[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1790.] 993 M. Desmontiers «le Sférinville, évêque de Dijon. Je regarde la motion de M. de Menou comme une addition au règlement. L’Assemblée a souvent dérogé à ce règlement ; je demande qu’elle prenne l’engagement de ne déroger jamais à tordre de travail proposé quand il sera décrété. (On ferme la discussion.) L’amendement de M. Goupilleau est adopté ; c’est-à-dire qu’on retranche du projet de décret les articles II et 111. La proposition de M. de Toulongeon est ajournée. M. de Ifontlosier demande avec insistance qu’on délibère sur la sienne. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Le décret présenté par M. de Menou est adopté. M. I�e Pelletier de Sai n t-Far geau . Je demande la division de la motion de M. de Lameth, et je pense qu’il faut se borner à charger M. le président d’insister près du roi sur l’acceptation des décrets rendus surla constitution de l’armée. Il est inutile de développer les motifs de prudence, de respect et de politique sur lesquels ma demande est appuyée. La motion de M. de Lameth est divisée et décrétée conformément à l’avis de M. Le Pelletier de Saint-Fargeau. La motion de M. de Menou purgée de tous ses amendements est décrétée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, considérant que, par ses précédents décrets, elle a prononcé qu’elle s’occuperait les lundi, mardi, mercredi et jeudi, de la constitution ; et les vendredi, samedi et dimanche, des finances ; que toutes les autres affaires, de quelque nature qu’elles fussent, seraient renvoyées aux séances du soir; considérant, en outre, "qu’il est nécessaire, pour hâter ses travaux, qu’elle établisse un ordre de travail invariable, a décrété et décrète : « 1° Que dorénavant les séances du matin commenceront à neuf heures précises, excepté celles du dimanche, qui seront fixées à onze heures. «2° Afin que tous les députés de l’Assemblée nationale soient instruits de l’ordre du jour, il sera affiché chaque jour, à la fin de chaque séance et au-dessous de chaque tribune, un tableau qui contiendra l’ordre du travail pour le lendemain, ainsi que l’énumération de tous les objets qui devront être traités, ou qui auront été ajournés. < 3° Tous les députés qui auront quelque motion importante à proposer, seront tenus d’en avertir d’avance M. le président, qui ordonnera que l’objet de la motion, et le nom de celui qui l’a proposée soient également affichés sur un tableau placé au-dessous de chaque tribune. « 4° Le comité de constitution sera chargé de présenter dimanche prochain, 28 de ce mois, à l’Assemblée, la série ou le tableau raisonné de tous les objets que l’Assemblée nationale doit traiter pour achever la constitution, ou des articles nécessaires pour l’exécution des décrets dans lesquels elle n’a consacré que des principes. « 5° L’Assemblée nationale s’occupera, sans discontinuer, de discuter les projets de décrets relatifs aux finances, qui lui ont été présentés par son comité, et qu’ensuite, revenant à l’ordre qu’elle s’est déjà prescrit elle-même, elle reprendra, pendant les quatre jours désignés, le travail de la constitution, en commençant par l’ordre judiciaire. « 6° Les différents comités seront tenus de préparer leur travail, de manière que l’Assemblée ne puisse jamais éprouver aucun retard, ni changer dans aucun temps, ni dans aucune circonstance, l’ordre qu’elle s’est prescrit ; et, pour cet effet, ils seront chargés de dresser, dans l’espace de huit jours, des tableaux, soit des objets primitifs de leur travail, soit de ceux qui leur ont été renvoyés, selon l’ordre de leur importance, non pour en faire lecture à l’Assemblée, mais pour être imprimés et distribués aux députés dans leur domicile. « 7° Aucune députation ne sera reçue que dans les séances du soir. « 8° Dans aucun cas, l’Assemblée ne lèvera la séance, que M. le président ne l’ait prononcé.» La séance est levée à trois heures un quart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du lundi 22 mars 1790 (l). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. le marquis de ISonnay, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. lllerlin, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance du soir du samedi 20 mars. Il ne se produit aucune réclamation. M. le marquis de Bonnay fait la lecture d’une adresse des officiers municipaux de Caen. Ils attestent que leur ville gémissait depuis longtemps des funestes effets de l’anarchie ; qu’elle attendait avec impatience le retour des lois et de la force publique ; et que, vivement pénétrés de ces sentiments, ils ont vu paraître, avec une satisfaction inexprimable, le nouveau régime municipal, ce qui va devenir la source de leurs obligations les plus importantes. Seconde adresse des officiers municipaux, notables et membres de la commune de File de Bouin. Ils supplient l’Assemblée nationale d’agréer les témoignages sincères de leur gratitude pour les hauts et importants services qu’elle vient de rendre et qu’elle rend tous les jours à la nation française. M. le Président fait part à l’Assemblée de la députation qui s’est rendue hier chez le roi, et du discours qu’il a eu l’honneur de lui adresser. Ce discours, que M. le président a prononcé avec beaucoup d’énergie et de sensibilité, est conçu en ces termes : « Sire, « L’Assemblée nationale met au nombre de ses devoirs les plus sacrés celui de partager les peines de Votre Majesté, et de lui apporter l’expression des sentiments du peuple nombreux qu’elle représente. Chargés par elle de témoigner à Votre Majesté la part qu’elle a prise à la perte que Votre Majesté vient de faire, nous remplis-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur, 294 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1790.] sons ce douloureux devoir, Sire : votre cœur a besoin de grandes consolations, et l’Assemblée nationale les doit à Votre Majesté. C’est en s’occupant sans relâche à terminer la constitution dont Votre Majesté a adopté les principes; c’est en travaillant à rétablir l’ordre dans les finances, qu’elle trouvera la certitude de ramener autour de Votre Majesté la conliance publique qu’ont égarée mille terreurs exagérées : ainsi l’Assemblée nationale offrira en tribut à Votre Majesté des consolations dignes de son cœur sensible; le crédit public rétabli, un Empire rajeuni, cet ordre nouveau sortant du milieu des ruines, et des peuples heureux sous le gouvernement du meilleur et du plus généreux des rois. » Le roi a répondu : « Assurez, Messieurs, l’Assemblée nationale de toute ma sensibilité de la part qu’elle prend à la perte que je viens défaire. Elle connaît bien mon cœur, en pensant que le moyen le plus sûr de consoler mes peines, est de travailler efficacement au bonheur de mes peuples .» (L’Assemblée nationale applaudit avec transport aux expressions paternelles et touchantes de Sa Majesté.) M. le Président ajoute que la députation a été introduite auprès de la reine: il fait lecture du discours qu’il a eu l’honneur de lui adresser. « Madame, « L’Assemblée nationale nous a chargés de vous témoigner la part qu’elle a prise à la juste douleur que Votre Majesté vient d’éprouver par la perte de Sa Majesté impériale, son auguste frère. « L’Assemblée ne croit cependant pas s’écarter, Madame, du respect qu’elle doit à votre affliction, en suppliant Votre Majesté défaire diversion à sa douleur pour se donner tout entière aux intérêts d’un grand peuple qui tourne avec confiance ses regards vers vous. Elle place son espoir dans cette force de caractère qui élève Votre Majesté si fort au-dessus de votre sexe; elle espère, Madame, de trouver votre consolation et les siennes dans ces mêmes sentiments de la nature qui font au-jourd’hui votre peine, et qui, se portant avec plus de tendresse sur l’enfant royal que vous élevez pour le bonheur des Français, nous ont fait annoncer par Votre Majesté qu’elle voulait pour eux et pour lui des destinées communes. « L’Assemblée nationale, en partageant les sollicitudes de Votre Majesté, ne doute pas, Madame, que vous ne partagiez aussi les siennes ; et qu’après ces grands mouvements qui ont élevé et comme suspendu le destin de la France, il ne reprenne bientôt son cours pour la gloire solide du trône et pour la prospérité de la nation. » La reine a répondu: « Je suis très sensible à la part que l’Assemblée prend à la perte que je viens défaire. Je suis persuadée de ses sentiments pour moi, et je vous prie de lui en témoigner ma reconnaissance .» (L’Assemblée nationale applaudit également aux sentiments exprimés dans le discours de la reine.) M. le Président annonce qu’il est retourné le soir chez le roi, et qu’il a eu l’honneur de rappeler à Sa Majesté qu’il avait été présenté à sa sanction le décret rendu par F Assemblée nationale le 28 février dernier, concernant l’organisation de l’armée, et que le roi lui a répondu qu’il prendrait en grande considération la demande qui lui était faite, et que dans peu l’Assemblée nationale recevrait à ce sujet une réponse précise. Un de MM. les secrétaires annonce que d’après le recensement du scrutin pour les quinze adjoints au comité des rapports , ceux des membres qui ont obtenu la pluralité des suffrages, sont : MM. De Bouville. Deschamps. Faydel. L’abbé. Bottez. Turpin. Bertrand de Montfort. Pelîerin de La Buxière. Pochet. Cortois de Balore, évêque de Nismes, D’Abbadie. L’abbé de Champeaux. Poulain de Corbion. Populus. De Fontanges, archevêque de Toulouse. Bourdon. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. Il concerne la discussion du second projet pour le remplacement de la gabelle, proposé par le comité des finances sur le droit de marque des cuirs. DEUXIÈME PROJET, SUR LE DROIT DE MARQUE DES CUIRS. MI. Dupont (de Nemours ) rapporteur, donne lecture des deux articles de ce second projet (Voy. plus haut le texte des articles, séance du 11 mars 1790.) Un membre propose d’introduire dans l’article second une disposition pour déterminer que la contribution de six millions sera répartie provisoirement et seulement pour la présente année. Cet amendement est adopté. Un membre demande que la contribution représentative du droit de marque des cuirs frappe seulement sur les fabricants. Il allègue que ceux-ci ne s’y opposent pas, et que d’ailleurs l’imposition directe sera trop onéreuse aux propriétaires. M. Mouglns de Roquefort, député de la ville de Grasse, en Provence, s’élève contre cette prétention. Il soutient que les fabricants de la ville qu’il représente, l’ont chargé de demander l’anéantissement d’un droit qui dessèche une branche d’industrie intéressante et utile; mais qu’ils n’ont jamais pensé que cet acte de justice fût rendu illusoire, en leur faisant supporter personnellement la contribution représentative du droit. Il ajoute que cette idée contrarie tous les principes : 1° elle tend à faire revivre d’une manière masquée le droit, puisque la contribution représentative ne porterait que sur les fabricants, et mettrait de nouvelles entraves à leur industrie; 2° toute imposition doit être générale, et elle ne le serait plus; 3° le droit sur la marque des cuirs frappait et sur les fabricants et sur les propriétaires, sur le peuple en général; puisque celui-ci achetait plus chèrement les objets qui dépendent de cette fabrication. En conséquence, il demande le rejet de l’amendement. L’amendement mis aux voix est rejeté.