228 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La loi que votre comité des Finances m’a chargé de vous proposer, va intimider les dilapi-dateurs et les voleurs; elle tranquillisera les patriotes. Je sais bien que, si elle est exécutée avec un esprit de parti, elle peut servir beaucoup de haines et de vengeances ; c’est une épée à plusieurs tranchans ; confiée à des mains probes et honnêtes, elle servira la Révolution et hâtera le règne de la justice ; confiée à des intrigans, des factieux, des dilapidateurs, ils pourront grossir leur parti, puisqu’ils y trouveront les moyens de protéger ceux qui voudront faire suivre leur bannière, en leur promettant l’impunité des vols et des dilapidations qui ont été commis, et en intimidant ceux qui n’ayant aucun reproche à se faire, n’auroient point la force d’âme de braver des persécutions et des amertumes passagères ; quoiqu’il en soit, la Convention sera toujours la même, elle surveillera toutes les intrigues, et elle saura les punir (125). La loi du 17 septembre contre les suspects et plusieurs autres lois basées sur la justice, ayant été exécutées, avec une rigueur que les législateurs n’avoient pas en vue, ont causé de grands maux à la République et à la Révolution, et ont nécessité un grand acte national : ces exemples doivent nous rassurer, et prouver à ceux qui vou-droient la faire servir d’instrument à leur passion, et que leurs crimes ne resteroient pas impunis. Les meilleures institutions offrent malheureusement des moyens dangereux; mais une pareille idée ne doit pas nous arrêter dans la poursuite des voleurs : la nation française veut la probité et la justice, elle secondera nos efforts. Remplissons notre devoir en écartant des fonctions les intrigans, les factieux et les dilapidateurs. Votre comité des Finances ne connoissant que ses devoirs, n’a rien négbgé pour les remplir ; il ne calculera jamais le nombre des ennemis que ses fonctions pénibles doivent lui attirer; en poursuivant les abus et les vols, les sang-sues de la fortune publique doivent le plaindre ; mais l’homme qui n’a rien à se reprocher écrasera, par la publicité de sa conduite, dont il ne cesse de demander l’examen, les vipères qui voudraient l’atteindre par leurs sifflemens vénimeux. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances, décrète : Article premier Tous les citoyens, autorités constituées ou agens qui, en vertu d’un ordre, mandat ou déh-bération émanée, soit des représentans du peuple, soit des administrations, municipalités, sections, comités civils ou révolutionnaires, armée ou association révolutionnaires, sociétés populaires, soit d’une autorité, corps ou association quelconque, ou qui, sans autorisation, mandat, ni ordre, ont perçu en dépôt, depuis le commencement de la Révolution, des sommes, effets ou marchandises provenant de recettes extraordinaires qui ont été établies sans une autorisation directe et spéciale de la loi, et qui (125) Rép., n° 78. sont connues sous le nom de taxes, contributions, emprunts, saisies, dépôts, confiscations, condamnations, souscriptions, dons volontaires ou forcés, collectes, offrandes, cautionnemens, dépouilles des églises, et sous toute autre dénomination, en fourniront le compte à l’agent national de district, d’ici au premier nivôse prochain, s’ils ne l’ont déjà fait. II Ces comptes seront divisés selon la nature des objets ; ils indiqueront les autorités ou les personnes qui ont ordonné la perception, les commissaires ou les agens qui en ont fait la répartition, les individus qui ont reçu, et les personnes imposées ou qui ont donné, ainsi que le montant des sommes et la désignation des effets et des marchandises. Toutes les sommes au-dessous de 50 liv. y seront portées en masse. III Le compte des dépouilles des églises indiquera l’autorité ou les personnes qui ont délibéré les dons ou envois, les citoyens qui ont fait les dépla-cemens et ont été chargés des envois, et ceux entre les mains de qui les effets sont restés. IV Les rendans-compte fourniront à l’agent national les états, procès-verbaux et pièces pouvant servir à étabbr les recettes et dépenses ; ils indiqueront les caisses nationales où les sommes ont été versées, l’objet des dépenses acquittées, les autorités ou les personnes qui les ont ordonnées ou autorisées, et les individus à qui les paie-mens ont été faits. V L’agent national soumettra au directoire de district les comptes et les pièces qu’il aura reçus, le directoire dressera ses observations sur la recette desdits comptes ; il visera toutes les pièces des dépenses qu’il jugera être légitimes ; il donnera son avis sur celles qu’il rejettera. VI L’agent national fera imprimer et afficher dans toutes les communes, le relevé desdits comptes, suivant les modèles qui lui ont été ou lui seront envoyés par la Trésorerie nationale: après la vérification du directoire de district, il les enverra à la Trésorerie nationale, et il fera toutes les diligences nécessaires pour que cet envoi soit fait avant le premier germinal prochain. VII L’agent national fera verser sans délai les reliquats desdits comptes en valeur métallique, assignats ou effets d’or et d’argent, à la caisse du SÉANCE DU 6 FRIMAIRE AN III (26 NOVEMBRE 1794) - N° 33 229 receveur du district, qui les transmettra à Paris à la Trésorerie ou à l’atelier monétaire. Quant aux autres effets, ils seront remis aux agens de l’enregistrement et des domaines, qui les feront vendre comme les autres effets nationaux, ou qui les feront remettre dans les magasins militaires, s’ils peuvent être utiles aux besoins de la République. VIII Les pièces et les dépenses visées par le directoire du district seront rendues aux agens comptables, qui les remettront comme comptant aux receveurs de districts, lesquels les enverront à la Trésorerie nationale. IX Les officiers municipaux des commîmes où il a été fait quelqu’une des perceptions mentionnées en l’article premier, et à Paris, des commissaires nommés ad hoc pour chaque section, prendront les informations pour former un relevé desdites perceptions; ils le certifieront et l’adresseront, d’ici au premier nivôse, au directoire de district ; ces relevés serviront de contrôle aux comptes qui seront fournis à l’agent national. X Tous les citoyens sont invités à fournir aux officiers municipaux, et à Paris aux commissaires qui seront nommés par les sections, tous les renseignemens qu’ils peuvent avoir sur lesdites perceptions : ils pourront les adresser aussi, par double, au directoire de district, et même au comité des Finances. XI Les individus qui seroient convaincus d’avoir gardé par devers eux, sans le déclarer et sans en rendre compte d’ici au premier pluviôse prochain, des sommes, effets ou marchandises provenant des recettes extraordinaires, seront poursuivis et punis de la peine portée par l’article VI, section VI du code pénal. XII Les réclamations qui pourroient s’élever sur des faussetés, omissions ou mauvais emplois, seront adressées à l’agent national du district, qui fera vérifier les faits, et en transmettra le résultat aux commissaires de la Trésorerie; elles pourront être adressées aussi par double au directoire de district, et encore au comité des Finances. XIII Le recouvrement des sommes non acquittées et des souscriptions qui ont eu lieu, à raison des taxes, contributions et emprunts qui ont été établis sans une autorisation directe et spéciale de la loi, ne pourra plus être continuée, à peine, contre ceux qui le continueront, d’être poursuivis comme concussionnaires. XIV Il sera pourvu, par un rôle supplémentaire et par des sous additionnels sur la contribution foncière, aux besoins que les commîmes ou sections pourroient avoir pour payer, en exécution du décret du 18 fructidor, l’excédent des secours ou indemnités qu’elles ont promis aux défenseurs de la patrie qui, ayant plus de vingt-cinq ans, servent actuellement sous les drapeaux de la République, en vertu d’un engagement volontaire, contracté avec lesdites communes ou sections. Les engagemens qui ont été contractés avec les citoyens qui étoient dans l’âge de la première réquisition, sont annullés à compter de la loi qui les a mis en réquisition (126). XV Les membres des anciens comités de salut public, confirmés par la loi du 4 juin 1793 ; ceux des comités qui ont été établis dans les chefs lieux de district, ou dans les communes dont la population s’élève à huit mille individus et au dessus ; ceux des comités qui ont été établis par un arrêté particulier des représentans du peuple, avec l’autorisation de recevoir une indemnité, sont les seuls qui auront droit aux trois liv. par jour accordées par la loi du 5 septembre 1793. Si l’indemnité promise par les représentans du peuple est fixée à un taux différent, elle sera payée conformément à leur arrêté. XVI Ces indemnités seront payées par les receveurs de district, sur les ordonnances des directoires, pour les journées que ceux qui y auront droit, justifieront avoir employées au service public depuis le 5 septembre 1793 ; à la charge par eux de justifier aussi qu’ils ont rendu les comptes exigés par l’article premier, qu’ils sont entièrement quittes et libérés envers la République, qu’ils ont remis toutes les pièces et papiers de leurs administrations, et qu’ils n’ont touché directement ou indirectement de la République aucuns traitemens, indemnités ou secours. XVII Les commissaires de la Trésorerie correspondront avec les agens nationaux et les directoires de district pour l’exécution du présent décret : ils rendront compte au comité des Finances de ceux qui s’y seront conformés et de ceux qui seroient en retard, le premier germinal prochain, afin que ce comité, réuni à celui de Législation, puisse appliquer aux agens qui seront en retard les peines prononcées par les lois contre les fonctionnaires négligens. (126) Rép., n° 79. P.-V., L, 360-367, à la date du 13 frimaire. 230 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE XVIII Les commissaires de la Trésorerie feront dresser, le premier germinal prochain, un état général des recettes, dépenses et versemens qui leur seront connus, et ils le feront distribuer aux membres de la Convention. XIX L’état général des recettes, dépenses et versemens connus jusqu’à ce jour, qui a été dressé par les commissaires de la Trésorerie, restera déposé au secrétariat du comité des Finances, afin que tous les membres de la Convention puissent en prendre communication ; ils sont invités à fournir audit comité tous les renseignemens qu’ils peuvent avoir sur cette partie importante de la comptabilité. XX Les agens nationaux rendront compte au comité des Finances des obstacles et des difficultés qu’ils rencontreront dans l’exécution du présent décret. Le comité des Finances statuera, par arrêté, sur les diverses réclamations auxquelles il pourra donner lieu (127). La séance est levée à quatre heures (128). Signé, CLAUZEL, président , J. S. ROVÈRE, MERLINO, DUVAL (de l’Aube), THIRION, BOUDIN, secrétaires. En vertu de la loi du 3 floréal, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, SOULIGNAC, DERAZEY, secrétaires (129). (127) Rép., n° 80. P.-V., L, 360-367 à la date du 13 frimaire. (128) P.-V., L, 132. Moniteur, XXII, 611 indique trois heures. (129) P.-V., L, 132. AFFAIRE NON MENTIONNÉE AU PROCÈS-VERBAL 34 [La commune de Vence, district de Grasse, département du Var à la Convention nationale, Vence, le 19 brumaire an III] (130) Citoyens représentants, Et nous aussi nous applaudissons aux vérités éternelles, aux principes sacrés, gravés dans notre cœur et retracés dans votre adresse. Tandis que nos armées se signaloient par des victoires et que l’ennemi du dehors fuyoit de toutes ses forces, des ambitieux qui vouloient nous asservir encore, préparoient au-dedans la contre-révolution. Victimes de la haine, de la calomnie et de l’arbitraire, on étoit incarcéré sans scavoir pourquoi. Malheureux, si l’on ne pouvoit parvenir à se faire entendre, plus malheureux encore si l’on étoit jugé. Il ne suffisoit pas d’être bon citoyen, la vie dépendoit d’un mot mal exprimé ou mal entendu. On étoit esclave sur la terre de la hberté et personne n’osoit ouvrir la bouche. La terreur avoit produit le découragement et le mécontentement étoit général. Mais tout a changé, citoyens représentants, depuis que vous avés frapé le monstre et vous avés rétabli le règne de la justice. Le nombre des mécontens diminue tous les jours. La confiance renait partout et les Républicains sont plus forts que jamais. Que le gouvernement soit révolutionnaire, que le glaive de la loi frape les têtes coupables, l’intérêt public le demande, c’est le vœu de toute la France et le notre en particulier. Mais au lieu de vaincre nos ennemis, nous en augmentons le nombre et nous redeviendrons esclaves si nous cessons d’être justes, et si nos mesures ne sont pas en même temps sages et vigoureuses. Dignes représentants, restés à votre poste pour consolider la Constitution. Toutes les nations vous contemplent et vous n’avés plus que quelques efforts à faire pour assurer le bonheur du monde. Vive la Concorde, vive la Convention, vive la République. A Vence, dans la Maison commune, le 19 brumaire an 3e républicain. Signé, Berry, Beringes, Martin, Troly, PLOUST, officiers municipaux. (130) C 328 (2), pl. 1456, p. 30.