22 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE vous, quand l’intrigue viendra à votre barre, elle sera punie. On a dénoncé Maignet; pour réponse vous avez approuvé ses arrêtés : celui qui le dénonçait plaidait la cause des nobles. Il faut se défier de pareils hommes; il faut leur demander s’ils sont purs et sans reproche. Quand à ceux qui sont venus aujourd’hui, il faut, d’après ce qu’on vous a cité contre eux, les envoyer au comité de Sûreté générale. (On applaudit ). GOUJON croit que c’est l’abus des principes qui obscurcit les délibérations. Si le droit de pétition est sacré, dit-il, la justice l’est aussi. La barre ne doit pas être un asyle pour les calomniateurs. Il appuie la traduction des pétitionnaires au comité de Sûreté générale. Cette proposition est décrétée (71). 45 Jean-Paul Coste, pasteur de l’église protestante française de Charles-Town, fait l’hommage d’une nouvelle machine de guerre de son invention : c’est une carcasse d’un feu très violent, que rien ne peut éteindre dès qu’il est enflammé. La Convention en ordonne le renvoi aux comités de Salut public et de la Guerre (72). Un secrétaire donne lecture de la lettre de CJ.P. Coste, pasteur de l’église protestante française de Charles-Town. Il fait hommage à la Convention d’une nouvelle machine de guerre; c’est une carcasse d’un feu très violent que rien ne peut éteindre dès qu’il est allumé. Cette carcasse peut être lancée à plus de 800 pas par un calibre de 24, et plus loin par une force supérieure; il n’est pas de vaisseau de 120 pièces de canons qui puisse résister à une seule bordée d’une pièce de 74 qui lancerait ce feu; et je puis engager ma vie, ajoute le citoyen Coste, que si six de nos vaisseaux de ligne pouvoient attaquer toute marine de l’Europe dans un jour, il n’en rentrerait pas un canot dans leurs ports respectifs. J’assure encore que quatre pièces de gros calibre qui lanceraient ce feu, suffiraient pour arrêter toute une escadre à l’entrée d’un port, ou pour la brûler si elle s’obstinoit. Cette carcasse est susceptible de beaucoup de perfection, et peut être rendue terrible aux troupes de terre, particulièrement à la cavalerie. Lancée contre une muraille même, elle l’enflammerait pour demi-heure; sa flamme et son odeur porteraient, au milieu de la nuit, le désordre dans l’escadron le mieux organisé. Le citoyen Coste joint à cette offrande celle d’un boulet à froid, préparé avec la même matière, qui est susceptible d’enflammer toutes les matières combustibles. (71) Moniteur, XXI, 606-607. Débats. n° 706; J. Fr., n° 702; C. Eg., n° 739; Ann. R.F., n° 269; Gazette Fr., n° 970; J.S.-Culot-tes, n° 559; J. Perlet, n° 705. Ann. pair., n° 604; Rép. n° 251; Mess. Soir., n° 739. (72) P. V., XLIV, 178. Coste termine en jurant de perdre la vie plutôt que de donner connaissance de son secret à qui que ce soit, si la convention croyait qu’on dût en faire usage. BARAILON : Je demande le renvoi de la pétition aux comités de Salut public et d’instruction publique, qui seront chargés d’examiner s’il est possible de tirer un parti de cette découverte; et ici, citoyens, je vous observerai qu’elle n’est peut-être pas nouvelle : déjà dans le dernier siècle un savant nommé Délile avait découvert une sorte de feu grégeois, qui fut trouvé si terrible qu’on n’osa pas s’en servir. J’insiste pour le renvoi. On décrète le renvoi au comité d’instruction et de la Guerre (73). 46 La discussion relative au citoyen Forestier a donné lieu à la proposition faite par un membre d’interdire l’entrée de la salle aux étrangers. Diverses propositions ont été faites dans le cours de la discussion : quelques-unes avaient été arrêtées; mais la Convention, sur la motion d’un membre, a renvoyé toutes les propositions et observations au comité des Inspecteurs de la salle chargés de la surveillance de cette partie (74). DU ROY : Mallarmé a fait une proposition qui me paraît sage, et qui aurait dû être appuyée par tous les amis de l’ordre : c’est que l’on ne puisse admettre désormais dans le sein de la Convention que ceux qui en sont membres, ou ceux des citoyens auxquels vous accordez les honneurs de la séance. J’ai vu avec étonnement des femmes siéger ici, et c’est avec un étonnement plus grand encore que j’aperçois au milieu de vous un homme, l’agent et l’ami de Buzot : c’est Duloc, ci-devant bailly de Glacey, vicomte d’Evreux, vice-président du tribunal criminel du département de l’Eure, et admis à l’assemblée électorale de ce département par les intrigues de Buzot. Il fut un des principaux agents de ce traître dans la rébellion d’Evreux, lors du fédéralisme. J’appuie donc la proposition de Mallarmé. Ensuite je vous avouerai, citoyens, que, depuis mon retour, j’ai été scandalisé de la manière dont se tiennent vos séances ; elles m’ont paru ressembler à une place publique où se tenaient des conférences. Citoyens, il faut que la Convention, qui s’est montrée d’une manière si ferme dans les grandes circonstances qui se sont présentées, reprenne toute la dignité qui lui convient; il faut qu’elle s’entoure du (73) Débats, n° 706. Moniteur, XXI, 606 (texte légèrement différent; l’inventeur du feu grégeois est orthographié De-lille). Mentionné Ann. Patr., n° 604; Ann. R.F., n° 269; C. Eg., n° 739; Gazette Fr., n° 970; J. Fr., n° 702; J. Mont., n° 120; J. S.-Culottes, n° 559; J. Perlet, n° 705; Mess. Soir. n° 739. (74) P. V., XLIV, 178. SÉANCE DU 10 FRUCTIDOR AN II (27 AOÛT 1794) - N° 47 23 respect des citoyens, et pour cela il est indispensable qu’elle donne à ses délibérations une attention particulière. J’appuie la proposition de Mallarmé, et je demande qu’elle soit mise aux voix. BENTABOLE : La motion de Du Roy est de toute justice; l’Assemblée nationale l’approuve sans doute; il ne s’agit plus que de savoir comment on s’y prendra. Nous nous sommes tous aperçus qu’un grand nombre d’étrangers s’introduisait chaque jour au sein de cette Assemblée. En particulier, j’en témoignai ma surprise. Les huissiers me dirent que cela provenait d’un grand nombre de cartes distribuées par l’ordre de Robespierre et ses agents. Je penserais donc qu’un ordre donné au comité des Inspecteurs de la salle... Plusieurs membres : Cela ne suffit pas. BENTABOLE : Eh bien, rendez un décret qui interdise formellement l’entrée de cette enceinte à tous autres qu’aux membres de la Convention. Vous avez dû remarquer, comme moi, que, surtout dans les discussions importantes, cette salle se remplissait d’une foule d’étrangers, et que c’est à eux qu’est dû en partie le désordre qui quelque-fois a régné dans nos discussions. En général, la forme de cette salle est ingrate : il semble que Roland, en la faisant construire, ait compté sur la contre-révolution. Il est facile de remédier à cet inconvénient; nous pourrions, pendant quelques jours, siéger ailleurs si cela était nécessaire, tandis qu’on réformerait cette salle. Au surplus, je consens au renvoi de mes observations au comité des Inspecteurs, qui vous présentera ses vues à cet égard. BOURDON (de l’Oise) : Il me semble que la discussion n’est devenue difficile que parce qu’on l’a surchargée de raisonnements. Rien cependant de plus simple que de remédier à l’abus dont on se plaint. Il faut décréter qu’il ne pourra plus entrer dans cette salle que les députés avec leurs cartes, et les commis avec les leurs. Quand à la salle et au vice de sa construction, Roland l’a fait construire ainsi; il faut l’user telle qu’elle est. La proposition de Bourdon (de l’Oise) est décrétée. (On applaudit) (75). Un membre observe : Les députés et les commis ne sont pas les seuls possesseurs de cartes, Je propose en conséquence, comme mesure additionnelle, de déclarer suspects et de traiter comme tels tous ceux qui oseraient s’introduire dans le sein de l’assemblée munis d’une carte qu’ils n’auraient pas droit de porter (76). DELBREL propose d’ordonner que les membres de la Convention porteront la leur d’une manière ostensible, seul moyen, dit-il, d’empêcher qu’ils ne soient confondus (77). (75) Décret n° 10 595. Rapporteur : Bourdon (de l’Oise). (76) Moniteur, XXI, 607. (77) Débats, n° 706, 151. THURIOT : Citoyens, c’est une vérité que les agents de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just, s’introduisaient dans cette enceinte au moyen des cartes qui leur étaient distribuées. Ils siégeaient continuellement au milieu de nous, en haut, au milieu, en bas; c’étaient eux qui, mêlés ensuite parmi les citoyens, distillaient cette calomnie qui si longtemps nous a divisés; c’étaient eux qui persuadaient au peuple que, quelques jours après, le lendemain, le jour même, vingt, trente, plus ou moins de députés devaient être envoyés au tribunal révolutionnaire. A les entendre, ils étaient dans le secret du gouvernement : tout était arrangé comme ils disaient. Ces coquins composaient un prétendu comité de Sûreté générale; ils venaient ici, et nous suivaient lors de notre sortie pour s’instruire de toutes nos démarches, et aller ensuite en rendre compte aux tyrans dont ils étaient les agents fidèles. Voilà ce que nous avons vu, et qu’il ne faut plus voir. Renvoyez au comité des Inspecteurs de la salle, chargés de cette partie de la surveillance. Il me reste une dernière observation à vous faire : il ne faut pas que désormais les commis de vos bureaux, au nombre de cinquante ou soixante, puissent venir vous assiéger ici, et former, au milieu de cette enceinte, une masse également préjudiciable à l’ordre de vos délibérations et à la voix de l’orateur . Je demande que la proposition de Bourdon (de l’Oise)... Une voix : Elle est décrétée. THURIOT : Je demande le renvoi de ses observations et des miennes au comité des Inspecteurs de la salle. Cette proposition est décrétée (78). 47 Etat des dons patriotiques faits à la Convention nationale, depuis le premier fructidor, l’an deuxième de la République française une et indivisible, jusques et compris le 10 du même mois. Du premier fructidor. Le citoyen Calon, député, a déposé une épée à garde d’argent, au nom de la société populaire de Grandvilliers, qui l’a reçue du citoyen Lagtézie, médecin des armées, pour le premier de nos braves qui entrera dans Valenciennes. Du 2 dud. Le citoyen Borie, représentant du peuple, a envoyé de Monistrol [Haute-Loire], de la part du citoyen Lapras, une médaille de l’Ecole vétérinaire. (78) Moniteur, XXI, 607. Débats, n° 706; Ann. R.F., n° 269; Ann. Patr., n° 604; J. Perlet, n° 705; Gazette Fr. n° 970; J. Fr., n° 702; M.U., XLIII, 171. Décret non mentionné par C* II20, p. 270.