663 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1791.) tice. Quelles sont les premières notions de justice en matière criminelle? C’est en général de proportionner ia peine au délit. Un homme a fait la contrebande, il a péché par avidité. C’est son avidité que l’on punit par des amendes, par des conliscations; mais quelle étrange inconséquence ne serait-ce pas, Messieurs, que de le dépouiller de l’administration de ses biens, tandis que sa famille ne pourrait pas en être légalement dépouillée, s’il avait été légalement condamné au dernier supplice! Je demande si la confiscation des biens d’un accusé est un acompte de la potence; ce n’est, Messieurs, qu’à ce titre que vous pouvez vous emparer de ses biens. VoU' avez l’air de dire : si je tenais le coupable, je le ferais monter sur l’échafaud; le coupable m’a échappé, je vais le punir de la mauvaise police du royaume, qui ne m’a pas permis de m’emparer de sa personne, et me consoler de son évasion en confisquant arbitrairement ses biens. Ce n’est pas là un raisonnement de législateur. Les biens d’un accusé, Messieurs, sont absolument étrangers à sa conduite morale. Si vous voulez parler d’un criminel d’Etat, faites une exception pour lui, je ne m’y oppose pas; mais dans les cas ordinaires, je prétends que la loi est criminelle quand elle change un supplice en amende ; ce n’est pas par des amendes qu’il faut que les crimes soient punis. C’était l’ordre ancien de la barbarie du temps des épreuves de l’eau bouillante et du fer rouge; mais les amendes doivent être bannies du code d’un peuple libre; les amendes sont étrangères à la loi, et surtout à la loi en matière criminelle. Et remarquez, Messieurs, qu’en vous emparant des biens d’un contumax, vous le condamnez à commettre des crimes. De quoi vivra-t-il lorsqu’il sera en fuite? On a bientôt dit :je demande qu’il se présente. Eh ! Messieurs, quand on connaîtles erreurs de la justice, les dangers d’uue justice criminelle, on n’est pas si sévère, on n’est pas si rigoureux pour le compte d’autrui. Je demande que les biens ne puissent jamais être saisis provisoirement, tant que l’instruction d’un procès criminel dure : car je ne regarde la contumace que comme une partie de l’instruction, puisque, après la contumace, l’accusé est toujours à même de faire recommencer l’instruction du procès crimineldirigécontre lui. Ce serait une précaution barbare, Messieurs, au moins durant les premières années. Je conclus eu demandant 1a questiou préalable sur l’article. Plusieurs membres : Aux voix ! M. Barnave. J’ai la parole, mais je l’abandonne si les raisons du préopinant n’ont point fait de sensation sur l’assistance. Plusieurs voix : Non ! non ! Plusieurs voix : La question préalable sur l’article. (La question préalable est mise aux voix et rejetée.) M. Duport, rapporteur. Le comité adopte les amendements de MM. Tronchet et Prieur et vous propose en conséquence la rédaction suivante : Art. 13. « Pendant toute la vie de l’accusé, tant qu’il sera coutumax, le produit de ses biens saisis sera versé dans la caisse du district, en la forme qui sera déterminée par la suite ; néanmoins, s’il a une femme et des enfants, ou un père et une mère dans le besoin, ils pourront demander sur le3 biens personnels la distraction à leur profit d’une somme, laquelle sera fixée par le tribunal criminel. » {Adopté.) Art. 14. « Après la mort de l’accusé, prouvée légalement ou lorsqu’il aura atteint l’âge de 80 ans, ses biens saisis seront restitués à ses héritiers légitimes.» M. Garat Vainè. Il n’est pas possible d’adopter les mesures qui vous sont proposées par le comité; elles sont barbares; elles répugnent à l’humanité. Je demande donc qu’après 30 ans que le crime aura ôté commis et qu’il y aura eu exécution figurative, le coupable puisse rentrer dans sa patrie et être réintégré dans ses biens. M. Tronche!. Je crois que l’article doit être ajourné et renvoyé au comité, pour que préalablement il détermine les termes de la prescription, soit du crime, soit du jugement. M. de Montlosier. J’appuie le renvoi demandé par M. Tronchet. Nous devons davantage respecter les drois de l’humanité qu’on ne l’a fait sous le despotisme : car, sans cMa, il est inutile que vous vous vantiez de votre liberté. La prescription était fixée sous le régime ancien à 20 ans et à 30 ans, lorsqu’il y avait eu exécution figurative; en appuyant la demande de renvoi, je demande aussi que la prescription soit réduite à 20 ans. (L’Assemblée ordonne l’ajournement et le renvoi de l’article 14 au comité.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir. M. de Tessier de Marguerittes. J’ai l’honneur de représenter à l’Assemblée nationale que, par un décret du 2 novembre, elle a décidé qu’il serait sursis à la nomination de la municipalité de Nîmes jusqu’au rapport sur les troubles de cette ville. Je me suis constamment adressé au comité pour presser ce rapport ; on m’a dit, la semaine dernière, qu’il était prêt, et M. le président du comité a écrit à M. l’abbé Grégoire, alors président de l’Assemblée, pour le prier de mettre cette affaire à l'ordre de ce soir. Je vois cependant cet ordre interverti. Je n’ajouterai qu’un mot. Depuis six mois, 14 accusés sont dans les cachots, et ils ne peuvent obtenir la preuve des délits qu’on leur impute. M. Muguet - Naalhou . En l’absence de M. le rapporteur du comité, j’annonce à l’Assemblée qu’elfectivement le rapport est prêt; mais que ce matin les députés du département nous ont représenté la nécessité d’un délai pour de nouveaux éclaircissements. Je pourrais ajouter, s’il en était besoin, que M. Marguerittes, maire de Nîmes, est convenu devant sept ou huit personnes que ce rapport ne pouvait être fait sans mettre le feu dans ce pays. M. de Tessier de Marguerittes. Nous sommes seize députés du département du Gard. Je demande combien il y en a qui sollicitent le délai. 664 ( Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Ipr février 1791.) M. Muguet de IVanthou. Six ou sept. M. de Tessier de Marguerittes. Il y a un moi3 qu’étant allé au comité, on m’a promis que le rapport serait fait incessamment, et cependant il n’en est rien. M. le président du comité m’a même dit : on vous renvoie de jour en jour, parce qu’on a pensé que le temps fixé pour le serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics n’est point du tout propre à ce rapport. On a annoncé à Nîmes que Jes conclusions du comité étaient de casser ignominieusement la municipalité. J’observe que, pour casser une municipalité.... M. le Président. Vous sortez de l’ordre de la discussion. M. de Tessier de Marguerittes. Pour prouver que personne n’est plus intéressé que les officiers municipaux au maintien de l’ordre, je dirai que nous possédons entre cinq ou six, plus de 15 à 1,800,000 francs de bien à la porte de Nîmes, que nous y avons notre famille et nos enfants. J’ai donc l’honneur de proposer deux dispositions.... M. le Président. Vous êtes monté à cette tribune pour l’éclaircissement d’un fait, et non pour proposer des dispositions. M. de Tessier de Marguerittes. On vous a dit que j’étais convenu moi-même que le rapport exciterait des troubles. Oui, si on cassait la municipalité avec ignominie. Je demande qu’il soit procédé à la nomination de nouveaux officiers municipaux; et cependant, pour vous procurer le plaisir de casser un maire, j’annonce que je ne donnerai pas ma démission. M. Alexandre de Tameth. C’est moins le rapport de l’affaire de Nîmes qu’une question de protestantisme et de catholicisme qu’on veut agiter dans un moment où on apprend que la très grande majorité, je dirai presque la totalité des fonctionnaires ont prêté leur serment. ( Applaudissements .) Plusieurs voix à droite : Non ! non ! Plusieurs voix à gauche : Oui ! oui ! M. Alexandre de Lnmeth. Plusieurs députés du département du Gard ont senti les inconvénients d’un pareil rapport dans les circonstances présentes; j’en demande donc l’ajournement. Plusieurs membres: Aux voix 1 (L’Assemblée ordonne l’ajournement du rapport.) Un membre du comité de l'aliénation des domaines nationaux propose et l’Assemblée décrète la vente de différents biens nationaux de la manière suvante : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions . portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret Savoir : A la municipalité de Mouthier, département du Doubs, pour ............ A celle d’Adam-le-Ver-cel, même département.. A celle d’Ornans, môme département ............ A celle de Vercel, même département ............ A celle de Bonnevaux, même département ...... A celle d’Etray, même département ............ A celledeLavans, même département ............ A celle d’Orchamps-en-Venne, même département ................... A celle de Lot, môme département ........... . A celle de Gêvresin, même département ...... A celle de Reugney, même département ...... À celle de Willasans, même département ...... A celle d’ïïauteville, département de l’Ain ...... A celle dePoncin, même département ............ A celle de Tervay, département du Jura ...... A celle de Belmont, même département ...... A celle de Montbarrey, même département ...... A celle de Marpain, même département ...... A celle de Parrecey, même département ...... 23,576 1. 15 s. 4 d. « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de ventes et états d’estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »> M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MIRABEAU. Séance du mardi 1er février 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des différentes adresses suivantes : Lettre des administrateurs du directoire du département de la Côte-d’Or, qui font hommage à l’Assemblée nationale d’une adresse qu’ils ont envoyée aux habitants de ce département, pour les prémunir contre l’égarement dans lequel les (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.