[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. d Membre "793 15 Commission ministérielle des subsistances et approvisionnements, d’une pétition des ouvriers des manufactures de tabac établies à Morlaix, qui réclament contre le prix fixé pour cette denrée par la loi du maximum. Elle renvoie aussi A cette Commission les péti¬ tions de même genre qui se trouvent maintenant déposées aux comités d’agriculture et de com¬ merce (1). Suit la pétition des ouvriers des manufactures de tabac de Morlaix (2). Les ouvriers des diverses manufactures de tabac à Morlaix, à la Convention • nationale. « Morlaix, olief-lieu de district, le 7° jour de la lro décade dû 2e mois de l’an II de la Répu¬ blique française, une et indi¬ visible. « Citoyens représentante, « Vos décrets ont pour but le bien général; les hommes auxquels ils n’enlèvent que le superflu, ceux dont ils répriment la cupidité, dont ils préviennent les projets conspirateurs ont bien mérité la loi sévère qui va les forcer de vendre au peuple ce que leur' inhumanité bar¬ bare ou leur scélérate aristocratie leur faisait soustraire sans remords à ses besoins les plus pressants. Le salut public vous commande contré eux une inexorable inflexibilité. a Mais nous, citoyens représentants, nous osons le dire, nous avons droit à votre commisé¬ ration. a Depuis quatre-vingts ans ou environ, Mor¬ laix voyait fleurir dans son enceinte une manu¬ facture de tabacs; cet atelier réunissait 800 ou¬ vriers au moins; nos pères y trouvaient leur subsistance et la nôtre; nous y trouvions aujour¬ d’hui celle de nos femmes et de nos enfants. a La loi qui fixe le prix des différents tabacs que nos bras manœuvraient, va forcer, nous dit-on, les hommes qui nous emploient, d’aban¬ donner leurs manufactures, et la misère la plus profonde doit frapper à ce moment fatal plus de 1,200 individus que ce genre de travail ali¬ mentait dans notre ville. << Si nos bras affaiblis par l’âgé et la fatigue, si nos enfants trop jeunes encore pouvaient, s’armant pour la patrie, voler aux frontières ou dans la Vendée, déjà nous eussions suivi ceux auxquels la vigueur a permis cette honorable résolution : mais il a fallu nous borner à leur porter envie. L’amour de la patrie nous inspire Cependant le désir de les encourager en leur pro¬ mettant de subvenir aux besoins de leurs femmes et de leurs enfants dont ils se séparaient, et du fruit des sueurs que nous arrachait un travail opiniâtre, nous en consacrions chaque jour une partie pour fournir du pain à quatorze familles des défenseurs pris dans notre sein. « Citoyens représentants, nous sommes à la veillé de n’en plus avoir polir nous et lés nôtres, { 11 Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 354. (3) Archives naliomhs, carton F); I&44-”, dossier Tabacs. si, jetant un œil de compassion sur nous, vous n’appOrtez à la loi qui fixe le prix des tabacs les modifications nécessaires pour établir entre le rix d’ achat de la matière première, les frais e fabrication et préparation et le prix de la vente, une proportion qui laisse au spéculateur l’espoir de né pas consommer sa ruine en occu¬ pant des bras dont l’activité dévorerait chaque jour ses capitaux. « Citoyens représentants, vous ne serez pas sourds à nos cris, vous êtes les pères du peuple, de vrais sans-culottes n’imploreront point en vain Votre justice. (Suivent 69 signatures.) (A la suite, se trouve un état nominatif des 298 chefs de familles, avec l’indication du nombre des femmes et enfants, dont le total s’élève à 1,1 lé.) « Citoyens représentants, « Le cri de douleur des 1,114 infortunés qui invoquent votre équité et nos secours, a retenti dans le sein de la Société populaire de Morlaix. Les justes alarmes de ee pèuple intéressant de frères, dont les vertus civiques ont toujours triomphé des horreurs du besoin, et donné l’exemple des plus sublimes sacrifices pour la défense de la liberté, exciteront sans doute votre juste commisération; elles seront accueillies par les pères de la patrie. « Citoyens représentants, nous devons à la vérité et au sentiment républicain qui nous presse, de Vous confirmer et d’ajouter même aux conséquences développées dans l’adresse qui précède. Votre décret sur le maximum des prix du tabac voue à l’indigence très prochaine une population considérable que le débit et l’usage de cette marchandise entretiennent jusque dans les plus petits lieux de la Répu¬ blique; toutes les proportions entre la première valeur' intrinsèque de la matière première et les progressions qu’elle acquiert par la main d’œuvre, se trouvent détruites par les fixations que votre décret a prononcées : l’Américain repoussé de nos ports et marchés, le cultivateur découragé, le; marchand fabricant paralysé, enfin l’ouvrier industrieux réduit à l’inertie, préparent l’anéantissement infaillible et très prochain de toutes ces communications qui s’alimentent réciproquement, si votre sagesse ne daigne adopter pour les tabacs les mêmes bases qu’elle a établies pour la fixation du maxi¬ mum de tous les autres articles de première nécessité. « Législateurs, la Société populaire de Mor¬ laix, en ajoutant sa sollicitude aux vœux de tant de malheureux qui appellent votre jus¬ tice, ne se dissimule pas que la paix, l’ union et le triomphe des lois, de la liberté et du républi¬ canisme sont également intéressés au soulage¬ ment que l’indigence réclame de votre équité. « Lokiot, président ; Volleau, secrétaire; Guillou, secrétaire, Joseph Boutet, secrétaire; Loxiet-. » Le conseil général de la commune de Morlaix, communication prise de la pétition ci-dessus et adhésion y donnée par la Société populaire, Considérant que la demande des pétition¬ naires qui a pour objet de leur conserver leur état et le moyen dë faire subsister leurs familles, est faite pour tout (sie ) intéresser dès qu’il 16 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! “ !TOair® s’agit immédiatement du sort de plus d’un dixième de la population de cette commune et indirectement celui de beaucoup d’autres citoyens; Considérant qu’en effet, sans une modifica¬ tion dans la taxation de prix du tabac, les fabri¬ cants se trouvent dans l’impossibilité de sou¬ tenir leurs établissements et qu’ alors leurs coo¬ pérateurs, qui depuis leur enfance n’ont connu d’autre travail, se trouveront sans ressources; Considérant que les plus grands inconvénients pour l’humanité et pour l’ordre public en résul¬ teraient et que tant d’intérêts sont faits pour décider les concours d’appui des autorités sur la pétition présentée à la Convention; Arrête d’adhérer à ladite pétition et supplie la Convention d’en prendre l’objet en prompte considération. (Suivent 23 signatures.) Le directoire du district, vu l’adresse ci-dessus et l’adhésion y donnée tant par la Société popu¬ laire que par le conseil général de la commune de cette ville; Plein d’inquiétude sur la misère qui menace une portion considérable de ses habitants, puisque les moyens d’alimenter les ateliers ou manufactures de tabacs qui les occupent vont nécessairement manquer par le bas prix auquel la matière première a été taxée par la loi du 29 septembre dernier; Par toutes ces considérations, arrête d’adhé¬ rer à la pétition susdite et d’en recommander l’objet à la prompte sollicitude de la Convention nationale. Morlaix, le 7° jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République française, une et indivisible. Silvestre Denis; Guiomar; André Rosec; Verchin; Beuscher, président; Sailloue, secrétaire. Note sur le prix des tabacs fabriqués dans la manufacture de Morlaix (1). Lors de la suppression de la ferme du tabac, au commencement de 1791, la manufacture de Morlaix a acheté des parties de tabac qu’elle a payées à la nation au minimum de 35 sols la livre; il ne restait plus de tabacs en feuilles. Les premiers tabacs en feuilles achetés par cette manufacture dans les ports de la Répu¬ blique et ceux qu’elle a fait venir de l’Amé¬ rique, lui sont revenus, rendus dans ses maga¬ sins et droits payé», de 25 livres ou 18 liv. 15 s. par quintal, à environ 75 livres le cent., ou par livre ....................... ... » 1. 15 s. » d. Les déchets à l’écottage et fa¬ brication environ 1 /3 par livre, ci ............................ » 5 » Les frais de fabrication évalués au moins à .................... » 3 » Loyer de la manufacture payé à la nation 12,600 livres par an et frais d’administration, envi¬ ron 8 0/0, ci .................. » 2 » Remise ou commission aux (1) Archives nationales, carton F'= 1544”, dossier Tabacs. entrepreneurs ou marchands en détail, au moins 8 0/0, ci ....... » 2 » Prix des premiers tabacs en feuilles achetés par la manufac¬ ture de Morlaix, au moins la livre .......................... » 1. 7 s. » d. Ces tabacs ont été vendus jusqu’au printemps dernier 1793, dans les départements voisins de Morlaix, 30 sols ceux râpés et en carotte, et 28 sols ceux à fumer; à Paris, les uns et les autres ont été vendus 36 sols, à cause des frais de transport de Morlaix à Paris. Depuis le commencement de cette année 1793, les changes sont devenus successivement telle¬ ment défavorables que, pour le prix d’une bonne partie de ses tabacs achetés à l’Amérique, la manufacture de Morlaix a été obligée de donner jusque 4 et 5 pour 1 ; ce qui a fait revenir cette partie de tabac à 4 livres et 5 livres la livre au lieu de 15 à 20 sols. Les entraves que la guerre a mises dans l’importation des tabacs en feuilles de l’Amé¬ rique, ont occasionné une telle rareté de cette denrée, et par conséquent un tel renchérisse¬ ment successif depuis la même époque, que, dès les mois de juillet et août derniers, les prix s’étaient élevés à 250 et 275 le cent, non com¬ pris les droits; ce qui fait revenir ces tabacs fabriqués à environ 4 livres la livre. Cependant la manufacture de Morlaix n’avait porté les prix communs de ses tabacs, dans ces derniers temps, que de 50 sols à 3 livres. Les tabacs à fumer étant des mêmes espèces et coûtant d’achat aussi cher, à très peu de choses près, que ceux destinés à la tabatière, ont toujours été vendus le même prix, à 1 ou 2 sols de différence qu’ils coûtent de moins de fabrication. La manufacture de Morlaix, voulant toujours jouir de la réputation d’avoir les meilleurs tabacs possibles, affirme qu’elle n’a jamais eu dans sa fabrique et ses magasins que des tabacs des premières qualités de l’Amérique septen¬ trionale et de Hollande. Le minimum du prix du tabac fabriqué, de toute espèce, soit pour la tabatière, soit à fumer, a été fixé par la loi et vendu par la nation elle-même, en 1791, au mois d’avril (époque de la suppression du privilège), et qui est la seule qu’on puisse prendre pour base, relativement au tabac. Ce minimum a été fixé à ........................ 1 1. 15 s. » d. Le tiers en sus serait de ...... » 11 8 prix au lieu de la fabrique ..... 21. 6 s. 8 d. Les frais de transport ....... Mémoire. Nota. Le prix du tabac étranger (celui tiré de la Virginie et du Maryland dans les États-Unis d’Amérique et de la Hollande) paraît devoir être fixé, pour le moins, à 2 liv. 6 s. 8 d. la livre, sauf les frais de transport. Le prix du tabac national (tiré de la ci-devant Alsace, par exemple) paraîtrait aussi devoir être fixé seulement à 20 sols, sauf idem. La Convention nationale décrète, sur la mo¬ tion d’un autre membre (Thibault (1)], que la (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 796.