[Convention nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *| 137 PLAN GÉNÉRAL D’INSTRUCTION PUBLIQUE SECTION PREMIÈRE. De l'enseignement en général. Art. 1er. L’enseignement est libre. Art. 2. Il sera fait publiquement. Art. 3. Les citoyens et citoyennes qui voudront user de la liberté d’enseigner, seront tenus : 1° De déclarer à la municipalité, ou à la section de la commune, qu’ils sont dans l’intention d’ouvrir une école; 2° De désigner l’espèce de science ou art qu’ils se proposent d’enseigner; 3° De produire un certificat de civisme et de bonnes mœurs, signé de la moitié des membres du conseil général de la commune, ou de la section du lieu de leur résidence, et par deux membres au moins du comité de surveillance de la section, ou du lieu de leur domicile, ou du lieu qui en est le plus voisin. Art. 4. Les citoyens et citoyennes qui se vouent à l’instruction ou à l’enseignement de quelque art ou science que ce soit, seront désignés sous le nom d’instituteur ou d’institutrice. SECTION II. De la surveillance de l'enseignement. Art. 1er. Les instituteurs et institutrices sont sous la surveillance immédiate de la municipalité ou section, des pères, mères, tuteurs et curateurs, et sous la surveillance générale de tous les ci¬ toyens. Art. 2. Tout instituteur ou institutrice qui enseigne¬ rait, dans son école, des préceptes ou maximes contraires aux lois et à la morale républicaine, sera dénoncé par la Surveillance, et puni selon la gravité du délit. Art. 3. Tout instituteur ou institutrice qui outrage les mœurs publiques, est dénoncé par la Sur¬ veillance, et traduit devant la police correction¬ nelle ou tout autre tribunal compétent, pour y être jugé suivant la loi. SECTION III. Du premier degré d'instruction. Art. 1er. La Convention nationale charge son comité d’instruction de lui présenter les livres élémen¬ taires des connaissances absolument nécessaires pour former les citoyens, et déclare que les pre¬ miers de ces livres sont les droits de l’homme, la Constitution, le tableau des actions héroïques ou vertueuses. Art. 2. Les citoyens et citoyennes qui se borneront à enseigner à lire, à écrire, et les premières règles de l’arithmétique, seront tenus de se conformer dans leurs enseignements, aux livres élémen¬ taires, adoptés et publiés à cet effet par la Re¬ présentation nationale. Art. 3. Ils seront salariés par la République, à raison du nombre des élèves qui fréquenteront leurs écoles, et conformément au tarif compris dans l’article suivant. Art. 4. Les instituteurs et institutrices du premier degré d’instruction, qui ouvriront des écoles dans les communes d’une population de 300 à 3,000 âmes, recevront annuellement de la République, pour chaque enfant ou élève : sa¬ voir, l’instituteur, la somme de 10 livres; l’ins¬ titutrice, celle de huit par chaque élève. 300 à 3,000. . ..10... .. 8 3,000 à 6,000. . ..12... .. 9 6,000 à 18,000. . . .14. . . .11 18,000 à 36,000. . . .16. . . .12 36,000 à 72,000. . . .18. . . .14 72,000 à 214,000. . . .20. . . .16 Art. 5. Il sera ouvert dans chaque municipalité ou section, un registre pour l’inscription des noms des instituteurs et institutrices du premier degré d’instruction, et des enfants ou pupilles qui leur seront confiés par les pères, mères, tu¬ teurs ou curateurs. Art. 6. Les pères, mères, tuteurs ou curateurs pour¬ ront, à leur choix, envoyer leurs enfants ou pupilles aux écoles du premier degré d’instruc¬ tion, en observant ce qui suit : Art. 7. Ils seront tenus de déclarer à leur municipalité ou section : 1° Les noms et prénoms des enfants ou pu¬ pilles qu’ils sont dans l’intention d’envoyer aux dites écoles; 2° Les noms, prénoms des instituteurs ou institutrices dont ils font choix. Art. 8. Ceux des dits pères, mères, tuteurs ou cura¬ teurs, qui n’auraient pas rempli les conditions ci-dessus, seront tenus de payer l’instituteur ou l’institutrice, en conformité du tarif et à raison du nombre d’enfants ou pupilles qu’ils leur auraient confiés. 138 (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « frimaire an U 1 l - j > » décembre 170: Art. 9. Les enfants ne pourront être installés dans les éooles qu’à l’âge de six ans accomplis, et le premier jour de chaque mois. Art. 10. Les instituteurs ou institutrices du premier degré d’instruction tiendront registre des noms, prénoms des enfants et du mois où ils auront été installés dans leurs écoles. Art. 11. Ils seront payés par trimestre; et, à cet effet, ils sont tenus de produire à la municipalité, ou à la section, un relevé de leurs registres, fait mois par mois, portant les noms et prénoms des enfants qui auront assisté à leurs leçons pendant chaque mois. Ce relevé sera confronté avec le registre de la municipalité ou de la section. La confrontation faite, il leur sera délivré un man¬ dat. Art. 12. Ce mandat contiendra le nombre des enfants qui, pendant chaque mois, auront suivi l’école de l’instituteur ou de l’institutrice, et la somme qui lui sera due. Il sera signé du maire et de deux officiers municipaux ou de deux membres du conseil général de la commune, ou par le pré¬ sident de la section, et de deux membres du conseil de ladite section, et par le secrétaire. Art. 13. Les mandats seront payés à vue par les percepteurs de la contribution foncière ou mobi¬ lière de la commune ou de la section, et seront passés en compte aux dits percepteurs par les receveurs de district. Art. 14. Les jeunes gens qui, au sortir des écoles du premier degré d’instruction, ne s’occuperont pas du travail de la terre, seront tenus d’ap¬ prendre une science, art ou métier utile à la Société. Art. 15. Ceux desdits jeunes gens qui, à l’âge de 20 ans accomplis, ne se seront pas conformés aux dis¬ positions de l’article ci-dessus, seront privés pour le reste de leurs jours de l’exercice du plus beau de tous les droits, celui de citoyen. SECTION IV. Du dernier degré (V instruction. Art. 1er. La réunion des citoyens en Sociétés populaires, les théâtres, les jeux civiques, les évolutions militaires, les fêtes nationales et locales, font partie du second degré d’instruction publique. Art. 2. Pour faciliter la réunion des Sociétés popu¬ laires, la célébration des fêtes nationales et locales, des jeux civiques, des évolutions mili¬ taires, et la représentation des pièces patrio¬ tiques, la Convention déclare que les églises et maisons ci-devant curiales, actuellement aban¬ données, appartiennent aux communes. Art. 3. Elle charge son comité d’instruction de faire choix des livres élémentaires existants des di¬ verses sciences qui doivent concourir à la per¬ fection de l’instruction publique, et d’accélérer la composition de ceux qui nous manquent. Enseignement des sciençes utiles à lu société. Art. 1er. Il y aura des officiers de santé dans chaque hospice ou maison de bienfaisane de la Répu¬ blique. Art. 2. Leur nombre sera proportionné à celui des malades qui sont annuellement traités dans chacune de ces maisons. Art. 3. Les officiers de santé auprès d’une maison de bienfaisance, sont tenus de donner des leçons publiques de médecine, de chirurgie, de bota¬ nique, de chimie, d’accouchements. Art. 4. Il sera établi des instituteurs de génie, d’ar¬ tillerie, sape et mine, dans les quatre places de la République ci-après; savoir ; A Lille, deux instituteurs d’artillerie, sape et mine. A Valenciennes, deux de génie. A Perpignan, deux d’artillerie, sape et mine. A Bayonne, deux de génie. Art. 5. Ces instituteurs militaires enseigneront pu¬ bliquement les sciences nécessaires, à former des ingénieurs, artilleurs, sapeurs et mineurs, d’après les livres élémentaires qui leur seront délivrés à cet effet. Art. 6. La partie du génie relative aux ponts et chaussées, ne sera enseignée qu’à Paris : trois instituteurs seront charges de cet enseignement. Art. 7. Quatre observatoires seront établis dans la République. Le premier à Paris : quatre astronomes y seront attachés. Le deuxième, à Strasbourg. Le troisième, à Brest. Le quatrième, à Marseille. Deux astronomes seront attachés à chacun de ces trois observatoires. Art. 8. Les astronomes de la République sont tenus de former des élèves pour les observatoires asitro- [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Jéeembr/lÆ 139 nordiques et météorologiques, pour les calculs de la connaissance des temps, et autres ouvrages tendants à perfectionner la navigation. Art. 9. Il y aura un hydrographe dans chaque port de la République ; il y enseignera publiquement les sciences nécessaires aux marins. Art. 10. Les différents instituteurs ci-dessus désignés pour remplir le dernier degré d’instruction, se¬ ront salariés par la République. Art. 11. L’enseignement libre des sciences et arts non désignés par le présent décret, n’est pas aux frais de la République. Art. 12. Néanmoins, les jeunes gens qui auraient des dispositions bien prononcées pour quelque art ou science dont l’enseignement n’est pas salarié, pourront, sur l’attestation de l’instituteur qui leur aura donné les premiers éléments desdits arts et sciences, et sur celle du conseil général de la commune ou section, obtenir, dans les cas seulement où ils appartiendront à des pa¬ rents hors d’état de fournir au développement de leurs heureuses dispositions, un secours an¬ nuel d’encouragement pendant un nombre d’années déterminé. SECTION V. Moyens généraux d’instruction. Art. 1er. Il sera formé dans chaque chef -lieu des com¬ munes les plus populeuses de la République, une bibliothèque, un muséum, un cabinet d’histoire naturelle, un cabinet d’instruments de physique expérimentale; et, auprès de chaque hospice, un jardin pour la culture des plantes usuelles. Art. 2. Ces établissements serout ouverts au public deux fois par décade. Art. 3. Les citoyens qui cultivent quelque art ou science relatifs à ces établissements, y seront admis chaque jour, en présentant leur carte civique. Art. 4. Les citoyens qui désireraient ouvrir des cours de physique expérimentale ou d’histoire natu¬ relle, et qui n’auraient pas les moyens de se pro¬ curer les objets et instruments nécessaires à cet effet, pourront, sous leur responsabilité et du consentement de la municipalité et du conseil général de la commune, donner leurs leçons dans les cabinets nationaux. Art. 5. Ces établissements nationaux sont sous la surveillance immédiate des municipalités. Art. 6. Il sera établi dans chacun d’eux un surveil¬ lant particulier, aux frais delà République. Aperçu général des dépenses annuelles, néces¬ saires pour l’exécution du plan proposé. Premier degré d’instruction .... 26,000,000 Dernier degré d’instruction. .... 2,000,000 Moyens généraux d’instruction . . 2,000,000 Total ............ 30,000,000 III. Chant populaire pour la fête de la Raison par S. -B. -J. Noël, mis en musique par Boyeldieu fils (1). ( Suit le texte de ee chant, cl’après le Bulletin de la Convention (2). CHŒUR Nation libre, peuple franc, Vois de la liberté triompher le génie; Forge de tes fers teints de sang, Que l’acier des combats frappe la tyrannie. voix seule, La liberté sourit aux menaces du sort, Et s’armant d’une pique aux jours de ses batailles. CHÇEUR L’épouvante au teint pâle et l’inflexible mort Semant devant ses pas de longues funérailles. GRAND CHŒUR. Le bronze vomit le trépas; Le vil sang des hordes d’esclaves Rougit le fer de nos soldats, Courage, amis, peuple de bravés Tout à la fois franc et romain, Emule des héros du Tibre, Si tu dois vaincre, sois humain; Mais s’il te faut mourir, meurs libre, CHŒUR. Du triomphe déjà n’entends-je point les chants? L’injuste pouvoir tremble, il se trouble et chancelle. Il voit des légions de ses guerriers mourants Descendre à flots pressés dans la nuit éternelle. Nation libre, etc., Ceinte de lauriers teints de sang, Jouis de tes succès, liberté ! tu l’emportes, Salut mille fois, peuple franc, Le despotisme a vu succomber ses cohortes, Enfants de la victoire, à des concerts plus doux, Faites servir le clairon de la guerre. Offrez une fête à la terre. Les préjugés vaincus tombent à vos genoux. (1) Ce chant n’est pas mentionné au procès-ver¬ bal de la séance du 18 frimaire; mais il est inséré en entier dans le Bulletin de cette séance. (2) Supplément au Bulletin de la Convention natio¬ nale du 8e jour de la 2e décade du 3e mois de l’an II (dimanche 8 décembre 1793).