi ce présent à la République : est -il un seul de nous qui n’en sente la possibilité, la facilité même, et qui n’en goûte déjà tous les avantages? Lié à un plan d’abornement général, le grand livre des propriétés foncières découvre A la na¬ tion la véritable source de son bonheur et de sa puissance; il efface jusqu’à la plus légère trace de la féodalité, en réduisant presque tous les actes qui la rappellent à une inutilité absolue; il chasse la chicane aux abois de son plus riche domaine; il démasque et déconcerte l’usurpa¬ teur; il assure les hypothèques et prévient le stellionnat, et ce qui est surtout bien important, il facilite la juste et précise répartition de l’im¬ pôt; à l’aide du grand livre on ôte à l’un ce que les titres lui refusent, on rend à l’autre ce que les siens réclament, et les communaux s’accrois¬ sent des possessions vicieuses, des usurpations prouvées et de l’excédent des fausses déclarations. Frappé de l’utilité et de l’importance de ce vaste projet, votre comité avait d’abord pensé à le suivre et à le rédiger; mais réfléchissant que par sa nature il sort de sa compétence, qu’il exige une application constante à Un genre de travaü qui n’est pas le sien, et un grand nom¬ bre de données qu’il n’a pas, il se contente de vous faire hommage du principe : il voue engage à le décréter, et à charger trois de vos comités réunis de le vivifier promptement par un mode d’exécution. Ce projet d’ailleurs lui a paru exiger un délai beaucoup plus long que celui qui suffit au brûlement des titres dont il est indépendant s enfin le principal but de votre comité a été de satisfaire votre juste impatience sur l’exécution de la loi du 17 juillet. Voici le projet de déoret qu’il vous propose. PROJET DE DÉCRET Art. 1er. « Tout propriétaire, possesseur, détenteur ou dépositaire public ou privé de minutes, expé¬ ditions ou copies de titres et actes purement seigneuriaux, féodaux ou censuels, sont tenus de les déposer au greffe des municipalités des lieux où se trouvent lesdits actes, deux décades après la publication du présent décret, sous les peines portées par l’article 7 de la loi dû 17 juil¬ let 1791* Art. % « Sont réputés actes purement seigneuriaux, féodaux ou censuels, les actes ou titres publics ou privés constitutifs ou récognitifs de tous droits ou redevances ci-devant seigneuriaux, féodaux, censuels, fixes ou casuels, payés en argent, graines, volailles, cire, laine, animaux denrées ou fruits de la terre, supprimés sans indemnité sur les propriétaires, par la loi du 17 juillet dernier, ainsi que ceux supprimés sans indemnité ou déclarés raehetables par les lois antérieures (1), spécialement ou génêrique-(1) Connus sous les dénominations d’accapté et arrière-accapte, accise, afforage, affoir, affore, affeu-rage, affranchissement, agrier ou agrière, aide sei¬ gneuriale, aînesse, amende de cens, arage, assises, aunage, avenage, aveu, avouerie, bannalité, banvin, ban-à-vin, ban-de-vin, ban-dé-mai, ban d’août, bar¬ rage, bâtardise, bichenage, blairie, billots seigneu¬ riaux, blâme, bordelage, bouche et les mains, bour¬ geoisie, bouteillage, capcatal, capitainerie, cartelâge, cas impériaux, catel, cens, cens en commande, cen-sives, centième, champart, chasse des meuniers, chassîpol, chassipolencé ou chassipolerie, cheminée, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I brumaire an II (14 novembre 1703 216 [Convention nationale.] ment désignés dans lesdites lois, ou qui pour¬ raient y avoir été omis; ceux desdits droits et redevances énoncés sous la dénomination con¬ jonctive de fonciers et seigneuriaux, empor¬ tant cens, lods et vente, quand même ils au¬ raient pour cause une concession primitive de fonds, ainsi que tous les actes contenant abonnements, pensions et prestations quelcon¬ ques, représentatifs desdits droits et redevances, et supprimés comme eux. Art. 3. « Il sera nommé dans chaque municipalité le nombre de commissaires jugé par elle nécessaire pour recevoir lesdits titres et actes sujets au brûlement, et en donner un récépissé aux dépo¬ sants. Art. 4. « Ce récépissé sera ainsi conçu : Le citoyen ..... a remis au greffe de la municipalité de ..... (le nombre) des titres sujets au brûlement or¬ donné par la loi du 17 juillet 1793. Art, 5. « Les minutes, expéditions ou copies des titres désignés ci-dessus, seront brûlés dans toute l’étendue de la République, le dernier jour de la décade qui suivra le dépôt, sur les placeB publiques des communes. Art. 6. « Tout propriétaire, possesseur, détenteur ou dépositaire public ou privé de minutes, expédi-cheminage, gîte aux chiens, cinquantième, cohue ou cohuage, coisolage, collecte, colombier, commise, communaux, complant, congé, copel, coponage, cor¬ vées personnelles et réelles, coupe, grande et petite coutume, déport de minorité, déshérence, dîmes de toute espèce, échute, enclave, entretien des clôtures, épaves, étalage, étalonnage, étanche, fautrage, feu, feux allumants, feu mort, foi-hommage, forage, foraige, fortifications des bourgs et châteaux, fouage, franc-fief, fiefs chéans et levants, fuye, gage-plége, garde, guet et garde, garde royale, garde seigneu¬ riale, garenne, gave, gavenne ou gaule, hallage, havage, impôts seigneuriaux, indire aux quatre cas, justices seigneuriales, leude, layde ou leyde, levage, lods, lods et vente, matrice, ménagé ou minage, mesurage, mi-lods, minage, monéage, morte-main, motte, rniegage, meilleur cartel, parciers, palette, parcours, passage, pâturage, péage, plaids, plaict ou pléect, poids et mesures, poinçon, pont, pontage, pontenage, pontonage et pontonalge, pourxain, préage, prélarion, pugnière, pulverage, quevaise, quêtemonte, quint, requint, quintalage, rachat, ra¬ vage, rabattement de décret, reconnaissance, rele-vaisons, relief, retenue seigneuriale, retrait, sauve¬ garde, sauvement, sciage, sexterage, sesterage, ses-terlage, seterlage, setrellage, sextelage, sextellage, stellage ou strelage, soeté, sigettons, stucens, tabel-lionnage, tâche, taille à volonté et personnelle, tasque, taverne ou tavernage, terrage, tiers denier, tonlieu, travers, trezain, treizième, triage, umgeld, vent, venterolles, ventes et issues, verte monte, ves-devin, vuidemain, voierie, vingtanisin, vâche-pâture, vingtain, yctude, et généralement tous les titres, droits et redevances ci-devant seigneuriaux, féodaux et censuels, reconnus tels par les coutumes et usages, sous quelque dénomination que ce puisse être, même ceux qui pourraient avoir été omis dans le présent décret, ainsi que tous abonnements, pensions et prestations quelconques, représentatifs desdits droits et redevances. (Note de Pons , de Verdun.) tions ou copies de titres ou actes mixtes seront tenus de les déposer au greffe des municipalités des lieux dans deux mois pour tout délai, à compter du jour de la publication du présent décret. Art. 7. « Sont réputés titres ou actes mixtes, ceux qui, étant constitutifs ou récognitifs de redevances et droits ci-dessus énoncés et supprimés par la loi du 15 juillet et celles antérieures, constitue¬ raient ou reconnaîtraient en même temps, des propriétés ou rentes purement foncières et non féodales conservées par la même loi. Art. 8. « Sont aussi compris au nombre des actes ou titres mixtes les registres, protocoles ou réper¬ toires en usage dans plusieurs départements, où les minutes d’actes de toute espèce se trouvent insérées à la suite les unes des autres; lesdits registres, protocoles ou répertoires seront dépo¬ sés au greffe des municipalités dans le même délai que les actes ou titres mixtes. Art. 9. « Le brûlement des actes et titres mixtes se fera sur les places publiques des communes le dernier jour de la seconde décade qui suivra le dépôt. Art. 10. « Pendant la prorogation de délai accordée, par le présent décret, pour le dépôt des titres et actes mixtes, registres, protocoles ou répertoires toute personne intéressée à la conservation de la partie desdits actes qui établit ou reconnaît des propriétés purement foncières et non féodales ou qui contient des actes non féodaux, se pré¬ sentera, si bon lui semble, chez les dépositaires publics, et leur fera dresser, à ses frais, un extrait purgé de tout ce qui se trouve proscrit par la loi du 17 juillet et celles antérieures. Art. 11. « La publication et l’ affiche du présent décret tiendront lieu de sommation de la part du dépo¬ sitaire à toutes les parties intéressées, de s’ac¬ corder entre elles pour faire dresser l’extrait ci-dessus. Art. 12. « Et pour que le présent décret ait une plus grande publicité, il sera promulgué à son de caisse dans toutes les communes, inséré au bulletin, dans tous les journaux et affiches des dé¬ partements, avec ces mots : Par ordre de la Con¬ vention nationale. Art. 13. « Les extraits faits à la réquisition des parties intéressées, seront signés par les dépositaires et par les commissaires municipaux, et resteront, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, entre les mains desdits dépositaires pour y tenir lieu des minutes brûlées ou à brûler. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f novemtVl793 217 Art, 14. « A l’expiration du délai accordé par le présent décret pour faire le dépôt desdits actes ou titres mixtes au greffe des municipalités, tout déposi¬ taire sera tenu de l’effectuer, sous les peines portées par l’article 7 de la loi du 17 juillet, quand bien même les parties intéressées n’au¬ raient point demandé l’extrait desdites minutes. Art. 15. « Tout dépositaire, en effectuant le dépôt ci-dessus, sera tenu de présenter aux commis¬ saires de la municipalité, chargés de le recevoir, un état des extraits tirés des minutes qu’il dépose, et de celles dont il n’en aura pas été tiré. Art. 16. « Cet état sera vérifié et signé par les com¬ missaires municipaux, et servira de décharge audit propriétaire. Art. 17. « Les parties intéressées pourront encore, dans la première déoade qui suivra le dépôt, réclamer auprès des municipalités la rectifica¬ tion des erreurs qu’ils reconnaîtraient s’être glissées dans les extraits qui auraient été dressés, et s’entendre avec les dépositaires et les parties intéressées, pour que cette rectifica¬ tion se fasse dans ladite première décade. Art. 18. ? « Pourra, si bon lui semble, tout dépositaire, sans y être provoqué par les parties intéressées, faire à ses frais des extraits purgés des actes ou titres mixtes, les conserver pour minutes, après les avoir fait signer et vérifier par les com¬ missaires municipaux et en délivrer des expé¬ ditions auxdites parties intéressées. Art. 19. « Pour chaque extrait minute et chaque ex¬ pédition, il sera payé à tout dépositaire, dix sols par rôle de petit papier, contenant 20 lignes par page; 15 sols par rôle de papier moyen, contenant 27 lignes par page; et 20 sols par rôle de grand papier, contenant 30 lignes par page; sans préjudice de ce qui pourrait leur être dû à raison des minutes déposées. Art. 20. « Il n’est rien changé, par le présent décret à celui du 9 brumaire concernant les titres de liquidation des créances sur l’État. Art. 21. « Il est sursis à l’exécution de la loi du 17 juil¬ let, quant au brûlement des titres et actes qui se trouvent dans les dépôts nationaux, jusqu’après le rapport de la commission nommée à cet effet par le décret du 12 de ce mois. Art. 22. « La Convention nationale charge ses comités des finances, d’agriculture et de division, réunis, de lui présenter incessamment un projet de dé¬ cret pour la confection d’un grand livre des pro¬ priétés territoriales , et pour un abonnement géné¬ ral. Art. 23 et dernier. « Le décret du 15 juillet dernier sera exécuté quant aux articles auxquels il n’est pas dérogé par le présent décret. » JI, Aubry, officier dans les armées de la République, se plaint d’avoir été arrêté PAR LE FAIT SEUL Qü’lL EST LE FILS D’OLYMPE de Gouges, condamnée a mort par le TRIBUNAL RÉVOLUTIONNAIRE (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Un secrétaire fait lecture d’une lettre d’Aubry, officier dans les armées de la République, fils d’Olympe de Gouges, condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire; il envoie sa profession de foi sur cette femme; il se plaint d’avoir été destitué par cela seul qu’elle lui avait donné le jour. Cependant il est loin de partager les opinions inciviques de sa mère; et les preuves (l) La lettre du citoyen Aubry n’est pas men¬ tionnée au procès-verbal de la séance du 24 bru¬ maire an II; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Moniteur universel [n° 56 du 26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 227, col. 3]. D’autre part, le Journal de la Montagne [n° 2 du 25e jour du 2e mois de l’an II (vendredi 15 no¬ vembre 1793), p. 15, col. 1], le Mercure universel [26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 246, col. 2], Y Auditeur national [n° 419 du 25 bru¬ maire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 3] et le Journal de Perlet [n° 419 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 362] rendent compte de la lettre du citoyen Aubry dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal de la Montagne. Le citoyen Aubry, fils d’Olympe de Gouges, envoie sa profession de foi civique et réclame contre le pré¬ jugé qui fait encore porter aux enfants la peine due à des crimes qu’ils n’ont pu empêcher. Il a été des¬ titué depuis le supplice de sa mère, quoiqu’il n’ait rien à se reprocher. Merlin (de Thionville) demande que le ministre de la guerre le réintègre dans son emploi, si la des¬ titution n’a pas eu d’autres motifs, et que la lettre du citoyen Aubry lui soit renvoyée. (Adopté.) II. Compte rendu du Mercure universel. Le fils d’Olympe de Gouges, dont le glaive de la loi a fait tomber la tête, écrit et proteste qu’il n’a jamais professé les sentiments de sa mère, et qu’il a été et sera toujours républicain. Il se plaint d’avoir été renvoyé des armées. « Je préfère, dit-il, la mort à l’oisiveté. » Du val demande l’insertion de cette lettre au Bulletin, afin que l’on honore de tels principes. Merlin. Les crimes et les vertus nq sont que per¬ sonnels. Pourquoi donc cé citoyen a-t-il été ren-