478 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 août 1791.) que lesgens de Péquipqge vendissent quelques effets aux Espagnols. Ce trafic était prohibé ; cette indulgence parut à quelques envieux être une faveur. Leur jalousie s’accrut encore lorsqu’ils apprirent que M. Négrier avait prêté de l’argent à plusieurs d’entre eux ; ils formèrent dès lors le complot de le perdre. A peine fut-il de retour à Port-au-Prince qu’ils entrèrpnt'en insurrection, accompagnés de la majeure partie de l’équipage. Ils allèrent le saisir dans la maison du gouverneur, et l’entraînèrent en disant que sa tète ne tenait pastropsur sesépaules. Après l’avoir porté sur le bord de la mer, ils le condamnent, avec appareil, à être pendu. Il se défend en vain, les bourreaux l’exécutent. Le commandant du port, M, de Village, accourt aussitôt avec des forces. Un soldat parvient à couper la corde et à débarrasser M. Négrier. L’équipage déclare alors à M. de Village, qu’il ne veut plus reconnaître M. Négrier podr capitaine et l’accuse d’avoir prévariqué dans le commandement, eu permettant ce que les lois défendent, c’est-à-dire en avançant des fonds à quelquesr.pos de ses officiers mariniers, lors du départ de la Favorite, qui avait beaucoup de marchandises à bord. M. de Village fit aussitôt assembler un jury militaire à bord du Fougueux dans la rade de Port-au-Prince, lequel destitua M. Négrier de son commandement sans qu’on l’ait entendu sur la plainte portée par l’équipage. Cet officier présente en sa faveur (tes certificats (je� diverses municipalités qui attestent sa bonne conduite ; il demande à se pourvoir par-devant lç tribunal de cassation. Le comité a pensé que l’Assemblée devait renvoyer M. Négrier au tribunal de cassation, pour y faire anéantir lp idgemeiit dont il se plaint, et dans ce but il vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après a oir entendu le rapport de ses comités ae la marine et des rapports, relatif à l’affaire de M. Négrier, décrète qu’elle le renvoie a se pourvoir au tribunal de cassation, contre le jury ténu dans la rüde dè Port-au-Prince, relatif à son affairé. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président annonce une pétition de M. Couturier, juge à Tabago, que l’Assemblée renvoie aux comités des pensions, de la marine et des colonies. L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des finances sur V organisation de la trésorerie nationale (1). M. Vernier, rapporteur. Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du comité des finances, un quatrième titre faisant suite à l’organisation de la trésorerie nationale et destiné à la compléter. Il s’agit de savoir : 1° Si les commissaires de la trésorerie seront amovibles. Le comité avait d’abord pensé que les commissaires ne pouvaient être destitués ; mais il est d’avis actuellement qu’ils peuvent l’être par un décret du Corps législatif; 2° A quelle somme sera porté le traitement des commissaires? On a été divisé dans le comité ; plusieurs membres avaient d’abord pensé qu’il fallait leur accorder 20,000 livres; d’autres pensaient que 15,000 livres étaient un chiffre suffisant. Ces (l)Voy. Archives parlementaires, totüQ XXVIII, séance du 11 juillet 1791, pages 116 et 121. commissaires ont été consultés sur cet objet, et lèur désintéressement les a portés à adopter la somme la moins forte ; 3e Accordera-t-on une gratification pour les employés? Cette question n’a pas excité de discussion dans le comité. Il a pensé que des gratifications étaient un motif d’émulation pour l’administration. D'après ces motifs, voici notre premier article : TITRE IV. Des traitements et des dépenses. « Art. 1er. Le traitement de chacun dès commissaires de la trésorerie nationale sera fixé à la somme de 15,000 livres, laquelle commencera à courir du jour de leur nomination. Us ne pourront être destitués que sur la demande ou le consentement du Corps législatif. » M. Briois-Beaiimetz. Il me paraît bien nouveau, dans la Constitution, que des agents nommés par le roi ne puissent être destitués par lui. Cette disposition est certainement susceptible d’observations. J’en demande le renvoi au comité. M. Rœderer. Je trouve que cette disposition est très bonne. L’intention de f Assemblée est de mettre ses agents hors de la dépendance du pouvoir exécutif. Je demande cependant le renvoi de la dernière partie de l’article et l’adoption de la première. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la dernière disposition de l’article au comité de Constitution.) En conséquence, l’article 1er est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « Le traitement de chacun des commissaires de la trésorerie nationale sera fixé à la somme de 15,000 livres, laquelle commencera à courir du jour de leur nomination. » {Adopté.) Art. 2. « Les appointements et émoluments fixes des premiers commis, directeurs, caissiers, payéurs, contrôleurs, chefs, sous-chefs, teneurs de livres, concierge, garçons de caisse et de bureaux, portiers, et tous autres qui formeront à l’avenir la consistance habituelle et permanente de la trésorerie nationale, seront fixés annuellement à la somme de 742,584 livres, conformément aux détails portés dans l’état ci-annexé (1). » {Adopté.) M. Vernier, rapporteur , donne lecture de l’article 3, ainsi conçu : Art. 3. « Pourront, en outre, les commissaires de la trésorerie distribuer chaque année aux employés des grades inférieurs attachés à la trésorerie, une somme de 30,000 mille livres en gratifications, sans que les premiers commis, directeurs et payeurs puissent y participer, à l’exception du secrétaire nommé en exécution de l’article 3 du décret du 18 mars 1791. » (1) Voy. ci-après cet état, page 48.1, à la suite du décret. [Assemblât) nationale.] ARüttlVES PARLEMENT AIR1SS. [16 août 1791. J 479 Un membre demande cjue la somme de 30,000 livres prévue par cet article soit réduite à celle de 24,000 livres. (Cet amendement est adopté.) En conséquence, l’article 3, modifié* est nus aux voix dans les termes suivants : Art. 3. « Pourront, en outre, les commissaires de la trésorerie distribuer chaque année aux employés des grades inférieurs attachés à la trésorerie, une somme de 24,000 livres en gratifications, sans que les premiers commis, directeurs et payeurs puissent y participer, à l’exception du secrétaire nommé en exécution de l’article 3 du décret du 18 mars 1791. » {Adopté.) M. le Président. M. le ministre de l’intérieur demande la parole; l’Assemblée désire-t-elle l’entendre ? (Oui! oui !) La parole est à M. le ministre de l'intérieur. M. de I�essart, ministre de l'intérieur. L'Assemblée a été informée de l’heureuse issue de Y affaire de Lorient. Ce succès est dû au zèle des commissaires civils que vous avez envoyés dans le département du Morbihan, à la sagesse de leurs mesures, aux soins qu’ils ont pris d’éclairer une multitude égarée et de la ramener aux vrais principes. Je dois dire à l’ Assemblée que ces commissaires m’ont témoigné leur sensibilité sur ce que quelques personnes les soupçonnaient d’avoir cherché à prolonger leur mission. Je dois également observer à cet égard que, même avant l’événement de Lorient, ils avaient déjà demandé leur retour ; et il est heureux qu’ils n’en eussent pas alors obtenu la permission. Maintenant ils insistent de nouveau pour revenir. J’ai l’honneur de prévenir l’Assemblée que demain je leur écrirai pour les y autoriser; mais en même temps, comme ils ont montré infiniment de zèle, je demande à l’Assemblée la permission de leur témoigner qu’elle est satisfaite de leurs services. (Oui ! oui! C'est juste!) Je demande encore à faire une observation à l’Assemblée, en l’absence de M. le ministre de la marine qui se trouve arrêté chez lui par une indisposition. J’ai l'honneur de prévenir l’Assemblée que la mort du dey d’Alger donne lieu à disposition particulière. Le dey a été remplacé par un autre qui montre des sentiments très favorables pour la nation française. Il a demandé que l’ambassadeur qui doit aller à Constantinople pour y chercher la confirmation de son élection, y fût porté par une des 2 frégates françaises qui sont en station à l’île de Corse. Cette prédileclion-là est certainement très avantageuse. Le ministre de la marine a considéré qu’il y avait 2 frégates employées pour la sûreté de la Corse: cette disposition a été décrétée par l’Assemblée dans un temps où la position de cette île pouvait exiger ce moyen. Le ministre de la marine pense qu'une des 2 frégates peut être employée utilement à cette mission ; il y a même de l’économie. La sûreté de l’île n’en souffrira pas, et, par conséquent, toutes les vues de l’Assemblée seront remplies; mais il n’a pu donner aucun ordre à cet égard, à cause du décret qui a fait stationner les 2 frégates en Corse. (Applaudissements.) M. Cigongne. Je demande que l’Assemblée autorise le ministre à témoigner sa satisfaction aux commissaires qui se sont si bien comportés à Lorient. M. Goapil-Préfeln. Je demande que l’Assemblée autorise le ministre de la marine à prendre la mesure qu’il propose et tendant à mettre à la disposition du dey d’Alger une des 2 frégates en stqtian à l’île de Corse. (Ces 2 propositions sont mises aux voix et adoptées.) La suite de la discussion du projet de décret sur l'organisation de la trésorerie nationale est reprise. M. Vernier, rapporteur, soumet à la délibération les articles suivants : Art. 4. « Les appointements, traitements et gratifications portés par les deux articles précédents, commenceront à courir, à l’égard des employés précédemment attachés à la trésorerie nationale, à compter du 1er octobre prochain ; et à l’égard du secrétaire et des autres employés de nouvelle création, à compter du jour de leur nomination jusqu’à ladite époque du 1er octobre : les appointements et émoluments des employés précédemment attachés à la trésorerie nationale, seront payés en conformité des états arrêtés par l’ordonnateur du Trésor public. » (Adopté.) Art. 5. « Dans les sommes ci-dessus fixées, montant ensemble à 772,584 livres, ne sont point compris les frais de papiers, impressions, fournitures de registres et de bureaux, bois, lumières, transports d’espèces ou assignats par les messageries ou autrement, et généralement tous ceux relatifs à l’entretien de l’hôtel de la trésorerie; lesquels formeront l’objet d’états particuliers qui seront arrêtés par les commissaires de la trésorerie, et par eux adressés au ministre de l’intérieur pour être compris dans ses états ordinaires de distribution. Pendant le restant de cette année et le cours de l’année 1792, les commissaires de la , trésorerie s’occuperont des moyens de diminuer, le plus qu’il sera possible, les dépenses de ce genre, en convertissant toutes celles qui en seront susceptibles en des sommes, marchés, ou abonnements fixes, et ils proposeront à cet égard, au Corps législatif, le plan qui leur paraîtra le plus économique et le moins susceptible d’inconvénients. » (Adopté.) Art. 6. « Dans les sommes ci-dessus n’est point non lus comprise celle de 94,200 livres, attribuée aux nreaux de formation des états au vrai ou comptes de toutes les recettes et dépenses du Trésor public, suivant les états précédemment arrêtés par l’ordonnateur du Trésor. Ces bureaux seront provisoirement conservés dans leur consistance actuelle, et il y sera ajouté un premier commis à 8,000 livres d’appointements, qui dirigera et surveillera le travail, et qui sera en outre chargé des opérations relatives à l’exécution de l’article 6 du titre de la transmission du Trésor public ; au moyen de quoi, la dépense to'ale de ces bureaux s’élèvera à la somme de 102,200 livres. » (Adopté.) Art. 7. « Les employés attachés à ces bureaux s’occuperont de la confection et de la reddition des 480 |Assemblée nationale.] comptes arriérés, conformément à ce qui a été prescrit, titre premier de la section première du résent décret. Ils passeront successivement aux ifférentes parties qui exigeront du secours ; le nombre en sera diminué en proportion de la diminution du travail, et il sera définitivement fixe, lorsque l’Assemblée aura prononcé sur le mode de comptabilité pour ! avenir. » (Adopté.) Art. 8. « Il ne sera rien innové quant à présent relativement aux payeurs particuliers, ci-devant trésoriers, chargés d’acquitter, dans les départements, les dépenses de la guerre, de la marine et des ponts et chaussées ; l’Assemblée nationale se réservant de statuer sur leur nombre, leurs fonctions et leur traitement, d’après les plans et mémoires qui lui seront incessamment présentés par les commissaires de la trésorerie. » (Adopté.) Art. 9. « Jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les fonctions et sur le traitement de l’agent du Trésor public, il lui sera provisoirement accordé, tant pour sou traitement personnel que pour celui de ses bureaux, une somme de 16,400 livres, conformément à l’état ci-annexé. » (Adopté.) Art. 10. « Les bureaux de paiement des pensions et des coupons d’intérêt de la dette publiqu subsisteront, dans leur consistance actuelle, jusqu’au moment où s’opérera la réunion desdites parties aux payeurs des renies ou à l’établissement qui en tiendra lieu. Les commissaires de la trésorerie s'occuperont des - moyens d’accélérer cette réunion ; et, en attendant, les employés attachés à ces bureaux jouiront des émoluments qui leur ont été précédemment fixés par l’ordonnateur du Trésor public. Le bureau d’expédition des brevets de pensions demeurera supprimé, à compter du 1er janvier prochain; et celui, ci-devant établi à la chambre des comptes pour la vérification des certificats de vie, sera réuni, dès ce moment, au bureau des rentes. » (Adopté.) Art. 11. « A compter de la date de la publication du présent décret, le bureau de liquidation de l’ancienne compagnie des Indes sera réuni à la direction générale de liquidation pour les objets qui reste nt à liquider : la partie administrative sera réunie au ministère de l’intérieur ; et les capitaux et coupons d’actions seront acquittés de la même manière que les autres parties de la dette publique, conformément à ce qui a été prescrit par le décret du 14 août dernier. Le traitement des employés attachés à ce bureau, fixé à la somme de 38,700 livres par l’ordonnateur du Trésor public, continuera de leur être payé sur ce pied jusqu’au 1er octobre prochain ; et pour cette époque, le ministre de l’intérieur et le commissaire de la liquidation proposeront tels arrangements ultérieurs qu’ils jugeront convenables. » (Adopté.) Art. 12. « Le bureau de surveillance de la loterie royale cessera également de faire partie de la trésorerie nationale à compter de la publication du présent décret, et dépendra du ministre des contributions publiques. Celui connu sous le titre de bureau de liquidation, et dont les fonctions consistaient : 1° à suppléer les gardes des registres du contrôle [16 août 1791. ] du Trésor public; 2° à suivre et à terminer les opéraiions relatives à l’édit de 1764 concernant la liquidation des dettes de l’État, sera supprimé, ainsi ou’il est ordonné par le décret du 21 janvier 1790, à compter du 1er octobre prochain ; ses fonctions seront réunies à la direction générale de liquidation. Enfin, le bureau établi pour l’échange momentané des assignats, ce -sera, à compter de la même époque, d’être à la charge du Trésor public, et sera à celle du département. » (Adopté.) Art. 13. « Dans le cas où des personnes actuellement employées à la trésorerie voudraient continuer leurs “fonctions quoique l’ancienneté de leurs services leur donnât droit à une pensiou de retraite supérieure au traitement qui leur est attribué suivant l’état ci-annexé, ou leur payera, en sus de leurs traitements, l’excédant qui sera nécessaire pour compléter le montant de leur pension. » (Adopté.) Art. 14. « Les appointements, traitements, gages et gratifications fixés par les articles précédents, seront payés chaque mois aux employés sur des états arrêtés par les commissaires de la trésorerie, et sans autres quittances qu’un émargement. » (Adopté.) Art. 15. « Au mois de décembre de chaque année, les commissaires de la trésorerie rendront publics, par la voie de l’impression, l’état de leurs bureaux, la liste nominaiive des employés dont ils seront composés, les appointements dont ils jouiront, et la distribution des sommes destinées aux gratifications. » (Adopté.) M. Vernier, rapporteur , donne lecture de l’ar-tiole 16, ai si conçu: Art. 16. « Si des travaux extraordinaires ou des objets imprévus nécessitent une augmentation dans les dépenses ci-dessus fixées, les commissaires de la trésorerie nationale pourront provisoirementl’au-loriscr, sous leur responsabilité, jusqu’à la concurrence d’une somme totale de 50,000 livres. L’état de ces dépenses extraordinaires sera remis, chaque année, certifié d’euxet appuyé de pièces, au Corps législatif, pour, sur le rapport qui eu sera fait, être statué sur ce qu’il appartiendra. » M. D’Ailly. Je demande que cet article soit rejeté; car nous ne devons pas accorder de sommes pour des dépenses que nous ne connaissons pas. M. Martineau. J’observe, en appuyant la motion de M. d’Ailly, que, lorsque la trésorerie nationale aura des dépenses, elle pourra s’adresser au Corps législatif, qui sera là pour juger s’il y a lieu à les accorder. Plusieurs membres : La question préalable ! (L’Assemblée, consultée, décrète-qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article.) M. Vernier, rapporteur , demande que le mot provisoirement inséré dans les premiers titres du décret soit supprimé. (Cette proposition est adoptée.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES.