[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ l®1' mars 1791.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOA1LLES. Séance du mardi l«r mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. Vonllantl. Messieurs, j’ai à vous donner connaissance d’une lettre des administrateurs du département du Gard , qui font espérer à l’ Assemblée le rétablissement prochain de l’ordre dans cette contrée, et rendent hommage aux soins de l’un des commissaires, à la courageuse prudence du sieur d’Albignac, et à la contenance toujours ferme de la garde nationale. Voici cette lettre : « Uzès, le 22 février 1791. « Messieurs, « Le directoire du département ayant pris, comme nous avons eu l’honneur cle vous en instruire (Bruit), la détermination de se transporter à Uzès, et l’ayant exécutée, il se trouve à même de vous donner des renseignements plus exacts sur le véritable état des choses. Il vous rendra compte des mesures qu’il a prises, d’après lesquelles il peut espérer d’avoir dissipé l’orage qui menaçait ces malheureuses contées. « Une partie des malintentionné-, qui avaient excité des troubles dans Uzès, se voyant trompés dans leurs coupables espérances, se répandirent dans les campagnes, où, par mille rapporis absurdes et calomnieux, ils semèrent la crainte etles alarmes; selon eux, les protestants avalent fondu à i’improviste sur les catholiques et avaient exercé contre eux les plus horribles cruautés. (Bruit.) « Ces rapports trouvèrent peu de croyance dans le département ; mais une partie du Vivarais, depuis longtemps infectée de fanatisme, et travaillée par les ennemis de la liberté, les reçut avidement, aussitôt il se forma un attroupement considérable, qui, par la célérité, le nombre et le caractère de ceux qui le composaient, devenait vraiment effrayant. (Bruit.) Environ deux mille de ces factieux se portèrent sur la ville de Saint-Ambroise, trop faiblement munie pour leur résister. Ils y commirent des excès, tirent beaucoup de vols, pillèrent quelques (liaisons, désarmèrent une partie des citoyens et s’y établirent à poste fixe. Bientôt Barjax, Saint-Jean, Rivière de Tey-rargues et quelques autres communes du département furent envahies; et b s malintentionnés établirent un cordon qui interceptait toule commune ation avec le reste du département. « Il paraît que les dessein-de ces ennemis de la paix et de la Constitution avaient des vues bien plus vastes. Le moment qui s’approchait de rem-f lacer les ecclé-iasliques fonctionnaires publics, ui se sont refusés à l’exécution de la loi, était un nouvel aiguillon qui les excitait à tenter quelque entreprise d’éclat, qui pût empêcher le rassemblement des électeurs. En conséquence, à l’abri de ce cordon de troupes établies, de Saint-Ambroise à Barjax, les chefs de ce parti dangereux, projetèrent au mépris des décrets, un nouveau rassemblement dans la plaine de Jalès. Pour 887 y parvenir, ils répandirent dans toutes les communes où ils avaient des partisans et qui sont en très grand nombre, des lettres de convocation, qui indiquaient aux maires et chefs des gardes nationales de ces communes suspectes, un rendez-vous dans le château de Jalès, à l’effet de se concerter sur les moyens derassembler l’armée. Cette e-pèce de conseil anti patriotique a eu lieu les 20 et 21 de ce mois, et les députés qui le composaient, étaient au nombre de plus de deux cents. « Cet état de choses était très alarmant, et nos craintes étaient encore augmentées par des relations exagérées et infidèles. Cependant le département était attaqué par plusieurs de ces communes occupées par les factieux, et un rassemblement formidable s’accroissait de jour en jour, le château de Jalès, recelait des députés dont les délibérations pouvaient avoir des suites terribles. Ces motifs nous parurent plus que suffisants pour exciter notre sollicitude, et nous faire prendre toutes les précautions que la prudence exige en pareil cas. « Nous eûmes donc l’honneur, Messieurs, de vous expédier un courrier extraordinaire, avec les dépêches pour les ministres de Sa Majesté, en même temps les troupes nationales du département furent requises, et nous écrivîmes au département de la Drôme, pour lui demander de tenir prêt un corps de gardes nationales, qui put se porter sur la ville du Pont-Saint-Esprit, e: de la défendre en cas d’attaque, le prier de requérir une brigade d’artillerie de la garnison de Valence qui pûÉ servir le canon du Pont-Saint-Esprit, et l’empêcher de tomber entre les mains des factieux qui annonçaient l’envie fie s’en emparer. « Nous demandions encore à ce département et à la municipalité de Montélimart, de faire entrer dans le département du Gard le régiment de Sois-sonnais. Nous requîmes aussi le directoire do département des Bouches-du-Rhône, de nous faire passer une compagnie de canonniers de ta garnison de Marseille, et le régiment de Lyonnais en garnison à Tarascon. Les corps administratifs de la Drôme et des Bouches-du-Rhône ont déployé, dans cette circonstance difficile, tout le patriotisme et l’esprit public qui les caractérisent. Ils ont su concilier, avec ce désir qu’ils avaient de secourir leurs voisins en danger, tout le respect que l’on doit aux formes que les lois près rivent. Trois cents hommes de Lyonnais ont été envoyés à Uzès, un corps d’artilleurs de la garde nationale de Marseille a été averti de marcher sur nos premières demandes, et les districts d’Arles et de Tarascon ont reçu la réquisition de nous porter un prompt secours, si le cas le demandait. D’un autre côté, trente artilleurs de Valence avec un officier sont déjà arrivés à Pont-Sainl-Esprit. « Aidés de ces secours et toujours en nous concertant avec M. d’Albignac, il a été formé trois corps différents, composés de troupes de ligne et de gardes nationales; l’un sous les murs d’Alais, avec ordre de protéger le nord du district de cette ville, et notamment Saint-Ambroise et ses environs, l’autre à Uzès pour achever de ramener le calme et en imposer aux malveillants qui menaçaient de s’y porter; le troisièmeenfin, au Pont-Saint-Esprit, destiné à défendre cette ville, à secourir Barjax, Saint-Jean et les communes cir-convoisines. « Le directoire du département a hautement annoncé les dis positions les plus indulgentes et les plus pacifiques. Il n’a négligé aucun moyen pour faire rentrer dans leurs foyers les malheureux que la crainte ou leurs fautes en avaient (1) Celte séance est incomplète au Moniteur, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er mars 1791.] 588 éloigués, et il a eu le bonheur de voir que ses soins n’étaient pas inutiles. Une proclamation a été aussi publiée pour éclairer les citoyens trompés. Nous vous en adressons une copie. « Nos soins, nos dispositions, le courage, la prudence de M. d’Albignac, la bonne conduite de nos commissaires, la contenance ferme des g odes nationales, la bonne volonté des troupes de ligne, et surtout le patriotisme éclatant de nos voisins en ont singulièrement imposé aux malveillants et aux malintentionnés. Déjà un grand n >mbre des émigrants d’Uzès est rentré. L’assemblée du château de Jalès est, dit-on, dissipée par les précautions sages du département de l’Ardèche, dont nous avions réclamé les bons offices, et l’on assure que le rassemblement considéiable des factieux a diminué; nous venons enfin d’apprendre qu’ils ont évacué la ville de Barjax. « Telle est, Messieurs, la position où nous sommes, en ce moment nous espérons qu’à chaque instant elle deviendra meilleure; nous nous estimons très heureux, si nous parvenons à ramener la paix, en ménageant le sang; elles moyens de douceur seront toujours mis en usage conformement à vos intentions. Nous aurons soin de vous instruit eexuetement des faitsultéreurs etdes mesures que nous jugerons convenables. « Nous sommes avec un profond respect, Messieurs, etc., etc. « Signé : Les membres composant le directoire du département du Gard. » Je dois également vous donner lecture d’une lettre des officiers municipaux de la ville de Marseille, au \ quels lus administrateurs du departement du Gard ont eu recours p air réclamer, un renfort de leurs troupes nationales et de ligue. Elle mérite d'être conuue de l’Assemblée; la voici ; « Messieurs, « Vous devez être persuadés que non seulement nous ne mettrons aucun obstacle au départ de la compagnie de canonniers qui est en garnison dans notre ville, mais que nos volontaires artilleurs et les bataillons de notre garde nationale s’empresseront de voler à votre secours, si nous en recevons la réquisition légale du directoire du département des Bouches-du-Rhône. G’est à ce corps administratif de prescrire leur marche; ils n’oui besoin que de cet ordre; le nôtre sera donné d’avance, car nous n’avons pas vainement juré de mai tenir la Constitution; et depuis que le royaume est agité par les intrigues des ennemis publics, nous n’avons cessé d'avoir les yeux sur le département qui vous est confié, et”où uous prévoyions que le fanatisme et le délire des ci-devant privilégiés occasionneraient quelque fâcheuse explosion. « Soyez tranquilles sur le succès d’une expédition commandée au nom de la liberté : b-s patriotes sauront mou-ir pour la défendre, et 20,U00 Marseillais sont pi êts à verser 1 ur rang pour une cause aussi belle. (Applaudissements.) Nous écrivons au même instant au département des Bou-ches-du-Rdôue, pour lui aun meer que notre garde nationale et prête à marcher au prem er signal, et le prier de requérir les troupes de ligne de se jo ndreà elle, si les circonstances l’exigent. » ( Applaudissements répétés.) J’ai cru uevoir, Messieurs, vous doaner connaissance de cette lettre, où vous trouverez avec plaisir les sentiments qui caractérisent les vrais Français, amis des lois et généreux défenseurs de la Constitution. On a cherché, dans le cours de la discussion de la malheureuse affaire de Nîmes, à rappeler des événements qui se sont passés à Marseille, et qu’ou avait l’air de vouloir assimiler à ceux qui ont eu lieu dans nos infortunées contrées; on a comparé la conduite des officiers municipaux de Marseille, dans certaines circonstances, à la conduite des municipaux de Nîmes dans les troubles qui ont éclaté à différentes époques; et certes la différence ne saurait être plus frappante. Aux jours des malheurs de la ville de Nîmes, celle de Marseille envoya àNimes cinquante charges de blé, et en confia la distribution destinée aux malheureux qui avaient le plus souffert des désordres du mois de juin dernier, à la société des amis de la Constitution, calomniée par ceux dont ( Ile a déjoué les complots et démasqué l’hypocrisie. Un si bel exemple de générosité ne fut pas sans effet sur les membres qui composent cette société patriotique; jaloux de l’imiter, ils ouvrirent une souscription bienfaisante, qui fournit dans l’ins ant un fonds de dix mille livres : cette somme fut versée parmi lus infortunés dont les besoins furent reconnus les plus pressants. Que lit pour eux la municipalité, dont vous avez enfin délivré la ville de Nîmes?... Rien. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresses des districts de Pont-à-Mousson, de l’état-major de Rouen, de la société de-Amis de la Constitution, séanie à Douay, de celle séante à Aigueperse, contenant divers avis et mesures à prendre' dans les dreonst onces actuelles, et l’adhésion laplusentière aux décrets de l’Assemblée. Adresses du sieur de Toicy, prêtre et recteur de Saint Orner, département du Pas-de-Calais; des sieurs curé de Noire-Terre, Giézières, Saint— Georges de ViHennes, des officiers municipaux de la ville du Port-Louis, de Samt-La ds-le-Cha-1 1, et communauté de Ravigny, contenant que la presque totalité ces fonctionnaires publies ecclésiastiques, a prêté le serment de maintenir la con titution civile du clergé. Adresse des fabriciens et habitants de la paroisse de Saint-Saturnin de la ville de Tours, et une autre d’uu grand nombre de citoyens de la même ville, tendant à obtenir la conservation des paroisses Saini-SaturninelSaint-Pierre-le-Puel-lier. Un membre fait leclure à l’Assemblée d’une adresse des négociants d’Auxerre, dans laquelle ils lui annoncent qu’ils viennent d’organiser leur tribunal de commerce, d’après le mode et les principes décrétés par l’Assemblée. Un membre annonce que, dans le district de Saint-Dié, département des Vosges, la grande majorité des fonctionnairesecclésiasliques a prêté le serment sans restriction; il joint la liste qui en a été faite. Les administrateurs du département de Paris sont introduits à la barre. M.