SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 JUILLET 1794) - C 591 nomme le citoyen Barras, pour diriger la force armée (l). [BARRAS : « Je sens tout l’honneur que me fait la Convention : je ne trahirai point sa confiance. Mais comme je ne connois point la position géographique de Paris, je demande des adjoints (2)]. Sur sa demande, la Convention lui adjoint six membres, qu’elle investit des pouvoirs attribués aux représentants du peuple près les armées. Ces six membres sont Féraud, Fréron, Rovère, Delmas, Bol-let, Léonard Bourdon et Bourdon (de l’Oise). [Ils paroissent un moment après avec le costume des représentans du peuple; ils jurent, le sabre en main, de sauver la patrie, et ils partent au milieu des plus vifs applaudissemens (3)]. [BILLAUD-VARENNE fait décréter que ceux de ses membres qu[e la Convention] vient d’investir de sa confiance auprès de la force armée ont les mêmes pouvoirs que les représentans du peuple auprès des armées (4)]. Le citoyen de Veze, officier municipal qui était absent du conseil-général de la commune, désavoue tout ce qui s’y fait, et déclare qu’il n’en a aucune connaissance. Des canonniers, ayant à leur tête des représentants du peuple, défilent dans la salle au bruit des applaudissements (5). [Un canonnier se présente à la barre. Je viens du fauxbourg Antoine, dit-il; il est debout, mais sans inquiétude. Payan étoit arrêté : Hanriot l’a fait descendre de la voiture et a fait renfermer à la force les deux gendarmes qui le conduisoient. Les deux Robespierre et Couthon sont à la Mairie. Ils conspirent avec la municipalité ! (Mouvement d’indignation) (6)]. Un membre du comité civil de la section de l’Unité, admis à la barre, annonce que cette section ne reconnaît d’autre autorité que celle de la Convention ; qu’elle a reçu de la municipalité l’ordre de s’assembler, et de lui envoyer, toutes les deux heures, des commissaires pour communiquer avec elle. BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, elle a donc éclaté cette horrible conjuration, tramée sous le manteau du patriotisme, et par des usurpateurs de l’opinion publique; elle tenait à des ramifications nombreuses, et qui se sont découvertes dans cette soirée avec une rapidité effroyable ; car les événements de la moitié de cette journée doivent dessiller les yeux aux citoyens les plus incrédules. Tous les préparatifs de cette contre-révolution étaient faits, toutes les dispositions prêtes; et il ne peut y avoir dans ceux qui y coopèrent que des complices. Pendant que vous rendiez des décrets salutaires, Hanriot répandait dans les rues de Paris (l) Mon., XXI, 340-341 ; Débats, 185-187; J. Mont., 756- 757. (2) J. Perlet, n° 674. 3 J. Perlet, n° 674. (4) J. Sablier, n° 1464 ; Ann. R.F., n° 240 ; pour J. Perlet, ce décret semble avoir été pris un peu plus tard. (5) Mon., 340-341. (6) J. Perlet, n° 674; J. Fr., n° 672. Voir P.V., nos 9,11, 15, 19, 22. le bruit qu’on venait d’assassiner Robespierre. Les nouvelles les plus infâmes étaient publiées contre vous. Des cartouches étaient distribuées aux gendarmes pour frapper les représentants du peuple, et les soldats fidèles viennent de déposer sur le bureau du comité ces cartouches distribuées par le crime. Pendant ce temps, l’administration de police, d’après un mandat du maire, l’agent national de la commune de Paris, et l’un de ses substituts, décernaient un mandat de liberté pour les citoyens Lava-lette et Boulanger, officiers de la force armée parisienne, et pour Villate, juré du tribunal révolutionnaire. Ainsi l’administration de police, le maire et l’agent national se constituaient les supérieurs du comité de sûreté générale, qui avait fait arrêter Villate, et usurpaient effrontément l’autorité nationale confiée à la Convention. Au même instant Hanriot faisait traduire à la Force un gendarme porteur d’un décret de la Convention, jusqu’à ce que les magistrats du peuple en eussent ordonné autrement. Tandis qu’Hanriot créait des magistratures, il insultait à votre autorité, arrêtait le sergent de la Convention; il faisait battre le rappel dans une section, la générale dans l’autre, et sonner le tocsin dans les sections qui environnent la commune. Le maire de Paris envoyait à toutes les barrières des ordres pour leur fermeture. Nous vous demandons un décret pour faire de nouvelles défenses de fermer les barrières, et de réputer ennemis du peuple ceux qui désobéiraient à ce décret. Boulanger s’était réfugié au camp de Paris; Hanriot traversait les rues à cheval, en criant : « On assassine les patriotes ; aux armes contre la Convention !» et il excitait le peuple, qui, calme, ne répondait point à ces agressions insolentes. Payan déclamait à la commune contre la représentation nationale, et la commune se constituait en insurrection ouverte contre la Convention. Le comité révolutionnaire du Temple nous apprend que la commune de Paris vient de fermer les barrières et de convoquer sur-le-champ les sections pour délibérer sur les dangers de la patrie. A la municipalité, il y a un ordre de ne laisser entrer aucun employé de la Convention; cependant l’huissier a été admis. Un municipal, au décret qui appelle la municipalité à la barre, a répondu : « Oui, nous irons, mais avec le peuple ! ». Il a ajouté à cette réponse un geste que le peuple n’aurait pas avoué, parce que le peuple s’honore lui-même en honorant ses représentants. Vous voyez ici la conspiration la plus atroce, une conspiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n’eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina. Une partie des sections s’est déjà prononcée pour la représentation du peuple; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques-uns sont égarés ou gagnés par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer. En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l’inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d’arrestation ou d’accusation, n’auront pas déféré à la loi, ou qui s’y seraient soustraits. Le courage doit accompagner la vertu publique, SÉANCE DU 9 THERMIDOR AN II (SOIR) (27 JUILLET 1794) - C 591 nomme le citoyen Barras, pour diriger la force armée (l). [BARRAS : « Je sens tout l’honneur que me fait la Convention : je ne trahirai point sa confiance. Mais comme je ne connois point la position géographique de Paris, je demande des adjoints (2)]. Sur sa demande, la Convention lui adjoint six membres, qu’elle investit des pouvoirs attribués aux représentants du peuple près les armées. Ces six membres sont Féraud, Fréron, Rovère, Delmas, Bol-let, Léonard Bourdon et Bourdon (de l’Oise). [Ils paroissent un moment après avec le costume des représentans du peuple; ils jurent, le sabre en main, de sauver la patrie, et ils partent au milieu des plus vifs applaudissemens (3)]. [BILLAUD-VARENNE fait décréter que ceux de ses membres qu[e la Convention] vient d’investir de sa confiance auprès de la force armée ont les mêmes pouvoirs que les représentans du peuple auprès des armées (4)]. Le citoyen de Veze, officier municipal qui était absent du conseil-général de la commune, désavoue tout ce qui s’y fait, et déclare qu’il n’en a aucune connaissance. Des canonniers, ayant à leur tête des représentants du peuple, défilent dans la salle au bruit des applaudissements (5). [Un canonnier se présente à la barre. Je viens du fauxbourg Antoine, dit-il; il est debout, mais sans inquiétude. Payan étoit arrêté : Hanriot l’a fait descendre de la voiture et a fait renfermer à la force les deux gendarmes qui le conduisoient. Les deux Robespierre et Couthon sont à la Mairie. Ils conspirent avec la municipalité ! (Mouvement d’indignation) (6)]. Un membre du comité civil de la section de l’Unité, admis à la barre, annonce que cette section ne reconnaît d’autre autorité que celle de la Convention ; qu’elle a reçu de la municipalité l’ordre de s’assembler, et de lui envoyer, toutes les deux heures, des commissaires pour communiquer avec elle. BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, elle a donc éclaté cette horrible conjuration, tramée sous le manteau du patriotisme, et par des usurpateurs de l’opinion publique; elle tenait à des ramifications nombreuses, et qui se sont découvertes dans cette soirée avec une rapidité effroyable ; car les événements de la moitié de cette journée doivent dessiller les yeux aux citoyens les plus incrédules. Tous les préparatifs de cette contre-révolution étaient faits, toutes les dispositions prêtes; et il ne peut y avoir dans ceux qui y coopèrent que des complices. Pendant que vous rendiez des décrets salutaires, Hanriot répandait dans les rues de Paris (l) Mon., XXI, 340-341 ; Débats, 185-187; J. Mont., 756- 757. (2) J. Perlet, n° 674. 3 J. Perlet, n° 674. (4) J. Sablier, n° 1464 ; Ann. R.F., n° 240 ; pour J. Perlet, ce décret semble avoir été pris un peu plus tard. (5) Mon., 340-341. (6) J. Perlet, n° 674; J. Fr., n° 672. Voir P.V., nos 9,11, 15, 19, 22. le bruit qu’on venait d’assassiner Robespierre. Les nouvelles les plus infâmes étaient publiées contre vous. Des cartouches étaient distribuées aux gendarmes pour frapper les représentants du peuple, et les soldats fidèles viennent de déposer sur le bureau du comité ces cartouches distribuées par le crime. Pendant ce temps, l’administration de police, d’après un mandat du maire, l’agent national de la commune de Paris, et l’un de ses substituts, décernaient un mandat de liberté pour les citoyens Lava-lette et Boulanger, officiers de la force armée parisienne, et pour Villate, juré du tribunal révolutionnaire. Ainsi l’administration de police, le maire et l’agent national se constituaient les supérieurs du comité de sûreté générale, qui avait fait arrêter Villate, et usurpaient effrontément l’autorité nationale confiée à la Convention. Au même instant Hanriot faisait traduire à la Force un gendarme porteur d’un décret de la Convention, jusqu’à ce que les magistrats du peuple en eussent ordonné autrement. Tandis qu’Hanriot créait des magistratures, il insultait à votre autorité, arrêtait le sergent de la Convention; il faisait battre le rappel dans une section, la générale dans l’autre, et sonner le tocsin dans les sections qui environnent la commune. Le maire de Paris envoyait à toutes les barrières des ordres pour leur fermeture. Nous vous demandons un décret pour faire de nouvelles défenses de fermer les barrières, et de réputer ennemis du peuple ceux qui désobéiraient à ce décret. Boulanger s’était réfugié au camp de Paris; Hanriot traversait les rues à cheval, en criant : « On assassine les patriotes ; aux armes contre la Convention !» et il excitait le peuple, qui, calme, ne répondait point à ces agressions insolentes. Payan déclamait à la commune contre la représentation nationale, et la commune se constituait en insurrection ouverte contre la Convention. Le comité révolutionnaire du Temple nous apprend que la commune de Paris vient de fermer les barrières et de convoquer sur-le-champ les sections pour délibérer sur les dangers de la patrie. A la municipalité, il y a un ordre de ne laisser entrer aucun employé de la Convention; cependant l’huissier a été admis. Un municipal, au décret qui appelle la municipalité à la barre, a répondu : « Oui, nous irons, mais avec le peuple ! ». Il a ajouté à cette réponse un geste que le peuple n’aurait pas avoué, parce que le peuple s’honore lui-même en honorant ses représentants. Vous voyez ici la conspiration la plus atroce, une conspiration militaire, une conspiration ourdie avec une latitude, avec un art et un sang-froid que n’eurent jamais ni les Pisistrate, ni les Catilina. Une partie des sections s’est déjà prononcée pour la représentation du peuple; une autre partie accourt au secours de la loi. Si quelques-uns sont égarés ou gagnés par des intrigues communales, ne croyez pas que le prestige puisse durer. En attendant, déclarez hors de la loi tous ceux qui donneraient des ordres pour faire avancer la force armée contre la Convention nationale, ou pour l’inexécution de ses décrets. Il faut aussi mettre hors de la loi les individus qui, frappés de décret d’arrestation ou d’accusation, n’auront pas déféré à la loi, ou qui s’y seraient soustraits. Le courage doit accompagner la vertu publique,