iGuiiveotion nationale.] F. Adresse de la Société populaire et républicaine de Gaudebec, à la Convention nationale, sur la demande en translation du chef-lieu de district de Gaudebec à Yvetot (1). « Du quartidi de la 3e décade de brumaire de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyens reprétentants, « L’Assemblée constituante, avant de pro¬ céder à la division du territoire français en départements et districts, s’occupa spéciale¬ ment des moyens de se procurer les renseigne¬ ments les plus certains sur les avantages et sur les inconvénients qui pourraient résulter pour les administrés de la fixation du chef-lieu dans telle ou telle commune. Pour y parvenir, elle chargea les députés de chaque ci-devant pro¬ vince, de lui présenter sur cet objet les rapports les plus détaillés; ces travaux furent basés sur l’intérêt général, et les motifs d’intérêt parti¬ culier furent constamment écartés lorsqu’ils ne se trouvèrent pas confondus avec ceux d’intérêt public, aussi ne s’ est -il élevé sur cette opération importante aucune réclamation rela¬ tive ni aux personnes, ni aux choses adminis¬ trées. « Ce fut en résultant de ces principes sacrés que Caudebec fut désigné pour chef-lieu d’un des sept districts du département de la Seine-Inférieure, malgré les efforts multipliés des députés de la commune d’Yvetot, pour le faire placer dans leur enceinte. « Les législateurs considérèrent la centralité, la conservation active et prochaine de la forêt de Brothonne, et la surveillance immédiate sur la rivière de Seine. « Quoique Dieppe, Gournay et Montivilliers offrent la preuve que quelquefois la règle de la centralité, tout utile qu’elle est aux personnes et aux choses administrées, a fléchi devant les localités et les convenances particulières, ce fut un des motifs qui déterminèrent la préfé¬ rence en faveur de Caudebec. En effet, à l’ins¬ pection de la carte, on verra que Caudebec se trouve pour ainsi dire au centre de son arron¬ dissement par la position de la forêt de Bro¬ thonne et des quatre paroisses placées entre elle et la rivière, pour établir de quel intérêt il était pour les administrés de ce district, pour ceux des départements environnants et pour le domaine national que le chef-lieu fût fixé à Caudebec. Il faut rendre compte des motifs impérieux qui déterminèrent l’Assemblée cons¬ tituante à encadrer ces deux objets dans son arrondissement . « D’abord il lui parut essentiel de mettre la forêt de Brothonne, qui offre une valeur capitale de près de vingt-quatre millions, sous la surveillance immédiate et prochaine de l’administration du district : ce but n’aurait pu être atteint si elle eût été comprise dans l’arrondissement de celui de Pont-Audemer, dont elle est éloignée de plus de 60 lieues dans ses deux extrémités, tandis qu’elle ne l’est que de 3 de Caudebec, dans sa plus grande distance. (1) Archives nationales, carton Div bis 74 (Seine-Inférieure). 29 brumaire an TI M 7 19 novembre 1793 Il ne lui parut pas moins intéressant de conserver cet objet reconnu d’une importance majeure dans l’arrondissement du département de la Seine-Inférieure, et avec d’autant plus de raison qu’il concourt à l’approvisionnement du chauf¬ fage de la ville de Rouen. « Elle se reporta ensuite, à l’égard des quatre paroisses, à des temps plus reculés, et il résulta des renseignements qu’elle se procura, qu’ ori¬ ginairement elles étaient attachées à Pont-Audemer sous le rapport judiciaire et des con¬ tributions, mais que les collecteurs, obligés de passer la forêt pour aller en cette ville furent volés et que le fisc en ayant souffert, le gouver¬ nement se porta à les unir à Caudebec pour les tailles, vingtièmes, droits d’aides, etc; de ma¬ nière que leurs habitants n’étant plus appelés à Pont-Audemer que pour les procédures, vin¬ rent à Caudebec pour la vente et l’achat des denrées, et pour le payement des contributions. « Elle pesa encore de quelle importance il était pour Paris que les transports de blés et farines qui se font par la rivière, du Havre en cette ville, dont les habitants ont des droits sacrés à la reconnaissance de tous les Français, pussent être protégés par la surveillance active d’une administration de district. Elle pensa que cette surveillance ne pouvait être mieux secon¬ dée que par ces mêmes citoyens qui, en 1789, dans un temps de pénurie égale à celle que nous éprouvons dans ce moment, avaient négligé leurs propres besoins pour favoriser ces transports et les défendre avec avantage contre les entre¬ prises des malveillants. « Quoique ces motifs, purement d’intérêt général, eussent été suffisants pour déterminer les législateurs à préférer Caudebec à Yvetot pour la fixation du chef-lieu de district, ils crurent néanmoins devoir prendre en considé¬ ration les convenances et les localités particu¬ lières qui, par leurs rapports, tenaient essen¬ tiellement à l’intérêt public. « Ils comparèrent le commerce de la commune d’Yvetot, porté par un de ses députés à 50 mil¬ lions, et dont les profits incalculables com¬ portaient un avantage considérable, avec l’état de dénuement où se trouvait Caudebec, privé de ses établissements publics. L’égalité étant la base de la Révolution, ils ne voulurent pas cumuler dans Yvetot les avantages du com¬ merce et ceux de l’administration, et plonger Caudebec dans une sorte de nullité; ils voulu¬ rent, au contraire, que les avantages et les charges de la société fussent répandus propor¬ tionnellement sur le sol de la République. « D’autres motifs non moins déterminants, sans doute, tels que la surveillance sur les bois des ci-devant maisons religieuses de Ju-mièges et de Saint-Wandrilles, devenus natio¬ naux, tels que l’éloignement considérable qui se serait trouvé entre le chef-lieu, s’il eût été fixé à Yvetot et Lillebonne, Duclair, Leménie, Jumièges, Villequier et autres, tels que le défaut d’eau qui se fait sentir à Yvetot, objet que l’on doit considérer comme de première nécessité dans les établissements publics, comme maison d’arrêt et de détention, prisons, etc., tels enfin que les édifices publics déjà existants à Caude¬ bec, dont la construction avait occasionné une dépense considérable aux administrés, militè¬ rent avec tant de force en faveur de la commune de Caudebec, que tous les soins que se donnèrent les députés d’Yvetot furent vains et infructueux. « Qui eût pu croire qu’une décision portée ARCHIVES PARLEMENTAIRES j 518 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j 29 brumaire an II * i 4 Q nA\r«miii'û l 'ÎQQ sur des considérations aussi étroitement unies avec l’intérêt des administrés ne serait pas respectée par une commune de cet arrondisse¬ ment, excitée sans doute par la malveillance? « Qui eût pu croire que pour parvenir à priver Caudebec de sa seule ressource on n’eût pas craint de tromper la religion d’un fonctionnaire public, au point de lui faire faire un rapport faux et calomnieux sur l’esprit public et sur les intentions tant des administrateurs du dis¬ trict, que des citoyens de Caudebec, et de repré¬ senter ceux d’Yvetot comme menacés par cette seule raison qu’ils étaient patriotes. « Cependant une note insérée au n° 84 de Ylndùcateur politique, rédigé à Rouen, est la preuve du second fait ; et à l’égard du premier, la Société populaire et républicaine de Caudé-bec sait que celle d’Yer ville renouvelle aujour¬ d’hui cette demande, jugée par l’Assemblée constituante si contraire au bien général. La pétition relative à Cet objet a été consignée dans un de vos bulletins. « Tous nè vous ressouvenez donc plus, habi¬ tants d’Yerville, que la commune d’Yvetot prima, sous l’âncien régime, par ses privilèges odieux, et que le long exercice d’une franchise onéreuse fit souvent regretter à ses concitoyens de l’avoir pour voisine. Mais vous prétendez en vain, sous le règne de l’égalité, et au mépris des principes consacrés en son nom, cumuler dans Yvetot tous les avantages pour en frus¬ trer les habitants de Caudebec. « Si les députés d’Yvetot ont échoué dans un temps où la liberté n’était encore qu’au berceau, combien ne devez-vous pas redouter de voir proscrire votre pétition, aujourd’hui que cette liberté, marchant de front avec l’éga¬ lité, terrasse et anéantit toutes prétentions privilégiâmes? « Citoyens représentants, si des considéra¬ tions de patriotisme pouvaient ajouter encore à tous les motifs d’intérêt général précités, que de traits la commune de Caudebec n’ aurait - elle pas en sa faveur; que de preuves qui, inté¬ ressant la chose publique, démontrent un atta¬ chement inviolable aux principes de la liberté et de l’égalité et un républicanisme franc et pur, n’aurait-elle pas à alléguer? « Elle vous dirait que la Société populaire s’est établie à l’époque où les Prussiens étaient dans les plaines de Châlons et menaçaient Paris ; « Qu’elle députa à Rouen deux de ses mem¬ bres pour assister aux obsèques de Le Peletier; « Qu’elle passa à l’ordre du jour sur l’arrêté pris par le département de la Seine-Inférieure sur les journées des 31 mai, lôr et 2 juin der¬ niers. « Elle vous dirait, cette commune, que les magistrats qui la représentent, vous félicitè¬ rent, ainsi que la commune de Paris, sur ces journées mémorables, et qu’extrait de leur adresse fut inséré dans le Bulletin de vos séan¬ ces; « Qu’elle fut la première commune de la République qui eût conçu et fait exécuter le projet de rendre à Marat des honneurs funèbres. Cette cérémoine eut lieu le 23 juillet dernier (Vieux style) et avait été arrêtée en assemblée primaire le 21; « Qu’elle fut la première du département qui ait fait exécuter les décrets contre les gens suspects et les étrangers et notamment contre les Anglais, sur la seule insertion au Bulle¬ tin. « Cette commune vous dirait encore que sur une population d’environ 2,800 âmes, dont 350 seulement en état de porter les armes, 180 défenseurs sont aux frontières; « Que lors de la levée pour la Vendée à la voix des commissaires nommés par l’adminis¬ tration du district, dont la surveillance active sur tous les objets qid intéressent le bien public, et surtout la célérité dans l’exécution des lois, démontrent évidemment le patriotisme, qua¬ rante oitoyens, tous domiciliés dans son en¬ ceinte, s’engagèrent. « Jugez, citoyens représentants, si avec de pareils titres on peut disputer avec avantage aux habitants de Caudebec un établissement qu’il a paru à l’Assemblée constituante si utile à l’intérêt général d’accorder à cette commune. Indépendamment des bruits qui se répan¬ dent, la Société populaire de Caudebec se por¬ tera difficilement à penser qu’ Yvetot conçoive le projet de solliciter l’établissement du chef-lieu de district dans son enceinte. « Cette commune, toujours mue par un pa¬ triotisme pur et désintéressé, respectera sans doute les motifs puissants et toujours impérieux d’intérêt public qui l’ont fixé à Caudebec en 1789. « Mais si, stimulée par un égoïsme local, elle était tentée de faire valoir de nouveau les moyens futiles et usés qu’elle employa en vain auprès de l’Assemblée constituante, si par une pétition qu’elle Vous adresserait à l’insu de la commune de Caudebec elle essayait de ravir à cette ville un établissement qui, appelant tour à tour dans son enceinte tous les citoyens du district, contribue efficacement à l’alimenter, alors, représentants, la commune de Caudebec pleine de confiance dans votre intégrité ose espérer que vous ne statueriez pas sur cette pétition sans la lui avoir fait communiquer. « Les membres composant le comité de corres¬ pondance et commissaires de la Société populaire de Caudebec, chef -lieu de district. « Gueret ; Neuf ville ; Landry ot. » « Le conseil général de la commune de Cau¬ debec atteste la vérité de tous les faits mention¬ nés ci-dessus et des autres parts, donne l’adhé¬ sion la plus entière à l’objet du mémoire et prie la Convention de le renvoyer à son comité de division pour le prendre dans la plus grande considération. « A Caudebec, séance publique du 25 bru¬ maire de l’an II de la Républiquefrançaise, une et indivisible. « HuRON; LeïaigRe, secrétaire . »