[8 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] juridictions autrefois réunies au palais, ne formaient qu’un seul tribunal. Cependant il y avait entre elles de fréquents conflits de juridiction, elles rendaient des arrêts contradictoires. La grande publicité des rapports et des jugements doit ôter toute crainte ; tout se passera au grand jour; on ne peut en inspirer, car, comme l’on dit, il y a peu de filous là où il y a beaucoup de réverbères. . . Votre comité rend justice aux vues de la municipalité. Si elle achetait des bâtiments nationaux en totalité, elle se chargerait d’une dette immense. Si elle n’achetait que la partie de ces bâtiments nécessaire au placement des tribunaux, elle en diminuerait le prix, et les réparations occasionneraient, et une dépense de 600,000 livres, et un retard considérable dans l'administration de la justice. Le Corps législatif, l’administration du département et la municipalité pourraient tenir leurs séances au palais, sans gêner les tribunaux. Votre comité a été touché d’un dernier motif, c’est que l’opération qu’il a l’honneur de vous présenter, étant purement réglementaire, purement administrative, si l’avenir découvre quelques inconvénients dans la réunion des tribunaux il sera toujours extrêmement possible de procéder à la distribution proposée. Noos vous proposons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que les six tribunaux du département de Paris seront réunis dans l’ancien palais de la Justice, en telle sorte cependant qu’il soit assigné à chacun d’eux un local distinct et entièrement séparé, et sans que, sous aucun prétexte, ils puissent se réunir et délibérer en commun. » M. Bouttcv illc - Dumetz . Messieurs, je demande la question préalable sur ce projet de décret. Vous vous rappelez que les membres du comité de Constitution, qui vous ont successivement parlé, vous ont tous fait remarquer qu’une crainte devait vous empêcher de déférer au vœu des ofliciers municipaux; c’est de voir que, dans la capitale, il se trouvât un corps unique de magistrats. {Murmures.) Messieurs, je puis avoir tort; mais vous en auriez un plus grand de ne pas m’entendre. Cette réunion avait paru dangereuse à tous les bons esprits, à tous les vrais amis de la Constitution, et c’est parce que le comité de Constitution a assuré que les six tribunaux seraient placés dans ues locaux différents, que l’Assemblée nationale a consenti à la réunion des électeurs. Je vous ajoute, Messieurs, que je me suis trouvé au comité de Constitution un jour où cette question s’agita; je puis vous attester que tous les membres que j’entendis étaient tous d’un avis formel que cette demande ne pouvait pas être sagement admise. Je sais, Messieurs, qu’un des bons esprits de l’Assemblée nationale, que certainement vous entendez avec plaisir, M. Thouret, employa toutes les forces de sa raison pour persuader à à ses nouveaux confrères qu’ils ne devaient pas consulter la commodité ou les intérêts des clients et qu’ils ne devaient jamais voir dans l’établissement d’une Constitution ce qui l’intéresse. Or, je demande, Messieurs, si vous pouvez mettre en parallèle, avec le plus léger danger que pourrait courir la Constitution, les raisons que votre comité vient de vous déduire 1 {Applaudissements à gauche; murmures à droite.) Oui, Messieurs, il n’appartient pas à un peuple 83 qui a conquis sa liberté d’entendre, sans indignation, qu’on lui parle de quelque misérable économie, quand il s’agit... {Interruption). Quel que soit le plus ou moins de sagesse de moa opinion, j’atteste qu’elle m’est dictée par ma conscience; c’est un motif au moins pour qu’on m’entende. Enfin, Messieurs, je demande lecture du décret qui, déférant au vœu des électeurs, a permis qu’ils ne formassent qu’une assemblée électorale. Je ne réponds pas qu’on n’y ait apposé la condition que les six tribunaux seraient distincts et séparés. Un membre : Elle y est. M. Bouttevîlle-Dumetz. J’espère que vous n’insulterez pas à votre décret; et je demande avec la plus grande confiance la question préalable. Plusieurs voix : Et que le comité soit rappelé à l’ordre. M. Guillaume. Je considère la question sous deux différents rapports: l’intérêt public et celui des justiciables. Sous le premier rapport, quelle que soit la teneur du décret invoqué par le préopinant, je crois que c’est faire bien de l’honneur aux trente juges de Paris. {Murmures.) Je soutiens que trente juges, bien classés, bien divisés dans un vaste édifice, ue sont pas plus à craindre que cinq, d’abord parce que, divisés ou réunis, ils ne formeront pas corps ; en second lieu, parce que, quand on pourrait prévoir leur coalition, il est connu que plus une compagnie est nombreuse, moins elle a d’ensemble. Je m’étonne qu’on veuille toujours faire envisager comme ennemis de la Constitution dis hommes qui lui devront leur existence, et, d’ailleurs, je vuus prie d’observer que si les craintes qu’on veut inspirer à l’Assemblée étaient fondées la surveillance du Corps législatif, du tribunal de cassation, du département, de la municipalité suffiraient pour les dissiper. Les justiciables n’ont pas un intérêt moins grand à la réunion proposée. Dans le système de la division, jamais les affaires ne seront prêtes et l’on demandera délais sur délais, sous prétexte que les avoués ou les défenseurs officieux sont employés ailleurs. Les juges, les bureaux de paix seront dislrinués dans tous les quartiers de ia capitale: voilà la justice qu’il faut mettre à la portée du pauvre; mais il n’y a aucun motif pour diviser les tribunaux destinés à connaître des affaires majeures, et, en les réunissant, il n’y aura pas encore de département dans lequel les justiciables soient aussi près de leurs tribunaux. M. Rewbell. Je demande qu’on ferme la discussion et que l’Assemblée prononce la question préalable sur le projet de décret. M. Bouche. J’appuie la question préalable sur le projet de décret, non pas que je croie que les juges soient à craindre, fussent-ils au nombre de 500; mais parce que vous avez décrété qu’il y aurait un tribunal dans chaque district, et que les tribunaux ne pourraient sortir de leur arrondissement. La municipalité ne vous a présenté qu’une question ü’economie; mais le palais est uue maison nationale, elle n’entend pas sans doute ARCHIVES PARLEMENTAIRES.