[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1!? an II 657 L J (4 janvier 1794 Les agents des districts de Mossidan et Berge¬ rac envoient six pareilles décorations-insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de l'agent du district de Mussi-dan (2). « Mussidan, le 9 nivôse de l’an II de la Ré¬ publique française. « Citoyen Président, « Je vous adresse la dernière croix de Saint • Louis qui existait dans le district de Mussidan, c’est la huitième que j’ai envoyée à la Conven¬ tion nationale. Celle-ci m’a été remise par ia municipalité de Montazeau, que j’avais chargée de réclamer au citoyen Larrivière, ci-devant garde du ci-devant roi. Veuillez, je vous prie, engager la Convention à faire insérer cet envoi ainsi que les précédents dans le Bulletin, pour que mon exactitude soit publiquement justifiée. « Salut et fraternité, « L'agent national du district de Mussidan. « Memontel. » Suit la lettre de l’agent du district de Berge¬ rac (3). « Bergerac, le 2 nivôse, l’an II de la République française une et indivisible. « Citoyen Président, « Je t’adresse cinq croix de Saint-Louis qui m’ont été remises, savoir : « 1° Deux par les citoyens André et Fran¬ çois Nicolas de Pâques père et fils, avec les brevets de ces décorations; 2° Autre croix de Saint-Louis remise par la citoyenne veuve Faure Duterme, lieutenant de la gendarmerie nationale à la résidence de Bergerac, sans brevet; 3° Autre croix du même ci-devant ordre, remise par le citoyen Léger de la commune de Beleymas, dont était décoré feu Delor La Cha¬ pelle, son beau-père, aussi sans brevet; 4° Enfin une cinquième croix de Saint-Louis, dont était décoré le citoyen François Larigau-die, dans le corps d’artillerie. « Je te prie, citoyen Président, de vouloir bien me faire accuser la réception de ces signes de la tyrannie. « L’agent national du district, « Bruzao. » Le citoyen Jacob Dupont, député du départe¬ ment d’Indre-et-Loire, malade depuis quelque temps, sollicite un congé pour aller respirer l’air natal. La demande, convertie en motion par un membre, est décrétée (4). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 293. (2) Archives nationales, carton C 287, dossier 869, pièce 15. (3) Archives nationales, carton G 287, dossier 869, pièce 16. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 293. 1“ SÉRIE, T. LXXXII. Suit la lettre du citoyen Jacob Dupont (1). « Citoyen Président, « Malade depuis quelque temps, j’ai besoin de prendre mon air natal. Je prie la Convention nationale de vouloir bien m’accorder un congé. « Jacob Dupont. « 14 nivôse, l’an II de la République fran¬ çaise. » Les sans-culottes de la commune de Seignelay, département de l’Yonne, adressent le procès-verbal de leur établissement en Société populaire, sous les yeux du représentant du peuple ïchon, qui, d’une seule voix, en a été nommé le premier président, autant pour rendre justice à son mérite et à son patriotisme, qu’hommage à la dignité de la représentation nationale. Ils invitent la Convention à rester à son poste. Insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre des sans-culottes de la commune de Seignelay (3). Les sans-culottes de la commune de Seignelay, district d’Auxerre, département de V Tonne, constitués en Société populaire, à la Convention nationale. « Sans-culottes législateurs, « Nous disons sans-culottes, parce que vous êtes véritablement les premiers sans-culottes de la République, et nous le disons avec con¬ fiance, parce que nous sommes libres. Vous avez le cœur trop républicain et l’esprit trop juste pour être surpris que nous vous donnions un nom dont s’honorent aujourd’hui tous les bons Français. Législateurs, suspendez les grands travaux qui vous occupent et per¬ mettez à de bons sans-culottes comme nous de vous entretenir un instant. « Nous venons de planter l’arbre de la raison et de nous constituer en Société des Amis de la République. Le premier arrêté que nous avons pris à l’unanimité, porte que copie du procès-verbal qui constate la formation de notre Société populaire sera envoyée à la Convention nationale. Nous avons cru que le corps légis¬ latif doit être instruit de tout ce qui se passe dans le sein de la République et que la nouvelle de l’établissement d’une Société populaire est toujours importante pour la République. « Un de vos collègues, le sans-culotte Ichon, a été présent à l’institution de notre Société populaire. Nous l’avons admis au nombre des fondateurs de la Société; d’une commune voix, nous l’avons élu notre président. En le nom* mant à cette fonction, nous avons autant rendu justice au mérite et au patriotisme de l’homme privé, qu’hommage à la dignité de l’homme public et à la quahté de représentant du peuple dont il était revêtu. Il a achevé de sans-culot-tiser notre commune et de nous élever à la hau¬ teur des grands principes révolutionnaires qui (1) Archives nationales, carton G 288, dossier 883, pièce 14. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 294. (3) Archives nationales, carton G 288, dossier 885 pièce 8. 42 658 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. doivent diriger tons les vrais amis de la liberté. Nous ne vous ferons pas l’éloge du citoyen Ichon, l’adulation et la crainte sont des senti¬ ments inconnus aux républicains; d’ailleurs il nous a dit lui-même qu’on ne doit point de louanges à qui ne fait que son devoir. « Législateurs, restez à votre poste, voilà le premier vœu des sans-culottes composant la Société populaire de Seignelay; restez-y jusqu’à ce qu’on dise de nos ennemis comme des derniers abus : « Us ont existé. » (Suivent 13 signatures. ) Discours prononcé le 18 frimaire , jour de l'inau¬ guration de l'arbre de la raison, par le citoyen Manger fils, membre de la Société des Amis de la République de Seignelay, district d'Auxerre, département de l’Yonne (1). Sans-culottes, frères et amis, Ce jour qui nous voit rassemblés sera marqué par deux événements également chers à des républicains : la plantation de l’arbre de la raison et l’établissement d’une Société popu¬ laire. Des sans-culottes qui viennent de se réunir et de se constituer en amis de la Répu¬ blique ne sauraient mieux commencer leurs travaux qu’en renouvelant le signe de leur liberté, signe qui leur rappelle et le but et le principe de leur association, la nature de leurs devoirs et l’étendue de leurs serments. Oui, citoyens, nous venons de contracter un nouvel engagement envers la patrie; nous venons de nous lier à elle d’une manière plus spéciale et plus intime, et de serrer à la face du peuple les nœuds qui nous unissent à la République. Que chacun de nous prenne aujourd’hui pour devise ces paroles énergiques : Unité, Indivi¬ sibilité de la République, Liberté, Egalité, Fra¬ ternité ou la mort. Jurons au pied de cet arbre de vivre libres ou de mourir. Et si, par hasard, quelqu’un d’entre nous devenait un jour par¬ jure, cet arbre qu’il verrait sans cesse, en lui rappelant des serments qu’il aurait violés, serait pour lui un témoin toujours présent qui lui reprocherait son infamie; que dis-je, ci¬ toyens, jurons que le perfide trouvera dans cha¬ cun de nous autant de Brutus. Mais loin de nous des présages aussi funestes; portons nos regards sur une perspective plus heureuse; considérons la dette que nous venons de contracter envers la patrie et ne songeons plus qu’à l’acquitter. Rappelez-vous, citoyens, que de tous les temps et dans tous les lieux, les Sociétés popu¬ laires ont été les mères de la liberté. Obscures dans leur origine, elles ont souvent échappé au despotisme qui les méprisait, mais l’expérience a démontré, et les tyrans ont appris par leur chute, qu’en les dédaignant ils avaient laissé subsister une étincelle qui avait engendré un vaste incendie. C’est ainsi que les clubs établis en Amérique par le célèbre Franklin, ont amené la liberté dans le Nouveau monde; c’est ainsi, pour choisir des exemples dans notre histoire, que les • Marat, les Robespierre et quelques autres vrais amis de la liberté ont jeté dans le silence et dans l’obscurité, aux Cordeliers, les (1) Archives nationales, carton C 288, dossier 885, pièce 9. j 15 nivôse an II \ 4 janvier 1794 fondements de la République et ont substitué à un roi monstrueusement constitutionnel une Convention régulièrement populaire. La liberté a toujours eu des autels et des adorateurs dans l’univers, même dans les temps de la barbarie la pins grossière et du despotisme le plus oppresseur. Les amis du genre humain ne se sont pas toujours montrés à découvert, ils ne se sont pas toujours qualifiés des noms qu’ils portaient dans leur cœur; ils ont au con¬ traire cherché à tromper la tyrannie par des dénominations qui prêtaient plus au ridicule qu’à la censure; c’est ainsi que vers le milieu de notre siècle et jusqu’à notre immortelle révo¬ lution, les amis de la liberté se sont appelés Economistes et francs-maçons. Je ne dirai rien des premiers, on sait qu’ils étaient tous des philo¬ sophes, de vrais amis de la liberté, que le despo¬ tisme et l’ignorance ont cherché à couvrir de ridicule. Tout le monde connaît les récits mer¬ veilleux qu’on a fait des seconds, les cérémo¬ nies de l’appareil qu’ils affectaient de laisser entrevoir amusaient le despotisme et le peuple qui en étaient les témoins. Celui-ci croyait reli¬ gieusement à des apparences qui cadraient avec son caractère et ses habitudes. Celui-là s’applau¬ dissait de voir ainsi ses esclaves s’amuser dans des orgies mystérieuses et oublier leurs fers. 11 était bien loin de soupçonner que ees mascarades nocturnes, pour ainsi parler, ne fussent que les cérémonies extérieures du culte de la liberté. Us ne voyaient pas que Momus n’était placé si adroitement au-devant de cette déesse que pour tromper le vulgaire et les tyrans ; quand on n’avait plus à craindre les regards des importuns, on tirait le rideau, Momus dis¬ paraissait, le voile tombait et on rendait hom¬ mage à la véritable divinité du sanctuaire. C’est ainsi que de tout temps on a mis un ban¬ deau sur les yeux du despotisme. Si les Sociétés populaires ont été nécessaires à l’établissement de la liberté, aujourd’hui que la liberté est établie, c’est encore aux Sociétés populaires à la maintenir et à la défendre. Il faut l’asseoir sur des bases inébran¬ lables, il faut que son règne soit, comme celui de la nature, immense, éternel. Nous venons, citoyens, de nous réunir à la grande Société des hommes qui ont juré d’établir son culte sur les débris des trônes et des préjugés supers¬ titieux qui pesaient depuis dix-huit siècles sur la surface du globe. Et toi (c’est le citoyen Ichon, commissaire pour la levée des chevaux dans la 19e division), à qui nous devons la prompte formation de la Société populaire qui vient d’ètre établie dans cette commune, représentant du peuple libre, nous avons aujourd’hui une preuve bien au¬ thentique de ton zèle et de ton patriotisme, déjà connus. Si nous trouvons en toi un légis¬ lateur patriote, un véritable père du peuple, tu trouveras toujours en nous des hommes vrai¬ ment libres, des républicains qui s’honorent d’être soumis aux lois qu’ils se donnent par l’organe de leurs représentants, en un mot, de bons sans-culottes qui se souviendront toujours de toi et qui s’efforceront de marcher sur tes traces. Quand tu retourneras à ton poste, quand tu verras nos législateurs, tes collègues, et nos frères les Jacobins, dis aux premiers qu’ils continuent à nous donner de bonnes lois et ,que nous serons fidèles à les exécuter; dis aux seconds qu’ils ne s’écartent jamais des principes républicains qu’ils ont manifestés,