576 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE PELLETIER. Séance du lundi 30 juin 1790 (1). M. Gourdau, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 28 juin au matin. M. Martineau. Je demande que l’article premier du décret qui tend à mettre en activité les assemblées administratives, article dont vous venez d’entendre la lecture dans le procès-verbal du 28 juin, soit terminé par cette phrase : Après avoir prêté le serment civique. M. Decrétot. Je propose d’ajouter à la fin de l’article 6 du même décret, ces mots : « Ils feront dresser pareillement un tableau des ports de mer, des rivières navigables et canaux de leur département, avec désignation de l’état dans lequel ils se trouvent, et de la situation des ouvrages d’art pour les parties dont la dépense est à la charge des administrateurs. (L’Assemblée adopte ces deux additions.) Il est fait quelques observations sur la rédaction de l’article concernant les suffragants résidant en France, des évêques de Trêves et de Bâle, etc. M. Duquesnoy remarque qu’un amendement fait par lui, sur les évêques qui s’étaient précédemment démis, et qui avait été renvoyé aux comités écclésiastiques et des pensions réunis, se trouve jugé par l’article, tandis qü’ il exigeait une plus longue discussion. (Sur celte observation, on demande à passer à l’ordre du jour, et l’Assemblée décrète qu’elle passera à l’ordre du jour.) M. l’abbé Gouttes demande qu’on fasse droit sur le sort de l’évêque de Babylone, ainsi qu’il l’a déjà proposé. -, L’Assemblée décrète le renvoi de cette demande au comité des pensions. Le procès-verbal de la séance du 28 juin au matin est ensuite adopté. M. de Pardieu, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Fouquier d’Hérouel. Je demande que le décret sur la reconstruction des écluses du canal de Crozat soit porté sans délai à la sanction. (Le procès-verbal est adopté.) M. de Pardieu fait ensuite lecture d’une proclamation des officiers municipaux de la ville du P ont-Saint-Esprit, relative aux troubles de Mmes. La voici : Du 19 juiu 1790. « Sur le réquisitoire de M. Darasse, procureur de la commune, qui a exposé que les troubles qui ont régné à Nîmes ont été mal interprétés par les citoyens; que la religion et la diversité des opinions religieuses n’ont pas occasionné les dits troubles, mais bien les ennemis de la Révolution ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, « Le corps municipal avertit tous les bons citoyens de ne point se laisser égarer par les manœuvres odieuses des ennemis du bien public, qui se servent du prétexte de la religion pour armer citoyen contre citoyen et occasionner une guerre civile. « Et, en conséquence, voulant répondre à la confiance publique, ordonne que tout bon citoyen sera tenu de lui dénoncer toutes les personnes, soit de la ville, soit étrangères qui tiendraient des propos séditieux, pour qu’elles soient livrées à toute la sévérité des lois, les membres qui le composent étant dans la ferme résolution de soutenir, au péril de leur vie, l’autorité qui leur a été confiée par l’auguste Assemblée nationale, et qu’ils emploieront avec prudence, pour le maintien de la paix et du bon ordre ; et arrête que la présente proclamation sera imprimée, publiée et affichée, et qu’extrait en forme sera envoyé à l’Assemblée nationale, et des exemplaires dans toutes les municipalités de notre district. « Signé : Laramée, maire; Tronc, Barrière, de Belgaric, Legrand, chevalier de Saint-Louis ; Raoux, Allard, Marel, Roman, officiers municipaux; Darasse, président de la commune; Dau-rand, secrétaire-greffier. » M. de G au vil le ( ci-devant le baron), député de Dourdan, envoie sa démission pour raison de santé. Dans la lettre qu’il écrit au président, il rend compte de sa conduite publique. Il déclare n’avoir jamais été d’aucun parti, n’avoir assisté à aucune conférence à la cour ni chez les ministres, n’avoir signé aucune protestation et n’avoir jamais pris conseil dans ses votes que de sa raison et de sa conscience. 11 rend compte ensuite de l’usage patriotique qu’il a fait de la partie de son traitement qui a excédé la dépense. (La lecture de cette lettre est entendue avec satisfaction par l’Assemblée.) M. Target, au nom du comité de Constitution, rend compte de la pétition présentée la veille à l’Assemblée par la municipalité de Versailles au sujet du commandement en chef de la garde nationale de cette ville et dit : Les diverses questions sur lesquelles le conseil général de la commune de Versailles vous a consultés, ont été traitées dans votre comité : elles lui ont paru liées avec celles qu’il agite sur l’organisation définitive des milices nationales ; et comme il ne veut point vous présenter de principes prématurés, il a cru que le moyen le plus propre pour conserver la paix et arrêter la fermentation des esprits, relativement aux divers objets de la pétition, était de surseoir à la nomination d’un commandant général dans la ville de Versailles, jusqu’à l’organisation définitive des gardes nationales. En conséquence, votre comité a l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur l’adresse présentée par le maire, au nom du conseil général de la commune de Versailles, au sujet de l’élection d’un commandant en chef, commencée par la garde nationale; « Considérant que .la-garde de Versailles reconnaît actuellement un commandant, et que la nomination d’un. commandant en chef est superflue, pour le peu de temps qui doit s’écouler jusqu’à l’époque de l’organisation définitive des gardes nationales; « Qu’elle donne, lieu à diverses réclamations, tant d’un grand nombre de citoyens actifs de cette ville, que des officiers municipaux; quo 577 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790 ] les opinions sont partagées sur les principes relatifs, tant à l’éligibilité des sujets, qu’à la qualité des électeurs et à la forme des élections; de sorte qu’il n’en peut résulter que des divisions capables d’altérer la paix si importante à maintenir : « Décrète qu’il sera sursis à toute nomination de commandant en chef dans la ville de Versailles, jusqu’après le décret constitutionnel qui sera donné incessamment sur l’organisation définitive des gardes nationales. » (Ce projet de décret est adopté.) M. le Président. J’ai reçu de M. Lambert une lettre et un mémoire sur la difficulté qu’opposent certaines villes de Picardie à la perception des droits d’aides. ( Voy . ce document annexé à la séance de ce jour). Cette affaire est renvoyée au comité des finances. V ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le traitement du clergé actuel . M. Chasset continue à remplacer M. l’abbé Expilly, rapporteur, à qui la faiblesse de sa voix ne permet pas d’être entendu. M. Chasset. L’article 17 du projet de M. l’abbé Expilly, qui deviendra l’article 20, est ainsi conçu : « Art. 17. La réduction qui sera faite, à raison de l’augmentation des portions congrues, ne pourra néanmoins opérer la diminution du titulaire actuel au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice. Excepté toutefois à l’égard des bénéfices simples et qui n’étaient pas sujets à résidence, dont les titulaires pourront être réduits à la somme de 500 livres. » M. Camus. Je demande la suppression de la dernière partie de l’article, afin de mettre en concordance toutes les parties de votre décret. M. Chasset. Le comité allait vous le proposer lorsque son rapporteur a été interrompu. M. le Président met l’article aux voix : il est adopté en ces termes : « Art. 20. La réduction qui sera faite à raison de l’augmentation des portions congrues ne pourra néanmoins opérer la diminution des traitements des titulaires actuels au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice. » M. Chasset donne lecture des articles 18 et 19 du projet de décret, destinés à devenir les articles 2Ï et 22 du décret définitif. « Art. 18. Dans les chapitres où il était d’usage de faire acheter des maisons canoniales aux titulaires, ceux qui justifieront les avoir payées continueront d’en jouir pendaut leur vie, et en conséquence, le produit desdites maisons n’entrera pour rien dans la fixation du produit des bénéfices. « Art. 19. Tous les titulaires des bénéfices supprimés qui justifieront avoir construit à leurs frais la maison d’habitation continueront de jouir de ladite maison pendant leur vie, et ils ne seront tenus, ainsi que tous les autres écclésiastiques, que des réparations locatives, à raison des bâtiments, de leurs bénéfices qui leur sont conservés. » M. Goordan. Je propose d’ajouter par amende-lie Série. T. XVI. ment, « sans que les dispositions des présents articles puissent s’étendre aux maisons canoniales achetées par des particuliers, ou maisons étrangères ». Cet article est appuyé, etre produit sous diverses formes par MM. Bontemps, Mougins, Goupilleau et plusieurs autres membres. M. Treilhard. Tous les préopiuants conviennent que l’article est juste, mais qu’il n’est pas assez étendu, c’est-à-dire qu’il n’a pas pourvu à tous les cas. La comité a eu connaissance d’une partie de ces usages, mais ils lui ont paru abusifs; il n’a pas conçu que des étrangers puissent acquérir un droit sur une propriété, par la seule volonté d’un chapitre. Je propose donc de décréter l’article sur-le-champ, et, à l’égard des amendements, de les renvoyer au comité ecclésiastique, qui les discutera et en fera le rapport. M. d’Estourmel. Je demande l’ajournement de l’article et des amendements. M. Duquesnoy. Je m’oppose formellement à l’ajournement. Les discussions sur ce qui concerne le clergé ont absorbé un temps assez considérable. Nous avons encore l’ordre judiciaire, les gardes nationales, les troupes de ligne; il est nécessaire que l’Assemblée s’occupe de ces objets importants. Je demande qu’on prenne un parti sur les deux articles. L’ajournement est mis aux voix, et deux épreuves successives paraissent douteuses. M. Camus. Je demande la parole. (On observe que la délibération est commencée.) L’Assemblée décide que M. Camus sera entendu. M. Camus. Je demande la question préalable sur les deux articles, et voici mes raisons : Vous avez décrété le sort des titulaires, mais vous n’avez pas décrété qu’ils auraient la jouissance d’une maison en sus de leurs bénéfices. Que font les usages ? Ils ne prescrivent jamais contre la justice. Voici ce qui est juste : Si un ecclésiastique a acheté une maison, s’il y a fait des réparations considérables, il est juste qu’il soit indemnisé; mais il n’est pas dit que l’indemnité doive être la jouissance de la maison. Je persiste donc à demander la question préalable. M. Cochard. Plusieurs de ces maisons canonia-lesont toujours été dans le commerce, avec laseule restriction de ne pouvoir les vendrequ’à des chanoines. Celui qui possédait est donc bien fondé à s’attendre à jouir. Pouvez-vous, avec quelque apparence de justice, le chasser de chez lui? Laissez -le donc tranquille dans sa possession légitime, ou du moins faites estimer sa maison par des experts, et accordez-lui une juste indemnité. M. l’abbé Lompré. Il faut distinguer quatre espèces de maisons canoniales et ranger dans la quatrième classe celles qui, construites sur un terrain exempt de servitude féodale par la disposition du fondateur, ont donné lieu à l’exercice d’un droit de retrait, mais ont passédans le commerce à titre de propriété et ont été achetées par les aînés des héritiers des morts ; je demande que cette espèce soit exceptée du décret ou que le prix en soit réservé aux propriétaires actuels. M. Populus. Les observations quê vient de 37