|AsseiübIée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [2 mars 1791.] 597 M. le Président. Je dois annoncer à l’Assemblée que M. le ministre de la guerre m’a informé qu’il avait reçu le serment civique de M. de Goigni. M. Legrand, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret sur le choix des vicaires des églises cathédrales et paroissiales , lequel est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, considérant que par ses précédents décrets sur la constitution civile du clergé, et particulièrement par l'article 22 du titre il, il aurait pu s’élever des doutes sur l’inamovibilité des vicaires de l’évêque, appelés à former son conseil ; que la liberté accordée au premier pasteur d’appeler auprès de lui ceux des ministres des autels qu’il jugera les plus propres à l’aider de leurs avis et à partager ses travaux, pourrait faire penser qu’en cas de mort ou de démission, son successeur pourrait choisir un autre conseil, et qu’une pareille incertitude sur leur état rendrait le choix des vicaires de l’évêque très difficile ; qu’une infinité d’ecclésiastiques, actuellement fonctionnaires, que leur mérite appellerait à ces places, pourraient les refuser, en considérant qu’ils quitteraient un état certain pour un état incertain et momentané; qu’il est égalementessentield’assurer aux vicaires particuliers des paroisses appelés par les curés à les aider dans les fonctions pastorales, un état indépendant de l’incertitude de la vie du pasteur qui les aura choisis, a décrété et décrète ; « Art. 1er. Les ecclésiastiques appelés et choisis par l’évêque, dans les formes prescrites par les précédents décrets, pour être vicaires de l’église cathédrale, et être son conseil, conserveront leurs places nonobstant la mort où la démission de l’évêque qui les aura choisis, et les rempliront sous son successeur, qui aura seulement le droit de remplacer, par son choix, les places qui viendront à vaquer dans son conseil. « Art 2. Il en sera usé de même à l’égard des vicaires particuliers des paroisses, qui continueront à remplir les fonctions de vicaires sous les successeurs aux curés. » M. Buzot. La mesure que vous propose votre comité n’est ni sage, ni conforme aux principes que vous avez décrétés. S’il est contraire à la constitution civile du clergé que les vicaires puissent être destitués arbitrairement, l’est-il donc moins de mettre un évêque dans la dépendance d’un conseil qu'il n’aura pas formé? Je demande en effet qui voudra être évêque à de pareilles conditions. Si l’avis du comité était adopté, on ne trouverait en effet aucun ecclésiastique zélé et animé de l’esprit de ses devoirs, qui voudrait une place où, dans la dépendance d’un conseil qui ne serait pas de son choix, il ne pourrait pas faire tout le bien qu’il désirerait. Le dégoût serait la conséquence d’une loi qui le rendrait dépendant des autres et qui ne lui laisserait pas la faculté de purifier le choix d’un prédécesseur peu délicat ou peu éclairé. La question préalable est trop peu sur un pareil projet; je demande qu’on passe à l’ordre du jour. M. l’abbé Grégoire. Le conseil des évêques, une fois bien organisé, doit nécessairement être toujours un foyer actif de lumières et de vertus, et tout homme qui pense bien s’honorera toujours de suivre l’avis de ceux qui forment son conseil. L’instabilité des places irait directement contre vos vues; les hommes de talent .quels que soient leur profession et leur état, veulent une situation fixe et ont raison de repousser la versatilité du sort. Trop longtemps les vicaires ont été les jouets de l’irascibilité et du caprice des curés; il est temps enfin de mettre un terme aux inquiétudes continuelles de cette portion si utile des prérogatives de la morale chrétienne et que vous rendiez plus respectables, en les mettant à l’abri de l’arbitraire, ces ministres de l’Eglise. Il faut donner aux fidèles des ministres à qui ils puissent accorder leur confiance; or, on sait qu’un homme récusable à volonté, ne peut pas l’inspirer. S’ils n’ont ni talents ni vertus, ils seront payés et repoussés de leurs fonctions; mais, dans le cas contraire, leur place est à eux et rien ne peut les en dépouiller. Je conclus à ce que l’on mette aux voix article par article le projet du comité. M. Martineau. Le décret sur l’organisation * civile du clergé a pourvu à tout en ôtant toute espèce de gêne à la liberté du choix et en restreignant celle des renvois et la soumeltant à des conditions sévères et favorables aux vicaires. Il ne faut pas souffrir qu’on vienne ainsi, par des articles de superfétation, vous proposer de détruire des articles constitutionnels; car il n’y aurait bientôt plus rien de stable. Des vicaires ne sont que des mandataires des évêques ou des curés; ce sont leurs hommes de confiance; ils sont responsables de leurs faits; ils ne doivent donc pas être forcés de garder auprès d’eux des gens qui ne leur conviendraient peut-être sous aucun rapport. La raison veut qu’on ne donne sa confiance qu’à des hommes de son choix ou dont on a validé librement le choix; le projet du comité irait précisément à l’encontre de ce principe. J’appuie l’ordre du jour sur le projet de décret. Plusieurs membres appuient la demande de l’ordre du jour. M. le Président. On demande l’ordre du jour; je vais le metire aux voix. (L’épreuve est commencée.) M. l-egrand, rapporteur. Je demande la parole. M. le Président. La délibération est commencée. M. Merlin. Monsieur le Président, vous n’avez pas le droit d’empêcher M. le rapporteur de répondre; d’ailleurs, l'Assemblée n’est pas assez nombreuse pour délibérer sur un objet d’une si grande importance. M. le Président. Si M. Merlin veut être de bonne foi, il conviendra que ce n’est pas lorsque la délibération est commencée que l’on peut observer que l’Assemblée n’est pas assez nombreuse; c’est avant qu’il faut le faire. M. Merlin. Vous avez manqué à votre devoir en n’accordant pas la parole à M. le rappor teur. Plusieurs membres : L’ordre du jour 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 mars 179 l.J 598 [Assemblée nationale J (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour sur le projet de décret du comité.). M. Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique. Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité ecclésiastique la pétition des vicaires des églises supprimées , je suis chargé de vous en rendre compte. La réclamation de ces vicaires vous fut d’abord présentée par M. Bouche; elle intéressa votre justice et votre sensibilité; vous chargeâtes votre comité ecclésiastique de vous en faire le rapport. Sous un gouvernement juste, le fonctionnaire public actif et fidèle ne doit point perdre sa place „ lorsqu’il est possible de l’employer sans nuire à personne ; et si la patrie n’a plus besoin de ses services, il doit être consolé de ce malheur par un secours ou par un traitement. Cette règle, en général fort équitable, est d’une rigoureuse justice lorsqu’il s’agit de ministres de l’autel, 'qui ne sont parvenus à leur poste que par des études longues et coûteuses, à qui maintenant toute autre profession semble interdite, qui ont bien mérité de l’état par des travaux longs et pénibles, qui enfin n’ont pas d’autre moyen de subsistance que l’exercice de leur ministère. Le comité ecclésiastique vous proposa d’employer les vicaires des églises supprimées dans celles où sont réunis les fidèles ci-devant confiés à leurs soins ; et ce à mesure qu’il y aurait des places de vicaires vacantes dans ces églises, et par préférence à tous autres que les curés des paroisses supprimées. Cette disposition ne pouvant s’appliquer aux vicaires des églises réunies pour former les paroisses cathédrales, votre comité fut d’avis d’accorder à ceux-ci une demi-pension de vicaire jusqu’à ce qu’ils eussent obtenu un autre office ecclésiastique. Des préventions s’élevèrent contre la première partie de ce projet: on prélendit qu’il était contraire à la Constitution et au bon gouvernement des paroisses ; qu’il y avait des moyens plus convenables de subvenir aux vicaires déplacés. Afin d’arrêter une discussion qui se prolongeait et qui ne paraissait pas devoir être à l’ordre du jour, la proposition fut renvoyée au comité pour être rapportée de nouveau. Elle le fut quelques jours après : votre comité persistait dans son premier avis; mais, dans ce moment-là même, séduits par une erreur qui s’était glissée dans la constitution civile du clergé , et que vous avez depuis corrigée, d’après le procès-verbal de vos séances, vous veniez d’écarter la demande d’inamovibilité que le comité vous faisait pour les vicaires de la cathédrale, dans le cas de changement d’évêque. Un de nos collègues saisit adroitement cette circonstance; il invoqua le préjugé désavantageux qu’elle semblait répandre sur l’autre question ; il fit valoir les inconvénients de l’inamovibilité des vicaires et la règle d’en laisser le choix aux nouveaux curés. Cette idée fut reprise encore et développée par d’autres membres de l’Assemblée ; il en résulta un décret qui, sur la demande de replacement, ordonne qu’il sera passé à l’ordre du jour, et renvoie la question de secours ou d’indemnité aux comités réunis des pensions et des affaires ecclésiastiques. On s’est rassemblé au comité des pensions ; les membres de ce comité n’ont point voulu entendre parler de replacement, prétendant que la demande de replacement était rejetée par la résolution de passer à l’ordre du jour. Mais il est assez connu que cette formule nedéciderien,et que c’est celle qu’on emploie, précisément pour ne rien préjuger. Les membres du comité des pensions étaient les plus nombreux. Il fut arrêté de demander un décret pour faire envoyer, par les directoires de département, l’état des vicaires déplacés par l’effet des suppressions, avec la note de leurs services et de leurs âges. Il devait y avoir dans le décret un article pour inviter les curés à choisir par préférence leurs vicaires parmi les ci-devant vicaires des églises supprimées. Ce décret vous a été proposé; mais les vicaires vous demandaient alors à être entendus à la barre. Vous avez bien voulu les y admettre, et ne pas statuer auparavant. Un curé (1), connu par ses écrits et par son patriotisme, s’est rendu l’avocat des vicaires ; il a parié devant vous en leur faveur, avec le même zèle et le même talent qu’il avait déployés pour la cause de la liberté et pour la réforme ecclésiastique. Il vous a peint ces jeunes et laborieux ministres, victimes de la fausse interprétation d’une loi régénératrice, et qu’ils n’ont pas cessé de bénir. Il vous les a fait voir privés, sans leur faute, de leurs places et de leur subsislance ; remplacés par des ci-devant religieux, par d’autres ecclésiastiques déjà stipendiés par la nation et qui recueilleraient ainsi un double salaire. Il a demandé pour ces vicaires, non pas des pensions qui seraient onéreuses au peuple, et qu’il n’est point nécessaire d’accorder, mais l’honneur du ministère, le pain du travail, qui ne peuvent être ôtés au fonctionnaire quand ses fonctions subsistent, et quand il a rempli fidèlement ses devoirs. Vous avez applaudi à ce discours, vous en avez ordonné l’impression, et l’avez renvoyé, non pas au comité des pensions, mais au seul comité ecclésiastique, pour en faire le rapport. Il a examiné de nouveau cette affaire, et n’a point changé d’opinion. Il serait inutile d’insister sur les puissants motifs d’équité naturelle qui appuient la réclamation des vicaires des églises supprimées ; mais il faut examiner, en peu de paroles, si les objections faites contre eux sont aussi fortes qu’on a paru le croire, et si elles doivent déterminer vos suffrages. On leur oppose la Constitution, qui n’a rien décidé à cet égard, et l’on presse, on exagère de prétendus inconvénients, attachés à la nature humaine, et dont les plus sages institutions ne peuvent jamais être exemptes. La Constitution attribue aux curés le choix de leurs vicaires; mais elle n’a point prévu le cas dont il s’agit; elle n’a point attribué aux curés des églises nouvellement circonscrites et formées par l’adjonction d’un troupeau qui avait ses pasteurs délégués; elle ne leur a point attribué le droit de les déplacer arbitrairement; elle n’a point dit que la mort ou le changement d’un curé serait une cause de destitution pour ses vicaires : elle a dit au contraire que ce n’en serait pas une pour les vicaires de l’évêque, dont la stabilité serait bien plus dangereuse que celle des vicaires d’un simple curé, si une stabilité toujours soumise au jugement de l’évêque et de son conseil pouvait avoir de véritables dangers. (1) M. Nusse, auteur de Y Ecclésiastique citoyen, etc., curé et maire de Chaviguon.