SÉANCE DU 13 BRUMAIRE AN III (3 NOVEMBRE 1794) - N° 5 343 Représentans d’un peuple libre Ils sont passés ces jours de deuil, où la liberté, voilée d’un crêpe funèbre, n’osait contempler les massacres qui s’éxécutaient en son nom. Ils ne sont plus ces jours sanglans et de douleurs où le plus antropophage des tirans vengeait à la fois des crimes et faisait assassiner l’inocence... O journée mémorable du 10 thermidor ! O courage sublime de la Convention, vous avez fait descendre dans le tombeau l’in-fame Robespierre, avec tous ses forfaits! La chute de ce Néron moderne fut marquée par un prompt retour à l’ordre social. Vous proclamâtes alors, Représentans, les grands principes qui fondent et qui affermissent les Républiques. La justice, ce sentiment consolateur de la vertu oprimée, succéda à un sistème de terreur qui n’épouvantait que l’homme de bien et à l’ombre duquel les scélérats commettaient tous les crimes. La justice à l’ordre du jour... c’est l’arrêt de mort de tous les égorgeurs, de tous les fripons, de tous les ennemis de la patrie. Car si la justice est la sauvegarde de l’inocence, elle est l’echafaut pour le crime. Aussi audacieux que criminels, on a vû ces monstres encore dégoutans de sang, et ces voleurs gorgés des dépouilles de la République, intriguer jusques dans les sociétés les plus célèbres en patriotisme, usurper le nom du peuple, et engager une lutte scandaleuse avec la représentation nationale. Ils voulaient, les scélérats, que la terreur, cette arme puissante du despotisme, ensevelit dans l’anarchie leur barbarie et leurs atrocités. Mais grâces immortelles vous soient encore rendues, Législateurs, vous avez maintenu avec courage votre volonté suprême pour le bonheur de la nation, et la terreur n’est plus que pour les méchans. Qu’ils tremblent donc aujourd’hui ces cannibales, ces dilapidateurs de la fortune publique. Sans cesse bourelés par les remords rongeurs de leurs consciences criminelles, pourrait-il leur demander d’autre espoir que le châtiment terrible qui les attend? Pères du peuple, nous avons entendu la lecture de votre adresse aux français, avec cet enthousiasme qu’inspirent toujours les grandes vérités morales, les principes qu’elle renferme sont gravés dans tous les coeurs républicains, et ils seront pour nous la pierre de touche avec laquelle nous démasquerons tous les faux amis du peuple. Continuez, dignes Représentans, l’ouvrage immortel que vous avez si sagement entrepris, et que vous avez défendu avec tant de courage. Ne soufrez jamais qu’aucune puissance usurpatrice s’élève à côté de la Représentation nationale, qui est l’unique et véritable puissance du peuple. Maintenez le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix; mais qu’il ne soit plus séparé de la justice. Purgez la République de tous les scélérats, quelque masque qu’ils prennent, quelque poste qu’ils occupent, que la justice soit distributive pour tout le monde; que le bon citoyen puisse enfin respirer sous l’egide de la loi; que le méchant soit anéanti et vous conduirez, à pleines voiles le vaisseau de la République au port. Quant à nous, voici, Représentans, notre profession de foi. Respect à la loi ; haine à la tiran-nie, amour de la patrie, attachement inviolable à la Convention et toujours la Convention sera notre point de ralliment. Vive la République, vive la Convention. Thibaud l’ainé, Dochet, officiers municipaux, Fouchier, juge, Jurand, Fouchier, officiers de santé et 88 autres signatures. P [Les citoyens de la commune de Clermont à la Convention nationale, s. <L] (30) Liberté, Egalité, Justice. Représentans du Peuple, Nous avons lu avec transport l’adresse dans laquelle vous avez retracé, dans leur pureté les vérités éternelles que l’imposteur avoit obscurcies de son haleine empoisonnée. Vous y rap-peléz les principes qui, en consolidant la liberté, éleveront la france à toute la hauteur de ses destinées. En proclamant la justice vous avez rendu la vie aux bons citoyens ; vous avez glacé d’effroi, vous avez frappé d’un coup mortel les méchans, les fripons et tous ceux dont on va rechercher et punir les crimes. Le peuple vous a délégué ses pouvoirs, continuez de les exercer pour son bonheur. Ne souffrez pas qu’aucun individu, qu’aucune réunion particulière usurpe ses droits, ni même y porte atteinte, en rivalisant l’autorité qui vous est confiée. Tenez d’une main ferme les rênes du gouvernement révolutionnaire, tant que le salut de la patrie le commandera. C’est par la vigoureuse influence de ce gouvernement que les ennemis du dehors sont batus, dispersés, c’est aussi par elle que les ennemis du dedans seront anéantis. Que le glaive de la loi qui a fait tomber la tête des tyrans, frappe également ceux qui cherchent à rétablir la terreur; ils sont les ennemis du peuple, ils veulent lui donner des fers. Il est temps enfin que, sous l’égide des loix, l’homme de bien, le véritable ami de la liberté et de l’égalité jouisse des bienfaits de la révolution : il est temps que les agitateurs, les traîtres, les dominateurs trouvent dans l’action de la justice un châtiment prompt et sevère. Législateurs, que l’instruction publique soit au grand ordre du jour : l’ignorance conduit à l’esclavage. (30) C 325, pl. 1409, p. 4. Bull., 17 brum. ; M. U., XLV, 296-297. 344 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Perfectionnez les moeurs, elles sont la sauvegarde des loix. Près d’achever le grand oeuvre de notre régénération poursuivez sans relâche la carrière pénible, mais glorieuse, que vous avez si dignement commencée. Pour nous, constamment attachés aux principes que vous venez de proclamer, à ces maximes fondamentales d’un gouvernement libre, nous jurons de ne former avec vous qu’un même faisceau : nous jurons de mourir pour le triomphe de l’Egalité, de la Liberté et de la Justice, et pour l’affermissement de la République une et indivisible. Suivent 685 signatures sur 11 pages. q [Les membres du comité de surveillance de Granville à la Convention nationale, le 2 brumaire an III] (31) Liberté, Egalité, Vertu. Citoyens Législateurs. Depuis la chute du nouveau Tarquin, depuis que vos droits régnent pour toujours sur l’humanité, cette baze necessaire et sacré de tout pacte social; depuis que vous avez déchiré le crêpe funebre que des mains sanguinaires avoient tendus des rives de la Seine a celle de l’océan et du Rhin, du pied des pyrennés au sommet des alpes, les vertus publiques et privés, assises depuis longtemps a l’ombre de l’oppression et de la mort ont deija repris leurs primitif beauté, amies et compagnes fïdelles de la liberté, bientôt elles vont en assurer le triomphe en germant dans tous les coeurs, cette révolution aussi heureuse qu’inatendüe, Citoyens Législateurs, c’est votre ouvrage ; votre energie a terrassé l’audace et l’intrigue ; la pureté et la vérité de vos principes ont fait tomber le masque du perfide républicain et nous l’ont montré avec toute sa laideur; votre zele infatiguable a rappellé les moeurs et fait aimer les loix. Encore quelques instants de courages, Citoyens Législateurs ; et bientôt le vaisseau de la Republique, vainqueur de tous les orages, entrera majestueusement au port. Le bon esprit qui nous anime et nous unit tous; les succès de nos armes sur tous les points de deffense; le mépris et la nullité ou sont tombés les méchants et les fripons, luy présagent les plus longues et les plus brillantes destinées. Voila, Citoyens Législateurs, l’aspect agréable sous lequel les membres du comité de surveillance de Granville aiment à voir la chose publique. Comptez sur leurs attachement a la mere commune, sur leurs intrépidité a la def-fendre, sur le maintien severe des loix dont l’exercice leurs est confiée, accueillez comme (31) C 323, pl. 1389, p. 30. Bull., 14 brum. peres de la patrie l’expression de leurs recon-noissance et de leurs respectueux hommages. Vive la République, vive la Convention nationale et mort aux tyrans de toute espèce. Lenetrel, président et 10 autres signatures. r [Les administrateurs du district montagnard dYvetot à la Convention nationale, s. d.] (32) Liberté, Egalité. Citoyens représentants, Nous applaudissons avec transport aux principes consolateurs que vous avés proclamés dans votre adresse aux français. Ouÿ le règne des fripons et des hommes de sang est passé, et les coeurs flétris par une obscure terreur vont se raviver aux vraies jouissances de la liberté. Vous avés retenu d’une main assurée les rênes du gouvernement révolutionnaire et vous saurés conserver intact le dépôt précieux des pouvoirs que le peuple vous a confiés. Restés citoyens représentants, au poste où la confiance nationale vous enchaine jusqu’à ce que les bases du bonheur public soient a jamais consolidées. Vive la République, Vive la Convention nationale. Girard, et 5 autres signatures. s [Les membres de la société populaire de Meursault à la Convention nationale, s. d.] (33) Citoyens Représentans Dans la fluctuation d’idées, de raisonnements et de principes qui ont été mis en avant jusqu’à ce jour, nous avons crains un instant qu’une trop grande indulgence ne nous conduisit au modérantisme et ne comprima l’action du Gouvernement révolutionnaire. Mais tels que le voyageur qui au sortir des ténèbres voit avec joie l’astre lumineux qui doit diriger ses pas, nous avons vu avec la plus vive satisfaction la sublime et énergique adresse que vous venéz de faire au peuple français. Grâces vous soyent mille fois rendue, Citoyens Représentans, d’avoir en fixant l’opinion publique par cette adresse à jamais mémorable, tracé à tous les vrais républicains la marche qu’ils doivent suivre pour concourir avec vous à conduire au port le vaisseau de l’Etat. (32) C 323, pl. 1389, p. 28. (33) C 325, pl. 1409, p. 7. Bull., 21 brum.