218 [Asgemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juin 1790. tera que sur l’idonéité : il faut expliquer ce qu’on entend par l’idonéité; si elle porte sur quelque chose de civil, cet examen n’appartient pas au synode. Jamais je ne consentirai à déléguer à des eclésiastiques le pouvoir judiciaire : il faut définir l’idonéité ; il faut examiner avec soin la composition du synode métropolitain, puisqu’il peut influer sur la liberté. M. Camus. Il s’agit ici de deux choses qu’on doit distinguer; le pouvoir du métropolitain et celui du peuple. Le peuple choisit le sujet qu’il reconnaît être le plus digne de sa confiance dans les fonctions du ministère sacré. Le supérieur ecclésiastique dit à l’élu : je vous communique les pouvoirs que j’ai reçus pour les exercer et pour les transmettre. Voilà tout à la fois les principes et les faits. Que fait le supérieur ecclésiastique? Il examine les mœurs et la doctrine du sujet. Quant à la validité de l’élection, il n’v peut rien ; quand à l’idonéité il peut tout. D’après ces principes, l’article me paraît mal rédigé. Il faut d’abord y porter la fin de l’article coté 18 dans le projet de décret; il faut ensuite donner un remède à un refus injuste, par le recours au souverain, qui renverrait à un autre supérieur ecclésiastique. Je proposerais en conséquence cette rédaction ; « Le métropolitain ou l’ancien évêque aura la faculté d’examiner l’élu sur sa doctrine et sur ses mœurs. S’il le juge capable, il lui donnera l’institution canonique. S’il croit devoir refuser, les causes de son refus seront délivrées par écrit, et signées de l’évêque et de son conseil, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par voie d’appel comme d’abus, suivant les règles qui seront énoncées. » M. le marquis de Foucault. Un des préopinants, M. l’abbé Bourdon, que je ne connais pas, a dit qu’il ne savait pas pourquoi nous nous levions après avoir dit que nous ne délibérerions pas. Que nous nous opposions, que nous résistions, que nous nous taisions ou que nous parlions, vous n’en allez pas plus vite : je crois que vous ne devez pas nous en vouloir, et qu’on ne doit pas nous inculper. M. le Président met aux voix l’article amendé par M. Camus. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 17 (ancien art. 16). Le métropolitain ou l’ancien évêque aura la faculté d’examiner l’élu, en présence de son conseil, sur sa doctrine et ses mœurs. S’il le juge capable, il lui donnera l’institution canonique. S’il croit devoir la refuser, les causes du refus seront données par écrit, signées du métropolitain et de son conseil, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par voie d’appel comme d’abus, ainsi qu’il sera dit ci-après. » L'art. 18 est ensuite décrété sans discussion ainsi qu’il suit ; « Art. 18 (ancien art. 19). L’évêque à qui la confirmation sera demandée, ne pourra exiger de l’élu d’autre serment, sinon qu’il fait profession de la religion catholique, apostolique et romaine. » M. Martineau, rapporteur, donne lecture de l’ancien art. 20 en ces termes ; « Art. 20. Le nouvel évêque ne pourra point s’adresser à l’évêque de Rome pour en obtenir aucune confirmation; mais il pourra lui écrire comme au chef visible de l’Église universelle et en témoignage de l’unité de foi et de ia communion qu’il est dans la résolution d’entretenir avec lui.» M. l’abbé Goulard. Il est démontré que le pape est le véritable chef de l’Eglise, qu’il n’a pas seulement la primauté d’honneur, mais encore la primauté de juridiction : la tradition des SS. PP. et de tous les conciles œcuméniques le prouvent. Saint lrénée dit que c’est à l’Eglise romaine que les autres Eglises doivent s’adresser, à cause de sa primauté. Saint Athanase écrit au pape Félix : « Dieu vous a placé au haut de la forteresse sur toutes les Eglises, afin que vous veniez à notre secours. » Saint Basile mande à saint Athanase qu’il a été convenu de s’en référer à l’évêque de Rome pour que son jugement intervînt dans la réformation de ce qui a été fait au concile par violence. Un concile de Carthage déclare que c’est en vertu de l’institution divine que la primauté appartient à l’évêque de Rome sur toutes les Eglises. Le concile de Provence donne cette définition : « Le pontife romain est le chef, le père, le docteur de toutes les Eglises, sur lesquelles il a reçu un gouvernement universel. » Le concile de Bâle appelle le pape le chef et le primat de l’Eglise, le prélat et le pasteur du chrétien, le seul qui soit appelé à une plénitude de puissance... Je conclus de tous ces faits que le pape a le pouvoir de gouverner l’Eglise entière, que ce pouvoir s’étend non-seulement sur les brebis, mais encore sur les pasteurs. En adoptant l’article proposé, vous lui refuseriez cette plénitude de puissance que lui a donnée Jésus-Cnrist, et que lui reconnaît l’Eglise. M. l’abbé Gouttes. Je demande qu’on aille aux voix; le préopinant n’a rien dit qui fût contraire à l’article. Je le défie de citer un fait qui prouve qu’une demande a été faite au pape pour se faire confirmer par lui. Après quelques observations présentées par divers membres, l’article est adopté en ces termes : « Art. 19 (ancien art. 20). Le nouvel évêque ne pourra s’adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation ; mais il lui écrira comme au chef visible de l’Eglise universelle, en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il doit entretenir avec lui. * M. Martineau donne lecture des anciens art. 21 et 22. Ils sont décrétés en ces termes : « Art.20 (ancien art. 21). La consécration de l’évêque ne pourra se faire que dans son église cathédrale par l’évêque métropolitain, ou à son défaut par le plus ancien évêque de l’arrondissement dé la métropole, assisté des évêques des deux diocèses les plus voisins, un jour de dimanche, pendant la messe paroissiale, en présence du peuple et dü clergé. « Art. 21 (ancien art. 22). Avant que la cérémonie de la consécration commence, l’élu prêtera, en présence des officiers municipaux, du peuple et du clergé, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse qui lui est confié, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’AsSemblée nationale, et acceptée par le roi. » M. Martineau annonceque l’ancien article 23, qui deviendra le 22e du décret, est ainsi conçu : « Art. 23. L’évêque aura la liberté de choisit* les vicaires de son église cathédrale dans tout le clergé de son diocèse, à la charge par lui de ne pouvoii* 319 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (14 juin 1790.] prendre que des prêtres qui auront exercé les fonctions du saint ministère au moins pendant dix ans ; et il ne pourra les destituer que de l’avis de sort conseil, et par une délibération qui y aura été prise à la majorité des voix, en connaissance de cause. » M. Camus. Les vicaires des évêques sont les mêmes que ceux des curés : je demande qu’il soit fait un seul article pour les uns et pour les autres : je crois qu’on pourrait dire que « les évêques et les curés auront le choix libre de leurs vicaires parmi les prêtres de leur diocèse ». M. Pison du Galand. Cette question est prématurée; l’article du comité doit rester tel qu’il est ; un article postérieur statue sur les vicaires des curés. (La priorité est accordée à l’article du comité.) M. Thibault, curé de Souppes. Il me paraît convenable que les évêques puissent destituer les vicaires de l’église cathédrale, comme les curés pourront destituer les leurs. M. l’abbé Gibert, Les vicaires des évêques et ceux des curés diffèrent beaucoup par la nature de leurs fonctions. Les premiers auront, pour ainsi dire, une juridiction. S’ils avaient le courage de s’opposer aux desseins d’un évêque, c’en serait assez pour être destitués. Un jeune vicaire, renvoyé par le caprice d’un curé, peut retrouver à se placer; mais que deviendrait un prêtre respectable appelé, dans un âge avancé, au conseil de l’évêque, et qui partage avec lui les sollicitudes de ses fonctions? Si vous voulez leur conserver l’avantage nécessaire de dire leur avis avec franchise, il ne faut pas donner aux évêques la faculté de les destituer arbitrairement. M. le Président met l’article aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 22 (ancien art. 23). L’évéque’aura la liberté de choisir les vicaires de son église cathédrale dans tout le clergé de son diocèse, à la charge par lui de ne pouvoir nommer que des prêtres qui auront exercé les fonctions ecclésiastiques au moins pendant dix ans; et les vicaires une fois nommés ne pourront être destitués ni par l’évêque qui les aura choisis, ni par son successeur, que de l’avis de son conseil, et par une délibération qui y aura été prise, à la pluralité des voix, en connaissance de cause. » M. Martineau propose un article additionnel ainsi conçu : « Les curés actuellement établis en aucune église cathédrale, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l'église cathédrale et en former le territoire, seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires de l’évêque, chacun suivant le rang de leur ancienneté. » M. Pison du Galand. Cet article n’est pas d’une justice rigoureuse; car les curés des campagnes qui seront supprimés ont absolument les mêmes droits que ceux des villes. Vous gênez d’ailleurs le choix des évêques. Je demande la question préalable sur cet article. M. l’abbé Gouttes. Le préopinant n’observe pas que les curés des campagnes, dont les cures seront supprimées, recevront un traitement de votre part. M. l’abbé Gibert. Nous allons voir pour la première fois des évêques devenus cürés, et des curés devenus vicaires. Ne serait-il pas intéressant que l’évêque se présentât aux fidèles ayant à côté de lui des prêtres respectables, chers aux citoyens qui dépendaient de la paroisse dont ils étaient précédemment les pasteurs? L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer sur la question préalable, et l’article est adopté en ces termes : « Art. 23. Les curés, actuellement établis en aucune église cathédrale, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l’église cathédrale, et en former le territoire, seront de plein droit, s’ils le demandent, les premiers vicaires de l’évêque, chacun suivant l’ordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales. » (La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.) M. Morel, député de Sarreguemines , demande l’autorisation de s’absenter pendant huit jours pour affaires importantes. L’Assemblée le lui permet. M. le Président dit que le résultatldu scrutin pour la nomination des adjoints au comité de la marine a été incomplet et quesix bureaux n’ont pas fourni leurs opérations. L’Assemblée ordonne, néanmoins, la proclamation des membres élus. Ge sont : MM. Legendre; Poulain de Corbion; Le comte de Rochegude ; Ledean ; Defermon; Laborde de Méréville. M. de Itroglie. L’Assemblée se rappelle que, le 1er de ce mois, elle a, par un décret, annulé les élections des assemblées primaires de Colmar. Ge décret est parvenu lorsque les électeurs du département du Haut-Rhin étaient tous réunis à Belfort, et leurs opérations déjà commencées. G’est dans cette situation que ces électeurs envoient une adresse à l’Assemblée nationale. (On fait lecture de cette adresse.) — Ces électeurs représentent les malheurs que pourrait faire naître en ce moment l’exécution de ce décret, qui entraînerait la dissolution de leur assemblée : ils ont déjà nommé leur président, leurs scrutateurs et six administrateurs. Tous les citoyens du département du Haut-Rhin persistent dans le choix qu’ils ont fait de leurs électeurs. Une nouvelle élection occasionnerait des dépenses considérables, et ne pourrait être faite que dans le temps précieux des récoltes; elle entraînerait de grands délais, et le peuple est empressé de jouir des bienfaits que la Constitution lui assure, et que les administrations nouvelles doivent lui procurer. Les électeurs, s’ils se retiraient, ne pourraient rentrer avec sûreté dans leurs cantons. Le fond des lois portées pour les élections a été rempli; les vices de forme ont été occasionnés par l’inexactitude et l’insuftisance des formulaires qui ont été remis aux assemblées primaires par les commissaires du roi. Aucun canton, aucun district ne réclame contre le résultat de ces assemblées. Ces électeurs demandent à continuer leurs opérations, et que, sans tirer à conséquence, les assemblées primaires soient validées. — M. ne Broglie présente, de la part de la députation d’Alsace, ün projet de décret ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, instruite que les électeurs du département du Haut-Rhin se sont rassemblés, le 6 de ce mois; que déjà six membres