[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j mmaire an il 157 L J } 8 décembre 1/93 Isolé, depuis les premières convulsions en fa¬ veur de la liberté, de tous mes beaux-frères, de mes sœurs, de mes autres parents, par la seule raison qu’ils étaient ou contraires à la Révolu¬ tion, ou mal affermis dans ses voies; père de trois autres fils combattant tous pour elle, re¬ grettant moi-même de ne pouvoir partager leurs dangers, comme j’en affrontai, bêlas ! de bien moins glorieux pendant la désastreuse guerre de Sept ans ! je suis peint enfin comme un hypo¬ crite de civisme ! L’employé Lerebours, à l’aide cependant d’un certificat surpris à des gardes nationaux sous les armes, mendié de poste en poste, est celui qui fait ces allusions à la commune, qui subjugue la Société populaire, qui l’asc-ocie, qui l’asservit à ses vengeances ! Cette Société a été aveuglée au point de me mander, moi, procureur syndic ! et de me de¬ mander raison de ma conduite. Cette Société a répété cet acte de juridiction à l’égard du district ; elle l’a même étendu, par une députation, jusque sur le département ! C’est dans cet état des choses, c’est au milieu de ce conflit, que les commissaires de la Con¬ vention ont décrété ma suspension, et la réhabi¬ litation de Lerebours, annoncées l’une et l’autre à Pontarlier, avant même qu’ils ne fussent partis de Besançon ! Ah ! Michaud ! ah ! Siblot ! puissiez-vous ne point vous faire voir moins habiles à faire pour la patrie les lois qu’elle attend de vous et de vos collègues, que vous vous êtes montrés in¬ considérés, en écartant à mon égard toutes les règles de l’équité, qui ne juge point sans entendre celles de la prudence, qui prévoit les conséquen¬ ces de toute décision anticipée ! Je n’ai tracé ce qui précède, que parce que ma justification rendait nécessaire le dévelop¬ pement de tous les faits. J’ai écarté, beaucoup moins que je n’aurais voulu, mais autant qu’il m’a été possible tout trait de ressentiment. Je vais terminer en m’occupant de l’intérêt de mes concitoyens les plus immédiats, intérêt cent fois plus cher à mon cœur que celui de ma per¬ sonne. Législateurs ! voulez-vous que le calme et la paix renaissent à Pontarlier? examinez les faits d’un autre œil que ne firent vos distraits et partiaux commissaires. Destituez, mais desti¬ tuez avec connaissance de cause et dans le si¬ lence de toute considération d’intimité, de pa¬ renté, ou d’amourette, les vrais coupables, les hommes réellement suspects, quels qu’ils soient ; réintégrez ceux qui seront reconnus pour avoir sincèrement respecté, et voulu faire respecter la hiérarchie des vraies autorités républicaines. L’exposition des faits, les aveux implicites, le certificat formel de la municipalité, l’arrêté authentique du district, l’attestation positive du département que j’y joins, tout ne dépose-t-il pas en ma faveur? J’ai donc par cela même l’opi¬ nion des autorités, mais si, comme je l’ai démon¬ tré plus haut, j’ai d’ailleurs l’opinion publique pour moi, rien donc, législateurs, ne peut plus vous empêcher, tout au contraire, doit vous décider à décréter : 1° La révocation de l’arrêté de ma suspension; 2° Ma réhabilitation immédiate dans mes fonc¬ tions. P. -S. Je venais de tracer les dernières lignes de ce mémoire, lorsqu’une lettre de Pontarlier, en date du 21 du mois dernier, m’est parvenue avec la pièce que je vais transcrire. « Nous, soussignés, certifions à tous qu’il appartiendra, pour rendre hommage à la vérité, que le citoyen Michaud, commissaire de la Convention nationale près le département du Doubs et de la Haute-Saône, a invité plusieurs citoyens membres de la Société de la liberté et de l’égalité de Pontarlier, quelques jours après la suspension par lui prononcée avec le citoyen Siblot son confrère contre le citoyen Boissard, de ses fonctions de procureur syndic, à convo¬ quer une assemblée extraordinaire pour le mardi sept du mois de mai, afin de donner des motifs suffisants contre Boissard et plus positifs que ceux donnés précédemment avec des preuves des faits allégués contre lui pour légitimer sa suspension. Ce que nous affirmons véritable, avec promesse de certifier, toutes et quantes fois nous en serons requis. « Signé : Claudet, Guy on, Barbez, membres de la Société. » Je demande à la conscience du citoyen Mi¬ chaud, si cette action est celle d’un législateur ou bien celle d’un cabaleur? Au reste, les conséquences actives de son in¬ fatigable savoir-faire en ce dernier genre, seront amplement manifestées par la lecture des pièces justificatives que j’étais à portée de produire avant même que je n’eusse reçu cette dernière. Je les produis toutes, conformément à l’état ci-joint. Paris, ce 10 juin, l’an II de la République française. Boissard, 'procureur syndic du district de Pontarlier; J. Rutledge, défenseur offi¬ cieux. Pièce n° 9 (1). Béponse du citoyen Boissard, procureur syndic du district de Pontarlier , à une pétition furti¬ vement mendiée, fabriquée et adressée aux ci¬ toyens Siblot et Michaud, après leur com¬ mission terminée (1). Lorsque les représentants Siblot et Michaud, envoyés dans le département du Doubs, pour encourager et presser le recrutement nécessité par la félonie de Dumouriez, s’annoncèrent et arrivèrent le 20 avril à Pontarlier, le contingent de ce district, grâce à mes soins, à mon activité, était fourni, équipé, armé et parti depuis plus de quinze jours, et ils ne pouvaient l’ignorer. Dès lors, leur mission était sans objet, et ils auraient pu retourner à leur poste, sans prolon¬ ger leur voyage. Mais Michaud était bien aise d’étaler sa toute-puissance aux yeux de ses parents, dans la ville qui l’avait vu naître, au milieu de gens qu’il voulait se ménager encore, et d’appesantir son autorité pro -consulaire sur une administration de district, dont il n’avait jamais eu la confiance, et avec qui il n’avait jamais entretenu de correspondance. Cependant, comme il fallait colorer de quelque prétexte cette promenade de fantaisie, il le (1) Archives nationales, carton F7 4606, dossier Boissard. C’est de la pétition de la Société populaire de Pontarlier du 20 juillet 1793 qu’il est question. Voy. ci-dessus, même séance, p. 144, la pièce ius-tificative n° 3. 158 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. SStc*l793 trouva bien tôt Mans une dénonciation concertée avec les émissaires de ses parents, de ses amis, et de plusieurs autres intrigants et agioteurs ses alliés, qui le prévinrent et son collègue à Besan¬ çon. Cette dénonciation, qui ne lui fut cepen¬ dant remise qu’à Pontarlier, portait sur tout le directoire en général; mais, soit prévention, soit haine personnelle, soit basse jalousie encore, c’est sur moi seul qu’ont tombé ses coups. Par arrêté du 25 avril, signé complaisamment par Siblot son collègue, et pris sans qu’ils aient reçu ni exigé de moi aucune défense, Michaud me suspendit provisoirement de mes fonctions. Persuadé que cet acte arbitraire ne pouvait subsister longtemps, et que le commissaire qui l’avait fait ne pouvait se dispenser d’en rendre compté à la Convention, je partis sur-le-champ, pour lui faire entendre personnellement mes justes réclamations. En passant à Besançon, les membres du dé¬ partement à qui je fis part de mon voyage et de son objet, me retinrent en cette ville, jusqu’au retour des deux députés représentants, en m’as¬ surant qu’ils ne doutaient pas que mieux éclairés sur ma conduite, ces commissaires n’hésiteraient pas à rétracter une décision, que l’erreur ou la calomnie leur avait arrachée, et qu’ils m’épar¬ gneraient un voyage aussi désagréable. J’attendis, en effet, quelques jours. Michaud et Siblot n’arrivèrent à Besançon que le 6 mai. Le lendemain 7, je me présentai à eux ; je les pré¬ vins que ma requête et mes réponses à toutes les calomnies en faits vagues et puérils, dont on avait cherché à m’accabler, étaient, avec toutes pièces justificatives, entre les mains du procu¬ reur-général syndic, qui avait bien voulu se charger de les leur remettre. Mais le commis¬ saire Michaud, qui ne désira jamais d’être juste à mon égard, ne répondit rien, ou ne fit que balbutier. Entré à la séance du département, il s’en tint, pour toute raison, à cette opinion publique, qu’il disait s’élever contre moi, sans doute parce qu’il en connaissait le foyer dans le sein de ses parents, alliés et affidés, sous le titre du conseil général de la commune, et il persista froidement dans sa première décision, contre les vœux et représentations du département. J’arrivai donc à Paris. J’y fis rédiger aussitôt ma pétition à la Convention, à qui je ne de¬ mandai autre chose que d’être entendu et jugé promptement. Mais n’ayant pu en faire lecture à la barre de l’assemblée, je l’ai déposée au co¬ mité des pétitions, d’où elle a été renvoyée au comité de législation; et comme elle était imprimée, je l’ai fait afficher. Michaud s’est formalisé de cette précaution; il a fait éclater sa colère contre cet écrit, en le taxant de placard dicté par l’imposture et rédigé avec beaucoup d’aigreur; c’e.fi ainsi qu’il s’en est exprimé dans son rapport de sa commission à la Convention nationale; et d’après ses lettres à Miohaud, maire et son père à Pontarlier, on y débite avec assurance que je serai bien puni de ma témérité, car il ne me procurera pas ma réhabilitation, et que ma réclamation ne sera pas même admise à la Convention... comme si Michaud devait se croire encore mon juge su¬ prême!... comme s’il était autre chose en ce moment, que ma partie adverse!... comme si enfin ce n’était pas entre lui et moi, entre son iniquité et mon droit, que la Convention avait à prononcer !... Au surplus, s’il se plaint de la publicité que je donne 9- ma défense, je me plains à mon tour des manœuvres clandestines auxquelles il s’est prêté pour me perdre. Qu’il sache donc que c’est ici une guerre ouverte entre la bonne foi et la perfidie, entre la ioyauté qui ne cherche que le grand jour, et l’hypocrisie qui le fuit. Un trait de sa tactique artificieuse va nous don¬ ner une idée de ses desseins contre moi. Après mon départ de Pontarlier, Michaud y séjourna encore quelque temps, sans doute pour y jouir tranquillement de sa gloire et parta¬ ger, au sein de mes ennemis, le triomphe qu’il leur avait procuré. La réflexion cependant et peut-être le remords vinrent empoisonner cette joie criminelle. Honteux lui-même d’avoir siis-pendu aussi légèrement un fonctionnaire public, dont tout le crime était d’avoir servi trop exac¬ tement la patrie, et dont toute la vie privée et publique faisait la critique la plus directe do celle de ses dénonciateurs, il imagina de solliciter et faire solliciter une assemblée extraordinaire de la Société populaire de Pontarlier. Il ÿ fit proposer par ses affidés et émissaires qu’on eût à lui fournir d’autres faits plus graves, plus pré¬ cisés, que ceux qui avaient été le prétexte de ma suspension; il exigea surtout qu’on lés appuyât de preuves plus concluantes, si toute¬ fois l’on voulait encore espérer ma destitution; et il ne quitta Pontarlier, qu’ après avoir reçu de ses agents et affidés l’assurance de leur etitier dévouement à ses désirs. Cette manœuvre, je le demande, ést-ellè donc digne d’un représentant de la nation? et quelle foi ajoutera-t-on à sa véracité? Lorsqu’on le voit dans son rapport de sa Commission, s’exprimer, en parlant de moi en ces termèè : Nous desirons sincèrement nous être trompés sur la légitimité des motifs qui nous ont enga¬ gés à le suspendre... Non, hypocrite, non ! vous ne vous êtes pas trompé; car on nè se trqmpe point quand on consomme sciemment l’injustice. Mais c’est la Convention elle-même que vous voudriez tromper, en lui faisant partager vos prétentions et consacrer vos propres égarements. Cependant, Michaud n’a pas tardé à être servi au gré de ses désirs; ses parents, ses amis et toute la secte agioteuse travaillèrent bien vite de concert à enfanter un nouveau libelle contre moi. Ce libelle intitulé : Pétition aux Commis¬ saires Siblot et Michaud, a pour objet de conver¬ tir ma suspension provisoire en destitution défi¬ nitive. Michaud la connaissait sans doute, lors de son retour à Besançon ; mais dans la crainte de me mettre à portée d’y répondre, il affecta de n’en pas parler au département : il l’a tenue également secrète depuis plus de deux mois qu’il est arrivé à Paris; c’est sans doute une autre ressource qu’il se ménageait polir pouvoir m’accabler inopinément, au moment où la Con¬ vention me jugerait. Mais le hasard m’a pro¬ curé un exemplaire imprimé de cette pièce, et c’est pour la pulvériser, elle, ses auteurs et coo¬ pérateurs, que je suis obligé de reprendre la plume. Je l’attaque d’abord, cette pétition, par sa date rapprochée du 5 mai et je la dis fausse, parce que, suivant le certificat qfie j’ai joint à mon premier mémoire, l’Assemblée provoquée sous main par Richaud pour sâ fabrication, n’avait été indiquée que pour le mardi 7 mai, le lendemain de son départ. Et pourquoi la ruse de cette antidate? C’est, d’abord, pour d’autant mieux dérober le temps qu’on avait employé à sa conception, à sa fabrication toute d’artifice; c’est aussi pour lui donner un air de légalité, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J « f"1*1111™ ai] » 159 î 8 décembre 1793 qU’elle ne pouvait plus avoir, depuis que les commissaires Michaud et Siblot, s’étant séparés le 26 avril à Pontarlier, ils n’avaient plus ni pou¬ voirs, ni qualités; à moins que Michaud ne veuille prétendre, que le drapeau national et la sentinelle qu’il se conserva modestement à Sa porte, depuis le départ de son collègue, lui aient maintenu son caractère de commissaire. Maintenant, je viens à l’analyse de cette pétition, et avant de répondre particulière¬ ment auxdits faits et articles précisés comité moi, je vais jeter un coup d’œil rapide sur les reproches vagues et non moins studieusement imposteurs, qui lui servent de préliminaires. Mon patriotisme, dit -on, n’a été de ma part, qu’un rôle hypocrite. « On avoue donc déjà, en « cela meme, que j’ai montré du patriotisme; « et je désirerais bien, en effet, pouvoir rendre « la même justice à mes adversaires. Mais com-« ment prétend-on prouver mon hypocrisie? « rien de si curieux, s’il n’était encore plus « faux et plus ridicule ! On remonte d’abord « aux temps qui ont précédé la révolution; on « prétend qu’à cette époque, je ne travaillais « qu’à me faire des généalogies pour me faire « passer noble; on ajoute qu’en 1788, j’ai été « chassé, avec ma prétention à cet effet, de l’as-« semblée de la noblesse tenue à Quingey pour « la convocation des Etats de la Province; et « l’on dit enfin que je n’ai cessé de me montrer « le partisan des parlements; sur quoi, l’on « s’écrie ; si, avèc de telles dispositions, il est « possible de croire à la sincérité de mon patrio-« tisme ! » Je remarque d’abord, sur la première de ces prétendues prerrves, qu’elle est tirée d’une généalogie que mon fils aîné se vit obligé de Joindre à son mémoire défensif d’un bénéfice de famille, dont il était pourvu sur ma présenta¬ tion. Or, je reproduis ici ces mémoires et généa¬ logie, et l’on y reconnaîtra bientôt à la honte et confusion des créatures objëctionnaires qui se cachent, que ces mémoires et généalogie n’eü-fent d’autre but en ce procès, que d’établir le droit prépondérant de mon fils à ce bénéfice, pair la preuve de nôtre commune descendance de ses patrons et fondateurs. Quant à l’ assemblée de Quingey, il est faux que j’y aie paru comme noble; il est bien plus faux encore que j’en aie été chassé; et l’on en impose grossièrement lorsqu’on suppose que j’y ai sacrifié l’intérêt, du peiiple : j’avais été invité à cette assemblée comme membre du Tiers-État, comme un ancien avocat à qui on supposait sans doute quelques connaissances; je n’y parus d’ailleurs, que fondé encore de procuration de gens du Tiers-État, signé de ceux mêmes qui me reprochent aujourd’hui d’y avoir assisté; et je m’y montrai tellement fidèle à ma mission, et si contraire aux vues de la no¬ blesse, que je refusai fermement d’en signer le mémoire, ainsi que les autres députés du Tiers-État des autres bailliages qui y paraissaient comme moi sur invitation de la noblesse. Je pourrais en attester le citoyen Caffod, qui y parut comme noble, sous le nom de la Ferrière, et qui y signa ce mémoire non seulement pour lui, mais encore pour ses parents absents... Par quelle fatalité donc, me trouvai-je inculpé, Suspecté, et Caffod constamment caressé et exalté par ceux mêmes qui m’imputent gra¬ tuitement la faiblesse d’avoir ambitionné la qualité de noble !... Mais, disent-ils, Bôissard s’est montre le zélé partisan des parlements ! et j’avoue de bonne foi, que tant que le gouvernement né me laissait en perspective que le hideux despotisme qui écrasait tout, j’aimais encore à me dire que les parlements étaient au moins à portée dë m’en dérober la vue et les coups : et qu’on y pense bien ! n’est-ce pas, qu’à cette époque, cette façon de penser ne pouvait appartenir qu’à l’âme déjà républicaine?... Mais lâ Révolution faite, et le despotisme renversé, il m’est si peii resté d’attachement pour les parlements; j’ai si peu regretté leur esprit, leur domination aristo¬ cratique, et même j’ai tellement connu leur aversion pour notre Révolution, que jusque dans ma propre parenté et alliance, je n’ài pas hésite de faire aussitôt divorce avec tous ceux qui tenaient à cette classe et à celle des ci-devants. Il y a plus : un de ces ex-parlementaires, secrétaire ci-devant d’académie, et aussi mon parent, s’avisa de donner au public, sous le nom d’un habitant du Mont-Jura, des observations sur la contribution foncière, par lesquelles il prétendait prouver que les frais de culture et la contribution absorbaient à peu près son revenu. Cet écrit spécieux avait séduit, même alarmé les campagnes; il était question de les détromper; j’étais alors président de ia Société populaire de Pontarlier; elle arrêta incontinent de faire une adresse instructive aux citoyens, du district, et elle m’en chargea. Je la fis sans délai ; elle fut jugée digne de l’impression, on la dis¬ tribua avec profusion dans les campagnes ét l’inquiétude cessa; les contributions du district furent les premières payées. Eh bien ! c’est dans cette même adresse, que l’on trouve l’expression de més sentiments soit à l’égard des parlements, soit sur la noblesse et ses droits féodaUx, stiit encore sur les abus de l’ancien régime comparé à notre nouvelle Constitution; j’y renvoie mes détracteurs...; qu’ils lisent et qu’ils rougissent ! Qu’ils lisent aussi deux autres adresses do ma part, que la Société populaire jugea égale¬ ment dignes de l’impression, et même d’envoi à l’Assemblée constituante. L’une était pour mon¬ trer lé despotisme bientôt renaissant des lois mêmes qui venaient de mettre les administra¬ tions et les gardes nationales dans la dépen¬ dance absolue du roi et des ministres. L’autre était pour faire sentir la nécessité d’une nouvelle Convention, au bout de cinq ans d’expérience de cette Constitution qui déjà vient d’être abolie par notre heureuse Constitution républicaine. Qu’on me lise, dis -je, et mes sentiments dans tous ces écrits amis de la société (sic); et que mes ennemis nous disent donc, s’il en est un d’entre eux, même d’entre tous les sociétaires, qui par ses faits, par ses discours et ses écrits se soit montré aussi purement et aussi constam¬ ment dans le sens de notre Révolution graduelle et républicaine? Ils continuent cependant : « Bôissard, disent - ils, ne revint de l’assemblée de Quingey à Pon¬ tarlier, que pour y briguer vainement la place de chef ou de commandant de la garde natio¬ nale... » Je sollicitai de même aussi inutilement des places de juge dans les tribunaux; et si cependant je parvins successivement aux places de procureur de la commune, puis de procureur syndic du district, c’est que je ne le dus qu’à l’intrigue et à la surprise. On ne pouvait sans doute mentir avec plus d’impudence! Il est si peu vrai, que j’aie ja¬ mais brigué le commandement ni aucun gracie 160 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « frimaire an H i o u6C6niDrft 1 /«Jo dans la garde nationale, que dans le moment ! de sa formation première, j’étais depuis trois mois en vacation de mon ministère d’avocat dans les montagnes du Grand-Vaux, à plus de quinze lieues de là ; il n’est personne à Pontarlier qui ne sache que dans le temps de son organisa¬ tion successive et vraiment légale, je remplissais la place de procureur de la commune. Je n’ai donc pu avoir de ce chef ni regret, ni motif de vengeance pour n’avoir pas été appelé à quelque grade dans la garde nationale; et il est si faux que dans ce mauvais esprit, je me sois jamais refusé à aucun service de cet état, que je puis prouver, au contraire, que non seulement j’ai monté ma garde en personne, mais même, que, ne le faisant pas, j’ai alors satisfait, comme tous les autres, à la taxe de mon remplacement, même avant que la loi l’eût prescrit ainsi. Qu’il soit donc vrai, suivant qu’on me l’ob¬ jecte d’autre part, que malgré mes intrigues et désirs, l’on ait donné des places de juges à de plus capables, cela peut être. Mais que ce soit sans brigues ni cabales, je le nie; et si l’on osait ajouter que, du moins, elles ont été données à des patriotes qui les exercèrent dans ce même esprit, j’en appellerais bientôt en preuves con¬ traires, à l’élection dernière du mois de no¬ vembre. Pas un de ces mêmes juges est resté en place; tous ont été changés, renvoyés et rem¬ placés. A la vérité, lors de F établissement des juges de paix, j’étais tellement pénétré de la sainteté de leur ministère, que je ne me lassais point, en public surtout, de vanter les grands avan¬ tages que la société en devait recueillir; c’était même, suivant moi, et je le disais à tous, la seule place désirable pour mon cœur. Et si c’est là ce qu’on m’impute aujourd’hui à tort et à sollici¬ tation, je déclare de bonne foi que je n’ai point à m’en défendre. J’avouerai de même aussi franchement avoir témoigné, par lettre, à l’électeur Demesmay, mon désir alors, et l’espérance que j’avais conçue, qu’ après m’avoir fait avocat en un temps éloigné, il ne m’oublierait vraisemblablement pas, dans ce moment des premières élections des juges du tribunal de district. Mais avant que de me juger sur cette éti¬ quette, dans le sens de mes adversaires, qu’on veuille bien considérer quelque peu les circons¬ tances où je me trouvais alors : père comme aujourd’hui d’une nombreuse famille, je voyais me fuir mon état acquis depuis plus de vingt ans ; je concevais cependant, que mes veilles et mes travaux semblaient encore me rapprocher autant et plus que d’autres, d’une place de juge; et je ne craignais pas de m’en ouvrir confidemment de cette sorte, peut-être pas trois ou quatre heures avant l’assemblée des électeurs, à l’élec¬ teur Demesmay lui-même, à cet homme, que je me croyais encore également affectionné et probe : et si cependant j’ai à juger par sa con¬ duite qu’il ne fut que perfide, dissimulé, et assez lâche pour abuser de ma confiance, afin de servir d’autant mieux son grand intérêt bureaucra¬ tique; à qui donc, je le demande, la honte et le blâme que pour lui seul? Je pourrais bien, après cela, me dispenser de rien dire sur semblable et faux reproche, par rapport à ma promotion successive aux places de procureur de la commune et de procureur syndic du district. Car, qui ne sait surtout d'entre ceux de ccs lâches pétitionnaires qui m’inculpent, que si j’eusse désiré être maire, je l’aurais été? Qui ne sait que, sur la seule mani¬ festation du vœu public, qui me désirait de pré¬ férence à la place de procureur de la commune, je m’y rendis aussitôt, mais à cette condition en¬ core, que Michaud, père du député, serait con¬ tinué maire? et si l’année suivante, je fus appelé à la place de procureur syndic du district, qui ne sait, lorsqu’on me l’annonça, combien ma sur¬ prise fut égale au dépit de mes adversaires? La voix publique semblait alors me décerner une de ces places de juge, qu’elle regrettait ne m’avoir pas vu occuper dès les premiers mo¬ ments, et les intrigants, mes ennemis qui le savaient, couvraient encore d’un secret silen¬ cieux, les contrariétés et calomnies, qu’ils pré¬ paraient pour pouvoir m’en écarter au moment des élections. Mais honteusement trompés lors¬ qu’ils me surent sorti procureur syndic au pre¬ mier scrutin, et presque à l’unanimité des suf¬ frages, leur rage n’y tint plus : elle éclata dans le public, et jusque dans l’assemblée électorale, leur émissaire, leur propre coryphée se permit de dire hautement : « Pourquoi nous avez-vous « donné cet homme-là? Nous n’en voulons point « pour procureur syndic, nous ferons causer « cette élection; » et voilà comme mes ennemis m’imputent à haine, à intrigue, à sollicitation, les places que l’artifice de leur propre cabale n’a pu m’enlever!... Voilà comme ils insinuent méchamment, que leur propre calomnie et l’infamie de leurs propres libelles, c’est la soif de ma vengeance qui les a créées et distri¬ buées!... Mais qu’ils les reproduisent donc, ces libelles, et qu’ils en indiquent même un seul, que je ne le montre à l’instant le triste avorton de la bave venimeuse de quelques-uns d’entre eux? Me diront-ils encore, qu’étant devenu muni¬ cipal et procureur de la commune, j’écartais adroitement des délibérations, ces mêmes no¬ tables en conseil, que je me plaignais auparavant, en cette même qualité, n’y être pas appelés assez souvent? Oui, j’en conviens, j’ai toujours dis¬ tingué avec la loi, dans l’administration muni¬ cipale, le bureau municipal, le conseil munici¬ pal et le conseil général de la commune. J’ai toujours désiré en conséquence, que le bureau municipal sût agir seul en ce qui lui était commis par la loi, et que le conseil général de la commune ne fût pas toujours appelé, souvent pour entra¬ ver les délibérations du seul ressort du conseil municipal. Mais vains désirs de ma part ! Jamais la loi, jamais les délibérations même du corps municipal, pour leur accomplissement de ce chef, n’ont pu recevoir leur exécution : tout s’y est toujours passé en actif et passif, dans la confusion des trois sections administratives. Le bureau municipal est comme existant dans le conseil municipal; de même celui-ci ne fait presque rien sans avoir appelé à sa place, le conseil général; et de là le défaut d’ordre et d’activité suffisante dans l’administration. L’exé¬ cution y est toujours entravée, au moins tardive, et souvent nulle. Aussi, et depuis que l’adminis¬ tration municipale est établie par la Constitu¬ tion,