SÉANCE DU 20 BRUMAIRE AN III (10 NOVEMBRE 1794) - Nos 13-14 71 13 Le conseil général de la commune de Chambaran, département de llsère, demande que la Convention maintienne à cette commune la propriété des terreins connus sous le nom de forêt de Chambaran, et l’autorise à en faire parachever la division. Renvoyé au comité des Domaines (55). 14 COREN-FUSTIER, au nom du comité des Finances, section des domaines : L’établissement d’une nitrière artificielle, sa propagation sur tous les points de la République, et la satisfaction due à son auteur à raison de son éviction d’un local destiné à l’exécution, a fixé les sollicitudes de votre comité des Finances, section des domaines ; et je viens vous proposer, en son nom, le projet de décret qui en fait le résultat; je vous transmets préalablement les principales circonstances qui en ont fait la base. Le citoyen Fabre, pénétré des difficultés qu’éprouve la composition du salpêtre, se décida, il y a environ un an, à réaliser l’idée qu’il avait conçue d’en former la matière élémentaire dans nos foyers par le moyen d’une nitrière artificielle. Le ci-devant château de Sens [Sceaux] (56) lui présenta les ressources nécessaires; le bail lui en fut adjugé, en germinal, pour trois années; il fut spécialement chargé d’ensemencer les terres en tabac, attendu que ses feuilles sont de l’essence de la composition. Le marché avait été conclu avec l’autorité du comité de Salut public ; Fabre y avait en outre contracté l’engagement d’instruire douze enfants femelles, pour y recueillir des notions transmissibles dans les différentes parties de la République. L’engagement touchait à son exécution lorsque Fabre fut évincé du local en vertu d’un nouvel arrêté du comité de Salut public, par l’empire du besoin public et le fermier se disposa à vider les lieux; il persista néanmoins dans l’exécution de son projet. Les maisons et enclos de Chassi, propriété nationale dans le district de Meaux, lui parurent propres pour le remplacement, et il s’adressa au même comité pour en faire l’acquisition en un seul lot, et pour en payer le montant en inscriptions sur le grand livre. Ces nouvelles propositions furent renvoyées aux commissaires des armes et poudres, et des revenus nationaux; leur objet fut trouvé très intéressant pour la chose publique. La nouvelle organisation du gouvernement a attribué à votre comité des Finances l’examen des dispositions de Fabre ; le renvoi lui en a été fait. Celui-ci a proposé, en additionnant à sa première offre, de loger gratuitement, d’élever dans l’art de la salpêtrerie, du salin, de la potasse, de la nitrerie, de la culture et fabrication du tabac, cinquante enfants de la patrie ; il a pris avantage de ses indemnités à raison de l’éviction préalléguée, et il a demandé d’être admis à stipuler l’acquisition dudit domaine, d’après une estimation rigoureuse, en persistant dans ses précédentes demandes. La commission des Armes, poudres et exploitation des mines, fut chargée de l’examen de toutes les demandes et propositions. La commission a fait son rapport; il en résulte que l’établissement est des plus utiles, attendu qu’il donne une grande latitude à un genre d’exploitation peu connu en France, et il déclare qu’il y a lieu d’accorder les facultés demandées ; elle ajoute que des pareilles ont été accordées dans des circonstances moins intéressantes. Votre comité a apprécié l’affaire avec réflexion; il a vu d’un côté que le payement de l’adjudication dont il s’agit en inscriptions sur le grand livre, sans doublement en assignats, serait pernicieux pour la République dans les circonstances pénibles dont elle est affligée : que l’adjudication en un seul lot, et sur une simple estimation rigoureuse, contrarie formellement les lois fondamentales dans la partie ; il a considéré, d’autre part, que la nation est véritablement comptable envers Fabre d’une indemnité, à raison de l’éviction du domaine de Sens [Sceaux] ; que l’établissement proposé procure la ressource d’une nouvelle branche d’industrie et de commerce indigène, au moyen duquel le gouvernement préviendra annuellement une exportation de 10 à 12 millions en numéraire pour le payement des salpêtres tirés ordinairement de l’Inde, des échelles du Levant et de l’Espagne; il a prévu que la fabrication ferait cesser les difficultés qu’on éprouve d’ailleurs pour l’importation d’une matière absolument nécessaire, surtout dans les circonstances présentes. Nous avons d’ailleurs été frappés de l’utilité de l’engagement par lequel Fabre se soumet de loger gratuitement et élever dans l’art de la salpêtrerie, du salin, de la potasse, de la nitrerie et de la culture et fabrication du tabac, des bras jusqu’ici habitués à des occupations presque stériles, cinquante jeunes femmes; nous avons considéré l’offre comme très puissante pour propager les procédés dont il s’agit sur tous les points de la République; en un mot le comité a prévu les moyens les plus favorables pour pouvoir remplir le voeu de la Convention d’être toujours en mesure pour résister aux ennemis de la République, et pour faire fleurir les arts ; D’après ces réflexions, il s’est déterminé, en rejetant la proposition de payer en seules inscriptions sur le grand livre le montant des maisons et terres de Chassi, d’accéder à celle en acquisition en un seul lot et d’après une estimation rigoureuse, sur différentes bases, toutes conservatrices des intérêts de la nation. Je suis chargé en conséquence de vous proposer le projet de décret suivant (57) : (55) P.-V., XL IX, 106. (56) Débats, n° 778, 712. (57) Moniteur, XXII, 472-473. Débats, n° 778, 712-714.