88 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. iProvince d’Artois.] de la médecine, tant théorique que pratique, toujours de la manière que dessus. L’on conférera dans l’une ou l’autre école tous les grades gratuitement. Gfest le seul moyen d’encourager les talents en n’accordant qu’au mérite reconnu des marques d’honneur et de distinction et de conserver au royaume nombre considérable de sujets, surtout de ceux des campagnes, qui, quoique les plus nécessaires et les plus utiles à l’Etat, sont journellement les tristes victimes de l’imprudence et de l’impéritie de ceux qui les soigne dans leur maladie. Dans chaque faculté il y aura un professeur de médecine pratique ; ce professeur sera tenu de conduire matin et soir au lit de ses malades tous les bacheliers et licenciés, et leur motiver les traitements qu’il emploiera pour la guérison de les malades. Défendre aux chirurgiens et aux apothicaires et à toutes autres personnes, quelles qu’elles puissent être, sans le titre de médecin, d’exercer la médecine même gratuitement dans cette province conformément aux édits, arrêts et ordonnances donnés par nos souverains concernant l’exercice de la médecine. Que les élèves en chirurgie ou en l’art des accouchements soient tenus de fréquenter pendant trois ans les écoles établies en cette ville, à moins qu’ils n’aient un certificat d’études dans une des universités du royaume ; sans cela cet établissement lui-même, si utile, ne devient plus qu’une institution onéreuse à cette province. Accorder aux médecins conseillers, chargés d’assister à la réception des chirurgiens et sages-femmes, le droit de les interroger et de donner leur suffrage; dans le cas de mésintelligence entre les médecins conseilliers et les examinateurs, que les élèves des sages-fammes soient renvoyées par-devant le collège de médicine pour y subir les examens nécessaires à l’effet de constater leur capacité. Etablir en la ville d’Arras une école publique de pharmacie pour tous les élèves de la province; dans cette école, on leur exposera les principes et la théorie de cette art et l’on y préparera sous leurs yeux les différentes drogues usuelles, les-quelle's seront ensuite déposées dans la pharmacie des sœurs de charité ae cette ville, pour servir aux besoins des pauvres seulement. Le professeur sera nommé par le concours; le médecin conseiller présidera à ces cours de pharmacie avec les prérogatives attachées à sa charge. Les élèves en chirurgie et les sages-femmes ne seront plus reçus désormais par les officiers municipaux, comme n’étant aucunement compétents pour juger de leur capacité. Les apothicaires seront soumis, chaque année, aux visites de deux médecins choisis par le corps à l’effet de connaître si leurs drogues ne sont point falsifiées, altérées par la vétusté ou autrement. Accorder aux médecins composant le collège de cette ville de faire adopter aux apothicaires une méthode uniforme de préparation pour les remèdes qui peuvent être préparés de différentes manières. Accorder aux étrangers pauvres et non pauvres, mais à ceux-ci en payant, la liberté d’entrer dans les hôpitaux dans l’espérance d’y être mieux soignés. Défendre aux chirurgiens-majors le traitement des maladies internes sur tous sujets quelconques. Chercher avec soin en quelles mains ont passé les biens de différents hôpitaux de l’Artois. (C’est l’objet du procès commencé depuis longtemps par l’administration de la bourse commune des pauvres de cette ville contre l’abbaye de Saint-Vaast) ; les employer à fonder un hôpital général pour toutes sortes de personnes de cette province. Bannir de tout le royaume les charlatans, les empiriques quels que soient leurs privilèges Accorder au conseil d’Artois la souveraineté en toute matière. Supprimer la vénalité des charges de judicature dans la province, les faire rembourser par la province aux héritiers des titulaires à mesure que ces charges viendront à vaquer, et accorder aux corps dont ils étaient membres le droit de choisir trois sujets qu’ils présenteraient au Roi, qui nommerait un des trois pour remplacer celui qui est décédé ; c’est l’unique moyen d’avoir des juges intègres et instruits. Fixer irrévocablement les frais de justice dans tout le royaume. Rendre à la commune le droit de nommer les officiers municipaux, droits indescriptibles qu’on a osé lui usurper jusqu’ici. Diviser la province en plusieurs cantons ; chaque canton aura son médecin pour en soigner tous les malades ; chaque médecin sera nommé et payé par la commune de son canton. Supprimer tous les intendants du royaume. Signé Blanquart, Saladin de Terlecque, Guillay, Corroyer, L. Cusquel, Delannoy, Lallart, Lavallé, Ch. Scribe, Delarve, Lainé, Pajot, Grébet, ûe-buissy , Lecointe , ûambein , Amand Dupin , J.-B. Desongnir, Dupin, J. Scribe, Colin, ûelegor-gue, Lejeune, Caudelier, Lallart de Berlette, Dubois de Fosseux, Husson, Caudzon, Fauchison, Thellier, Legentil, Liborel, Duquenoy, Souillart, Dupin, de Dion, A. Frassin, T. Dupuich, Dauchez, Deleponne, le baron Daix de Rémy. a Paraphé par nous, maître Jean-Baptiste-François-« Xavier Dauchez, avocat au conseil d’Artois et échevin « des ville et cité d’Arras au désir du procès-verbal de « l’assemblée du tiers-état de cette ville d’Arras, comte mencé le vingt-six de ce mois et clos eejourd’hui, « trente mars mil sept cent quatre-vingt neuf, une « heure du matin. » Signé dauchez. CAHIER De doléance de la ville et comté d1 Hénin-Liétard (1). Art. 1er. On demande que le corps du tiers-état soit composé de soixante-quatre députés, dont la moitié sera élue par les villes, l’autre moitié par les campagnes. Art. 2. Que le corps du clergé soit composé de trente-deux députés, dont la moitié sera élue par les évêques, chapitres et abbés réguliers, et l’autre moitié par les curés et autres bénéficiers. Art. 3. Que le corps de la noblesse soit pareillement composé de trente-deux députés, qui seront élus par tous les nobles domiciliés dans la province. Art. 4. Que les suffrages seront comptés par tête et non par ordre. Art. 5. Que tous les deux ans, il soit procédé à une nouvelle élection de la moitié des députés de chaque ordre. Art. 6. Que chaque ordre continue de nommer son député ordinaire. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives départementales d’Arras. M. Godin, archiviste en chef du Pas-de-Calais, a eu l’obligeance de nous en envoyer une copie. [États gén. 1789. Cahiers.] , ARCHIVES Art. 7. Que le député du tiers-état puisse seul avoir des appointements, qui ne pourront excéder la somme de 6,000 livres. Art. 8. Que la députation à la cour soit supprimée et remplacée par un agent à qui on donnera pareille somme de 6,000 livres pour tout traitement. Art. 9. Qu’on réduise le nombre des receveurs des Etats et qu’on simplifie la perception des deniers. Art. 10. Que l’on cesse d’allouer aux receveurs généraux et particuliers les intérêts des capitaux mis dans leur caisse, sauf à eux de retirer les-dits capitaux et les obliger à donner une caution suffisante pour leur gestion. Art. 1 1 . Que lesdits receveurs ne puissent avoir d’autres appointements que ceux qui leur seront accordés par l’assemblée générale des Etats. Art. 12. Que les comptes des receveurs généraux soient rendus chaque année dans la huitaine qui précède l’assemblée générale des Etats, par-devant une commission composée de douze députés, dont trois du clergé, trois de la noblesse, et six du tiers-état, qui auront été élus par chaque ordre à rassemblée générale précédente. Art. 13. Que lesdits comptes ne soient arrêtés définitivement que la veille de la clôture de l’assemblée générale des Etats, après que les commissaires en auront fait le rapport à l’assemblée générale, et que jusque lors lesdits comptes demeurent déposés au greffe desdits Etats, pour être pris inspection par toutes les personnes convoquées aux mêmes Etats, et pour en être par elles pris des extraits, si elles le jugent à propos. Art. 14. Qu’il ne soit passé dans lesdits comptes aucunes dépenses, que sur des mandats bien et dûment motivés, sauf le recours du receveur contre ceux qui les auraient signés. Art. 15. Que les gratifications et indemnités accordées par les Etats soient portées dans un chapitre particulier desdits comptes, qui contiendra, par articles, les noms, qualités et demeures de ceux qui les auront obtenus, et qu’elles ne soient allouées qu’ autant qu’elles seront justifiées par quittance. Art. 16. Qu’il ne puisse être accordé aucune gratification et fait aucune libéralité sous telles dénominations que ce soit, qu 'autant qu’elles soient consenties par une majorité de trois quarts des suffrages recueillis par la voie du scrutin. Art. 17. Que toutes délibérations où il sera de faveur à accorder, ne puissent pareillement être prises qu’au scrutin. Art. 18. Qu’il ne soit plus accordé de survivance dans aucune charge desdits Etats. Art. 19. Que l’on accorde au greffier desdits Etats la somme de 12,000 livres pour appointements, moyennant laquelle il soit tenu de payer ses commis, et de fournir les papiers, plumes, encres et cires qui seront nécessaires tant pour le service du greffe que pour celui de la députation ordinaire. Art. 20. Que la maréchaussée des Etats soit supprimée, et qu’il soit nommé un nombre de commissaires suffisant pour faire le service desdits Etats. Art. 21. Que les pensions accordées par les Etats soient revues et examinées par la prochaine assemblée. Art. 22. Que les centièmes soient supprimés, sauf à les remplacer par une imposition mieux répartie. PARLEMENTAIRES. [Province d’Artois.] 89 Art. 23. Qu’il soit fait une nouvelle répartition des vingtièmes. Art. 24. Qu’il soit établi une caisse d’amortissement pour liquider, dans un temps déterminé, les dettes de la province. Art. 25. Que les Etats soient admis à racheter par des abonnements tous les droits de ferme et autres qui ne se perçoivent pas en leur nom. Art. 26. Que l’on délivre des trois lieux limitrophes des vexations des traitants. Art. 27. Queles députés des Etats ne puissent exercer aucun acte de juridiction contentieuse, et qu’ils ne puissent faire arrêter aucun citoyen que pour les remettre à la justice ordinaire, droits qu’ils ont usurpés, et dont ils ont abusé envers des malheureux, dont la faiblesse a étouffé les justes réclamations. Art. 28. Que, conformément aux privilèges de la province, les Etats ne puissent faire évoquer au conseil d’Etat du Roi aucune cause concernant les habitants de cette province, et que les députés desdits Etats soient tenus de faire révoquer les arrêts d’évocation ci-devant obtenus. Art. 29. Qu’il soit permis à tous les habitants de la province de faire venir des eaux-de-vie du dehors, en payant, pour tout impôt, la moitié du prix marchand d’icelles. Art. 30. Que la justice soit rendue gratuitement, qu’on simplifie la procédure, qu’il n’y ait plus que deux degrés de juridiction en matière civile comme en matière criminelle, et que l’égalité des peines soit établie entre tous les sujets du Roi. Art. 31. Que les nobles et les ecclésiastiques soient soumis à l’impôt comme le tiers-état. Art. 32. Que les évêques soient tenus de résider. Art. 33. Qu’il ne soit permis de percevoir la dîme que sur les gros fruits ; qu’elle soit rendue à sa destination primitive, savoir : un tiers aux curés, un tiers à l’entretien des églises et presbytères, et un tiers aux pauvres, que la quotité en soit fixée également pour tous les cantons. Art. 34. Que le droit de gaule aboli dans le Gambrésis, et partout où les malheureux qui en sont chargés ont pu porter leur plainte jusqu’aux tribunaux ; que ce droit reconnu universellement injuste, tant par sa perception onéreuse que par son institution, dont les motifs, d’ailleurs, n’existent plus aujourd’hui, que la ruine des vassaux , qui en ont refusé le payement, occasionnée parles frais énormes, chicanes, et les longueurs que l’on a fait essuyer avant la décision, empêchent de poursuivre, quoique fondés dans leur refus, comme vient de le déclarer le Parlement en faveur de Roclincourt -, que ce droit onéreux, injuste, et plus désastreux même que tous les impôts, soit proscrit dans toute la province. Art. 35. Que le droit de dixième denier, qu’on présume avoir été substitué à celui des 10 deniers perçu à chaque relief et mutation, qui prive dans tous ces cas le dixième de leur fortune contre le droit commun de la province, soit réduit au cas d’aliénation seulement et changé pour tous les autres cas en un relief à merci, c’est-à-dire fixé au revenu d’une année payable en deux ans. Art. 36. Que les autres droits onéreux et extraordinaires qui ne sont prescrits que par la possession et l’usage, et non par la loi, soient ràcheta-bles au denier vingt. Art. 37. Que le droit de franc-fief soit aboli. Art. 38. Que le tiers des marais appartenant aux mainmortes, et dont les communautés sont en 1 possession et jouissent, leur soit assuré ; qu’on 90 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province d’Artois. force les abbayes d’y renoncer, comme le Roi en a donné l’exemple dans toutes ses terres, ce droit laissant aux mainmortes un droit indirect d’acquérir, ce qui ne peut être que très-préjudiciable à l’Artois, dont les deux tiers au moins appartiennent aux maisons religieuses qui y sont établies. Art. 39. Qu’il soit accordé un dédommagement aux communautés de Courriôres, Hénin-Liétard et autres, pour les dépenses qu’elles ont été obligées de faire, en défendant la propriété de leurs communes contre les Etats d’Artois. Art. 40. Que les habitants desdits lieux soient pareillement dédommagés des vexations exercées contre eux à cette occasion. Art. 41. Qu’il soit nommé une commission à l’effet de reviser les comptes des Etats depuis quinze ans, et qu’on fasse restituer les déprédations des deniers de la province par ceux qui les ont commises. Art. 42. Que l’on adjoigne quatre fermiers à la commission nommée par les Etats, pour faire la distribution de la sommede400, 000 livres accordée à l’assemblée générale dernière pour les grêlés ; qu’on se fasse représenter la liste des noms, qualités et demeures de ceux qui y auront participé. Art. 43. Que l’on supprime les places de commandant en premier, commandant en second, postes purement de faveur qui ruinent la province. Art. 44. Qu’on supprime les intendants et les places de commissaire du Roi aux Etats. Art. 45. Que les barrières soient reculées, et qu’on daigne enfin nous naturaliser français. Art. 46. Que les droits de 10 sols pour livre soient supprimés. Art. 47. On désire de faire fleurir l’agriculture ; le vrai moyen est de donner les biens à long-bail au moins de neuf années, et que les baux ne puissent être cassés, afin que le cultivateur soit en sûreté, pour pouvoir jouir de ses avances, dans les cas tels qu’au changement des abbés commendataires et des gros et des petits bénéficiers. Art. 48. Que fa commande et pension accordées sur les biens des abbayes cessent d’être payées, et soient toujours bannies de la province. Art. 49. Que le nombre de gibier soit restreint au moindre nombre possible, comme étant contraire à l’agriculture, ainsi que les pigeons. Art. 50. On demande que les fiefs soient divisibles et partageables en toutes personnes roturières, sans avoir égard au droit d’aîné accordé par nos coutumes. Art. 51. Que les intendants ne soient plus juges • que ce qui leur est attribué soit porté par-devant les juges naturels. Art. 52. Que l’on tienne les Etats généraux au moins tous les quinze ans. Art. 53. Que le traité de commerce avec l’Angleterre soit annulé, ou au moins qu’on y remédie. Art. 54. On demande que tous les emprunts qu’on pourrait être obligé de faire pour payer les dettes de l’Etat ne soient faits que par la nation. Art. 55. Que les denrées en grains alimentaires ne soient jamais transportées dans les royaumes étrangers, à moins qu’il ne soit constaté et avoué par la nation qu’il y en ait une double provision dans le royaume. Art. 56. Que tous les bénéfices ecclésiastiques quelconques de la province soient concédés à des Artésiens et non à d’autres. Art. 57. Qu’il n’y ait aucun fermier qui puisse exploiter plus de deux cents mesures de terre où elles ne sont point assolées, et où elles sont assolées, trois cents, et par ce moyen, la généralité desdites terres sera mieux cultivée. Art. 58. On demande que les seigneurs et maisons religieuses ne puissent plus à l’avenir exploiter aucune partie de leurs biens, ni faire aucun commerce. Art. 59. On demande que les charges judiciaires du royaume ne soient plus à l’avenir vénales, mais qu’au contraire elles soient accordées à des gens dont le mérite et l’intégrité en soient reconnus. Art. 60. On demande qu’il soit établi des maisons de force où on puisse gratuitement loger les pauvres qui auraient le malheur de devenir fous, et que les deniers nécessaires pour les construire et entretenir seront pris sur le tiers des dîmes que l’on pourrait destiner pour les pauvres. Art. 61. On demande qu’on supprime les lettres de cachet, et au cas qu’on ne puisse l’obtenir, du moins qu’il n’en soit délivré aucune sans que les raisons pour lesquelles elles auraient été obtenues ne soient jugées valides par le juge domicilié de celui contre qui elles auraient été lancées. Art. 62. Ou demande que les parlements (en supposant qu’ils restent) abandonnent aux provinces assemblées le soin de présenter leurs doléances, et de faire dans le besoin des remontrances nécessaires. Ainsi fait et arrêté en l’hôtel de ville dudit Hénin-Liétard, le 28 mars 1789. Signé Joseph Wisse, Martinel, Gaillard, Didier, L.-F. Coille, Denti, Henocq, Vallers, Chevallier, Jean-Baptiste Loir, Joseph Verez, Chevallier, Michel, Pouchain, Charles Petit, D.-D. Legrand, Le-grond, Aubert, Pouchin, Raison, Florentin Gour-let, docteur Morel, Wallerand, Dominique Cléry, J. -A. Pierquin, Butin, Druot, Jean-François Hugot, Antoine Gaullet, Alexandre Henocq, Henry Henocq, Louis Hache, Jean-Baptiste Levy, de Bav, Charles Duziez, Debonte, Gafler, Lefebvre, Aubert, Gui-gnaez et Gaullet.